République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2013 à 14h
57e législature - 4e année - 6e session - 37e séance
M 2109
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Emery-Torracinta, première signataire.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, peut-être que le titre de cette motion vous a intrigués, mais certainement ce qui ne vous a pas intrigué par contre est le problème qui s'est posé récemment à propos de la rue de l'Ecole-de-Médecine, c'est-à-dire la question du bruit dans notre canton. Cette motion qui date du mois de septembre fait allusion à un sujet que j'ai déjà eu l'occasion de discuter il y a quelques mois, à savoir la problématique des nuisances sonores et de manière plus générale des conflits de voisinage, des incivilités et, au fond, du vivre-ensemble dans notre société.
Quand on parle de ces problématiques, on s'aperçoit, notamment à propos du bruit, que très souvent les personnes concernées sont découragées, parce qu'elles passent de service en service, elles essaient de téléphoner à la police et rien ne se passe, rien n'avance et ces personnes ne savent plus quoi faire.
J'ai notamment été très frappée par une pétition que notre parlement a traitée et dans laquelle les habitants - cela figure dans le rapport effectué par le Grand Conseil - disaient... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... qu'ils perdent patience, sont renvoyés de service en service lorsqu'ils s'adressent au canton. Ils n'ont plus foi dans le système et il est question de milice et d'avocats.
Mesdames et Messieurs les députés, cela peut parfois mener au drame. Vous vous rappellerez qu'il y a un peu plus d'une année, tout près d'ici, un retraité avait sorti au milieu de la nuit son pistolet et avait tiré sur des fêtards dans la rue. Le problème est que très souvent on appelle la police, mais malheureusement la police a d'autres chats à fouetter et si bien évidemment elle répond de temps à autres aux besoins, je crois - et vous serez certainement toutes et tous d'accord avec moi - qu'il est plus important que notre police cantonale s'occupe des multirécidivistes plutôt que des questions de rapports de voisinage.
Que faire ? Une des propositions et des solutions est de s'inspirer de ce que la ville de Toulouse a mis au point avec beaucoup de succès en 2009. De quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une ligne téléphonique ouverte 24h/24h et gratuite, à laquelle les personnes peuvent téléphoner en cas de problème de bruit, d'incivilités ou autres. On s'assure ainsi que les dysfonctionnements remontent et soient traités.
Ils peuvent en effet être traités de différentes manières: s'il s'agit d'un problème grave, on va appeler la police. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Mais s'il s'agit - comme dans ce parlement parfois - d'une question de bruit et de rapports entre voisins, c'est peut-être une médiation qui doit être mise en place. Si ce problème met aux prises par exemple un restaurateur ou une boîte de nuit avec des habitants, ce sont les restaurateurs, les habitants, les voisins, les associations de quartier, etc. qu'il faut mettre en lien.
Le rôle de cet office à Toulouse est simplement d'être un liant et de permettre aux uns et aux autres de se rencontrer, de discuter et de régler les problèmes. La ville de Toulouse a été très surprise du succès - je dirais presque «malheureusement» - du succès de cet office, puisque, en moyenne, si on compte uniquement les téléphones qui concernent le vivre-ensemble, la ville reçoit environ 110 appels téléphoniques par jour en lien avec ces problématiques.
Chers collègues, je ne souhaite pas que l'on crée une usine à gaz de plus à Genève. Le but est de vous proposer le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire, parce que cette commission traite actuellement de la problématique des assistants de police municipale, et cette question du bruit, des incivilités et du vivre-ensemble doit se traiter en collaboration avec les communes et non simplement au niveau cantonal.
L'idée serait simplement de mettre tout le monde autour de la table, de trouver une solution et je terminerai en vous disant que la solution de la ligne téléphonique c'est aussi celle que la commission externe d'évaluation des politiques publiques a proposée il y a quelques semaines, en soulevant cette idée de la création d'une hotline pour Genève et c'est exactement ce que je propose.
Je vous invite donc à soutenir le renvoi en commission et j'irai volontiers à la commission judiciaire et de la police donner plus d'explications sur ce qui se passe à Toulouse, si vous le souhaitez.
Présidence de M. Gabriel Barrillier, président
Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez donc utilisé une bonne partie du temps de votre groupe. J'ai pris note que vous proposiez la commission judiciaire et de la police. La parole est à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le groupe démocrate-chrétien va aussi demander le renvoi en commission, mais plutôt à la commission des affaires communales, régionales et internationales, parce que la commission de gestion avait saisi la commission d'évaluation des politiques publiques et celle-ci a rendu dernièrement un rapport très intéressant sur le bruit et je crois qu'il faut vraiment avoir à l'esprit que c'est une pollution extrêmement importante. Actuellement on a beaucoup de soucis et de problèmes au niveau des communes avec le problème du bruit et il faut en discuter avec les communes pour savoir ce que l'on doit faire.
Quelques communes ont déjà mis en place des systèmes de lignes téléphoniques: la commune de Carouge a une ligne directe avec la police municipale qu'on peut appeler pour tout problème de bruit et qui répond quasiment 24h/24h. On peut donc s'inspirer sans «devoir» et là le parti démocrate-chrétien va faire extrêmement attention: nous ne sommes pas d'accord de créer ex nihilo un nouvel office ou un nouveau service sur le bruit. Nous ne sommes pas d'accord, parce que nous avons des problèmes de budget et je pense qu'avec un peu de bon sens on peut arriver à se coordonner.
Nous sommes d'accord d'en discuter pour la coordination, mais absolument pas pour la création d'un office.
M. Pascal Spuhler (MCG). Le MCG a accueilli favorablement cette motion qui est tout à fait intéressante puisque, effectivement comme l'a dit Mme Torracinta, nous sommes régulièrement sollicités depuis maintenant deux ans à travers des pétitions contre le bruit, contre les nuisances nocturnes et vous savez comme moi les événements assez fâcheux que Mme Torracinta a relatés, notamment l'événement en vieille-ville du coup de fusil sur des jeunes qui sortaient d'une discothèque.
Evidemment, le bruit est une nuisance violente pour les gens qui travaillent de jour et qui aimeraient pouvoir se réveiller en pleine forme le matin. Cela donne évidemment des désagréments pour la vie en général, mais cela provoque aussi des incidents qui peuvent être graves, comme je viens de le dire.
Je pense que c'est important. Je voudrais juste corriger les propos de Mme Anne Emery-Torracinta qui évoquait environ 110 appels: j'ai eu la curiosité d'aller sur le site de l'office de la tranquillité et ils annoncent jusqu'à 500, voire 900 appels par jour actuellement !
Mais il est vrai que cela concerne des informations générales et des appels qui concernent le bruit, mais aussi des véhicules qui pourraient gêner la circulation ou mal stationnés, cela touche également des troubles à l'ordre public, cela touche aux animaux errants ou des nids de guêpes ou de frelons, ainsi que des problèmes de propreté, de salubrité de la voie publique.
Cela n'est donc pas inintéressant. Finalement, sans vouloir créer une usine à gaz ou un nouveau département pour gérer la problématique, il peut être intéressant de mettre en place cette ligne téléphonique, qui ne doit pas être une «main tendue» je vous rassure et surtout pas un office de la délation, parce que là n'est pas l'intérêt. C'est vraiment pour pouvoir instaurer une interface entre la population et la centrale de police qui doit parfois gérer des appels, des petites réclamations entre voisins, etc. Cela concerne aussi le service des pompiers, le 118, qui doit gérer des appels qui ne leur sont pas du tout destinés, voire régler les problèmes de chats sur un arbre.
Je pense que ce système de ligne téléphonique pourrait répondre à une pléthore de questions que la population importunée par les incivilités, les nuisances nocturnes, les problématiques de circulation et autres peut se poser et qui pourraient être résolues par cet office en le gérant bien.
Nous allons donc appuyer la demande de renvoi à la commission judiciaire et de la police, afin de pouvoir travailler correctement sur cette solution, et je pense vraiment que c'est un premier pas de solution pour combattre les nuisances nocturnes.
M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical a lu avec intérêt cette proposition de motion, mais est nettement plus dubitatif quant à la réponse à lui donner. Nous sommes dubitatifs, parce que cette proposition de motion souffre d'un défaut rédhibitoire qui est assez habituel avec nos collègues socialistes, c'est qu'il n'y a aucun chiffrage.
Je suis heureux d'entendre Mme Torracinta quand elle dit ne pas vouloir créer une usine à gaz, mais je vous rends attentifs au fait que si vous voulez une ligne téléphonique ouverte sept jours sur sept, 24h/24h... Et je remercie mon préopinant M. Spuhler de nous avoir apporté la précision qu'à Toulouse, agglomération de taille relativement semblable à Genève, il y a jusqu'à 500 appels par jour, cela signifie un minimum de 10 à 12 postes !
Votre office de la tranquillité c'est un million, un million et demi au bas mot ! Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a des difficultés budgétaires à Genève: est-ce vraiment raisonnable ? Est-ce que c'est la réponse à apporter à un problème de vivre-ensemble ? Même si nous partageons les constats de votre exposé des motifs, mais est-ce vraiment la solution de créer un office de la tranquillité ?
Il y a d'autres solutions à l'étude, comme celle de mieux utiliser nos polices municipales et c'est la raison pour laquelle nous pensons que les invites de cette proposition de motion sont inadéquates et inopportunes en ces temps de rigueur budgétaire. C'est pour cela que le groupe radical n'entrera pas en matière pour renvoyer cette proposition de motion dans une quelconque commission de ce parlement.
M. Patrick Lussi (UDC). L'Union démocratique du centre aussi a étudié en profondeur et a discuté de cette proposition de motion. De prime abord, on peut commencer par un cri du coeur unanime envers les gens qui nous écoutent: qui peut être pour une augmentation du bruit ? Qui aime le bruit ? Qui veut le subir à tort et à travers ? Bien sûr que la réponse unanime ne peut être que: personne !
On part donc d'une bonne idée, mais on arrive à une solution catastrophique. Pourquoi est-ce une catastrophe ? Alors qu'on s'écharpe pour avoir une espèce de budget équilibré - et ceux qui nous critiquent à ce sujet ont bien raison - on nous propose maintenant un nouvel office de la tranquillité; mon préopinant en a déjà parlé.
Ensuite, malgré tout, est-ce qu'on peut toujours s'inspirer de nos amis socialistes de France? Parce que Toulouse est une commune de gauche. Je n'ai rien contre, mais enfin nous sommes à Genève, essayons de réagir par rapport à nos habitudes. Il y a d'autres solutions à envisager que de créer un office de la tranquillité.
C'est la raison pour laquelle le groupe Union démocratique du centre n'entrera pas en matière sur cette proposition de motion et nous vous invitons, pour les raisons évoquées et surtout au motif que d'autres solutions sont en cours d'étude, à rejeter purement et simplement cette proposition de motion 2109.
M. François Lefort (Ve). Les considérants de cette proposition de motion sont justes: personne ne peut nier l'augmentation des nuisances sonores. D'ailleurs nous-mêmes, dans cette enceinte, nous subissons un niveau de vociférations hors du commun, vous l'avez remarqué.
Personne ne peut nier l'augmentation des nuisances sonores et de leur cortège de conflits de voisinage. C'est une réalité qui a récemment été mise en exergue par le rapport de la CEPP sur les nuisances sonores que vous avez tous reçu et qui décrit trois types de nuisances sonores: le trafic routier, les établissements publics et les problèmes ou conflits de voisinage. (Commentaires.)
La question du trafic routier réglementée au niveau fédéral, Monsieur Ivanov, peut être améliorée par la pose de revêtement phonoabsorbant. Cela se fait à Genève, mais de façon trop lente !
La question des établissements publics est un sujet récurrent, source de nombreuses pétitions et motions traitées ici même, dont la dernière, la motion 2071, a été renvoyée à l'unanimité de ce Grand Conseil au Conseil d'Etat.
La CEPP propose dans son rapport une gestion centralisée de ce problème, elle demande un bilan des actions contre le bruit qui ont été entreprises, elle demande la mise sur pied d'une véritable stratégie de protection contre le bruit et il s'agit de demandes raisonnables auxquelles nous, les Verts, nous souscrivons. D'autant plus que l'Etat a déjà un outil qui s'appelle le service de protection contre le bruit et les rayonnements ionisants, lequel est chargé de fournir toutes les informations concernant l'application de la législation et de procéder surtout à des expertises et, mieux, à des contrôles concernant le bruit.
La question est effectivement de savoir si ces contrôles sont effectués en suffisance et surtout s'ils sont suivis d'effets administratifs. La question des moyens à disposition de ce service se pose également.
Cela étant dit, il n'est peut-être pas nécessaire de créer en plus de ce service un office de la tranquillité, mais il faut appliquer les lois existantes. C'est cela qui est important.
Suite au rapport de la CEPP, il serait opportun de vérifier l'activité de ce service de protection contre le bruit en commission judiciaire et de la police - puisqu'on parle d'application de lois existantes - et cela en relation avec l'objet de cette motion 2109. C'est la raison pour laquelle les Verts soutiendront le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire et de la police.
Mme Nathalie Fontanet (L). Le groupe libéral a examiné cette proposition de motion avec attention, car effectivement la problématique du bruit est réelle. On l'a vu dernièrement, elle a même pour conséquence de temps en temps que des restaurants ou des bars se voient refuser des autorisations de continuer à exploiter. C'est dire si la population est victime de ce bruit.
Mais nous avons cru comprendre au fil des derniers événements que la police municipale était en charge de servir de lien justement entre les habitants en colère et les exploitants qui ne respectaient peut-être pas certaines prescriptions en la matière. Puis, nous sommes - je ne vous le cache pas - un peu inquiets, Madame Torracinta, au sujet de la conclusion à laquelle vous arrivez, à savoir la création d'un nouvel office de la tranquillité publique.
J'ai bien vu les guillemets, le groupe libéral les a bien vu aussi, mais pour nous toute nouvelle création de quoi que ce soit qui dépendrait du pouvoir politique et non de l'organisationnel au sein même des départements nous fait un peu peur, parce qu'une nouvelle organisation va forcément entraîner de nouveaux postes et de nouvelles charges et, vous le savez, nous sommes aujourd'hui confrontés à la problématique du déficit et surtout au souci qui, je crois, est commun à l'ensemble des groupes de pouvoir avancer autrement qu'avec des douzièmes provisionnels.
Pour ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral refusera d'entrer en matière sur cette proposition de motion et refusera de la renvoyer en commission, tout en soulignant qu'il est convaincu que les magistrats en charge des différents départements sont conscients de cette problématique, font en sorte qu'à l'intérieur de leur département il y ait un lien plus important avec les communes et s'assurent que cette question est prise en compte.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Emery-Torracinta pour une minute et trente secondes.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. J'aimerais apporter quelques éléments de réponses: d'abord, Monsieur Patrick Lussi, sachez qu'effectivement Toulouse est une mairie socialiste, mais que l'adjoint au maire et chargé de la sécurité qui a mis en place l'office de la tranquillité est un ancien policier, c'est-à-dire un spécialiste du terrain, comme vous sans doute. (Brouhaha.)
Deuxième remarque: il y a des communes qui font un certain nombre de choses. Vernier a par exemple les correspondants de nuit; on a mentionné Carouge qui commence à faire quelque chose, etc. Ce qui manque actuellement, c'est une coordination et je peux vous l'assurer: cela fait quand même sept ans que je suis dans ce parlement, j'ai déposé beaucoup de motions et de projets de lois, mais c'est la première fois que je reçois autant de lettres...
Le président. Madame la députée, excusez-moi. J'aimerais demander aux personnes qui se trouvent à la tribune de ne pas prendre de photographies, s'il vous plaît. Vous pouvez continuer, Madame.
Mme Anne Emery-Torracinta. Oui, j'espère que le temps m'aura été décompté. Monsieur le président, je disais que c'est la première fois que je reçois autant d'e-mails, de lettres, voire d'appels téléphoniques de gens qui me disent: «Enfin une réponse, parce qu'on ne sait plus à qui s'adresser !»
Et puis, franchement, Mesdames et Messieurs les députés, est-ce que vous trouvez normal que ce soit la police cantonale, qui a vraiment d'autres chats à fouetter aujourd'hui...
Si j'ai repris la terminologie «Office de la tranquillité» c'était aussi pour attirer le regard sur la motion. Il ne s'agit pas de créer une usine à gaz, il s'agit de trouver un moyen de coordonner l'action par une ligne téléphonique. Si les coûts sont partagés entre le canton et les communes, Monsieur Saudan, les coûts seront faibles.
En ce qui concerne les chiffres, je vais vous les préciser - M. Spuhler a déjà dit un certain nombre de choses - en réalité, il y a eu à Toulouse dans les deux premières années, en moyenne 547 appels par jour, mais le 80% de ces appels concernaient des questions de voirie: «On a oublié d'enlever la poubelle devant chez moi» etc. Et les 20% seulement concernait le vivre-ensemble.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Anne Emery-Torracinta. C'est pour cela que je disais qu'il faut compter environ 110 appels par jour pour une ville qui a à peu près la taille de Genève. Mesdames et Messieurs les députés, écoutez ce que la population a à vous dire ! Il y a un vrai besoin, il faut y répondre.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est pour quinze secondes à M. le député Spuhler.
M. Pascal Spuhler (MCG). Je vais essayer de faire vite. Je voudrais juste amener quelques précisions, mais effectivement, Mme Torracinta vient de le dire, une collaboration avec la commune peut être également envisagée. Mais je m'étonne des propos de M. Saudan ! Le bruit justement est source de maladie ! Vous qui êtes médecin, vous devriez comprendre à quels problèmes est confrontée la population qui est victime des nuisances nocturnes et du bruit.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Pascal Spuhler. Je ne peux donc que vous inciter à renvoyer cette proposition de motion en commission, au moins pour l'étudier ! Au moins cela !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Riedweg, pour une minute. Vous avez la parole, Monsieur le député.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Monsieur le président, j'ai compté une minute trente. Mais ça ne fait rien. (Rires.) Merci de m'avoir passé la parole. Lorsque les habitants emménagent au Bourg-de-Four, à la rue de la Tour-de-Boël, aux Pâquis, aux Eaux-Vives, ils savent qu'il y a du bruit. Les prix des locations s'en ressentent et se fixent selon la loi de l'offre et de la demande.
Les tenanciers des bars, des restaurants, des night-clubs peuvent collaborer en engageant des médiateurs que l'on nomme aussi des chuchoteurs, ce qui va faire augmenter le prix des consommations et décourager certains perturbateurs.
Compte tenu des finances de l'Etat, un office de la tranquillité n'est pas une priorité. Si l'on veut absolument un office de la tranquillité, il faut réaliser une économie ailleurs ! Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Bertrand Buchs, pour une minute quarante-cinq. J'espère que c'est juste !
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, je vous fais confiance, Monsieur le président, vous êtes toujours exact. (Rires.) J'aimerais juste dire qu'il y a une certaine contradiction dans nos propos, parce qu'une commission du Grand Conseil demande à la CEPP de faire une étude; la CEPP rend son rapport; les médias en parlent - beaucoup - et, comme président de la commission de gestion, la grande critique qu'on m'a faite est: «Vous avez demandé un rapport. Qu'est-ce que vous en faites ?» Moi, j'étais tout bête et j'ai dit: «Eh bien, on va surveiller que les choses se fassent.» Mais cette réponse ne veut rien dire.
Il est très clair qu'il faut que le parlement se saisisse du problème du bruit. Le parti démocrate-chrétien fera extrêmement attention à ne pas augmenter les postes et à ne pas augmenter le budget, mais je crois qu'une discussion est nécessaire en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est pour onze secondes à M. Marc Falquet, député.
M. Marc Falquet (UDC). Soit 7,8% selon M. Riedweg. Oui, l'idée de créer un office de la tranquillité, je trouve que c'est une très bonne idée. Mais pourquoi est-ce qu'on devrait dépenser de l'argent ? On a 20 000 personnes qui sont aidées: pourquoi ne pas leur demander de participer bénévolement ?
Il y a des gens qui ne travaillent pas: pourquoi ne pas leur demander leur contribution, au lieu de dépenser de l'argent pour cela ?
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Saudan, pour une minute.
M. Patrick Saudan (R). J'aurai besoin de moins, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je répondrai juste à mon préopinant, M. Pascal Spuhler: le groupe radical ne nie en rien la problématique du bruit au niveau médical. Nous jugeons simplement que la réponse suggérée par cette proposition de motion nous paraît inadéquate et inopportune en ces temps de rigueur budgétaire.
Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre Maudet. S'est aussi annoncé M. le conseiller d'Etat, François Longchamp. Est-ce bien exact ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas. Monsieur le conseiller d'Etat Pierre Maudet vous avez la parole.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que par toutes ces interventions, je n'essaie que d'être le modeste porte-parole de notre collègue Pierre-François Unger qui certes représente le gouvernement un et indivisible, mais qui porte ces dossiers, tel celui du bruit, depuis de nombreuses années.
S'agissant de la question posée par cette proposition de motion, j'aimerais d'abord dire que le Conseil d'Etat partage la préoccupation exprimée sur ces rangs quant à l'émergence d'une vraie problématique qui est celle du bruit.
Il la partage d'autant plus que la commission d'évaluation des politiques publiques, dans un très intéressant rapport rendu public l'automne passé met le doigt sur de vraies lacunes.
Mais quelles sont ces lacunes ou plutôt de quelle nature sont-elles ? Il y a d'abord - et nous faisons ici amende honorable - une lacune d'ordre politique: nous n'avons aujourd'hui pas encore véritablement, à Genève, une politique assumée au niveau de l'exécutif, clairement spécifiée en matière de lutte contre le bruit, au sens large. On parlera ici du bruit routier évidemment, mais aussi des nuisances de voisinage, des nuisances générées par les bars et divers établissements que nous ne voulons pas incriminer d'ailleurs, dans la mesure où une majeure partie de ce bruit a été générée par un des effets collatéraux de la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics fermés.
On a voulu davantage de convivialité - ce qui est bien - dans les espaces fermés, mais cela a généré un peu moins de convivialité dans les espaces publics. On doit aujourd'hui avoir une nouvelle approche qui consiste à intégrer ce paramètre sans jeter la pierre aux uns et aux autres; le peuple l'a voulu, mais il faut intégrer ce paramètre.
Le premier élément que cette proposition de motion met en lumière, c'est une lacune sur l'intention politique, le cap que l'on veut donner et les modifications légales ou les modifications d'application que cela va générer.
Suite au débat que nous avons eu en début d'année au sujet des horaires de fermeture des établissements publics, je tiens à rappeler ici que la loi est claire: on parle d'une fermeture à minuit avec dérogation possible jusqu'à 2 h. Mais la dérogation est devenue la règle ! On voit ici qu'il y a une certaine dérive, par les effets du temps, quant à l'application de lois très claires, que vous avez votées et auxquelles il s'agira peut-être de revenir.
S'agissant maintenant de la réponse proposée ici: là, le gouvernement, malheureusement, ne suit pas les motionnaires, car nous avons, chez notre grand voisin, une créativité qui s'est exprimée à la faveur d'un changement de gouvernement récent. La République française connaît en effet depuis quelques mois l'existence d'un ministère du redressement progressif et nous avons tout de suite pensé, par analogie, à la création dans la République et canton de Genève d'un office... (Brouhaha. Remarque.) ...productif si vous voulez, d'un office de la tranquillité...
Non, Mesdames et Messieurs les députés, le gouvernement ne voit pas dans cet office qui est une création administrative supplémentaire, là où au contraire nous devrions davantage coordonner, mettre en avant des moyens qui existent, notamment au niveau des communes dont il s'agit de respecter les prérogatives... Nous ne voyons pas de débouchés intéressants dans un tel office.
Nous nous sommes penchés cela dit sur l'exemple toulousain et nous avons remarqué, à la faveur d'une petite enquête sur internet - qui vaut ce qu'elle vaut mais qui est quand même intéressante - que cet office s'était assez rapidement mué en office de la délation, je reprends ici les propos du député Spuhler.
Il s'agit d'un risque évident qu'il convient ensuite de gérer ! Et gérer un office de la délation - c'est-à-dire un réceptacle, finalement, car c'est ce que demande en premier lieu la population - qui permet aux gens de téléphoner et de dénoncer toutes les situations de voisinage est extrêmement difficile à gérer par la suite, car il génère une attente extrêmement forte de la population, pour des faits qui, dans bien des cas, ne peuvent connaître qu'une solution policière. Je pense ici au bruit généré par des conflits de voisinage, des «scènes de ménage» pour faire simple ou autres, qui se multiplient aujourd'hui dans notre canton et qui doivent effectivement être gérées de plus en plus par la police.
Nous voyons non seulement un risque de débordements administratifs et de multiplication de structures, par ailleurs mal gérées sous l'angle budgétaire, mais également un risque de ne pas donner satisfaction réellement à celles et ceux qui emploieraient cet office de la tranquillité ou ce moyen téléphonique pour exprimer leurs desiderata.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, nous nous engageons ici à développer cette politique de lutte contre le bruit, cette politique gouvernementale visant à répondre à cette préoccupation légitime de la population, à vous en proposer une déclinaison en termes de moyens, à vous garantir que cela s'axera sur davantage de coordination à périmètre existant, notamment avec les communes...
Nous y travaillons en ce moment avec la Ville de Genève et la Ville de Carouge, qui sont les deux communes principalement touchées s'agissant des établissements publics. Une fois cela fait, vous aurez tout loisir de nous dire s'il faut compléter le dispositif. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais d'abord vous faire voter le renvoi de cette proposition de motion à la commission judiciaire et de la police.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2109 à la commission judiciaire et de la police est adopté par 46 oui contre 30 non.