République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 avril 2012 à 20h30
57e législature - 3e année - 7e session - 38e séance
M 2070
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II pour un débat de trente minutes. La parole est au premier motionnaire, M. Gabriel Barrillier.
M. Gabriel Barrillier (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on vient de voter un train de lois qui a pour objectif d'inciter et de favoriser l'éclosion d'entreprises afin qu'elles puissent créer des produits et des prestations nouvelles, donc de l'emploi plus facilement. Je ne vais pas être un oiseau de mauvais augure, chers collègues, mais il se pourrait qu'en fonction et en vertu de la complexité de nos lois, de nos normes, eh bien, ces efforts d'incitation pourraient être annihilés par une bureaucratie trop importante - ce n'est qu'une pure supposition, Monsieur le président du Conseil d'Etat !
Tout cela pour vous dire que notre groupe a déposé une motion qui est - et qu'il faut comprendre comme - une piqûre de rappel en ce qui concerne la bureaucratisation de notre vie économique et sociale. Je vous rappelle que nous avions, à l'unanimité, voté une motion 1705 - le 12 octobre 2007 - motion qui demandait de simplifier la vie des entreprises. Or il faut bien reconnaître que depuis lors on n'a pas apporté beaucoup d'améliorations. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un nouveau texte, qui s'étend cette fois non seulement aux entreprises, aux PME, mais également aux citoyens. Et, ici, j'aimerais vous dire que ce texte n'est pas une attaque contre la fonction publique. (Commentaires.) Je crois qu'il faut le dire tout de suite ! C'est une forme d'autocritique... (Brouhaha.)
Le président. Je vous prie de m'excuser, Monsieur Barrillier. Monsieur Florey, s'il vous plaît, si vous avez des conversations à mener, veuillez le faire dans une autre salle, je vous en remercie ! Poursuivez, Monsieur le premier vice-président.
M. Gabriel Barrillier. C'est vrai que je tombe à un mauvais moment de la soirée, ça c'est clair...
Nous devons être conscients, chers collègues, que, lorsque nous votons un projet de loi, nous n'en mesurons pas les incidences dans son application. C'est la raison pour laquelle, souvent, ces projets de lois - repris ensuite par l'administration, qui doit les appliquer - sécrètent ce que j'appellerai une sorte de gangue dans laquelle les entreprises et les citoyens se débattent en ayant l'impression d'être complètement paralysés. L'objectif de cette motion, c'est d'essayer de freiner et d'enrayer l'avancée de la bureaucratie rampante, par un certain nombre de propositions que nous avons faites: notamment l'organisation d'une table ronde qui réunirait l'ensemble des acteurs, c'est-à-dire les entreprises, le canton et les communes, pour aboutir à un plan d'action qui viserait à enrayer cette bureaucratisation rampante.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le premier vice-président.
M. Gabriel Barrillier. Je conclurai, Monsieur le président, chers collègues, en ajoutant que cette proposition s'inscrit parfaitement dans un mouvement qui existe sur le plan national, dans l'ensemble des cantons, pour parvenir à améliorer les conditions-cadres de nos entreprises, et je vous invite à faire bon accueil à cette motion en l'acceptant et en la renvoyant au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le premier vice-président. La parole est à M. Eric Leyvraz.
M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Evidemment, on ne peut être que d'accord avec la conclusion de cette motion 2070, «Ensemble, disons "stop !" aux excès de la bureaucratie !» Mais quand même, chers collègues, il faut bien penser à notre responsabilité, au Grand Conseil, devant cet excès de bureaucratie: quand on passe son temps à pondre de nouvelles lois, il peut sembler extraordinaire de se plaindre de cette abondance de textes qui impliquent souvent des lourdeurs bureaucratiques supplémentaires ! Alors, chers collègues, si nous voulons moins d'Etat contraignant, modérons notre appétit de lois et réfléchissons d'abord à leurs conséquences.
M. Bertrand Buchs (PDC). Lorsqu'on parle de PME, le PDC répond toujours présent. Le PDC est là pour soutenir les PME. Et si on peut faire quelque chose pour rendre plus facile le travail des PME, eh bien il faut le faire ! Il n'est pas évident, pour une petite entreprise, d'initier un projet si elle doit remplir des tas de formulaires et passer par plusieurs bureaux de l'administration. La préoccupation du PLR, contre la bureaucratie, est une préoccupation que nous avons aussi: nous aimerions que les choses soient simples, que les choses soient faciles et que les PME puissent avancer. On vient de parler des cleantech, on vient de parler de ce qui fait la force de Genève: ce sera son industrie, ce seront ses PME, et il faut les défendre à fond ! Le PDC va soutenir cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.
M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion reprend le thème de l'initiative fédérale lancée par le PLR, pour laquelle ce parti a eu tant de mal à recueillir les paraphes nécessaires. (Huées. Chahut.) Mais oui, c'est la vérité ! A Genève, les membres de l'Entente - notamment les représentants du PLR - se sont fait élire sur le thème d'un Etat efficace, d'une administration efficiente, avec des procédures allégées en matière de constructions... Aujourd'hui, deux ans et demi après, la seule chose que l'on constate, ce sont des délais d'attente plus longs aux guichets et au téléphone; c'est la baisse du nombre de fonctionnaires dans les services; c'est la mise en place d'un tas d'instruments de contrôle - suivi des actions, traçabilité, etc. - à tous les échelons de l'administration, tout cela avec moins de personnel ! Donc la machine est grippée, Mesdames et Messieurs ! Jamais - jamais ! - les procédures pour les PME, les mandataires, les citoyens qui ont affaire à l'administration, aux impôts, à l'Hospice, aux aides complémentaires pour les personnes âgées et handicapées, eh bien, jamais, Mesdames et Messieurs les députés, ces procédures n'ont été aussi complexes et fastidieuses ! Ceci est un échec de la majorité du Conseil d'Etat, qui s'est fait élire sur ce crédo.
Pour conclure, les socialistes refuseront, d'autres abstiendront sur cette motion qui ne représente qu'un emplâtre sur une jambe de bois, car elle cautionne la baisse du personnel administratif dans les services. De plus, elle ne s'adresse qu'aux PME, sans chercher à alléger le fardeau des autres usagers de l'administration. (Applaudissements.)
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Que dire, après les propos de mon préopinant, si ce n'est que je les approuve entièrement ! Vous ne serez donc pas étonnés que les Verts ne soutiennent pas cette motion. (Commentaires. Brouhaha.) Parce qu'il nous semble étonnant que vous proposiez une table ronde, alors que vous êtes, sur d'autres sujets, si prompts à refuser systématiquement la discussion !
Ce que vous proposez ici, c'est la libre entreprise, sans aucun garde-fou, et ceci est strictement inacceptable. Vous donnez pour exemple la loi sur l'énergie, qui aurait pu si magnifiquement être appliquée - qui devrait l'être - alors que les procédures sont difficiles à appliquer... Mais qui a élaboré ces procédures ? Qui empêchait le bon fonctionnement de son département ? Eh bien, entre nous soit dit, ce n'était ni un Vert, ni un socialiste, ni un PDC ! Donc, je vous laisse l'imaginer ! (Commentaires.) Et regardons... (Brouhaha.) Regardons en face les choses ! Malheureusement, votre motion n'amène rien ! Elle sera donc refusée par les Verts.
M. Ivan Slatkine (L). Je vais essayer d'être bref, puisque mon collègue Barrillier a dit ce qu'il fallait sur cette motion. Les chefs d'entreprise, comme les citoyens, ne demandent qu'une chose à l'Etat: d'être efficace, d'être efficient, et d'avoir un Etat qui réponde aux attentes du citoyen. Aujourd'hui, notre constat, c'est que l'Etat est une grosse machine administrative, qui prend beaucoup de temps et qui se satisfait elle-même. Je crois que les mouvements populistes le montrent: beaucoup de gens en ont assez.
La simple chose que demande cette motion, c'est: simplifions le fonctionnement de l'Etat ! Faisons en sorte que l'Etat réponde aux citoyens, apportons un esprit de «client satisfaction» à l'Etat. (Exclamations.) Que les fonctionnaires comprennent qu'ils sont là au service du citoyen et des entreprises, et non pas au service d'eux-mêmes, et les choses iront mieux ! C'est pourquoi nous vous invitons à soutenir cette motion qui a tout son sens, Mesdames et Messieurs ! Il ne faut pas en discuter des heures, il faut juste la renvoyer au Conseil d'Etat pour qu'on simplifie la vie du citoyen. (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, sans surprise, le Mouvement Citoyens Genevois va soutenir cette motion pour simplifier tout ce qui relève des demandes faites par les citoyens. Toutefois, je suis surpris que cette motion provienne de nos collègues du PLR, puisque le MCG, soucieux du même problème, a déposé une motion en vue de simplifier le travail des contribuables, en demandant de fixer un délai de retour au-delà du 31 mars pour les déclarations fiscales. Dans tous les autres cantons, le délai est fixé au 30 juin... Sauf à Genève, parce qu'il faut qu'on se complique la vie ! Etonnamment, le PLR n'a, en commission, pas soutenu cette motion; c'est pourquoi on espère que lorsqu'elle sera discutée en plénière on aura une correction de la part du PLR quant à sa décision initiale.
Nous allons soutenir cette motion, parce que nous estimons que ce n'est pas au contribuable d'être au service de l'administration, mais bien le contraire. Le MCG apportera donc son appui aux motionnaires.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Pierre Weiss, à qui il reste une minute dix.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, si je me suis engagé en faveur d'une initiative fédérale, qui a abouti, c'est grâce à M. Unger. Toutefois, avant d'y revenir, j'aimerais dire à M. Fazio qu'il a raison dans son diagnostic: l'Etat est trop bureaucratique ! L'Etat mené par la droite est trop bureaucratique... S'il était mené par la gauche, il serait complètement paralysant !
S'agissant de la raison pour laquelle je me suis engagé en faveur d'une initiative, qui a abouti, c'est parce que M. Unger nous avait dit, une fois, en commission de l'économie, que, pour exploiter un café-restaurant à Genève, il fallait vingt-sept autorisations ! C'était il y a trois ou quatre ans, et ce chiffre m'est resté. Il m'est resté comme le souvenir d'un cauchemar pour tout entrepreneur qui entendait servir des consommations et des repas à des clients.
Voilà pourquoi aujourd'hui je pense qu'il faut aller dans le sens de cette motion. J'espère qu'il y aura un soutien, sinon de l'extrême-gauche, non représentée ici - mais à Berne, elle l'était par M. Zisyadis, qui s'était montré favorable à ce que nous proposions - mais en tout cas du PDC, qui devrait, sur cette question, être sensible au sort des petites et moyennes entreprises... (Brouhaha.) ...donc pour moins de bureaucratie, tout comme il est sensible au sort des entreprises propres en matière de technologie.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, j'espère un soutien large, franc et massif de tous les rangs de ceux qui veulent moins de bureaucratie inutile. Il y a de la bureaucratie utile, paraît-il ! Mais il y a beaucoup de bureaucratie inutile, et ceux qui ne veulent plus de bureaucratie inutile doivent soutenir cette motion !
M. Claude Jeanneret (MCG). Monsieur le président, chers collègues, c'est une bonne motion. Parce qu'on n'a pas à subir des tracasseries administratives inutiles ! Je donne un exemple, mon collègue Golay en a parlé: il y a 68 000 contribuables genevois qui demandent des délais, parce que le temps accordé pour quelqu'un qui a une déclaration complète à faire est parfaitement insuffisant. C'est d'autant plus bizarre que l'administration a encore compliqué le problème: il faut maintenant communiquer un numéro de déclaration. C'est-à-dire qu'un client ne peut pas simplement prier sa fiduciaire de demander un délai pour lui. Non, il faut qu'il donne sa déclaration, il faut qu'on relève un numéro de déclaration... C'est aberrant d'en arriver à une bêtise pareille - je dis bien «une bêtise» - dans une administration qui pourrait évoluer d'une manière très simple, comme cela s'est fait pendant des décennies, durant lesquelles il n'y a jamais eu de problème. Mais non ! tout ça pour voler 10 F en cas de demande de délai ! On alourdit l'administration et on embête le contribuable. On embête tout le monde, c'est scandaleux !
M. Weiss disait tout à l'heure qu'il fallait vingt-sept autorisations pour un restaurant: c'est vrai, nous en avons parlé en commission de l'économie...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Claude Jeanneret. ...il y a trois ans à peu près. On nous avait promis un effort; eh bien, aujourd'hui, il y a plutôt vingt-huit autorisations que vingt-sept ! L'effort n'a jamais été fait ! Il est donc grand temps que nous nous penchions sur les lourdeurs administratives inutiles.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au président du Conseil d'Etat, M. Pierre-François Unger.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, qui peut être contre un allègement des procédures administratives et de la bureaucratie ? Je suis ravi, Monsieur le député Weiss, de vous avoir convaincu de vous battre, avec la ferveur qu'on vous connaît, pour obtenir 100 032 signatures dont j'espère qu'elles seront toutes valables ! (Commentaires.) Mais je n'en doute à vrai dire pratiquement pas.
Je vous avais convaincu, semble-t-il, il y a trois ou quatre ans, que vingt-cinq taxes, c'était trop. Vingt-cinq formulaires pour avoir le plaisir de payer une taxe derrière, c'était trop. Et c'est vrai ! Toutefois, depuis, nous avons réglé ce problème en commission de l'économie. Nous ne l'avons pas évoqué, nous l'avons réglé !
Il n'y a désormais plus que sept taxes, parce qu'on ne peut pas se passer de celles qui ne sont pas les nôtres: la TVA, vous m'excuserez, mais je ne peux pas la simplifier ! Ça fera en revanche partie du cortège de ce qui sera réglé, à n'en pas douter, par l'initiative que vous avez portée avec tant de brio. Il n'y a plus que deux factures là où il y en avait sept. Donc, des choses se sont passées ! Le guichet unique pour les entreprises est un guichet qui fonctionne physiquement et qui fonctionnera sur internet d'ici à la fin du semestre. La procédure pour les jeunes entreprises au développement innovant et dont on veut que les chefs d'entreprise soient au maximum derrière leurs chercheurs permet de remplir un seul formulaire, qui est évalué par la promotion économique, préavisé pour le département des finances, avec, au final, une seule réponse consolidée.
Le guichet des manifestations, quant à lui, pouvait imposer, historiquement, le recours à un ou vingt guichets, suivant l'ampleur de la manifestation et les éléments qui la constituaient. Cela fait deux ans qu'on a créé un guichet unique pour les manifestations: vous envoyez une demande et c'est l'administration qui fait suivre dans les différents services les éléments nécessaires à l'obtention d'une réponse consolidée. On est donc convaincu par cela.
Alors, je vous ai donné quelques exemples qui concernent le département de l'économie et je me réjouis, lors de la table ronde, de vous entendre si vous estimez qu'il y a encore des processus trop compliqués en certains endroits. J'imagine bien où l'on pourra peut-être en découvrir. Faisons-le, mais nous devrons travailler ensemble, parce qu'il convient aussi que le parlement n'emberlificote pas les propositions simples qui seront faites - je crois que c'est le député Leyvraz, notre ancien président, qui l'a dit. Il n'y a pas d'exemple spécifique, mais je constate que le temps consacré par nos collaborateurs pour répondre aux questions parlementaires a décuplé en dix ans ! Ne supprimons jamais le parlement !... Mais que le parlement accepte des réponses simples, plutôt que des thèses qui nous sont imposées par le fait qu'on nous renvoie les objets au motif que tout n'était pas compris dans la réponse.
Nous devrons faire ce travail ensemble, et nous devrons le faire avec les entreprises. Parce que dans les entreprises aussi il y a un certain nombre d'éléments complexes à prendre en compte. Aussi, l'idée de la table ronde me va très bien, et je m'y assiérai certainement le premier jour. On vous exposera alors ce qui est en cours. L'administration en ligne est tout de même un projet que vous avez voté, sur lequel la commission de contrôle de gestion a eu un retour au début de cette année. Nous ferons le point et dirons où en sont les projets; certains ont avancé vite, d'autres moins vite. Mais l'administration en ligne n'est pas tout ! Elle n'est pas tout, parce qu'un certain nombre de personnes ne fonctionneront jamais avec internet. C'est donc bien aussi une simplification des processus qui est nécessaire et, corollairement, une simplification de la bureaucratie.
Je me réjouis de vous aider à y parvenir, mais j'espère que vous serez nombreux à ne pas compliquer les quelques solutions simples qui pourraient vous être offertes. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je mets aux voix la proposition de motion 2070, aucune demande de renvoi en commission n'ayant été formulée. Si la motion est acceptée, elle ira directement au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la motion 2070 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 25 non et 2 abstentions.
Le président. Nous reprenons notre ordre du jour ordinaire et passons au point 25, soit le PL 10835-A.