République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Gabriel Barrillier, président.

Assistent à la séance: Mmes et MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger, François Longchamp, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler et Pierre Maudet, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Roberto Broggini, Michel Ducret et Jacques Jeannerat, députés.

Correspondance

Le président. Le Bureau et les chefs de groupe ont trouvé sur leurs places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.

Arrêt du Tribunal fédéral du 14 février 2013 rejetant le recours de M. STAUFFER Eric contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 30 juillet 2012 (voir correspondance C 3046, C 3054, C 3055, C 3057, C 3072, C 3092, C 3104, C 3127, C 3129, C 3139, C 3144 et C 3171) (C-3192)

Arrêt du Tribunal fédéral du 15 février 2013 rejetant le recours de M. RAPPAZ Henry contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 30 juillet 2012 (voir correspondance C 3126, C 3128, C 3140 et C 3172) (C-3193)

Annonces et dépôts

Néant.

Questions écrites urgentes

Le président. Vous avez trouvé sur vos places les questions écrites urgentes suivantes:

Question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Les données fiscales des Genevois livrées à Bercy : le Conseil d'Etat à la solde de l'Etat français ? (QUE-49)

Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : CEVA : vers un dépassement de l'enveloppe budgétaire ? (QUE-50)

Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : L'Allondon : biotope d'importance nationale en Suisse, décor de centre commercial en France (QUE-51)

Question écrite urgente de M. Guy Mettan : La scission prévue de la Faculté des SES en deux nouvelles UPER est-elle pertinente? (QUE-52)

Question écrite urgente de Mme Anne Emery-Torracinta : L'Office cantonal de l'emploi (OCE) considère-t-il vraiment que les chômeurs sont des fraudeurs, des profiteurs et des fainéants en puissance ? (QUE-53)

Question écrite urgente de M. Serge Hiltpold : BDL 2 : se pose-t-on les bonnes questions sur les entreprises soumissionnaires ? (QUE-54)

QUE 49 QUE 50 QUE 51 QUE 52 QUE 53 QUE 54

Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.

Questions écrites

Le président. Vous avez également trouvé sur vos places les questions écrites suivantes:

Question écrite de Mme Christina Meissner : La DGM ira-t-elle jusqu'à empêcher la mobilité des castors ? (Q-3718)

Question écrite de M. François Lefort : Quand le Conseil d'Etat compte-t-il rapporter sur sa conception générale de l'énergie pour la période 2009-2013 et sur son projet de conception générale de l'énergie pour la période 2013-2018? (Q-3719)

Question écrite de M. Daniel Zaugg : Participation des SIG dans l'entreprise CGC ENERGIE SA : Quelle politique d'adjudication ? (Q-3720)

Q 3718 Q 3719 Q 3720

Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.

QUE 43-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Mauro Poggia : Exiger le versement aux Caisses de pensions de la fonction publique des rétro-commissions dont les établissements bancaires gestionnaires de fonds ont bénéficié durant les dix dernières années
QUE 44-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Jean Romain : Qu'en est-il du système dit de «Fr. él.» (= francs élève) institué à l'école primaire de la Gradelle pour contenir le comportement indisciplinaire des élèves?
QUE 45-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de M. Patrick Lussi : Des médecins indélicats ont la main lourde : le Dormicum se retrouve sur le marché de la drogue !
QUE 46-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Anne Emery-Torracinta : Insertion professionnelle : qu'en est-il des formations professionnelles certifiantes et qualifiantes, ainsi que de l'allocation de formation ?
QUE 47-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Lydia Schneider Hausser : Mais où sont passés les salaires de Vitol ?
QUE 48-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite urgente de Mme Marion Sobanek : Pourquoi calculer les allocations familiales en cas de chômage selon les jours ouvrables ?
Q 3701-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Thierry Cerutti : Combien perçoit mensuellement un magistrat du pouvoir judiciaire ?
Q 3710-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Mauro Poggia : Marathon de Genève 2013: La participation de sportifs souffrant de handicaps poserait-elle problème?
Q 3711-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Mauro Poggia : "Enseigner aux enfants et aux adolescents les risques liés à l'utilisation d'internet. Que fait l'Etat ?"
Q 3712-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Edouard Cuendet : Remise de médicaments : les HUG se conforment-ils à la loi ?
Q 3717-A
Réponse du Conseil d'Etat à la question écrite de M. Edouard Cuendet : Antoine Vielliard a-t-il encore sa place au conseil d'administration des HUG ?
R 717
Proposition de résolution de Mmes et MM. François Lefort, Roger Deneys, Christina Meissner, Brigitte Schneider-Bidaux, Stéphane Florey, Olivier Norer, Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Catherine Baud, Lydia Schneider Hausser, Esther Hartmann, Christo Ivanov, Marion Sobanek, Mauro Poggia, Miguel Limpo, Sophie Forster Carbonnier, Jacqueline Roiz, Jean-François Girardet, Dominique Rolle, Florian Gander, Thierry Cerutti, Christine Serdaly Morgan, Jean-Marie Voumard, Roger Golay, Béatrice Hirsch, Pascal Spuhler, André Python, Henry Rappaz, Marie-Thérèse Engelberts, Philippe Schaller, Prunella Carrard, Irène Buche, Eric Leyvraz, Anne Mahrer, Jean-Louis Fazio, Guy Mettan, Melik Özden pour un cadre légal interdisant la transmission de données personnelles (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal)
R 718
Proposition de résolution de Mmes et MM. François Lefort, Roger Deneys, Christina Meissner, Brigitte Schneider-Bidaux, Stéphane Florey, Olivier Norer, Patrick Lussi, Bernhard Riedweg, Catherine Baud, Lydia Schneider Hausser, Esther Hartmann, Christo Ivanov, Marion Sobanek, Mauro Poggia, Miguel Limpo, Sophie Forster Carbonnier, Jacqueline Roiz, Jean-François Girardet, Dominique Rolle, Florian Gander, Thierry Cerutti, Christine Serdaly Morgan, Jean-Marie Voumard, Roger Golay, Pascal Spuhler, André Python, Henry Rappaz, Marie-Thérèse Engelberts, Prunella Carrard, Irène Buche, Eric Leyvraz, Anne Mahrer, Jean-Louis Fazio, Melik Özden du Grand Conseil genevois au Conseil fédéral : Pas d'autorisation à la transmission de données personnelles sans bases légales explicites

Débat

Le président. Nous abordons maintenant les deux urgences qui nous restent, à savoir les points 96 et 97 qui sont traités conjointement. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. La parole est à M. le député François Lefort, premier rédacteur de ces deux propositions de résolutions. Vous avez la parole, Monsieur le député.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous n'êtes pas sans savoir que certains établissements bancaires suisses ont transmis aux autorités américaines, courant 2012, des données personnelles concernant plus de 10 000 employés sans que ceux-ci n'en aient été informés. Vous savez également que le Conseil fédéral a autorisé, le 4 avril 2012, la transmission de ces données personnelles d'employés aux autorités américaines. Vous avez connaissance du fait que le Conseil fédéral a justifié cette autorisation par l'utilisation de l'article 271 du code pénal suisse.

En résumé, ce qui est autorisé n'est plus pénal et si le Conseil fédéral vous l'autorise, alors vous pouvez donner au département fédéral américain de la justice les données personnelles de milliers d'employés suisses ou étrangers travaillant légalement en Suisse.

Vous n'ignorez pas que de nombreux et éminents professeurs de droit jugent insuffisantes les bases légales actuelles ayant permis au Conseil fédéral de procéder de la sorte.

Le département fédéral américain de la justice a clairement défini dans un document joint à ces deux résolutions ce qu'il entendait par «données personnelles». Celles-ci, Mesdames et Messieurs les députés, ne correspondent pas aux noms et prénoms des employés comme on a voulu nous le faire croire ! Non, ce n'est pas seulement le nom et le prénom. C'est une longue liste de toutes les données de personnel suisse relatives à des activités bancaires impliquant de la clientèle américaine. Ce sont par exemple toutes les correspondances, fax, e-mails, messages, notes, mémos, relevés téléphoniques, et la liste est encore longue. Mais beaucoup plus grave... (M. François Lefort est interpellé.) Oui, Monsieur Lussi, lisez l'appendix A ! Beaucoup plus grave, disais-je, des banques ont transmis tous les dossiers personnels des employés impliqués dans les relations avec la clientèle américaine !

On peut alors facilement imaginer que les employés des banques suisses dont les données personnelles ont été remises aux autorités américaines voient leur employabilité en Suisse et à l'étranger, en particulier dans les banques mêmes qui ont transmis ces données personnelles, gravement endommagée. Les employés suisses et étrangers travaillant en Suisse n'ont pas à subir les dommages pour des délits qu'ils n'ont pas commis et pour des délits qui ont été commis sur sol étranger par des employés, effectivement, d'entreprises suisses. Mais ce n'est pas aux employés suisses en Suisse de payer pour ces délits. Ceux, par contre, qui ont commis des délits doivent en répondre, mais pas sur sol suisse ! Sur sol étranger, évidemment ! Et selon le droit américain, si c'est aux Etats-Unis.

Ce sujet a donc été abondamment traité en commission de l'économie. Cette dernière n'a pas réussi à vous proposer des résolutions unanimes, mais une majorité des partis de cette assemblée - cinq partis - vous propose ces deux résolutions: la première - la R 718 - demande au Conseil fédéral de ne pas permettre la transmission des noms ni autres données personnelles de citoyens suisses ou étrangers travaillant légalement en Suisse à un Etat tiers ou une partie tierce, en dehors du cadre légal des accords d'entraide judiciaire ou d'autres traités internationaux, puisque la norme pour transmettre des données est un accord judiciaire au moins. Surtout, cette résolution demande de révoquer sans délai l'autorisation donnée à des banques suisses de transmettre des données personnelles d'employés de banque à des autorités étrangères.

La deuxième résolution - la R 717 - demande elle à l'Assemblée fédérale...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur le député !

M. François Lefort. Je parlerai sur le temps du groupe, Monsieur le président. La résolution 717 demande de compléter le cadre juridique fédéral de façon que la transmission des données personnelles de citoyens suisses ou de citoyens étrangers résidant légalement en Suisse à un Etat tiers, en dehors du cadre légal, ne soit plus possible, et de veiller à ce que le droit d'être entendu soit explicitement conservé dans tout accord d'entraide judiciaire et en particulier dans les prochains accords ou traités internationaux, puisque ce droit d'être entendu est mis en danger.

Hier, la lecture du «Temps» nous apprenait que le Conseil fédéral prépare une loi pour réglementer la collaboration avec les pays étrangers. Cela est sage et juste et permet de protéger enfin la souveraineté suisse. Il se passe donc quelque chose. Dans le cadre de cette loi promise, notre première résolution permettra d'attirer l'attention du Conseil fédéral sur deux points extrêmement importants: la protection des citoyens et la conservation du droit d'être entendu.

Nous apprenons aujourd'hui ce projet du Conseil fédéral, mais entre-temps ce dernier continue à autoriser la transmission des données personnelles, ne l'oublions pas ! C'est la motivation de la R 718 demandant au Conseil fédéral de révoquer immédiatement cette transmission. Cela étant expliqué, Mesdames et Messieurs les députés, les nombreux signataires - trente-cinq pour la résolution au Conseil fédéral et trente-sept pour la résolution à l'Assemblée fédérale - vous recommandent de soutenir ces deux résolutions et de les renvoyer directement à leur destinataire. (Quelques applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, ces résolutions ont été déposées le 29 janvier 2013, après une discussion assez fournie que nous avons eue à la commission de l'économie.

Le seul hic est que ces deux résolutions sont à présent complètement caduques ! C'est un coup d'épée dans l'eau ! Elles partent d'une très bonne intention, mais j'aimerais juste vous rappeler un élément: le Conseil fédéral a mis en consultation mercredi - c'est-à-dire avant-hier - un avant-projet de loi fédérale concernant, je cite, «la collaboration avec des autorités étrangères et la protection de la souveraineté suisse», avec un retour fixé au 31 mai 2013. La consultation portera aussi sur l'adhésion à deux conventions du Conseil de l'Europe concernant l'assistance en matière administrative. Ces résolutions partent donc d'une bonne intention, mais sont un coup d'épée dans l'eau, puisque les Chambres fédérales se sont saisies de ce dossier, sans avoir eu besoin de ces deux résolutions du Grand Conseil genevois, notamment par une intervention parlementaire de notre collègue PLR Christian Luscher.

Je crois qu'il ne faut pas mélanger les niveaux. L'Assemblée fédérale s'en occupe, elle effectue une préconsultation et je pense que cette résolution, même si elle part d'une intention louable, est complètement inutile ! Que va-t-on faire ? On va envoyer un objet pour surcharger les Chambres fédérales qui n'ont pas besoin de l'être.

Cela étant dit, il est relativement paradoxal de voir les mêmes auteurs socialistes et Verts vouloir défendre les employés de banque et systématiquement attaquer les conditions-cadres de ce secteur, notamment en opposant les différents secteurs économiques, en ce qui concerne les métiers du trading et l'achat de matières premières. C'est une discussion que nous avons régulièrement en commission de l'économie, avec des fronts qui sont assez opposés. En conclusion, je demanderai à cette assemblée, au nom du groupe libéral du PLR, de rejeter ces résolutions, car elles sont purement inutiles. Les Chambres fédérales, depuis mercredi, se sont saisies du dossier.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je souhaite une particulière bienvenue à notre collègue Pierre Weiss, de retour parmi nous, ainsi qu'un bon anniversaire à M. Dal Busco ! (Applaudissements.) La parole est à M. le député Philippe Schaller.

M. Philippe Schaller (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je pense que M. Serge Hiltpold fait un mauvais procès à ces deux résolutions. Je considère qu'il est de notre droit et qu'il est très important que notre parlement soutienne une de ces résolutions, en l'occurrence celle qui est adressée à l'Assemblée fédérale. Nous soutenons cette résolution 717, car nous pensons que la démarche du Conseil fédéral est inacceptable. Il s'est affranchi de nombreuses règles figurant dans le code pénal, notamment le respect du droit fondamental d'être entendu et la loi sur la protection des données. Le simple respect de ces deux principes aurait dû suffire à contrecarrer la base légale qu'a invoquée le Conseil fédéral, principalement celle de l'article 271 du code pénal suisse.

Bien que l'Assemblée fédérale se soit mise en marche pour essayer de légiférer et de déterminer quelles seront les conditions qui permettent au Conseil fédéral de répondre à cet article 271, je pense que la résolution 717 montrera que notre parlement a à coeur la défense des citoyens de ce pays. Nous vous demandons donc de renvoyer cette résolution à l'Assemblée fédérale. Par contre, nous refusons la résolution au Conseil fédéral, car elle nous semble excessive et inopportune dans le cadre des travaux législatifs actuels des Chambres. (Quelques applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes sont évidemment ravis de voir que ce Grand Conseil a pris à coeur le sujet de la transmission des noms, en particulier des employés de banque, récemment, à des Etats étrangers. La commission de l'économie a cherché, dans des délais extrêmement courts, à proposer un texte qui pouvait remplacer la résolution socialiste 712 qui était par endroits formulée avec la fougue qui me caractérise.

Ces résolutions visent le même objectif, c'est-à-dire à empêcher la transmission des noms d'employés de banque, en particulier, à des Etats étrangers, et notamment à clarifier de façon impérative les bases légales existant aujourd'hui qui sont insuffisantes. J'en veux pour preuve les procédures judiciaires qui sont en cours, notamment de la part de quelques avocats, pour empêcher ou interdire cette transmission de données aux Etats-Unis. Cela prouve bien que les bases juridiques ne sont pas claires actuellement et qu'il faut les compléter !

En réalité, on peut se féliciter que le Grand Conseil de Genève, où le secteur bancaire est extrêmement important, vienne apporter de l'eau au moulin des Chambres fédérales en renvoyant cette résolution ! La meilleure chose que nous pouvons faire, c'est de compléter la volonté nouvelle des Chambres fédérales - enfin, si j'ai bien compris; j'attends de voir - par un texte venant de Genève, qui possède une place financière et bancaire importante. Il s'agit d'être cohérent et donc d'exprimer notre soutien et notre solidarité envers les employés du secteur bancaire qui sont ainsi mis en cause.

Au demeurant, j'aimerais exprimer mes regrets par rapport au refus du groupe libéral concernant ces objets - si j'ai bien compris - d'autant plus qu'en commission de l'économie l'un de ses représentants, M. Daniel Zaugg, a été particulièrement constructif pour nous aider à rédiger ces textes de la façon la plus consensuelle possible. Nous aurions pu espérer que ce groupe s'y rallie également au final. En tout cas, j'ai beaucoup apprécié l'état d'esprit dans lequel le représentant libéral que j'ai cité a travaillé avec les autres groupes pour rédiger ces textes.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir massivement ces deux textes.

Une voix. Bravo !

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, nous avons quelques doutes quant à la portée des deux résolutions que nous allons certainement voter et approuver dans quelques instants, parce que de toute façon la volonté des parlementaires fédéraux est présente. Ils ont été choqués mais de manière assez diverse par les procédés utilisés ces derniers mois et même ces dernières années. Nous avons d'un côté des parlementaires de droite qui considèrent que l'on peut évidemment donner les noms des employés, mais surtout pas les noms des clients. Du côté de la gauche, on considère qu'on peut évidemment donner les noms des clients, mais pas les noms des employés ! Eh bien au MCG, on considère que l'on ne peut donner les noms de personne, parce que la Suisse est un Etat indépendant qui a pour vocation de protéger la sphère privée aussi bien des employés - et c'est de ceux-là que nous parlons maintenant - que des clients; ces clients qui ont fait confiance à notre place financière et que nous n'avons pas à vendre - parce qu'il n'y a pas d'autres mots - à des Etats étrangers.

La légalité ne se négocie pas ! Selon les opinions politiques des uns et des autres, nous n'avons pas à considérer que l'on peut invoquer la raison d'Etat dans certaines situations et non dans d'autres. Dans tous les domaines, et en particulier lorsqu'il s'agit de coopération internationale, c'est le principe de légalité qui doit s'appliquer, le principe de proportionnalité aussi, et évidemment le principe du droit d'être entendu. Les personnes qui risquent pour leur sécurité et pour leur liberté à l'étranger doivent pouvoir se prononcer et donc préalablement être consultées. Nous constatons malheureusement que dans notre pays, ces dernières années, au nom peut-être d'une certaine Realpolitik qui n'est pas de mise dans ce domaine, on considère que la raison d'Etat doit prendre le pas sur la légalité. Nous estimons pour notre part qu'il y a des conventions internationales de coopération qui doivent s'appliquer dans ces domaines et c'est strictement dans le cadre de cette légalité-là que les demandes doivent être déposées auprès des autorités compétentes de notre pays.

Nous allons donc soutenir ces résolutions, parce que le signal doit être donné et que je pense que le signal contraire - le refus de ces résolutions - pourrait être inversement compris de manière inexacte. Mais sachez simplement qu'à Berne le souci est présent. Je voudrais qu'il le soit comme dans l'esprit du MCG, c'est-à-dire de manière globale et non pas à géométrie variable.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Les autorités fiscales américaines accusent les banques suisses d'avoir sciemment organisé l'aide à l'évasion fiscale et à la fraude fiscale de leurs concitoyens et font maintenant pression sur les banques suisses qui en paient le prix.

Si le Conseil fédéral n'avait pas autorisé les banques suisses à transmettre des données personnelles d'environ 10 000 employés aux autorités américaines en passant par les règles sur l'entraide internationale, les banques suisses se seraient vu retirer la licence les autorisant à exercer sur le territoire américain !

Cela a apaisé momentanément l'appétit du fisc américain. Les banques suisses ont préféré sacrifier leurs employés que de se voir interdire de faire des affaires aux Etats-Unis, qui représentent un marché très important et très rentable pour les grandes banques suisses. Il y a là un rapport de force entre les Etats-Unis et la Suisse qui ne peut pas être ignoré.

Le Crédit Suisse a encore livré des données concernant ses employés en janvier 2013. Certains employés ont été informés que leur nom figurait sur la liste. Il faut savoir qu'une décision du Tribunal pénal fédéral est attendue en mars 2013 pour obliger le Conseil fédéral et la FINMA à s'expliquer.

Nos résolutions 717 et 718, qui sont des démarches symboliques, peuvent indiquer au Conseil fédéral et à l'Assemblée fédérale le mécontentement du Grand Conseil et notre solidarité envers les employés de banque qui pourraient être lésés. Leur employabilité risque bien de souffrir dans un proche avenir. Nous allons donc soutenir ces deux résolutions.

M. François Lefort (Ve). Contrairement à l'analyse de M. Hiltpold, ces résolutions ne sont pas caduques ! Comme l'a remarqué le député Schaller, d'ailleurs. Elles sont d'actualité ! Elles sont utiles ! Elles manifestent notre irritation face à la légèreté du Conseil fédéral. L'actualité d'hier, que j'ai mentionnée, ne nous dit pas que le Conseil fédéral a révoqué l'autorisation en cours de transmettre des données personnelles ! La transmission des données personnelles continuera tant que cette autorisation n'est pas révoquée ! Le Conseil fédéral ne nous dit pas qu'il va cesser d'autoriser la transmission ! Tout cela va se faire évidemment au détriment des employés et cela peut durer longtemps. Peut-être que cela n'aura que peu d'importance, comme le pensent certains ici. M. Riedweg a dit qu'il s'agissait de résolutions «symboliques». Oui, elles sont symboliques, mais au moins nous aurons dit que nous ne sommes pas d'accord et nous l'aurons dit fortement avec ces deux résolutions ! Nous le disons et nous le dirons pour que cela ne se reproduise plus !

M. Ivan Slatkine (L). J'interviendrai très rapidement. Mon collègue Hiltpold a tout dit, si ce n'est que nous demandons le renvoi des deux textes à la commission de l'économie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous voterons sur cette demande en fin de débat. La parole est à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ces deux résolutions sont le fruit d'un travail extraordinairement sérieux et rapide en commission, effectué sur la base d'une résolution qui était effectivement si impulsive qu'elle en devenait incompréhensible. Mais on voyait quand même bien ce dont il s'agissait: protéger la sphère privée des employés de banque.

D'abord, protéger la sphère privée de ces employés et ne réserver les exceptions qu'à ce qui relève de l'entraide judiciaire internationale pourrait paraître évident à tous. Simplement, dans les rapports de force qui se sont construits là, cela n'a plus été évident pour personne, du moins pas pour le Conseil fédéral qui a outrepassé ses propres règles pour, dans la précipitation, rendre service aux Américains.

Je vous signalerai que de la même manière un président de la Confédération, ministre des finances, avait dit très fortement que le secret bancaire n'était pas négociable. Il est aussi fondé dans nos lois. Mais six mois après, le secret bancaire avait disparu !

De toute évidence, la Suisse ne résiste pas bien aux rapports de force. Il est vrai que ce sont 300 ou 400 millions d'Américains, plus autant d'Européens qui s'étaient joints pour une partie des demandes aux Américains, contre 8 millions de Suisses. Le rapport de force est d'autant plus important qu'en plus ils sont nos clients pour la plupart des choses que nous exportons.

En cela je regrette que nous ne traitions pas ensemble ces deux résolutions et la motion qui les précède à l'ordre du jour, soit la M 2110 qui parle d'un soutien de manière positive à l'industrie bancaire, plutôt que juste négative à l'égard du Conseil fédéral qui a eu deux manquements, dont l'un se voit reproché dans les deux résolutions. Il eût été intéressant, Mesdames et Messieurs les députés, que vous les traitiez ensemble pour que l'on puisse voir où est la racine du mal. Celle-ci ne revient pas à dire qu'on ne doit jamais céder à un rapport de force. La racine du mal est d'y céder hors de ses propres lois ! C'est ce que la Suisse a fait, tant pour le secret bancaire en découvrant un certain nombre de ses clients que pour la dénonciation des employés en découvrant leurs identités.

C'est au fond une même problématique, Mesdames et Messieurs les députés. Je l'avais évoquée lorsque ces résolutions ou motions étaient présentées en plénière pour la première fois. Il eût fallu combiner ces objets de manière notamment à donner le signal de ce qu'on veut pour les uns et pour les autres, que l'on soit de gauche ou de droite, et de ce que l'on veut tous !

C'est pour cela que la motion et les résolutions devraient être votées de manière unanime, afin que l'on respecte nos propres lois face aux pressions qui nous sont faites, que l'on dise le cas échéant qu'on va les changer, et dans quel délai cela est possible, mais en tout cas que l'on ne fasse pas ce que l'on a fait en cédant d'abord les portes du coffre et ensuite ceux qui tenaient les clés !

Mesdames et Messieurs les députés, je suggérerais, comme l'a dit M. le député Slatkine, que ces objets retournent en commission, mais pour revenir très vite, joints à la motion 2110, pour que l'on dise réellement à l'Assemblée fédérale et au Conseil fédéral ce qui nous a déplu aux uns comme aux autres: le fait de ne pas respecter nos propres lois sous la pression de gens qui nous demandaient un certain nombre de choses, dont il n'est pas illégitime, dans un cas comme dans l'autre, de penser qu'ils avaient raison de les demander. Mais on ne viole pas ses propres lois au motif que quelqu'un de plus grand que vous vous demande un certain nombre de renseignements. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter tout d'abord la demande de renvoi de la R 717 à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 717 à la commission de l'économie est rejeté par 55 non contre 37 oui et 1 abstention.

Le président. Je vous fais maintenant voter la demande de renvoi de la R 718 à la commission... (Le président est interpellé.) Oui, Monsieur le député ?

Une voix. Je demande le vote nominal.

Le président. Est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes très largement. Je mets aux voix le renvoi de la R 718 à la commission de l'économie... (Protestations.)

Une voix. On vient de voter !

Une autre voix. On a voté la première, pas la deuxième !

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a deux résolutions. (Commentaires.) Non, on ne les vote pas en même temps, c'est l'une après l'autre. Nous passons donc au vote sur la R 718. (Brouhaha.) Je suis désolé, il y a deux propositions de résolutions ! J'ai dit tout à l'heure qu'elles étaient traitées ensemble du point de vue de la discussion, mais on vote ensuite séparément sur les demandes de renvoi. Je reprends donc le cours de nos débats: nous allons voter sur le renvoi de la R 718 à la commission de l'économie.

Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi de la proposition de résolution 718 à la commission de l'économie est rejeté par 55 non contre 33 oui et 2 abstentions.

Appel nominal

Le président. Nous allons maintenant voter - suivez bien ! - l'acceptation ou le refus de la proposition de résolution 717 en premier lieu. Il s'agit d'un renvoi à l'Assemblée fédérale.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 717 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 63 oui contre 25 non et 5 abstentions.

Résolution 717 Appel nominal

Le président. Nous passons à présent au vote sur la proposition de résolution 718.

Mise aux voix à l'appel nominal, la résolution 718 est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral par 55 oui contre 28 non et 5 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 718 Appel nominal

PL 10815-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Lydia Schneider Hausser, Antoine Droin, Anne Emery-Torracinta, Roger Deneys, Prunella Carrard, Loly Bolay, Christian Dandrès, Marie Salima Moyard, Irène Buche, Manuel Tornare, Aurélie Gavillet, Christine Serdaly Morgan, Roberto Broggini modifiant la loi en matière de chômage (LMC) (J 2 20) (Pour des indemnités cantonales de chômage)

Suite du premier débat

Le président. Nous revenons maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, au point 27 de notre ordre du jour ordinaire. Le rapporteur de majorité est M. Edouard Cuendet et le rapporteur de minorité M. Roger Deneys. Ce point est classé en catégorie I, il s'agit d'un débat libre. Sont inscrits, pour le débat sur l'entrée en matière, M. Schaller, Mme Hartmann, M. Hiltpold, M. Gautier et M. Deneys. La parole est à M. le député Philippe Schaller.

M. Philippe Schaller (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a mentionné hier le rapporteur de majorité Edouard Cuendet, nous avons traité ces deux projets de lois, le PL 10815 ainsi que la loi sur le chômage du Conseil d'Etat, en même temps. Ce Grand Conseil a voté la loi sur le chômage de manière à traiter cette problématique avec une certaine dynamique.

Ce Grand Conseil a opté pour que les chômeurs de longue durée soient pris en charge de manière rapide. Il a opté - largement - pour que les conditions de prise en charge, les allocations de retour en emploi, soient intensifiées, pour soutenir les emplois de solidarité et pour individualiser les mesures de prise en charge des chômeurs en les modulant selon l'âge et selon les compétences. Cela permet un suivi personnalisé et individualisé.

Mesdames et Messieurs les députés, le but était également d'améliorer la mise en oeuvre de ces mesures par l'office cantonal de l'emploi.

La majorité de la commission a été convaincue que cette stratégie était la meilleure, non pas pour résoudre de manière définitive le chômage de longue durée - on sait que celui-ci dépend de facteurs structurels - mais bien pour donner le plus de chances possible aux chômeurs et aux demandeurs d'emploi de longue durée.

Mme la conseillère d'Etat Rochat nous a donné des chiffres hier: ceux-ci semblent être corrects. Nous voyons que cet effort et que cette dynamique à l'égard des chômeurs en fin de droit portent aujourd'hui leurs fruits. Pour toutes ces raisons, nous avons écarté les pistes législatives proposant d'augmenter le nombre de jours d'indemnisation. Il semble cohérent au groupe PDC de ne pas soutenir ce projet de loi, bien que nous soyons très touchés et sensibilisés au fait que le chômage de longue durée mérite parfois des traitements particuliers. Mais pour les raisons que j'ai invoquées, nous ne soutiendrons pas ce projet de loi 10815 et nous vous enjoignons de le refuser.

Mme Esther Hartmann (Ve). Hier, nous avons entendu le groupe socialiste et le groupe MCG décrire combien il était difficile d'être au chômage et de subir le chômage de longue durée. Nous avons entendu quelques témoignages exprimant combien il était pénible, quand on était diplômé, de vivre la situation du chômage de longue durée. Je dirais que je partage entièrement cet avis: cette condition est vraiment difficile à vivre.

Pour avoir vécu cette situation, je peux vous dire qu'avoir cent cinquante jours supplémentaires ne m'a pas particulièrement aidée, dans le sens que ces cent cinquante jours ne me permettaient pas souvent d'obtenir une formation qualifiante, tout simplement parce qu'on me répondait que les moyens n'existaient pas. Pour cette raison, j'ai un certain doute quant à la validité des objectifs de ce projet de loi qui se veut généreux.

J'ajouterai aussi que, au sein du groupe des Verts, nous sommes sceptiques au sujet de la légalité et de la valeur juridique de ce projet de loi. Nous pensons qu'il va à l'encontre du droit supérieur et, même si nous regrettons cet aspect-là et aurions souhaité entrer en matière, nous ne le pouvons pas, par sens des responsabilités, bien que certains sujets abordés dans ce projet de loi nous tiennent vraiment à coeur. Les Verts vont donc refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi pour les raisons que nous venons de vous exposer.

M. Serge Hiltpold (L). On a attaqué ce débat hier et je voulais juste faire une petite piqûre de rappel pour mes collègues députés en évoquant l'audition du professeur Flückiger, si cher à notre rapporteur de majorité Edouard Cuendet: «Quant au PL 10815, il retombe dans les travers de l'ETC qui n'a pas été véritablement probant en termes de réinsertion professionnelle. En effet, l'augmentation du nombre de jours d'indemnisation sans s'appuyer sur un projet de réinsertion professionnelle se heurte à la nature réelle de l'incitation à retrouver un travail à l'issue de cette période; sans compter la prolongation indue de la période de chômage. Donc, ce principe ne répond pas aux objectifs de réinsertion professionnelle.» Je crois que le professeur Flückiger est assez à même de faire ce genre d'analyse.

Ensuite, pour répondre un peu aux inquiétudes des socialistes et à leur vision de la société, j'aimerais dire qu'un allongement de la période de chômage éloigne en fait les demandeurs d'emploi du marché du travail. Plus on reste au chômage, plus on se déconnecte du milieu professionnel.

Un effort particulier a été fait avec l'office cantonal de l'emploi pour tenter de replacer les demandeurs d'emploi avec le Service Employeurs, car souvenez-vous que ce sont les entreprises qui créent des emplois et non l'allongement de la durée des indemnités de chômage ! Ce projet de loi constitue donc une mauvaise réponse.

Que proposent les socialistes pour l'emploi ? Un salaire minimum, heureusement refusé; une semaine de vacances de plus, refusée; un revenu universel développé hier par Mme Lydia Schneider Hausser; une augmentation des allocations familiales, très bien pour les familles, mais mauvaise pour les PME et les petites sociétés.

Toutes ces propositions pénalisent en fait les PME, alors que ce sont elles qui créent des emplois. Dans cette réflexion, pour quelles solutions pourrait-on opter ? Pour le groupe libéral, je crois que c'est assez clair: la solution consiste en moins de bureaucratie, moins de documents, moins de formulaires, moins d'annexes, moins de cette paperasse qu'on se tape toute l'année, alors que vous avez autre chose à faire, comme développer votre business et faire de la prospection. Ce sont des démarches que l'on exige de vous et vous perdez votre temps à les effectuer, par exemple à remplir des statistiques qui sont souvent annotées et consultées par je ne sais qui. Il faut une simplification des procédures, notamment dans la construction: dans cette branche, vous avez douze formules de préavis à remplir ! C'est du temps perdu !

Il faut alléger la fiscalité des entreprises pour leur permettre d'investir: lorsque vous avez une fiscalité lourde, vous n'avez pas intérêt à faire du bénéfice. Vous faites alors autre chose. Ainsi on démotive les entrepreneurs, les chefs d'entreprise qui prennent des risques.

Il faut aussi une réflexion plus globale sur l'emploi à Genève, un canton urbanisé. Il est vrai que le chômage est une fatalité. Mais il y a aussi des secteurs qui méritent d'être développés. Il y a d'autres débouchés dans un canton urbain - par exemple dans les domaines de l'ingénierie, de la santé, de la construction - qui méritent un peu plus d'intérêt de la part des jeunes.

Je peux vous dire que certains milieux se bougent et font tout pour faire valoir ces filières professionnelles qui ne sont peut-être pas toujours attrayantes. Je pense qu'il s'agit là d'un problème de société et qu'il faut admettre que, pour réussir dans la vie, on n'est pas obligé d'être banquier, avocat ou médecin. C'est un problème de société plus général, mais qui touche en réalité le coeur de l'emploi et le coeur économique de Genève.

Finalement, je crois qu'il ne faut pas s'écharper sur les qualités des uns et des autres, mais réunir les secteurs économiques plutôt que de s'affronter, comme cela s'est passé ces derniers mois, lorsqu'on a attaqué le secteur financier, le trading ou le négoce. Il ne faut pas oublier que les secteurs sont complémentaires les uns des autres ! Si tout le monde veut avoir du travail, on ne peut pas sans arrêt attaquer le secteur bancaire ou les personnes relativement aisées qui, ne l'oublions pas, nous donnent du travail.

En conclusion, après un travail constructif dans les commissions sur les différents projets de lois qui ont été déposés entre janvier et avril 2012, le groupe libéral vous recommande de rejeter ce projet de loi.

M. Renaud Gautier (L). Mesdames et Messieurs, j'avais prévu de dire à peu près ce que l'un des trop rares entrepreneurs de ce parlement, à savoir Serge Hiltpold, vient d'indiquer. Et comme par hasard, c'est lorsqu'un entrepreneur qui est un créateur d'emplois et qui évite le chômage parle que les socialistes disent que la résolution du chômage passe par moins de libéraux.

Je viens dire ici aux socialistes que ce qui m'a frappé dans le discours d'hier, c'est que le chômage ne peut être résolu que par l'Etat ! C'est donc la confrontation ou l'éternel débat où Déméter, la déesse de la Terre, pourvoit et fournit tout ce qu'il faut à tout le monde et entre autres aux chômeurs, parce qu'il n'y a pas d'alternative autre que l'Etat. Soit. Mais alors je viens dire aux dames socialistes qui entendent éliminer les libéraux: comment l'Etat va-t-il payer ce qu'il faut aux chômeurs lorsque vous n'aurez plus une seule entreprise ? J'entends les mêmes répondre: «Ah, ce ne serait pas mal si on avait quand même deux ou trois entrepreneurs qui créent de l'emploi.»

Le problème de la résolution du chômage, qui est une fatalité, comme l'a dit tout à l'heure Serge Hiltpold, passe aussi par le fait qu'on aide les entreprises à créer de l'emploi ! Et créer de l'emploi, c'est diminuer les contraintes administratives.

Les quelques entrepreneurs - moins que les doigts des deux mains - qui siègent dans ce parlement pourront vous montrer, exemples à l'appui, l'augmentation des contraintes, de la paperasse et des demandes. Ces éléments-là luttent contre l'emploi ! Il faudra une fois pour toutes que ce parlement se rende compte qu'à force de complexifier les conditions de l'emploi, indirectement on crée du chômage.

Mesdames et Messieurs, si vous voulez moins de chômage, aidez et soutenez les entrepreneurs qui créent de l'emploi, quitte à ce que cela déplaise aux socialistes ! La vérité est aussi simple que cela et elle vaut au moins autant que la proposition de dire que l'Etat doit soutenir les chômeurs, que l'Etat doit donner plus au chômage. Aidez les entrepreneurs ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, au-delà du projet de loi socialiste, je voudrais surtout revenir sur la problématique plus générale de l'emploi à Genève et du taux de chômage. Je rappelle quand même qu'on a - et cela ne date pas d'aujourd'hui - le taux de chômage le plus élevé de Suisse et que, malheureusement, lorsqu'il baisse, il baisse aussi dans la même proportion en Suisse, c'est-à-dire qu'on s'aperçoit que ce qui fait fluctuer le taux de chômage à Genève actuellement, à la hausse ou à la baisse, ce n'est pas la politique qui est mise en place par le Conseil d'Etat, mais c'est la conjoncture générale: si elle est plutôt bonne, le taux de chômage baisse en Suisse et aussi à Genève, et si elle est un peu moins bonne, le taux de chômage remonte en Suisse et à Genève.

Genève est donc dans une situation plus difficile que celle de la Suisse et cela nécessiterait un vrai engagement de la part de nos autorités, de la part du parlement au niveau des budgets et de la part du gouvernement. Parce que le chômage, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas une fatalité ! On a la chance en Suisse d'être encore dans une situation meilleure que celle de beaucoup de nos voisins européens: profitons de cela pour faire en sorte que chacun d'entre nous puisse avoir un emploi.

Pour cela, il serait nécessaire qu'on fasse - quand je dis «on», c'est le parlement et le gouvernement - de l'emploi une priorité. On a voulu faire - et c'est une bonne chose - de la sécurité une priorité dans ce canton, on y met les moyens, eh bien faisons la même chose pour l'emploi ! Mettons-y les moyens et ne faisons pas ce qui se fait actuellement, c'est-à-dire une politique qui voit même, entre le budget 2012 et le budget 2013, les moyens accordés à la réinsertion des chômeurs en fin de droit et à la réinsertion professionnelle diminuer.

Faire de l'emploi une priorité, c'est d'abord organiser un suivi personnalisé des chômeurs. On sait que ce qui marche par exemple dans certaines communes - je pense à Onex avec le projet «Onex Solidaire», je pense à ce qui est réalisé à Vernier - ce qui marche avec l'OSEO qui a plusieurs programmes pour les chômeurs, ce sont des suivis extrêmement personnalisés, avec des personnes que l'on voit très régulièrement et à qui on propose quelque chose qui leur correspond véritablement et non pas, comme cela se pratique aujourd'hui à l'office cantonal de l'emploi, avec des programmes qui sont, je dirais, un peu fourre-tout, qui vont pour tout le monde, sans suivi régulier et sans évaluation réelle des besoins.

Surtout, ce qui est plus grave - et vous aurez lu ou aurez l'occasion de voir, j'espère, la question urgente que j'ai posée lors de cette session - c'est que ce n'est pas avec un office cantonal de l'emploi qui stigmatise les chômeurs en les présentant comme des fraudeurs, comme des profiteurs, voire comme des fainéants potentiels qu'on va résoudre la question de l'emploi.

Dernier élément, Mesdames et Messieurs les députés: il n'y a pas si longtemps, notre parlement a supprimé le RMCAS en estimant qu'il fallait proposer autre chose pour réinsérer les personnes. Nous étions contre, mais nous en avons pris acte. Soit.

Avec Mme Carrard, en commission des affaires sociales, nous nous sommes battues pour faire en sorte que la loi qui sortirait des travaux de commission soit la meilleure possible. Nous avons obtenu un certain nombre de mesures, mais celles-ci ne sont pas appliquées par le gouvernement ! Je vous en donnerai quelques exemples: M. Longchamp s'était engagé à l'époque à ce que les barèmes concernant les loyers des personnes à l'aide sociale soient ceux du RMCAS et que la franchise sur le revenu soit la même que pour les personnes au RMCAS. C'est dans la loi, mais le règlement d'application de la loi, entré en vigueur en février 2012, n'a pas retenu ce qui avait été voté par le parlement.

Nous avions proposé - et cela avait été accepté par l'ensemble de la commission des affaires sociales - une allocation de formation qui permettrait éventuellement aux chômeurs qui le souhaitent de faire des formations qualifiantes, par exemple un CFC, et de bénéficier d'une allocation de formation. Eh bien j'ai eu aujourd'hui la réponse à une question que j'avais posée le mois dernier au Conseil d'Etat: actuellement, aucune allocation de formation n'a été accordée, parce que, paraît-il, de telles allocations n'ont pas été demandées ! Mais j'aimerais au moins savoir si les personnes concernées étaient au courant de cette possibilité !

Tout cela pour vous dire que nous avons mal à l'emploi, que nous avons mal à la politique qui est menée par ce gouvernement et qu'il serait temps d'en changer et de faire de l'emploi la priorité de la prochaine législature. (Applaudissements.)

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). J'ai déjà pris la parole hier sur ce sujet pour expliquer pourquoi le MCG regrettait de ne pas être entré en matière sur ce projet de loi. J'ai aussi dit que sur le plan législatif, il est vrai, il y a toujours lieu de considérer en priorité la législation fédérale, mais il est tout à fait possible au niveau cantonal de faire mieux et de proposer davantage, si cela nous semble aller dans l'intérêt des citoyens.

Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit par Mme Emery-Torracinta, je crois qu'elle a fait un tour de situation extrêmement précis et donné de très bons exemples. Mais je voudrais établir une relation importante entre les personnes qui se trouvent au chômage, les besoins des métiers, comme il a été dit par notre jeune entrepreneur dans ce parlement et, d'autre part, la situation de la personne elle-même. Là, je crois qu'on est au croisement de quelque chose qui touche finalement les droits de l'Homme, et cela devient très grave. On a dit qu'il fallait soutenir l'entreprise: je suis parfaitement d'accord, il est clair que c'est un levier fondamental.

Deuxièmement, se dire qu'en cas de croissance il y aura une augmentation des emplois, c'est une hypothèse. Elle n'est encore pas tellement confirmée, on l'a vu ces derniers temps. Alors il reste la formation et il reste les personnages, les êtres humains, nous tous ! Quand on est en situation de chômage, on n'est pas dans la meilleure situation pour apprendre quelque chose. Et je crois qu'il faut vraiment se rendre compte de cela. Une formation nécessite du temps, un encadrement, cela nécessite - comme on l'appelle aujourd'hui - de coacher la personne, et cela nécessite parfois de s'arrêter, de permettre à la personne de respirer un mois. C'est ainsi, parce que les personnes sont tellement désespérées qu'elles n'arrivent pas à enregistrer et à apprendre. Alors qu'est-ce qu'on se dit ? On se dit: «On va les mettre dans la santé ou dans le social, c'est tellement facile ! Ce sont des gestes quotidiens, tout le monde sait faire cela ! Surtout si ce sont des femmes !» Bon, dans l'éducation, c'est un peu moins facile.

Et que fait-on alors ? On leur propose des formations qui les mettent en contact avec des individus vulnérables, atteints dans leur santé de façon chronique et dans des situations extrêmement complexes. Et à quoi assiste-t-on ? Quels sont à ce moment-là les leviers que nous avons pour que les personnes soient capables d'apprendre, d'enregistrer, d'assimiler ce que cela veut dire et qu'elles ne deviennent pas des espèces d'automates, pour finalement se détériorer, faire des burn-out et se retrouver à la case départ ?

Je trouve qu'il y a aujourd'hui un investissement dans la politique du chômage qui coûte énormément à la collectivité. Alors c'est l'occasion de renvoyer ce projet de loi en commission et de retravailler l'ensemble, comme l'a proposé Mme Emery-Torracinta, dans sa globalité. Et quand on aura fait le point sur le plan économique, on le fera sur le plan politique et, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés et conseillers d'Etat, faisons le point aussi sur ce que sont les personnes et leurs capacités à se mettre en situation ! Autrement, ce n'est que de la théorie ! Regardons ce qui se passe dans la pratique et, à ce moment-là, on prendra les bonnes mesures.

Le président. Merci, Madame la députée. Concernant la demande de renvoi à la commission de l'économie, les deux rapporteurs et Mme la conseillère d'Etat ont le droit de s'exprimer. La parole est à M. le rapporteur Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'invite ce Grand Conseil à refuser le renvoi à la commission de l'économie, car la commission, comme je l'ai dit hier, a effectué les travaux de manière approfondie en auditionnant toutes les parties prenantes de façon sérieuse. Le travail a été réalisé et il est faux de dire qu'on a travaillé de manière théorique, puisque des associations de chômeurs ont également été entendues par notre commission. Cette demande a un effet dilatoire. Je pense qu'il faut trancher ce soir et ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont demandé ce retour en commission pour que ce projet de loi soit véritablement étudié. Il a été traité en marge du projet de loi déposé ultérieurement par le Conseil d'Etat et au final il a été laissé de côté, abandonné pour ainsi dire par la majorité, le PLR en particulier, sous prétexte que l'autre projet de loi avait été accepté, alors qu'en réalité il s'agit de deux problématiques bien différentes.

Ici, nous parlons de la révision fédérale de la loi sur l'assurance-chômage qui a entraîné la réduction de la durée des indemnités de façon drastique, en particulier pour les personnes les plus soumises aux aléas du marché de l'emploi que sont les jeunes et les personnes âgées de plus de cinquante ans.

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes souhaitaient pouvoir éventuellement cibler des mesures spécifiques au niveau cantonal pour les jeunes et les personnes âgées de plus de cinquante ans. Je pense qu'il s'agit d'une véritable question de dignité humaine: les jeunes Genevois n'ont pas choisi de voir leurs indemnités fédérales passer de quatre cents à deux cents jours, cela a été imposé par la Confédération, puisque le peuple au niveau suisse a accepté cette révision, mais que Genève l'a refusée ! Mesdames et Messieurs les députés, il faut aussi être cohérent: les attentes de la population genevoise sont bien de prendre davantage en charge le chômage de longue durée, y compris en ne mettant pas ces personnes à l'assistance sociale, parce que c'est bien ce qui se passe ! Nous vous remercions donc d'accepter ce renvoi en commission.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat, concernant le renvoi en commission.

Mme Isabel Rochat. Je renonce.

Le président. Vous renoncez. Nous allons donc passer au vote sur le renvoi de ce texte à la commission de l'économie.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10815 à la commission de l'économie est rejeté par 54 non contre 32 oui et 1 abstention.

Le président. Nous poursuivons notre débat. La parole est à Mme la députée Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. M. Deneys l'a dit lui-même, le peuple a voté la révision de la loi fédérale sur l'assurance-chômage. Le peuple l'a votée, cette loi ! A un moment donné, Genève doit se conformer au droit supérieur. Or ce que ce projet de loi demande, c'est justement de revenir là-dessus et de réintroduire le principe des allocations.

Pourtant, il était clair, autant lors du vote du peuple que dans tous les débats en commission - et notre Conseil d'Etat nous l'avait aussi confirmé très clairement - que l'objectif n'est pas de laisser les gens au chômage, mais de les remettre le plus rapidement possible dans un emploi. Dans ce sens, bien sûr qu'on peut débattre et se poser la question de savoir si les emplois de solidarité ou les emplois qu'on donne aux chômeurs sont de bonne ou de mauvaise qualité, mais aujourd'hui nous sommes en train de traiter un projet de loi qui demande le retour des allocations et rien d'autre.

Sur ce plan, nous devons nous conformer au choix du peuple qui a été de dire non. Nous préférons voir les chômeurs revenir le plus rapidement possible en emploi et mettre nos forces là-dedans. Or ce projet de loi mettrait en oeuvre les forces du canton - à raison de 150 millions de francs, ce qui aujourd'hui, dans ce canton, est énorme - pour laisser les gens au chômage, alors que cet argent pourrait être utilisé pour leur trouver un emploi.

Ainsi, parce que le peuple a déjà fait son choix et parce que nous souhaitons aussi que les chômeurs soient aidés à retrouver un emploi et non à rester chez eux, nous ne pouvons pas entrer en matière sur ce projet de loi et nous devons le refuser. Ce qui n'empêche pas, l'heure venue, de se reposer des questions sur la qualité des emplois et sur le problème du chômage à Genève. Il est clair que ce sont des préoccupations qui nous interpellent, mais là n'est pas le propos de ce projet de loi précisément.

M. Florian Gander (MCG). Je voudrais rappeler certaines réalités. On a parlé tout à l'heure des emplois-formation. Est-ce que vous savez vraiment ce que sont ces emplois dits «de formation», ces mesures qui sont censées donner une réelle plus-value aux chômeurs pour leur permettre de retrouver un véritable emploi ?

Ce soir, je vais vous poser des questions telles quelles: comment les entreprises qui utilisent des emplois-formation fonctionneraient-elles si elles devaient réellement engager du personnel pour faire tourner leurs services ? Comment est-ce que l'Etat de Genève... Parce que l'Etat utilise des emplois-formation ! Il y a eu un article dans «le Temps», vers la fin de l'année dernière, qui était assez clair et qui disait que des services de l'Etat avaient utilisé, par exemple, des chômeurs pour déménager des services de l'Etat dans d'autres bâtiments. Est-ce que ce n'est pas faire du dumping salarial ou de l'exploitation de chômeurs, ça ? C'est simplement inadmissible !

Des dizaines et des centaines d'emplois de ce genre sont placés dans des entreprises privées genevoises ou à l'Etat de Genève, emplois dans lesquels les chômeurs sont utilisés et payés par le SECO, alors que normalement ils devraient avoir un salaire payé par un employeur. Si aujourd'hui l'Etat de Genève devait engager de manière définitive ces chômeurs placés dans les différents services, le budget du canton, ce n'est pas en avril qu'on le voterait mais en décembre, parce qu'il serait doublé, voire triplé !

Je suis désolé, chers collègues, nous ne pouvons pas accepter que ces mesures continuent telles quelles, sans aucune surveillance ! Le MCG serait même d'avis de demander à la Cour des comptes de jeter un oeil sur la façon d'attribuer les emplois-formation à ces différentes entreprises. Je pense qu'il serait judicieux d'avoir un retour de la Cour des comptes à ce propos.

En tout cas, chers collègues, le groupe MCG soutiendra le renvoi en commission et vous demande d'accepter ce texte.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je n'ai pas très bien compris votre demande. Nous venons de voter... (Remarque.) Très bien, nous sommes d'accord. La parole est à Mme Prunella Carrard.

Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Les socialistes ont déposé ce projet de loi parce qu'ils estiment que, à Genève, nous pouvons faire mieux pour les chômeurs genevois ! Nous pouvons faire mieux que ce que propose la loi fédérale, qui a d'ailleurs été refusée lors de sa votation par le peuple genevois. C'est pour cela que nous avons ce débat aujourd'hui et c'est pour cela que nous avons déposé ce projet de loi.

Et puis il est vrai que nous sommes alarmés par la situation. Nous remarquons qu'au budget 2013, il y a 14,5 emplois à plein temps qui vont être supprimés dans le secteur de la réinsertion professionnelle pour les demandeurs d'emploi. Certes, il s'agit de considérations fédérales et cantonales, mais enfin, le canton a un devoir vis-à-vis de ses chômeurs ! Le chômage est en hausse, c'est la raison pour laquelle nous estimons essentiel de pointer aujourd'hui notre attention sur la question du chômage à Genève.

Par ailleurs, j'aimerais aussi évoquer le fait que l'une des récentes évolutions de l'office cantonal de l'emploi a fait en sorte que les conseillers en personnel ne sont plus spécialisés dans les domaines professionnels ! Ils vont s'occuper de chômeurs venant de domaines différents et cela contribue à ne pas donner une réponse correcte et efficace à la personne qui est en recherche d'emploi.

C'est ce qui nous inquiète, Mesdames et Messieurs les députés ! C'est pour cela que nous déposons ce genre de projet de loi et que nous demandons une véritable discussion et non une évaluation à la louche de 150 millions ! En effet, ma préopinante Mme Meissner a ressorti ce chiffre, mais encore une fois, il n'est basé sur aucune étude précise ! Cela est sorti d'un chapeau, parce que ce chiffre n'a pas été justifié clairement et concrètement en commission lorsque cet objet a été étudié.

D'autre part, il est vrai qu'il est essentiel de soutenir les entrepreneurs et le domaine de l'entreprise ! Et j'aimerais que l'on arrête de faire une confusion: socialiste ne veut pas dire «pas entrepreneur» ! Au sein même de ce groupe se trouvent cinq entrepreneurs ! (Brouhaha.) Donc nous connaissons également la réalité des PME, nous sommes aussi fiers et heureux de payer un peu plus d'allocations familiales pour l'ensemble des familles genevoises. Nous assumons cela parfaitement et nous le vivons au même titre que n'importe quel autre entrepreneur de Genève.

J'ajouterai que ce qui nous interpelle, c'est la vision du chômage à Genève: aujourd'hui, le chômage de longue durée est devenu le chômage à l'aide sociale, c'est-à-dire qu'un chômeur en fin de droit va se retrouver dans le régime de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Et que devra-t-il faire alors ? Il aura le droit de faire un merveilleux stage, par exemple, de démontage d'ordinateurs, ou de la mise sous pli pendant un mois ! Pourquoi ? Pour vérifier s'il est apte à l'emploi ! Vous rendez-vous compte qu'il y a des professeurs... J'ai entendu récemment qu'un chef d'orchestre et une employée de commerce avaient démonté des ordinateurs pendant un mois. C'est cela la réalité du chômage de longue durée à Genève ! Au nom de quoi peut-on dire que c'est ainsi que l'on peut réinsérer des personnes ? Franchement, Mesdames et Messieurs, en particulier du groupe des Verts ! Vous nous avez habitués à ce que nous puissions avoir une véritable réflexion sur la question du chômage, alors permettez-moi de vous interpeller et de vous appeler à soutenir la position de la minorité.

J'insisterai enfin sur un dernier point: partout en Europe, une réflexion a été instaurée sur le chômage de longue durée. Je l'avais déjà dit il y a un an à propos d'un autre projet de loi que nous avions étudié et je le redis aujourd'hui. Concernant le chômage de longue durée, partout en Europe, on estime qu'il s'agit d'instaurer un nécessaire pilier intermédiaire entre le chômage et l'aide sociale.

Les pays européens qui sont avant-gardistes sur la question du chômage mettent en place un pilier intermédiaire pour permettre aux personnes de mieux se réinsérer, avec des conseillers en personnel qui sont qualifiés dans le secteur concernant la personne au chômage. C'est à cela que nous devons réfléchir !

J'aimerais appeler - pourquoi pas ? - le canton à mettre en place un plan directeur de l'insertion professionnelle... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...pour véritablement répondre aux problématiques qui se posent. Dans mon travail, j'ai particulièrement affaire à des jeunes qui sont en rupture ou en difficulté d'insertion socioprofessionnelle, des jeunes qui n'ont pas de formation et qui ont de la peine à trouver des formations ou un emploi, et j'invite donc aussi à réaliser un plan cantonal d'insertion professionnelle pour les jeunes. En effet, pour les jeunes en particulier, les seules mesures qui existent aujourd'hui sont communales. Par exemple, un jeune qui résiderait à Troinex n'aura accès à aucune antenne d'insertion, mais son voisin qui habite Carouge, à 500 mètres de chez lui, aura heureusement accès à l'antenne d'insertion de Carouge. Il n'y a aucune uniformité sur la question et c'est le rôle du canton de mettre en place une véritable réflexion. Peut-être que les antennes d'insertion doivent rester communales ! Il n'y a pas de problème. Mais le canton doit s'investir et s'impliquer dans la réinsertion des chômeurs. C'est essentiel et j'appelle encore une fois le canton, comme bon nombre de mes préopinants, à faire de l'emploi une priorité ! (Applaudissements.)

Mme Dominique Rolle (MCG). Stigmatiser les employeurs n'apportera rien, quand bien même certains d'entre eux se comportent mal... L'Etat aussi se comporte mal et de but en blanc, en criminalisant les chômeurs et en instaurant une politique à la limite du carcéral à l'intérieur de ses propres institutions.

Le chômeur se sent donc dévalorisé et qu'est-ce qui lui est proposé ? Des emplois de solidarité, des formations de complaisance qui ne débouchent sur rien, qui ne font que claquer les deniers du contribuable sans rien apporter ! Car les choses se font en amont !

Tant qu'on opposera le chômage aux employeurs, on n'obtiendra rien ! Il faut dès lors encourager les formations continues et cela devrait commencer par l'Etat lui-même, qui devrait engager sur le territoire genevois et former au moyen de vraies formations avec de vrais diplômes à la clé, et non pas par le biais d'espèces de formations de complaisance distribuées comme ça, comme on jette de la poudre aux yeux ou comme jadis le roi distribuait l'enveloppe à ses courtisans.

Il faut donc encourager les employeurs qui engagent sur le marché local, qui engagent les chômeurs et les jeunes - y compris des jeunes universitaires - qui ne trouvent pas forcément d'emploi. (Brouhaha.) Pour moi, la solution est là et elle n'est pas ailleurs, à travers des formations ou je ne sais quoi encore !

Les formations de solidarité, comme l'a si bien expliqué mon collègue Florian Gander à de nombreuses reprises... (Brouhaha.)

Le président. Madame la députée, je vous interromps brièvement pour rappeler à vos collègues qu'on traite un problème très important. Tous les problèmes le sont, mais celui-ci est particulièrement important, alors j'aimerais quand même que ce débat se déroule dans le respect mutuel. Vous pouvez poursuivre, Madame.

Mme Dominique Rolle. Merci, Monsieur le président. C'est là qu'on voit que finalement le chômage n'intéresse que très peu de monde dans cet hémicycle, et c'est vraiment regrettable. Je disais donc que les choses doivent se faire en amont; il faut vraiment développer le Service Employeurs, mais quand un employeur vient demander l'ARE et doit attendre plusieurs mois avant de pouvoir l'obtenir - je le sais, je l'ai vécu aussi bien en tant qu'employeur qu'en tant qu'employée - ce n'est pas très acceptable !

Il y a donc beaucoup de choses à faire et à restructurer au niveau des institutions de l'Etat, si on veut vraiment pouvoir faire un travail satisfaisant, et il faut peut-être privilégier la qualité à la quantité. Personnellement, je rejoins mon collègue qui dénonce ces emplois de solidarité qui en fait ont créé une sous-main-d'oeuvre, y compris pour les employeurs, ce qui n'est pas très souhaitable non plus.

Je pense donc que c'est le moment ou jamais de créer un partenariat avec les employeurs qui décident d'engager des chômeurs; il faut leur faciliter la tâche et non pas les ennuyer avec des démarches et de la paperasse, eux qui en ont déjà tellement ! Je pense qu'il y a de quoi faire et que l'on peut notamment développer le Service Employeurs.

Mme Esther Hartmann (Ve). Pour les gens qui nous écoutent derrière leur écran, je voudrais quand même clarifier qu'il s'agit d'un projet de loi demandant que l'on crée une «caisse cantonale de chômage bis» avec cent cinquante jours d'indemnités en plus, point barre. On ne parle pas de réformer la formation, de modifier la qualité des stages d'évaluation, ni de tous ces problèmes et plaintes qui sont réels; il y a des soucis, mais ils n'entrent pas dans le cadre de ce projet de loi !

En disant qu'on va renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie pour réfléchir sur la manière d'accompagner les chômeurs, on vous ment ! Ce n'est pas le contexte de ce projet de loi ! Arrêtons de faire des programmes politiques et électoraux pour défendre les employeurs, puis les employés, et centrons-nous sur ce débat: est-ce que ce projet de loi est valable au niveau juridique ? Non. Est-ce qu'il vaut la peine de dépenser l'argent du contribuable pour quelque chose qui n'est pas valable du point de vue légal ? Non.

J'aimerais quand même rappeler à mes chers collègues du MCG qu'en commission de l'économie, où nous avons traité durant un nombre incalculable de séances ce projet de loi sur le chômage, nous n'avons entendu que lors de la dernière séance quelqu'un s'exprimer pour dire qu'il déposait un rapport de minorité. Voilà la seule contribution à la réflexion que le MCG a apportée.

Maintenant, j'aimerais aussi ajouter ceci: actuellement, qui est-ce qui propose des diminutions de subventions dans le domaine des associations, qui menace donc des postes, ce qui va peut-être créer du chômage ? Ce sont essentiellement les rangs d'en face, le MCG. Soyez donc un peu cohérents et soutenez réellement l'emploi en apportant des propositions concrètes et en arrêtant de menacer des postes ! (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau a décidé de clore la liste. Peuvent encore s'exprimer les députés Eric Stauffer, Roger Deneys, Edouard Cuendet, Serge Hiltpold, René Desbaillets, Christina Meissner, Fabienne Gautier, Lydia Schneider Hausser, Marion Sobanek, Renaud Gautier et Mme la conseillère d'Etat. La parole est à M. le député Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous donne un chiffre: 305 millions ! C'est beaucoup d'argent. C'est ce que le MCG appelle «le thermomètre social de la République et canton de Genève». Ces 305 millions, Mesdames et Messieurs, c'est le montant payé pour les subsides d'assurance-maladie que les Genevois ne peuvent plus payer, parce qu'ils ne gagnent plus assez. C'est calculé sur la base du RDU. Ce ne sont pas moins de 105 000 personnes qui en sont bénéficiaires, soit un quart de la population genevoise, qui ne gagne plus assez pour payer les primes d'assurance-maladie. Les chiffres que je vous donne, vous les retrouvez à la page 101 du budget 2012 ! Et pour être précis, le canton de Genève paie 180 millions de francs et la Confédération 125 millions de francs, étant entendu que si Genève ne paie pas les 180 millions, la Confédération ne paie pas ses 125 millions. Ce sont donc 305 millions, Mesdames et Messieurs, qui sont payés ! C'est pour vous dire à quel degré nous en sommes arrivés aujourd'hui s'agissant du niveau de rémunération de nos concitoyens, du taux de chômage et de la catastrophe annoncée qui va se produire dans les années qui viennent.

Alors moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs: le projet de loi des socialistes coûte certes quelque chose, mais il est logique. Vous avez voulu, vous partis gouvernementaux et aux Chambres fédérales, faire une ouverture sur l'Union européenne beaucoup trop rapide ! Nous avons aujourd'hui à Genève 12 500 chômeurs et 15 550 demandeurs d'emploi. Ces gens ne sont plus ce que certains voulaient nous faire croire il y a quelques années, c'est-à-dire des tire-au-flanc, des gens qui veulent profiter du système. On n'est plus dans cette logique. Ce sont des gens comme vous et moi, des pères de famille, qui ont perdu leur emploi, qui ont passé 45 ans et qui coûtent trop cher à leur employeur ! Ce sont des gens qui sont remplacés, non pas en raison du dumping salarial, par une main-d'oeuvre beaucoup plus jeune qui vient de l'autre côté de la frontière et qui va se contenter de 3000 ou 3200 F bruts par mois !

Et ceux qui restent sur le carreau, ce sont les résidents genevois. Alors je vous le demande: qu'allons-nous faire de ces gens, vous qui prônez le libéralisme à outrance, en tout cas pour une partie de ce parlement ? Allons-nous les laisser sur le trottoir en leur disant: «La loi fédérale a changé, les indemnités sont versées tant de jours et ensuite vous allez à l'Hospice général» ? Non !

De ce point de vue, le projet de loi socialiste découle du bon sens, mais ce n'est pas suffisant, parce que ce que nous devons entreprendre, avec toute l'énergie qui peut nous caractériser, c'est de faire retrouver un emploi aux résidents genevois en priorité ! Alors quand je vois, Mesdames et Messieurs, que certains partis dans ce parlement prônent des apprentissages pour les sans-papiers, alors que nos propres enfants ne trouvent plus de places d'apprentissage...

Une voix. Bravo !

M. Eric Stauffer. ...c'est de l'inconscience ! Vous ne défendez pas les électeurs qui vous ont portés à la fonction que vous occupez aujourd'hui ! C'est inadmissible de défendre ce genre de procédé ! J'ai cité, vous l'aurez compris, le parti démocrate-chrétien, d'après lequel, alors que les parents qui ont travaillé, payé des impôts toute leur vie et fait des enfants ne trouvent actuellement plus de places d'apprentissage pour ceux-ci, il faudrait prôner les apprentissages pour les sans-papiers qui, eux, n'ont jamais payé d'impôts puisqu'ils travaillent au noir. Ça, cela leur importe peu, mais c'est contraire à la loi !

Alors moi je vous le dis, Mesdames et Messieurs: aujourd'hui, ce n'est plus une question qui concerne le MCG, avec la préférence cantonale, etc. C'est une question qui concerne l'entier de ce parlement, et il faut se ressaisir ! Le Conseil d'Etat lui-même en était venu, après cinq ou six ans de martelage de la part du Mouvement Citoyens Genevois, à dire qu'il fallait donner une priorité à l'engagement des résidents genevois ! Les Hôpitaux universitaires de Genève, par la voix de leur directeur général Bernard Gruson, ont dit qu'il y avait trop de frontaliers dans certains services et qu'il fallait privilégier les résidents genevois ! La polémique a été créée, avec le scandale et tous les noms d'oiseaux qui ont suivi. Eh bien, que ce soit le Conseil d'Etat ou le directeur général des HUG, ils ont raison ! Là où une main-d'oeuvre locale est disponible, il faut la privilégier !

En tant que magistrat - puisque vous savez que j'ai un mandat à l'exécutif... (Commentaires. Le président agite la cloche.) ...et que je suis chargé des ressources humaines - dans la commune d'Onex, je peux vous dire qu'il n'y a pas d'engagement de frontaliers. La priorité absolue est donnée aux résidents du canton de Genève ! Un point c'est tout ! Et si chacun appliquait ce principe, nous aurions moins de personnes au chômage, moins de gens qui arrivent à l'aide sociale, et les finances du canton s'en porteraient mieux !

Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs, votez ce projet de loi ! Donnons ce signal, non pas pour faire des chômeurs genevois des assistés, mais pour leur donner une bouffée d'oxygène, afin qu'ils retrouvent fierté et dignité avec un emploi et une juste rémunération.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous avais rappelé tout à l'heure que je m'étais fait déboucher les oreilles, mais là vraiment je crois que je vais remettre la cire ! (Rires.) La parole est à M. le député Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (L). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir au fond du débat tel que l'a présenté Mme Hartmann: je pense que la réalité de ce projet de loi, on l'a bien compris, consiste en l'allongement des indemnités de chômage. Le coeur du débat, c'est que plus on reste au chômage, plus on a des difficultés à retrouver du travail.

Maintenant, comment faire pour retrouver du travail ? Il faut prendre en compte la réalité de l'emploi: dans une entreprise, vous ouvrez des postes quand vous avez un carnet de commandes. Quand ce carnet est suffisamment fourni, vous envisagez de créer et d'ouvrir des postes. Je crois qu'il faut que ce parlement se rende compte de ce qui se passe sur le plan économique. On n'est pas dans une morosité, on est dans une situation d'inquiétude et les entreprises sont relativement prudentes. Lorsque les entreprises ont des commandes à trois ou quatre mois, cela veut dire que vous avez un trimestre d'avance, eh bien vous ne faites pas de grandes théories pour savoir comment vous allez réinsérer des chômeurs ! Vous faites ce qui incombe aux patrons d'entreprise, à savoir premièrement de trouver du travail, deuxièmement de le réaliser et troisièmement de se faire payer. Cela, c'est la réalité.

Concernant toutes les théories que nous avons entendues sur l'emploi, les entrepreneurs et les chefs d'entreprise ne sont pas des bourreaux qui dégomment leurs employés ! Lorsque des personnes travaillent dans votre entreprise, elles apportent une plus-value, vous essayez de les garder, vous tentez de faire fructifier le capital humain et vous développez des compétences. Dire qu'on jette les personnes comme ça pour prendre des plus jeunes, c'est un propos à côté de la plaque !

Un autre élément à ne pas introduire dans le débat, c'est le conflit de générations. Il y a des secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement. Qu'est-ce qui se passe dans ce cas ? Il y a des secteurs dans lesquels les personnes travaillent plus longtemps. Pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de relève ! Je vais vous décrire un simple constat réel: avec le nouveau plan de sortie pour les retraites, à l'école des métiers, sept professeurs des métiers du bois partent cet été et il n'y a pas un seul candidat pour les remplacer !

Alors je veux bien entendre toutes les théories de M. Stauffer sur la priorité aux résidents genevois et tout ce que vous voulez: les postes sont ouverts, on cherche sept personnes au bénéfice d'une maîtrise dans le domaine du bois, à Genève. Je fais un appel. C'est une réalité ! Remettons les pieds sur terre et parlons de ce qui est réel.

Concernant l'attaque contre l'office cantonal de l'emploi, j'aimerais que l'on arrête de taper sur les emplois de solidarité. Les emplois de solidarité sont une mesure permettant à des personnes de se relever. Ce sont des entreprises sociales privées, notamment Partage, et quand j'entends qu'on critique systématiquement ces emplois de solidarité... Cela permet à une cinquantaine ou une soixantaine de personnes, au sein d'une association comme Partage, d'avoir une certaine dignité et de sortir d'une situation épouvantable, c'est-à-dire rester chez soi et ne pas être utile à la collectivité. Alors je pense qu'on ne peut pas dire que l'entreprise sociale privée Partage exploite les gens ! Ces emplois ont un but social, de cohésion, et il ne faut pas tout mélanger. J'aimerais qu'on arrête de détourner le débat, qu'on se concentre sur cette mesure et qu'on refuse ce projet de loi, afin que l'on puisse avancer dans l'ordre du jour.

Présidence de M. Antoine Droin, premier vice-président

M. René Desbaillets (L). Monsieur le vice-président, vous pourrez transmettre ceci à Mme Carrard et à ses collègues de gauche qui demandent aux employeurs de créer des emplois: croyez bien qu'on s'y attache ! Mais alors il ne faut pas que votre main droite ignore ce que fait votre main gauche. Ce n'est pas en votant des millions de francs de crédit pour réaliser des lignes de tram et de bus afin que les consommateurs genevois aillent faire leurs courses en France voisine que vous allez créer des emplois !

Je vous rappelle une statistique montrant que chaque fois qu'on dépense 200 000 F à l'étranger, cela fait un emploi de moins chez nous ! Alors réfléchissez comme il faut ! Moralité: ce n'est pas avec des lois qu'on va créer des emplois, mais c'est en donnant un peu plus de conscience «économico-civique» - si ce mot existe dans le dictionnaire - aux citoyens. Refusons donc cette loi !

Mme Christina Meissner (UDC). Nous sommes tous responsables de redonner du travail et cela ne dépend pas simplement d'un choix du consommateur, mais aussi des employeurs et du type de projet que nous voulons construire pour Genève. Je retiens notamment que la filière du bois est au plus mal. A un moment donné, il faut donc faire le choix de construire en bois. Ce n'est pas pour rien que j'ai déposé, il y a une année, une résolution pour qu'on revitalise cette filière du bois. Elle est nécessaire. Nous avons du bois. Les charpentiers cherchent du travail. Il faut revitaliser certaines filières qui sont les nôtres.

Il est clair aussi que nous devons privilégier à un certain moment nos propres citoyens, nos propres habitants, afin qu'ils retrouvent un emploi, emploi qui aujourd'hui est menacé par toute l'Europe qui en cherche et qui en trouve chez nous, de cet emploi ! Il est évident qu'une préférence à nos habitants, à nos enfants, à ceux qui recherchent du travail doit être donnée au niveau local. Mais pour cela il faut effectivement qu'en matière de formation, nous fassions les efforts nécessaires.

Je vous en prie, recentrons ce soir le débat ! En l'occurrence, que demande le projet de loi ? Il n'est pas en train de parler d'un type d'emploi ou de l'autre, d'améliorer une filière ou l'autre, d'améliorer la formation ou quoi que ce soit, il se borne à demander la réintroduction d'indemnités journalières. En fait, il demande ce que nous avions, par la voix du peuple, décidé de refuser, il demande de doubler les indemnités journalières des chômeurs, pas de leur trouver un emploi ! Quel que soit l'emploi, ce n'est pas le propos d'aujourd'hui, on ne parle pas de la qualité de l'emploi, on parle simplement d'un nombre de jours pendant lesquels on reste au chômage.

Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit pas de se demander combien de jours un chômeur doit rester au chômage, mais bel et bien de lui retrouver un emploi, de le remettre dans la filière de l'emploi...

Des voix. Le bois !

Mme Christina Meissner. ...que ce soit dans le bois ou ailleurs. On est donc totalement à côté de la question en parlant de la qualité et du type d'emploi qui est offert à nos chômeurs et de s'ils trouvent cet emploi ou pas. Ce projet de loi ne parle que des indemnités journalières. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas entrer en matière sur ce texte précisément.

Mme Fabienne Gautier (L). J'entends bien le groupe socialiste qui dit que toute la prochaine législature devra se dérouler autour du thème de l'emploi et de ce que nous voulons faire pour l'emploi à Genève. Je vous rappelle que cela fait deux législatures, si ce n'est plus, que nous travaillons spécialement sur la question du chômage. Nous avons pris beaucoup de mesures pour faire de la réinsertion et vous pouvez dodeliner de la tête, Madame Carrard, vous n'étiez pas présente lors de la précédente législature, pendant laquelle nous avions beaucoup fait pour le chômage.

Je vous rappelle, puisque vous citez des exemples européens, que la Suisse est le pays qui a le moins de chômage en Europe, si ce n'est dans le monde. Genève est effectivement l'un des cantons qui en a le plus, mais je vous rappelle aussi que, si vous regardez les chiffres, ce chômage a diminué ces dernières années. Grâce à quoi ? Simplement parce que les entreprises, qui n'ont pas attendu que Mme Carrard débarque, travaillent avec l'office cantonal de l'emploi.

Voilà ce que je voulais signaler. On travaille beaucoup, on fait énormément d'efforts et, jusqu'à preuve du contraire, je crois bien que ce sont les entreprises et peut-être bien les entreprises que nous représentons qui créent de l'emploi et qui engagent des chômeurs à Genève. Je peux vous en citer beaucoup, et je n'ai pas encore vu d'entreprises socialistes le faire.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je regrette un peu la tournure que prennent les débats actuellement, parce qu'il n'y a pas les bons et les mauvais. Le but de ce projet de loi était de relayer les 60% de Genevois qui ont refusé la LACI, c'est-à-dire la loi fédérale sur les indemnités de chômage, estimant qu'il fallait que Genève conserve la protection des chômeurs que donnait l'assurance-chômage précédente.

A partir de là, cela ne veut pas dire qu'on est pro-PME ou pas. Vous le verrez, même les socialistes, concernant la proposition de motion 2094 qu'on abordera plus loin dans l'ordre du jour, disent qu'il faut plus de synergies entre les personnes qui recherchent un emploi et les entreprises locales. Mais là, nous sommes dans une définition d'un contrat social au sens large du terme, et il s'agit d'un choix entre ce qui se passe en Allemagne, qui est un peu l'extrême, avec le «Hartz IV», c'est-à-dire les mesures de chômage à un euro l'heure, et des mesures de chômage plus généreuses et plus respectueuses des gens et des familles touchés par le manque d'emplois.

De là, Mesdames et Messieurs, cette volonté et ce projet de loi qui se voulait une incitation et qui vise à dire que les gens à la recherche d'un emploi ne sont pas tous des fautifs ou des fainéants. Ce sont des gens qui subissent peut-être plus directement, parce qu'ils sont plus fragilisés par leur formation, leur manque de formation ou leur mauvaise cible de formation, le manque d'emplois sur un territoire qui s'est spécialisé et qui a perdu les aspects d'une économie diversifiée.

De ce point de vue là, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi appelait davantage à un travail de coopération pour améliorer la situation d'un certain nombre et d'un nombre certain de citoyens. Il n'avait pas pour but ce qui commence à se faire dans ce parlement, à savoir: «C'est nous qui créons de l'emploi, c'est vous qui demandez des indemnités plus généreuses», mais visait bien à essayer de travailler ensemble en faveur d'un maximum de gens de cette communauté genevoise, des citoyens genevois et des habitants de Genève.

Mme Marion Sobanek (S). Je vous rassure, je ne vais pas chanter, cette fois.

Des voix. Oh !

Mme Marion Sobanek. Le chômage, cela a été dit à plusieurs reprises, touche toute une famille. Il touche la dignité de la personne qui est au chômage et j'aimerais bien le répéter. Je ne pense pas du tout que les chômeurs, surtout de longue durée, y restent pour le plaisir. Et si la mesure qui consiste à leur couper les indemnités fonctionnait en faisant que tout d'un coup, par miracle, ils trouvent du travail, on le saurait depuis longtemps !

J'ai entendu la statistique évoquée par Mme Rochat selon laquelle le nombre de chômeurs de longue durée a diminué, Mesdames et Messieurs les députés, mais c'est qu'ils sont certainement à l'aide sociale. Donc finalement, ce qu'on ne paie pas d'une main, on doit le payer de l'autre.

Et s'agissant de la paperasse que vous connaissez dans une entreprise et que je critique comme vous, parce que trop de paperasse prend du temps inutilement à tout le monde, eh bien imaginez-la quand le chômeur demande ses indemnités: c'est une énormité de papiers qu'il doit fournir, et à l'aide sociale cette quantité est encore bien plus importante. C'est surtout beaucoup plus humiliant pour les personnes. Je trouve que, dans ce contexte, il est absolument angélique de penser qu'on arrive à placer des chômeurs au-delà de cinquante ans d'un claquement de doigts, avec - comme cela a été dit - une petite formation. Justement pour ces personnes-là, le prolongement des indemnités de chômage est une bouffée d'air très utile et nécessaire. (Brouhaha.) Je crois que je devrais me mettre à chanter... C'est pour cela que je vous invite à appuyer... (Brouhaha. Mme Marion Sobanek chantonne.) ...ce petit projet de loi ! (Exclamations.) Merci beaucoup de votre attention. (Quelques applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il m'appartient de réagir à certains propos qui ont été tenus ici. Certes, nous avons entendu quelques arguments selon lesquels il fallait investir dans les filières de l'emploi. Très bien. Nous avons entendu que la question n'est pas de savoir combien de temps le chômeur peut rester au bénéfice des allocations de chômage, mais de lui retrouver un emploi.

J'aimerais dire ceci à celles et ceux qui ont tenu ces propos: croyez-vous sincèrement qu'un chômeur calcule le nombre de jours durant lesquels il peut rester au chômage avant de chercher un emploi ? Bien sûr que non ! Ce chômeur peut être un père de famille, une mère de famille ou un célibataire qui aujourd'hui cherche un emploi au quotidien, qui fait des dizaines, voire des centaines d'offres d'emploi et qui reçoit autant de réponses négatives !

Mesdames et Messieurs, que croyez-vous ? Vous croyez que nous avons affaire à 12 500 chômeurs flemmards qui se la coulent douce et qui attendront la dernière semaine pour trouver un emploi ? Evidemment que non ! Mais tout cela a un coût, Mesdames et Messieurs ! Ce coût est beaucoup plus conséquent que ce que vous pouvez imaginer ! J'en veux pour preuve que lorsqu'un chômeur arrive à l'Hospice général ou à l'aide sociale, qu'il a des problèmes financiers et qu'il va avoir une ou deux poursuites, eh bien le jour où il devra déménager, il ne trouvera plus d'appartement. Il aura plein de problèmes périphériques qui vont le poursuivre pendant des années, parce que le système est fait ainsi.

La seule chose qu'il faut, Mesdames et Messieurs, c'est que cette personne retrouve un emploi au plus vite, avec un salaire, et elle retrouvera sa dignité et sortira de l'oeuvre sociale. Ne faisons pas de milliers de Genevois de futurs assistés qui devront mettre des années pour sortir des affres du chômage ! Donnons ce signal en disant que nous sommes là, que nous sommes un parlement responsable et que nous avons compris et pris conscience que l'ouverture trop rapide de nos frontières a créé une situation spécifique au canton de Genève.

On pourrait aussi ajouter que nous soutenons ce projet de loi avec nos collègues socialistes, mais que lorsqu'il s'agit d'assurer la préférence aux résidents genevois, là chez les socialistes il n'y a plus personne, c'est l'ouverture des frontières, et le MCG se fait taxer de parti populiste ! Non, Mesdames et Messieurs ! Le combat du MCG depuis huit ans, avec toute l'énergie qu'on peut y mettre, c'est de garantir et d'assurer la priorité de l'emploi aux résidents, peu importe leur nationalité ! Ils résident sur le canton de Genève, ils doivent avoir un emploi et c'est en cela qu'on doit se battre.

Aujourd'hui, nous avons cette situation. Je vous ai donné tout à l'heure le chiffre des subsides de l'assurance-maladie: 305 millions ! Je pourrais aussi mentionner le budget de l'Hospice général. A ce propos, j'aimerais quand même dire que certains libéraux ont pris conscience des méandres des systèmes budgétaires cantonaux, j'ai cité M. Renaud Gautier, qui a déposé un amendement accepté en commission des finances afin d'augmenter le budget de l'Hospice général de 27 millions pour le futur budget 2013, tant le calcul de l'Etat est faux, parce que le budget de l'Hospice général a explosé ces dernières années ! Pour quelles raisons ? Parce que ces chômeurs en fin de droit arrivent à l'Hospice général, car ils ne peuvent plus payer leur loyer et ne peuvent plus assurer l'éducation de leurs enfants !

Alors, s'il y a un parti de la famille dans ce parlement, rachetez-vous ce soir et votez ce projet de loi socialiste ! Ne faites pas le jeu du PLR quand cela vous arrange ! Bouchez-vous les oreilles, Monsieur Mettan, vous qui êtes candidat au Conseil d'Etat ! J'espère que vous aurez l'emploi, pour réduire encore les allocations de chômage... La population m'en est témoin, Monsieur, il n'y a aucun problème, nous nous retrouverons en octobre ! Mais nous continuerons au MCG à défendre les citoyens genevois et à soutenir tous les projets de lois qui pourront faire en sorte que la qualité de vie de nos concitoyens soit améliorée. Je vous demande donc de voter le projet de loi socialiste sans états d'âme !

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président de séance, prière de ne pas rappeler que vous avez les oreilles bouchées; sans cela notre collègue se sent obligé de hurler à en faire descendre les vitraux de cette salle.

Ce débat prend une curieuse tournure entre les élus des communes qui plaident ici l'arbitraire - ce qui est quand même assez curieux en termes de droits - à savoir le droit de choisir des blancs plutôt que des noirs pour aller travailler, et celles et ceux qui transforment le filet social en bretelles sociales, parce que ce dont on nous parle ce soir, c'est effectivement d'une structure où l'Etat vous suspend telles des marionnettes par des bretelles pour vous éviter de tomber à un moment de la vie.

Ce projet de loi, comme l'a rappelé quelqu'un tout à l'heure, ne changera strictement rien dans la résolution du chômage. Quand je dis qu'il ne changera strictement rien, je vais vous démontrer simplement que ce projet entend augmenter la période durant laquelle les gens pourront toucher des indemnités de chômage, mais ne fait strictement rien pour résoudre le problème du chômage !

On est donc en train de traiter la syphilis avec du sparadrap et ce n'est pas M. le conseiller d'Etat qui me contredira quant au fait que ce n'est probablement pas la meilleure des méthodes ! Vous voulez traiter du chômage, soit, favorisez l'emploi ! Vous voulez créer des bretelles sociales pour que les gens restent indéfiniment à la charge de l'Etat, eh bien votez ce genre de projet, mais cela ne résoudra rien !

«L'agité d'Onex» nous a expliqué que tant de millions sont dévolus pour payer les primes d'assurance-maladie des uns ou des autres, mais je vous rappelle bien évidemment que cela ne concerne pas la police, puisque leurs primes d'assurance-maladie sont payées par l'Etat, ce que sait parfaitement le parti des policiers. Par contre, cela concerne les autres. Donc si vous voulez aider les gens, créez de l'emploi, facilitez la création d'emplois et que l'on cesse avec ces mesures qui ne relèvent que d'un calvinisme étriqué consistant à penser que, en offrant de l'argent pendant des jours supplémentaires, vous allez résoudre le problème du chômage !

Mesdames et Messieurs, c'est une supercherie intellectuelle qu'on essaie de vous faire voter ce soir, ce n'est rien d'autre ! Soyez donc un tant soit peu réalistes: fermement et sans hésitation, votez non ! (Quelques applaudissements.)

Présidence de M. Gabriel Barrillier, président

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes n'ont jamais prétendu régler les problèmes de chômage avec ce projet de loi. Le 26 septembre 2010, le peuple a accepté une révision de l'assurance-chômage fédérale, dont le seul motif était de faire des économies, pas de créer de l'emploi, pas de proposer d'autres solutions aux chômeurs, mais simplement de faire des économies dans le domaine de l'assurance-chômage, et c'est ce qui a conduit au fait que les indemnités, par exemple pour les jeunes de moins de 25 ans, ont passé de quatre cents jours à deux cents jours.

Alors on peut se poser la question, c'est un choix de société: qu'est-ce qu'on fait des jeunes qui se retrouvent maintenant après deux cents jours au lieu de quatre cents à la fin de leur période de chômage ? Est-ce qu'on les met à l'assistance sociale ? Est-ce qu'ils ont fait des études ou des formations ? Est-ce que les parents qui ont payé ces études ou ces formations sont simplement là pour constater que leurs enfants sont des assistés sociaux ? C'est tout bonnement indécent d'oser parler ainsi, Monsieur Gautier ! Et je trouve véritablement choquant que le projet de société du PLR soit de mettre des personnes à l'assistance sociale après deux cents jours simplement parce qu'on veut faire des économies !

Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes n'ont pas la prétention de résoudre le problème avec ce projet de loi. Regardez dans le rapport PL 10815-A le document de la CGAS qui se trouve aux pages 13 et suivantes et lisez comment, à raison, la Communauté genevoise d'action syndicale présente la problématique du chômage. Bien entendu, elle dépasse le cadre de la durée des indemnités, mais quand même, trouver un stage, trouver une possibilité de réinsertion sur le marché de l'emploi, ce n'est pas être un assisté social, Monsieur Gautier ! C'est donc une question de dignité humaine. Et certains cantons suisses, contrairement à Genève, ont fait ce choix et disposent de mesures cantonales supplémentaires. Ce n'est pas illégal ! C'est mensonger de dire cela ! C'est simplement encadré par la Confédération mais nous pouvons prendre de telles mesures, en particulier pour les jeunes de moins de 25 ans et les individus âgés de plus de 50 ans, parce que ce sont les personnes les plus fragiles sur le marché de l'emploi, quand elles en trouvent un.

Et hier, j'ai été particulièrement choqué par les propos de la conseillère d'Etat Isabel Rochat: nous dire que la durée du chômage diminue quand justement une révision fédérale a fait diminuer la durée des indemnités... Mais c'est tout simplement un résultat automatique ! Si la durée du chômage fédéral était d'un jour, il est évident qu'on pourrait dire: «Génial, la durée du chômage est d'un jour !» Mais est-ce que nous aurions résolu le moindre problème ? (Brouhaha.)

C'est tout simplement indécent de prétendre que la durée du chômage a été réduite à Genève, parce que, en réalité, c'est le nombre de personnes à l'assistance qui a augmenté, ainsi que celui des personnes qui sont dégoûtées par les pratiques de l'office de placement de l'OCE, parce qu'on fait tout pour dégoûter les gens ! Moi j'en connais des personnes qui ont arrêté d'aller pointer à l'OCE parce qu'elles en ont ras le bol des brimades administratives ! Elles en ont ras le bol des pénalités et d'être infantilisées par l'OCE ! Ce sont des personnes qui ont travaillé, qui ont peut-être trente ou quarante ans d'expérience et qui se retrouvent traitées comme des gamins ! Ce n'est pas admissible, Mesdames et Messieurs les députés !

Pour cette simple raison, parce que le but de la réforme fédérale n'était pas de mieux placer les chômeurs sur le marché de l'emploi, mais de faire des économies, il faut prolonger ces indemnités !

Je pense que Mme la conseillère d'Etat ferait bien de sortir de sa limousine. Je ne sais pas si elle ne circule qu'entre le golf de Cologny et l'Hôtel de Ville... (Protestations. Commentaires.) ...et qu'elle ne voit pas ce qui se passe au sein de la population...

Le président. Monsieur le député !

M. Roger Deneys. ...mais la réalité, quand on est à Genève, c'est de voir que les personnes souffrent aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés ! Les jeunes et les personnes âgées souffrent parce qu'ils ne trouvent pas de travail, alors qu'ils ont les capacités, les formations et tout pour réussir !

Et quand j'entends M. Hiltpold et d'autres du PLR nous dire que ce seraient des problèmes administratifs qui empêcheraient la création d'emplois, laissez-moi rigoler ! L'an dernier, on a vu Merck Serono, une entreprise qui fait 750 millions de bénéfices annuels, licencier plus de 1000 personnes. Et qui était le directeur de cette entreprise ? Le président de la Chambre de commerce et d'industrie genevoise qui est un ami de tous les PLR de ce parlement !

Le président. Monsieur le rapporteur de minorité, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. C'est tout simplement scandaleux !

Le président. Le débat s'est bien déroulé alors gardez un peu la mesure, s'il vous plaît !

M. Roger Deneys. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, il est très clair que des emplois ne seront pas créés avec ce projet de loi, mais il s'agit d'une question de dignité pour les Genevoises et les Genevois qui n'ont plus de travail aujourd'hui. La réforme fédérale était particulièrement dure et injuste, surtout pour un canton frontalier comme le nôtre, et le projet de loi socialiste vise donc à rétablir des durées d'indemnisation plus longues pour permettre le retour sur le marché de l'emploi dans des conditions de dignité humaine réelle pour les personnes qui sont concernées.

Mesdames et Messieurs les députés, acceptez ce projet de loi socialiste qui vise à rétablir des indemnités cantonales de chômage, en particulier pour les jeunes de moins de 25 ans et les personnes de plus de 50 ans ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Avant de passer la parole au rapporteur de majorité, j'accorde vingt secondes... (Protestations.) ...à M. le député Gautier.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur Deneys... (Commentaires.) Parce que vous m'avez mis en cause, Monsieur Deneys, parce que vous m'avez mis en cause ! Votre problème, c'est que vous êtes parfois un bon débatteur, sauf quand vous vous sentez obligé d'attaquer les gens personnellement.

Je vais donc vous expliquer la différence qui existe entre vous et moi: pour vous, la dignité, c'est de l'argent; pour moi, la dignité, c'est du travail. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je déplore évidemment l'emportement de M. Deneys qui n'apporte rien à nos débats. Je reviendrai donc au projet de loi lui-même et à l'essence des travaux qui ont été menés de manière sérieuse en commission et qui ont démontré que ce projet ne répond pas aux objectifs de réinsertion professionnelle. Et je crois que c'est le point principal à souligner.

Ce projet de loi, en plus, viole le droit fédéral... (Brouhaha.)

M. Roger Deneys. C'est faux !

M. Edouard Cuendet. ...parce qu'il réintroduit les emplois temporaires...

M. Roger Deneys. C'est totalement faux !

M. Edouard Cuendet. Monsieur le président, pouvez-vous faire taire M. Roger Deneys... (Le président agite la cloche.) ...qui est vraiment d'une impolitesse crasse, comme d'habitude ?

M. Roger Deneys. Vous dites des mensonges.

Le président. Poursuivez, Monsieur le député Cuendet. Allons-y. On arrive au bout. S'il vous plaît !

M. Roger Deneys. Dites la vérité et je ne vous interromprai pas.

Le président. Monsieur Deneys, s'il vous plaît, écoutez votre collègue.

M. Edouard Cuendet. Je dis donc que ce projet est non conforme au droit fédéral, parce qu'il réintroduit les emplois temporaires cantonaux dont l'inéquité a été démontrée. Ce projet ne sera pas accepté par le département compétent qui surveille le droit d'application du chômage au niveau cantonal.

Ce projet met aussi en péril les finances cantonales puisqu'il grève le budget de 150 millions supplémentaires par année et par le biais de mesures dont l'efficacité est sérieusement mise en doute par des spécialistes autrement plus compétents que M. Deneys.

Pour finir, j'ai été frappé par certaines interventions qui ont eu lieu durant le débat. Tout d'abord, par celles de plusieurs membres du groupe socialiste qui ont une vision de la démocratie à géométrie variable, puisqu'ils estiment que la voix de la majorité du peuple suisse sur la loi sur le chômage vaut moins que le refus minoritaire du canton de Genève. On voit donc par là que Genève ne devrait pas, selon eux, se plier à une majorité démocratiquement formée au niveau confédéral et je trouve cela pour le moins assez curieux en termes d'institutions.

Mais je crois que l'un des moments les plus forts de ce débat, c'est quand on nous a dit que le canton de Genève devrait s'inspirer de la pratique européenne en matière de lutte contre le chômage, où les Etats européens sont avant-gardistes en la matière. Je dois dire que les bras m'en sont tombés ! Les Etats européens ont démontré par leur incurie qu'ils étaient incapables de gérer leurs finances publiques, et par leur endettement stratosphérique ils ont provoqué une hausse du chômage monstrueuse. L'Espagne en est le meilleur exemple, avec plus de 25% de chômage et un endettement absolument irresponsable. (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Je suis donc extrêmement frappé que dans ce parlement, en Suisse, on dise que l'exemple européen est l'exemple à suivre. Si les Etats européens avaient bien géré leurs finances... (Brouhaha.) ...ils n'en seraient pas à ce stade de chômage ! Cela me paraît tout à fait évident. (Remarque. Exclamations.)

Le président. Madame la députée, s'il vous plaît !

M. Edouard Cuendet. Monsieur le président, le côté avant-gardiste de l'Union européenne en matière de chômage me paraît plus que sujet à caution. Le seul élément qui à mes yeux est valable, ce sont les arguments amenés par plusieurs députés - surtout de ce côté-ci de l'hémicycle, évidemment - concernant le fait qu'il faut favoriser l'esprit d'entreprise, car seul l'esprit d'entreprise peut créer de l'emploi, et on voit que les socialistes ne sont pas du tout prêts à soutenir cet esprit d'entreprise, parce que leur seul but, avec leurs mesures, c'est de grever encore plus les finances publiques. Ils ne sont absolument pas prêts à faire des efforts.

Et quelle est la conséquence pratique de ces mesures ? C'est la conséquence que le parti socialiste clame haut et fort à longueur de journée, celle d'amener à des hausses d'impôts. Or pour les entreprises, quelle est la conséquence de ces hausses fiscales ? Si on augmente les impôts, eh bien les entrepreneurs ne pourront plus entreprendre, ne pourront plus engager, ils devront payer des impôts pour engraisser un Etat déjà pléthorique et extrêmement coûteux.

Certains socialistes ont prôné une économie planifiée - comme ils l'avaient d'ailleurs fait en commission de l'économie - en disant que les emplois à très haute valeur ajoutée qui font la prospérité de Genève n'étaient pas la bonne solution et que l'Etat devait intervenir dans le choix des entreprises qui pouvaient se développer à Genève. Ce qu'il faut, c'est laisser la liberté d'entreprise, c'est arrêter les cautèles administratives qui deviennent insupportables, c'est ne pas... (Remarque de M. Roger Deneys.) Monsieur Deneys, taisez-vous !

M. Roger Deneys. Et Merck Serono ?

M. Edouard Cuendet. Monsieur le président, M. Deneys peut-il se taire ?

Le président. Voyons ! Monsieur le député, j'ai bien entendu que votre collègue vous interrompait...

M. Edouard Cuendet. Mais il ne respecte rien, comme d'habitude ! (Exclamations.)

Le président. ...je lui demande donc de patienter. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Edouard Cuendet. Le seul moyen est de favoriser l'esprit d'entreprise qui seul va créer des emplois. Ce ne sont ni une économie planifiée, ni des hausses d'impôts qui vont créer le moindre emploi à Genève. C'est pour cela que je vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que certains verdicts, tout populaires qu'ils soient, sont parfois difficiles à accepter et pourtant ils sont là. Ce verdict populaire qui a porté cette nouvelle loi - la LIASI - qui est le sujet de tous ces opprobres et de toutes ces critiques fait partie d'un dispositif qui n'est là que pour démontrer à quel point toute l'énergie de notre gouvernement et de votre parlement doit être dirigée vers la résolution de cette situation extrêmement dramatique qui touche les femmes, les enfants et nos familles, résidant ou non à Genève, toute cette population dont nous avons la charge et la responsabilité et pour laquelle il est essentiel de trouver des solutions.

Le projet de loi qui vous est proposé ce soir, nous ne pouvons l'accepter. Si nous n'avons pas la prétention de résoudre dans sa totalité la problématique du chômage, nous avons au moins l'ambition de raccourcir le délai, de façon que la dignité dont il a été question, qui doit être rendue non pas par des espèces sonnantes et trébuchantes mais par du travail et par la création d'emplois, comme cela a été rappelé, soit valorisée.

Quel message donnons-nous à nos jeunes qui se présentent à Infor Jeunes et auxquels on dit: «Chers jeunes adultes, tendez la main, elle vous sera donnée» ? Ce n'est pas la bonne réponse ! La bonne réponse ce sont des cas concrets, c'est un certain nombre de dispositions qui sont entrées en vigueur - les dernières en août - et qui démontrent l'efficacité d'un système cohérent, qui ne fait pas plaisir à tout le monde, bien sûr, parce que les conseillers en personnel ont dû changer de paradigme, parce que l'office cantonal de l'emploi, qui est le sujet de toutes vos critiques, a fait des efforts considérables de façon à pouvoir répondre à cette demande.

Le service de l'accueil, pour ne parler que de lui, a réduit son temps de traitement. Ce soir au téléjournal de 19h30, vous pourrez voir à quel point des efforts ont été fournis de façon à pouvoir non pas stigmatiser ceux qui viennent au chômage, mais au contraire stigmatiser ceux qui trichent et ceux qui sont sujets à des sanctions pénales, parce qu'il est question d'aider les gens qui en ont vraiment besoin. Ceux qui doivent être aidés doivent l'être, ceux qui ne veulent pas travailler ne pourront jamais être aidés. Il est question de tendre nos efforts vers ceux qui peuvent et ceux qui veulent être aidés, malgré tout ce qui a pu être dit. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

La LIASI, cette loi qui a été votée, fait l'objet de toutes les critiques. Cette LIASI a pour unique but de proposer trois types de mesures dont l'une consiste très précisément en ces stages qui ne sont pas des stages de requalification, et toute l'ambiguïté et tout le malentendu viennent de là: il s'agit de démontrer à des chômeurs de longue durée, qui sont très éloignés du marché de l'emploi, qu'ils doivent simplement apprendre à avoir des horaires - je sais que cela déplaît à certains - et qu'ils peuvent retrouver du travail.

Peut-être que quatre semaines c'est trop et qu'il s'agit de réduire la durée de ces stages, mais il est important en tout cas de les prendre en charge. Quel est le but de ces stages ? Leur but n'est pas de donner une qualification, mais de démontrer que les demandeurs d'emploi sont compétents pour revenir sur le marché du travail. Certains ne seront pas compétents, ne seront jamais compétents car beaucoup trop éloignés du marché du travail, et ceux-là mêmes doivent pouvoir être aidés. Il convient de les aiguiller soit vers une réinsertion professionnelle, soit, effectivement, vers un centre d'aide sociale, parce qu'il n'y a plus d'autre solution pour eux.

Mesdames et Messieurs, la dignité, comme il a été dit, doit être retrouvée par le travail. Encore une fois, il ne s'agit pas de résoudre la problématique du chômage. Il s'agit avant tout d'en réduire la durée, étant entendu - et cela a très souvent été rappelé - que la stigmatisation la plus grande résulte effectivement de la durée, qui devient pour certains extrêmement difficile à supporter, et c'est donc sur la durée du chômage qu'il nous faut diriger tous nos efforts. C'est la raison pour laquelle je vous encourage à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi. Beaucoup d'efforts sont accomplis, il convient de les encourager. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je suppose que le vote nominal va être demandé.

Des voix. Oui ! (Plusieurs mains se lèvent.)

Le président. Je ne me suis pas trompé ! Il est très largement soutenu. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur ce projet de loi 10815.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10815 est rejeté en premier débat par 57 non contre 29 oui et 3 abstentions.

Appel nominal

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous donne rendez-vous à 20h30. Bon appétit !

La séance est levée à 19h.