République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 avril 2013 à 15h30
57e législature - 4e année - 7e session - 42e séance
P 1840-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous passons maintenant au point 157. Le rapport est de M. le premier vice-président Antoine Droin, à qui je passe la parole.
M. Antoine Droin (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je voudrais d'abord faire part de deux constats: le premier est que l'on doit avoir le respect du droit à la tranquillité publique, cela me semble évident, or on sait que ces derniers temps la tranquillité publique près des établissements a été fortement chahutée; le deuxième est le besoin des établissements publics comme lieux de détente et de rencontres. Il y a donc parfois une incompatibilité entre ces deux points de vue.
Il faut mentionner un fait nouveau par rapport au moment où l'on a étudié ces deux pétitions en commission: au Bar de la Plage, j'ai encore vérifié ce matin, la terrasse à l'arrière qui a fait tant de bruit est de nouveau installée, malgré les engagements qui avaient été pris, et il faut aussi signaler, concernant le Café de la Paix, que le propriétaire de l'établissement a mis la clé sous le paillasson. Il s'agit de deux éléments qui ont changé par rapport au moment où l'on en a discuté à la commission des pétitions.
Je vous rappelle également sept points qui me semblent importants, ressortis de nos débats: le premier est qu'un établissement peut être une source de nuisances et que ce sont quelques personnes qui engendrent des nuisances pour beaucoup d'autres - quelques centaines d'autres suivant les cas. Deuxièmement, le bruit est aussi accompagné de bien d'autres nuisances, telles que les déprédations, les déchets, la gestion de ces déchets, de l'urine sur les trottoirs, des vomissures et Dieu sait quoi, le bruit des véhicules à la sortie, des attroupements... Il n'est donc pas seulement question du bruit au moment où les gens consomment sur une terrasse.
Le troisième point concerne la gestion administrative et le constat du non-respect des règles qui sont établies. Le quatrième point a trait à la diversité des intervenants dans la chaîne: on a relevé qu'il y avait parfois six intervenants différents en ce qui concerne les autorisations pour qu'un établissement puisse fonctionner, soit le DCTI, le SPBR pour le bruit, le SEN, l'OCIRT, le SCom ou encore le DIP, ce qui fait quand même un nombre incroyable d'autorisations ou de gens à consulter.
Le cinquième point se rapporte à la dérogation pour l'ouverture prolongée des établissements: on sait que la règle, c'est minuit, mais on a constaté que plus de 50% des établissements ouvrent plus tard, ce qui fait que cette dérogation devient la règle. C'est donc un peu problématique.
Lors de l'audition de la Ville de Genève, il a été fortement remarqué par M. Pizzoferrato que, sur les 850 établissements ayant déposé une demande de dérogation pour le prolongement des horaires de terrasse à la Ville de Genève, il y a eu quand même 850 autorisations délivrées. On a donc 100% d'autorisations, ce qui est un peu problématique concernant quelque chose qui devrait être non pas la règle, mais l'exception.
Le sixième point que l'on a relevé concerne l'application de l'article 6, alinéa 1, de la LRDBH relatif à la tranquillité - celui qui fait référence aujourd'hui et qui n'a jamais été appliqué. On pourrait aussi imaginer de faire valoir cet article de temps en temps pour remettre un peu de calme quand il y en a besoin.
Enfin, le dernier point a trait à l'évaluation d'un possible retour à une idée qui avait été fortement controversée, voire peut-être illégale, qui concerne la clause du besoin. On se disait qu'en revenant à cet article 6, alinéa 1, sur la tranquillité, on pourrait aussi contourner l'idée de la clause du besoin et laisser les gens ouvrir des établissements, exercer de la concurrence, tout en respectant la tranquillité des voisins et du voisinage.
Voilà ce qu'il en est des discussions à propos de ces deux pétitions. Je vous renvoie donc aux conclusions de la commission, unanime, qui propose de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la députée Christina Meissner. Je vous rappelle qu'on est en extraits. (Commentaires.)
Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président, mais vous conviendrez qu'il est assez normal que nous ayons envie de prendre la parole, parce que d'une certaine façon ce quartier est sinistré; les nuisances sont multiples: on a parlé hier des voitures, aujourd'hui on parle du bruit et des nuisances sonores provoquées par les établissements.
Au regard du nombre de pétitions qui ont été déposées et qui circulent encore dans ce quartier, le moindre des respects de notre part est d'y consacrer un petit moment pour dire aux gens: «Oui, nous vous avons entendus et nous-mêmes attendons aussi des réponses du Conseil d'Etat.» Cela non seulement sur ce qu'il a déjà fait, mais sur ce qu'il entend faire, et rapidement, parce que d'un côté on pose du revêtement phonoabsorbant pour diminuer le bruit des voitures et on a jusqu'en 2018 pour assainir nos routes, mais peut-être qu'il faudrait d'un autre côté que la Confédération nous mette aussi une limite jusqu'en 2018 pour assainir le bruit tout court, qui a d'autres origines que le bruit des voitures.
Il est donc évident que nous soutiendrons le renvoi au Conseil d'Etat, et nous attendons qu'il réponde.
M. Jean Romain (R). Chers collègues, il y a eu évidemment à la suite de cette avalanche de pétitions une réaction forte du département: vous vous rappelez que 28 bars ont été fermés. Ils ont été fermés brutalement, de manière volontariste, et puis ces bars ont progressivement réouvert. M. Droin nous dit qu'effectivement la terrasse est de nouveau en fonction; avec la chaleur qui vient, eh bien cela va se passer comme cela a été le cas il y a quelque temps: nous allons de nouveau faire des mécontents, nous allons de nouveau empêcher les gens de pouvoir dormir et les pétitions vont pleuvoir chez nous.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi il n'y a pas eu, au lieu de faire «ouvert-fermé», une progressivité de la sanction, c'est-à-dire qu'on ne ferme pas tout de suite mais qu'on monte, pour tous ceux qui étaient en infraction avec la loi, progressivement la sanction jusqu'à fermer l'établissement, de façon que cette progressivité puisse faire prendre conscience aussi que quelque chose va se passer.
Mais les établissements ont fermé de manière brutale et les voilà ouverts de manière tout aussi brutale ! En définitive, peut-être que la leçon n'a pas été entendue. Est-ce qu'il aurait été possible d'aller un peu plus lentement, en perdant un peu en rapidité, mais en gagnant en efficacité ?
M. Pascal Spuhler (MCG). Effectivement, je pense que les nuisances nocturnes dues aux différents cafés, bars et restaurants sont un problème. On l'a vu à travers les décisions du SCom, qui ont fait les gorges chaudes de la république ces derniers mois, et évidemment que les décisions quelque peu abruptes ont un peu choqué la population.
M. Jean Romain nous disait qu'il faut prendre des mesures peut-être avec des échelons différents: une première mesure plus douce, puis on serre la vis gentiment. Mais ces mesures existent au sein du SCom ! Il peut prendre ces mesures d'avertissement, de première fermeture provisoire, etc.
Il y a donc d'un côté ceux qui travaillent mal et qui manquent de respect pour leur voisinage et de l'autre côté tous ceux qui sont victimes du mauvais travail et de la mauvaise gestion des établissements publics. Puis il y a également ceux qui manquent de respect tout simplement ! Ce sont tous les clients qui, parce qu'ils sont sur une terrasse, parce qu'ils sont dehors, croient qu'ils peuvent crier, hurler, fêter librement sans respecter le voisinage: c'est là le problème.
Le problème, également sur le boulevard Carl-Vogt, provient de la proximité d'un certain nombre d'établissements, mais ce n'est pas que cela ! Les pétitionnaires notamment nous ont bien dit qu'ils ont subi de multiples nuisances: les travaux ! Les travaux de la Maison de la Radio, les travaux du musée d'ethnographie, les travaux de réfection de la rue... Et maintenant ils en subissent d'autres, avec la fermeture du pont Wilsdorf et le double sens unique de la rue de l'Ecole-de-Médecine: ce sont des nuisances supplémentaires puisqu'il y a des bouchons presque 24h/24.
Au final tout se reporte là-bas et il est normal que nous recevions des pétitions. Il est donc vraiment nécessaire maintenant que le Conseil d'Etat se prenne par la main et prenne des décisions. Je rappellerai quand même qu'au niveau de la Ville de Genève, par exemple, des mesures ont été prises pour augmenter les horaires des APM, puisqu'avant ils terminaient à minuit et qu'évidemment il était alors difficile d'effectuer des contrôles de fermeture, étant donné que les établissements ferment à 2 heures du matin !
Il y a également une initiative de la Ville de Genève pour une grande traversée nocturne. Je crois que le Grand Conseil est invité à y participer; je ne peux que vous enjoindre de prendre part à cette traversée pour connaître la ville et notre canton la nuit, parce qu'il n'est pas question que des cafés, il s'agit d'une problématique générale à connaître et il n'est pas si simple de relier tout cela et de faire une sauce qui fonctionne pour tout le monde.
Effectivement, il y a beaucoup de problèmes autour de la nuit: les gens qui travaillent de bonne heure veulent pouvoir dormir, d'autres veulent pouvoir faire la fête en toute quiétude. Je crois donc qu'il y a vraiment un gros problème à résoudre.
M. Bertrand Buchs (PDC). Je voudrais juste dire deux mots pour indiquer que je suis d'une commune qui a connu ces problèmes de nuisances nocturnes et de bruit, et depuis même deux cent cinquante ans, je dirais !
J'ai vécu à la place du Marché où tous les vendredis et samedis soir il y avait du bruit: je n'en suis pas mort. Je pense qu'on peut trouver des solutions et les solutions existent au niveau des communes. Je crois qu'il ne faut pas impliquer de façon exagérée l'Etat.
Les communes doivent trouver des solutions. Elles peuvent en trouver. Carouge en a trouvé par discussion, conciliation, mais aussi sanction quand il faut sanctionner ceux qui exagèrent, et surtout en impliquant les APM, en impliquant la police municipale qui est chargée de contrôler le bruit. Il y a un numéro de téléphone, les gens peuvent appeler n'importe quand. On a maintenant une présence quasiment jour et nuit - en tout cas en fin de semaine - des APM qui sont là pour ça ! Cela permet de calmer les choses, de ne pas surcharger la police cantonale et actuellement, même s'il y a beaucoup de monde le soir à Carouge - et tant mieux ! - cela se passe très bien.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Comme vient de le dire mon préopinant, il s'agit de ne pas surcharger la police cantonale, et je voulais vous rappeler que nous avons accepté, lors de notre dernière session sauf erreur, de renvoyer à la commission judiciaire une motion qui demande la création d'un guichet unique permettant aux gens d'appeler lors d'un problème d'incivilité ou de bruit, afin qu'ils soient mis ensuite en relation avec qui de droit; il peut s'agir d'APM, des médiateurs de nuit, etc., peu importe.
J'invite donc vivement la commission judiciaire à traiter rapidement cet objet qui est l'un des moyens de coordonner ce qui existe actuellement et donc l'un des moyens permettant de répondre aux besoins des pétitionnaires.
M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts souscrit aux propos des autres groupes concernant la problématique du bruit. Effectivement, il souhaite une série de réponses.
Le Conseil d'Etat a déjà apporté un certain nombre de réponses: elles n'ont pas été fortement appréciées, toutefois il s'agit déjà d'une réponse et on peut l'en remercier. Les Verts souhaitent que le Conseil d'Etat continue d'apporter des solutions concrètes, en partenariat avec les instances et collectivités publiques, afin que le bruit cesse d'être la nuisance numéro un en ville.
Ne nous méprenons pas, il restera toujours quelques nuisances autour de cette activité et cela est bien normal, car il s'agit d'une activité humaine ! Et je dirai pour conclure: les Verts aiment bien les verres, mais avec modération !
Le président. Merci, Monsieur le député. Tout le monde aura compris ! La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref, parce que le problème est bien identifié. Vous avez renvoyé d'innombrables motions ou pétitions concernant ce problème délicat et tous les partis, au début de cette semaine, ont reçu une réécriture complète de la fameuse LRDBH, fusionnée d'ailleurs avec la bien nommée LSD, puisqu'il s'agit de la loi sur les divertissements. Je vous encourage à nourrir cette consultation de vos préoccupations et de vos discussions de manière que nous puissions faire aboutir cette loi le plus rapidement possible.
J'ajouterai deux mots peut-être pour dire que, oui, cela a été brutal, parce que les fermetures étaient un peu nombreuses, mais chacune de ces échoppes avait déjà été prévenue, des discussions avaient eu lieu, il y a eu des rapports de police. Ce n'est pas tombé comme ça, sans que personne ne leur ait jamais parlé !
En revanche, ce que vous soulevez et qui est un élément clé de la révision de la loi, c'est la coordination entre les services. Je rejoins d'ailleurs une autre préoccupation dont vous avez fait état tout à l'heure qui est la simplification: il faut qu'il n'y ait qu'un guichet où on demande, un guichet où on réponde. Mais derrière ce guichet, il y a le service qui est le plus petit de tous les acteurs, le service du commerce: huit inspecteurs pour 3000 hôtels, restaurants, débits de boissons, pour 1000 taxis et pour tous les commerces où ils doivent vérifier que les prix sont affichés. Huit inspecteurs ! On ne pourra pas demander à ce service de tout faire ! Il pourra coordonner les choses, mais il y a deux éléments fondamentaux qui importent. Premièrement, que les contrôles soient effectués, et ils ne pourront l'être que par différents acteurs: dans les cas les plus graves, la police; le plus souvent, les APM, aux heures de fermeture, pour être sûr que la fermeture se passe bien. Deuxièmement, les gens pour lesquels on a réaccordé la prolongation - 20 sur 22 prolongations d'une année - se sont engagés par écrit à prendre des mesures ! Ils seront jugés sur le fait d'avoir tenu des engagements écrits et signés ! On n'a pas juste redonné ça comme ça. A deux établissements qui se montraient un peu moins coopérants, nous n'avons donné la prolongation d'horaire que pour trois mois, ce que la loi autorise. Ils ont fait recours, ils sont devant le tribunal et mes collaborateurs qui ont dû aller témoigner ont été un peu surpris d'entendre la justice dire qu'au fond il fallait être un peu plus tolérant avec ces histoires de bruit.
Mesdames et Messieurs les députés, dans la LRDBH, il y aura aussi des sanctions plus claires, plus fermes et plus élevées qui doivent permettre de restituer à chacun son rôle. Encore une fois, on coordonnera davantage, on fera une porte d'entrée unique. Il faudra que la coordination s'exerce dans l'octroi des autorisations, mais également dans les contrôles.
Enfin, il y a aussi une chose que je n'aimerais pas oublier: il est vrai que le bruit pose un problème, mais il y a un autre problème à l'intérieur de ces boîtes, c'est une surveillance que nous devrons exercer très fermement sur les conditions de travail du personnel. Il s'agit d'horaires élargis et il s'agit souvent ou en tout cas parfois de gens qui ont des difficultés à honorer les cotisations sociales des parts AVS et AI, le cas échéant, ainsi que les règles générales de la loi sur le travail. Au sujet de tout cela, nous sommes fermement engagés à trouver des solutions.
Répondez s'il vous plaît le plus vite possible, comme les quarante autres institutions que les partis politiques concernées par la consultation: nous sommes avides de ces réponses pour pouvoir vous présenter au plus tard au début de l'automne, si possible à la fin de l'été, le projet de loi, qui ne sera pas en lui-même un miracle, mais qui cadrera mieux et qui simplifiera. Monsieur Romain, vous verrez que les quinze types d'établissements actuellement nommés dans la LRDBH vont fondre au nombre de quatre. Quand on sert à manger, on est au restaurant ! Il n'y a pas besoin d'imaginer que si on mange tiède, c'est telle catégorie, et que si on mange froid, c'est telle autre, etc.
Tout étant plus clair, en règle générale, les choses s'apaisent. C'est en tout cas notre souhait et l'énergie que nous mettrons au service du triple impératif consistant à permettre une activité économique, à respecter les travailleurs employés dans ces établissements et à respecter les voisins et les dormeurs pendant que d'autres - c'est peut-être la quatrième catégorie de bénéficiaires - ont le droit de se divertir. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter séparément le renvoi de ces pétitions au Conseil d'Etat, en commençant par la P 1840.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1840 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 62 oui (unanimité des votants).
Le président. Je vous fais à présent voter le renvoi de la P 1841 au Conseil d'Etat.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1841 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 59 oui (unanimité des votants).