République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 avril 2012 à 17h
57e législature - 3e année - 7e session - 37e séance
PL 10823-A
Premier débat
Le président. Nous sommes au point 24, traité en catégorie II: quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Philippe Schaller.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi relatif à la politique de cohésion sociale en milieu urbain a fait l'objet de dix séances de commission, comprenant l'audition de quatre conseillers d'Etat, du Conseil administratif de la Ville de Genève, de ceux de Lancy, Vernier et Versoix, ainsi que du président de l'Association des communes genevoises. Mesdames et Messieurs, tous se sont accordés pour exprimer leur satisfaction sur ce projet de loi; tous se sont accordés pour souligner la qualité du processus participatif de l'Etat et des communes; tous se sont accordés pour apprécier le fond et la forme de ce projet de loi.
Quelle est la portée du projet de loi ? Genève se trouve à un carrefour: elle s'apprête à devenir le coeur d'une véritable agglomération, et sa croissance implique aujourd'hui des choix stratégiques décisifs pour son avenir. Or, force est de constater que les inégalités augmentent, que les conditions de vie de certains de nos concitoyens se dégradent et que, dans certains quartiers, ces derniers considèrent ne plus être membres à part entière de notre communauté.
Mesdames et Messieurs, pour répondre à cela, le Conseil d'Etat souhaite mener une politique de cohésion sociale en milieu urbain. Qu'est-ce que la cohésion sociale ? La cohésion sociale est une condition du développement urbain durable, auquel aspire l'ensemble de la population. Le projet de loi qui vous est proposé dote l'Etat des outils nécessaires à une meilleure connaissance de l'évolution du développement de notre canton, de sa région, ainsi que des conditions de vie de la population.
Ce projet définit un cadre d'intervention permettant de faire converger l'ensemble des politiques publiques en direction des quartiers populaires, dans une démarche de partenariat avec les communes concernées. Le succès de la politique de cohésion sociale repose en grande partie, comme vous l'aurez compris, sur la participation active des communes concernées, dans un cadre partagé. Par ce projet de loi, le Conseil d'Etat n'entend pas créer une nouvelle politique publique. Les actions s'inscrivent largement dans le cadre des politiques publiques et programmes existants, y compris dans celui des lignes budgétaires. Les structures de pilotage, comme vous aurez pu le voir dans ce projet de loi, sont peu importantes, sont souples en termes de moyens propres. Elles mobilisent les répondants des différentes politiques publiques, avec les communes et les acteurs des quartiers concernés, de manière à envisager une action efficace.
Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des affaires sociales est convaincue que ce projet de loi permettra de répondre aux défis que nous impose la dépréciation de la qualité de vie dans certains quartiers, notamment la ville et les communes suburbaines.
Au bénéfice de ce rapport, et sur la base des explications que je viens de vous donner, la majorité des membres de la commission des affaires sociales vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, la minorité de la commission tient à dire qu'elle ne nie en rien le constat, navrant, de l'augmentation des inégalités ainsi que du risque de ghettoïsation qu'il y a actuellement dans toute l'Europe. Nous ne remettons absolument pas en question non plus le principe de la nécessité d'une politique de cohésion sociale. Notre opposition est beaucoup plus motivée sur la forme de ce projet de loi. Nous sommes très dubitatifs déjà quant au besoin de légiférer sur cette politique; nous sommes encore plus dubitatifs quant au besoin de créer de nouvelles structures; et notre principale critique porte sur le flou du financement de cette politique.
La justification de ce projet de loi, telle qu'elle est apparue dans le cadre des travaux de la commission, est que, au-delà du symbolique, il faut augmenter le partenariat et la transversalité entre les différents services de l'Etat et des communes. Un autre constat s'impose: l'inadéquation de nos structures politico-administratives, actuellement, pour mettre en place une politique de cohésion sociale efficace. Est-ce qu'un projet de loi, un texte législatif, aussi généreux soit-il, permettra de résoudre ce problème ? Nous en doutons quelque peu.
Deuxièmement, le Conseil d'Etat n'a pas attendu ce projet de loi pour mettre en place une politique de cohésion sociale. La preuve: la création du réseau d'enseignement prioritaire et du CATI-GE. Et cette politique, nous la soutenons ! En tout cas, je parle pour les députés libéraux et radicaux. D'ailleurs, le dernier exemple a été donné il y a deux jours, puisque M. Beer en personne est allé inaugurer une antenne de l'office médico-pédagogique à la Pelotière. Il n'a donc pas besoin d'un projet de loi pour mettre en oeuvre cette politique de cohésion sociale.
Concernant la création de nouvelles structures, sommes-nous en train d'assister à la répétition du syndrome genevois bien connu du millefeuille, selon lequel nous empilons de nouvelles structures ? Actuellement, la politique de cohésion sociale se passe par le biais de conventions entre les communes et le Conseil d'Etat. Ces travaux sont effectués par des groupes de travail. Créer un comité de coordination et un conseil stratégique va-t-il permettre d'améliorer la situation ? Nous en doutons.
Notre principale critique, Mesdames et Messieurs les députés, porte sur le financement: nous avons été dans l'impossibilité d'obtenir du Conseil d'Etat un quelconque chiffrage concernant ce projet de loi. Quant à l'article 10, qui traite du financement, nous trouvons qu'il est absolument illisible.
D'autres critiques mineures sont apparues durant ces travaux en commission. Il y a le rôle de la FASe, qui n'est que purement esquissé lors des auditions, et l'aspect purement économique d'indicateurs du CATI-GE, sans indicateurs de type qualitatif pour identifier les territoires à risque de ghettoïsation.
Depuis la fin des travaux en commission, le rapport du CATI-GE est sorti. Sur la base de ce rapport, qui met en évidence dix communes qui sont prétéritées à l'heure actuelle, et sur la base de l'expérience bruxelloise - en sachant que ce projet de loi est inspiré de l'expérience bruxelloise, qui a dix ans de recul - nous vous demandons de renvoyer ce projet de loi à la commission des affaires sociales, afin d'obtenir des éclaircissements sur le financement de ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je prends note de cette demande de renvoi. Ne peuvent s'exprimer à ce sujet que les deux rapporteurs et le Conseil d'Etat. Monsieur le rapporteur de majorité ?
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, j'ai bien entendu les différents arguments de mon collègue Saudan. Malheureusement, je ne peux pas accepter cette proposition de renvoi en commission, car je ne vois pas bien quels vont être les éclaircissements qui pourraient advenir en commission. Par rapport au financement, effectivement, il n'y a pas de ligne budgétaire nouvelle, puisque, pour développer cette politique de cohésion sociale, nous allons puiser dans les seize lignes de politique budgétaire et dans les soixante programmes existants. Il n'est pas possible de créer une nouvelle ligne budgétaire uniquement pour pouvoir développer la politique de cohésion sociale; ce serait d'ailleurs totalement contraire à l'esprit du projet de loi. Donc, Mesdames et Messieurs, je vous enjoins de ne pas suivre la proposition du rapporteur de minorité.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Souhaitez-vous encore prendre la parole, Monsieur le rapporteur de minorité ? Il me semble que vous vous êtes exprimé sur le renvoi en commission.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Oui, j'aurais aimé expliciter mon propos, Monsieur le président.
Le président. Alors faites-le brièvement, je vous en prie.
M. Patrick Saudan. Tout à fait. Merci, Monsieur le président. L'argument principal pour renvoyer ce projet de loi en commission est sur votre bureau, Mesdames et Messieurs les députés, puisque notre groupe a déposé deux amendements permettant d'améliorer la lisibilité de ce projet de loi au niveau financier et fixant un cadre. Vous savez bien qu'il vaut mieux discuter de ces amendements en commission plutôt qu'en plénière, pour la sérénité des débats.
Deuxièmement, j'aimerais juste apporter une petite indication par rapport au chiffrage, car cela a été l'une de nos demandes. Le rapport du CATI-GE est sorti; nous connaissons maintenant l'ampleur du problème à Genève et les chiffres de la mise en application d'une politique de cohésion sociale telle qu'elle a été faite à Bruxelles. Et je répète: le Conseil d'Etat genevois veut s'inspirer de ce qui a été réalisé à Bruxelles. Nous pouvons donc avoir une approximation, un chiffrage approximatif, de ce que coûterait une telle politique de cohésion sociale. Nous pensons que ces éclaircissements doivent être apportés par le Conseil d'Etat, en commission. Il n'y a pas énormément de travail actuellement en commission des affaires sociales; un bref aller-retour à la commission des affaires sociales peut se justifier dans ce cas-là.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, très rapidement, je peux comprendre qu'une commission puisse, ici ou là, être en souffrance du point de vue de son ordre du jour. Mais j'aimerais quand même rappeler que vous avez passé, Mesdames et Messieurs les députés - les commissaires de la commission des affaires sociales en particulier - dix séances sur le projet de loi et que l'ensemble des questions que vous avez posées - toutes ont leur pertinence - ont reçu des réponses. Je comprends qu'elles ne vous satisfassent pas, mais il convient maintenant d'aller de l'avant si l'on entend simplement traiter un certain nombre de choses.
Je pense donc que renvoyer encore une fois ce projet de loi en commission revient simplement à remettre aux calendes grecques un certain nombre d'éléments qui visent une systématique et qui seront chiffrés - comme j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire - ultérieurement, par la préparation du projet de budget 2013, qui n'est pas encore élaboré. Vous le savez, le délai de remise au Grand Conseil est le 16 septembre prochain; cela signifie que nous travaillons et que nous avons pris l'engagement devant vous de consolider l'ensemble des dépenses qui, à l'intérieur des seize politiques publiques, viendront s'inscrire très directement dans cette perspective et vous permettront ainsi tous les contrôles nécessaires.
Je pense qu'il faut savoir distinguer ici ce qui ne vous satisfait pas de la manoeuvre parlementaire, consistant à éviter que nous traitions un projet qui tient à coeur non seulement au Conseil d'Etat, peut-être à une majorité de ce Grand Conseil - nous ne le savons pas encore - mais aussi à la très grande majorité des communes suburbaines qui sont concernées par ce projet de loi.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur le renvoi de cet objet en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10823 à la commission des affaires sociales est rejeté par 51 non contre 34 oui.
Le président. Le premier débat se poursuit avec la prise de parole de M. le député Michel Forni.
M. Michel Forni (PDC). Le milieu urbain et le milieu périurbain ont besoin d'une mutation et d'une rénovation. Cela a été déjà dit par les rapporteurs de minorité et de majorité, et ce phénomène ne peut pas être perçu comme un problème insoluble qui échapperait au contrôle politique ni à l'investissement qui doit lui être associé. Si l'on ne concevait pas et si l'on ne consentait pas un investissement, l'histoire des cités montre bien que l'on peut déboucher sur des pathologies sociales de plus en plus difficiles à régler et que les indicateurs traditionnels ont un coût qui est en principe évité lorsqu'on tente de faire quelque chose. Et ce quelque chose est ce qui a été rapporté par mon collègue de la majorité, c'est-à-dire une cohésion sociale, qui reste un objectif ambitieux et doit permettre, dans la mesure et dans la diversité, d'engager des luttes contre la discrimination, avec des réussites qui peuvent être aussi éducatives et que certains assimileraient probablement à un «new deal».
Mais un plan de rénovation nécessite, comme cela été dit, des financements. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Et, ce soir, nous sommes en train d'achopper, par des manoeuvres diverses, sur de nouveaux modes de financement ou sur des blocages; c'est probablement l'une des faiblesses du projet, puisque nous devons attendre jusqu'en 2013 pour avoir des chiffres précis. Cependant, derrière le chiffre, il y a un phénomène de rénovation urbaine qui appelle un programme de cohésion sociale. Et cela ne permet pas d'erreur de doigté ni de répéter des erreurs telles que celles des territoires délaissés des quartiers, là où l'on a oublié de mieux vivre et là où l'on a oublié la mixité sociale.
La politique d'une ville n'a peut-être plus tellement la cote de nos jours, mais les échecs qui ont été observés et qui ont été rapportés permettent cependant de méditer. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il était juste que le Conseil d'Etat ose placer une dimension sociale, d'une banlieue, dans le coeur du débat politique, qui appelle une solution passant au niveau des agglomérations, comme cela a été dit, des «intercommunalités», qui sont appelées «secteurs». Nous sommes exactement dans le fond du discours de Saint-Pierre du 7 décembre 2009, où l'on parlait bien d'une politique et d'un plan d'investissement. L'originalité de ce projet de Genève est de tenir compte d'une transformation, d'une accélération des mutations de sa société, mais aussi d'un changement du comportement des élites et des autres. Il n'y a donc pas lieu de stigmatiser, mais nous devons utiliser des outils. Et le modèle qui nous est proposé ce soir recourt, comme toute analyse de risque, à des expertises, à des décideurs et à des citoyens. Le principe participatif qui nous est proposé entre Etat et magistrats communaux révèle bien une culture commune liée à la transversalité.
Le deuxième atout, c'est le partenariat entre l'Etat et les communes, mais aussi la mobilisation du citoyen. Surtout, il y a un outil, le CATI-GE, Centre d'analyse territoriale des inégalités, qui a déjà apporté de nombreuses solutions dans le domaine de l'inégalité. Il a notamment la capacité de s'intégrer à un budget qui peut être aussi spécifique, et surtout une analyse.
On a parlé de dix communes, c'est vrai. Mais l'interface populations-territoires-institutions doit permettre le meilleur développement urbain, doit permettre d'intégrer des actions bien définies, via des intervenants, pour, comme on l'a dit, repenser un secteur d'une ville, d'un quartier, d'une pluralité de ses habitants, et doit permettre de lui donner croissance dans son avenir et des projets novateurs.
Nous devons savoir et répéter ce soir que la qualité et l'efficacité d'une politique publique dépendent de la capacité à réunir en large consensus...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Michel Forni. Monsieur le président, je vais conclure en disant que le parti démocrate-chrétien entend apporter sa contribution à cette capacité de réunir un large consensus. Nous soutiendrons donc ce projet. Je vous recommande de faire de même. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous ne serez pas étonnés que la socialiste que je suis soutienne un projet de loi qui s'intéresse à la cohésion sociale en milieu urbain. Mais, plus fondamentalement, il y a deux aspects dans ce projet de loi, à mon avis, qui doivent retenir l'attention de ce parlement.
Le premier point est que ce projet de loi prend en compte une réalité nouvelle de notre canton, et d'ailleurs de l'ensemble des pays développés. Cette réalité nouvelle depuis la période faste, économique et sociale, des trente glorieuses, après la Deuxième Guerre mondiale, est la création de poches de pauvreté, parfois même de ghettos, dans les pays riches; même en Suisse, même à Genève, dans l'une des régions les plus riches du monde, on a des poches de pauvreté. Ces dernières peuvent amener à des situations extrêmement difficiles et douloureuses pour les personnes qui vivent dans ces poches de pauvreté. Nous avons la chance encore, en Suisse et à Genève, de ne pas être dans la situation, par exemple, de la France; mais vous savez très bien, avec la situation des banlieues, que cela peut devenir extrêmement problématique.
Donc, le premier point qui me paraît très intéressant, et pour lequel, je crois, on doit féliciter le Conseil d'Etat, c'est de se pencher sur cette particularité qui fait que la pauvreté se retrouve dans des zones territoriales très précises de notre canton.
Le deuxième aspect - il est pour moi presque plus fondamental - est que ce projet de loi propose une méthode de travail au niveau tant du gouvernement que du parlement, et de tous les élus de ce canton. Cette méthode de travail, c'est la transversalité et la concertation. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, notre société est face à des problèmes complexes - et les solutions peuvent rarement être simples ou simplistes, Monsieur le député Saudan. En l'occurrence, pour lutter contre la précarité et la pauvreté et pour lutter en faveur de la cohésion sociale, nous devons avoir des politiques publiques qui soient transversales à plusieurs départements. Cela met en cause, bien évidemment, la formation et le social, mais aussi l'économie, si l'on pense aux places de travail, ou les constructions, si l'on parle de logements. Surtout, ce projet de loi permet de travailler en collaboration avec les communes et la société civile. Dans ce sens, je crois que c'est l'un des projets les plus intéressants de cette législature. Parce qu'il nous indique la voie à suivre, qui est celle que le Conseil d'Etat devra, à mon sens, emprunter dès le 30 juin prochain.
Le dernier point que je voudrais mettre en évidence, pour répondre à M. le député Saudan - et je pense que l'on y reviendra ensuite, dans la discussion sur l'amendement - c'est la question financière. Monsieur le député, vous vous inquiétez d'un projet de loi qui, a priori, n'indique pas de ligne budgétaire et ne coûterait rien... Mais je crois, Monsieur le député, si je lis bien votre amendement, qu'en réalité le message que vous souhaitez nous faire passer, c'est que vous ne voulez pas que de l'argent soit mis pour ce type de politique publique. Puisque, si vous êtes prêt à inscrire une ligne budgétaire à cet effet, ce serait à l'évidence en contrepartie que des économies soient faites sur un autre budget.
Monsieur le député, on peut discuter longuement de la question de savoir s'il fallait ou pas en faire une politique à part et une ligne financière budgétaire à part. L'expérience de la France, qui a voulu, avec Nicolas Sarkozy, mettre en place un plan banlieue, nous montre combien c'est totalement inefficace. Pourquoi ? Parce que, avec de l'argent que l'on a voulu mettre dans une politique particulière, on a poussé les autres ministères français à se décharger et à dire: «Nous ne mettons plus d'argent dans telle ou telle zone»... Dans telle ou telle banlieue, par exemple, sous prétexte que le plan banlieue devait y répondre. Alors, on pourrait déduire que cela a échoué...
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Anne Emery-Torracinta. Je conclus là-dessus. On pourrait en déduire que cela a échoué. Parce que Nicolas Sarkozy n'avait pas la volonté politique de mener à bien ce genre de politique, c'est possible ! (Commentaires.) Mais je pense que, plus fondamentalement, l'expérience nous montre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que l'on a avantage à tirer tous à la même corde et à éviter de vouloir «dispatcher» cela dans différentes politiques publiques. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Pour l'UDC, il y a effectivement un souci de financement - ce serait la première fois que l'on verrait à Genève un projet qui ne coûte rien... On pense donc que cela va coûter assez cher.
Par ailleurs, il est assez marquant qu'il faille un projet de loi pour que l'Etat communique avec les communes et pour que les départements communiquent entre eux... Je ne sais pas comment cela fonctionnait jusqu'à présent. Il y a un budget de l'action sociale: est-ce que chacun travaille de son côté ? On peut se poser des questions, lorsqu'on voit que 300 millions de francs sont dépensés chaque année pour l'aide sociale ! Et que les assistants sociaux sont devenus plutôt des «comptables sociaux» que de véritables assistants sociaux, qui devraient être des coaches. La véritable politique de cohésion sociale serait quand même le retour à l'emploi ! En fait, souvent, la politique consistant à assister les gens les met hors service et n'est pas bénéfique pour ces personnes qui voudraient travailler. Une véritable politique de cohésion sociale serait donc une politique de plein emploi: tout faire pour que les gens puissent trouver un emploi et retrouver leur place dans la société. Ainsi, l'UDC va s'abstenir ou refuser ce projet de loi.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, voilà un projet de loi qui me parle personnellement et qui devrait parler à chacun d'entre nous. Cette loi doit être le ciment de la cohésion sociale de demain. Laquelle, à son tour, doit être le ciment de la paix sociale, sans laquelle notre société ne saurait exister. La sécurité se prépare: l'insécurité se prévient. Cela peut avoir un coût, je dirai. Et, si cela en a un, quel est le coût de l'insécurité ? Il ne se chiffre peut-être pas facilement, mais il est énorme. Chacun de nous le paie au quotidien.
Donc, ce projet de loi doit évidemment être suivi. Nous devons aider cette collaboration entre les collectivités publiques, le canton, les communes, mais également la société civile, pour que tous, la main dans la main, nous construisions cette cohésion sociale ! Qui n'est pas uniquement de l'aide sociale, contrairement à ce qui vient d'être dit. Le but de la loi n'est pas d'aider les plus démunis, mais de maintenir cette mixité sociale, sans laquelle nous allons construire ce que notre grand voisin connaît malheureusement et qui est la source de tant de problèmes.
Nous devons réfléchir aussi d'une manière plus générale sur les projets qui sont ceux de Genève - de la région de Genève, demain. Aujourd'hui, nous avons fait venir de grandes sociétés, avec des employés particulièrement bien rémunérés, qui ont fait grimper nos salaires. Nous constatons une difficulté - et je ne porte pas un jugement de valeur, je constate: nos classes moyennes sont exportées vers l'extérieur, voire même vers la France. Parce qu'elles n'ont pas les moyens d'avoir, en fonction de leur revenu, une qualité de vie qui corresponde à leur souhait. Et les classes les plus défavorisées, elles, sont renvoyées en périphérie. Donc, le risque de créer des ghettos ou des poches de pauvreté, comme cela vous a été dit tout à l'heure, est un risque qui nous guette à chaque instant.
Il est ainsi tout à fait méritoire que l'on se pose la question de savoir comment, au-delà de politiques ciblées, transversales, on peut améliorer la situation. Alors, il est vrai que l'on peut se demander: «Faut-il vraiment une loi pour travailler ensemble ?» Eh bien oui. Il faut parfois créer la structure qui permette à ces entités, publiques et privées, de travailler ensemble dans tous les domaines ! Car la cohésion sociale se construit également dans l'urbanisme, dans la façon de construire la ville de demain. Et cette loi est indispensable pour précisément aller dans ce sens, que nous souhaitons tous.
Je reviendrai tout à l'heure, peut-être - ou l'un d'entre nous - sur la question du financement, s'il y a un coût. Normalement, il ne devrait pas y en avoir. Mais je dirai encore une fois que cela ne doit pas être une préoccupation centrale; je regrette que certains partis, comme le PLR, rejoint par l'UDC, soient obnubilés par ce que coûterait la cohésion sociale. Mais que coûte la paix sociale ? La paix sociale nous rapporte énormément ! C'est ce qui a fait la force de notre pays durant toutes ces décennies, et nous devons combattre pour que cela soit maintenu.
Mme Esther Hartmann (Ve). Vous ne serez pas surpris d'apprendre que les Verts vont soutenir ce projet de loi avec énormément d'enthousiasme. Il faut également voir que ce projet est aussi issu de besoins du terrain; les communes suburbaines, comme Meyrin, Carouge et Onex, sont toutes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...en faveur de ce projet de loi.
Je vais vous parler d'un cas très précis, très concret, qui pourrait s'appliquer à ce projet de loi. A Meyrin, il y a eu un projet de prévention au niveau de la santé, avec le souhait d'ouvrir des salles d'école le dimanche pour que la population puisse pratiquer du sport. Le projet était de faire en sorte que les gens communiquent entre eux, qu'ils s'activent, et qu'il puisse aussi y avoir un effet sur la sécurité, puisque les jeunes étaient tout à coup très actifs. Pourtant, lorsqu'il s'est agi de mettre en place ce projet, on s'est heurté à deux départements différents, celui de l'instruction publique et celui des constructions. Ces deux départements ne communiquaient pas ensemble. Moralité de l'histoire: ce projet n'a pas pu avoir lieu. Or c'était un projet issu du terrain.
Le projet de loi dont nous discutons actuellement favorisera la communication entre les communes, entre les départements et entre les intervenants. C'est vrai, il n'y a pas un budget précis ! La droite voit cela comme une menace économique, avec une explosion des coûts, un projet extrêmement coûteux... Je fais même le pari que ce projet nous permettra de faire des économies, des économies d'échelle, c'est-à-dire de prévenir que deux structures sur une même commune puissent réaliser le même projet sans savoir que l'une fait la même chose que l'autre - et deux structures ont donc un financement à double pour une intervention similaire. C'est aussi cela, la communication, et échanger des informations ! Ce que ce projet de loi favorisera. Il s'agit de pouvoir faire des économies de temps, de moyens, et des économies financières. Pour tous ces motifs, les Verts vont soutenir ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, je ne parlerai pas d'un défaut mineur de ce projet de loi, qui est l'exclusion des communes rurales, comme si celles-ci étaient heureuses, n'avaient aucune histoire, aucun problème, et qu'il convenait de les négliger dans la rédaction des lois de notre canton... Mais passons sur cet oubli, venons-en au principal.
Le principal, c'est le flou de ce projet de loi. Ce flou est double. Il y a d'abord un flou quant au financement: on nous dit que cela ne coûtera pas plus... On ne nous dit pas au passage que cela coûtera moins ! Parce que, remarquez, si vous faites une politique qui a une ambition globale et transversale, vous devriez arriver à diminuer les coûts de la «politique de la ville», comme elle est ambitieusement nommée. Pas une seule fois le Conseil d'Etat, ici, n'ambitionne de réduire les coûts ! Il sait évidemment que, l'an prochain - M. Poggia parlait d'argent - il devra débourser 800 millions pour la fusion de la CIA et de la CEH... Ce sont probablement des clopinettes à ses yeux ! Mais, sur ce projet de loi, il ne nous dit pas combien il économisera, des 800 millions qu'il devra débourser dans un autre domaine. Ne confondons pas les domaines ! Restons-en strictement à la politique sociale, à la politique de la ville. Cette dernière, soit dit au passage, devrait inclure la sécurité. C'est le deuxième flou !
En matière de critères, six sont énoncés comme définissant les lieux devant être au bénéfice de cette politique de la ville. Ils sont précisés à la page 8 du rapport - bien fait au demeurant - de notre collègue Schaller. Quels sont-ils ? Ce sont: le revenu annuel médian brut de la commune; la proportion de bas revenus; le taux de chômage, le nombre de bénéficiaires de subsides sociaux; les allocations de logement, les scolarisés d'origine modeste. On n'en est pas encore à un inventaire à la Prévert, mais on en est déjà au pot-pourri. J'insiste sur l'adjectif ! Pourquoi ? Parce qu'on mélange ici des critères de résultats, des indicateurs de résultats et des indicateurs de moyens ! On a des indicateurs de résultats lorsque l'on a, par exemple, le taux de chômage; on a des indicateurs de moyens lorsque l'on a les allocations de logement... Mais on n'a rien ! Puisque l'on parle aussi d'école et que cela devrait intéresser le chef du DIP... On n'a rien sur les résultats scolaires, le pourcentage de réussite, le nombre de scolarisés dans l'enseignement supérieur, le nombre de scolarisés dans l'enseignement postobligatoire, non, on se contente de savoir quelle est la proportion de scolarisés d'origine modeste... Voilà une bien faible indication.
C'est pour cette raison que je crois que l'on peut, à juste titre, parler sinon d'indicateurs flous, en tout cas d'indicateurs peu informatifs. Je crois que baser une politique de la ville sur, au départ, des indicateurs d'une telle pauvreté, c'est véritablement faire en sorte que ce soit une politique pauvre de la ville qui soit menée. En effet, on ne saura pas avec intelligence ce qu'il est nécessaire de savoir pour mener une politique qui soit ambitieuse et qui soit, au passage, efficiente ! En d'autres termes, qui remplisse la mission que le Conseil d'Etat s'était, dans son discours de Saint-Pierre, engagé à accomplir, c'est-à-dire une politique respectueuse des deniers publics. On ne respecte pas les deniers publics, on ne respecte pas l'intelligence nécessaire à la compréhension des enjeux ! Voilà la raison pour laquelle notre groupe refusera ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Schaller, je vous suggère de vous exprimer en fin de premier débat; il vous restera une minute. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste trente-cinq secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. En trente-cinq secondes, on ne va pas pouvoir dire grand-chose ! Vous transmettrez au député Weiss que, quand il parle de flou, il pourrait ajouter la terminaison «-er» pour dire «flouer», parce que c'est ce qu'il est en train de faire vis-à-vis de la population genevoise, comme le PLR le fait tout le temps, en venant dire que, de toute façon, ils ne sont pas pour la cohésion sociale, que tout va bien, tout est pour l'économie. Non, Mesdames et Messieurs les députés, cela ne fonctionne pas comme cela ! Tout ce qui concerne la cohésion sociale dans les grandes communes est extrêmement important.
Maintenant, je dois ajouter encore une chose. Puisque M. Weiss a débordé du sujet du projet de loi en lui-même, laissez-moi vous dire - vous transmettrez, Monsieur le président - ce que le groupe de M. Weiss prône. Par exemple, et je vous l'annonce en primeur, une augmentation des...
Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Alors, j'y reviendrai, Monsieur le président, en deuxième débat.
M. Pierre Conne (R). Monsieur le président, chers collègues, la mauvaise nouvelle est que les inégalités sociales s'accroissent dans notre canton. La bonne nouvelle est que notre gouvernement a décidé d'empoigner ce problème, et nous le soutenons dans ce sens-là.
La solution proposée est une démarche législative. La faut-il ? Le PLR en doute. J'aimerais ici vous citer, de tête, quelques passages de l'excellent rapport de majorité sur cet objet, qui relève les axes forts justifiant ce nouveau processus que proposerait ce projet de loi.
Le premier, c'est de dire que, grâce à ce projet de loi, nous allons pouvoir créer une culture commune interdépartementale. Faut-il une loi pour cela ? Le PLR en doute. Le deuxième axe, c'est de renforcer le partenariat entre l'Etat et les communes. Faut-il un projet de loi pour cela ? Le PLR en doute. Le troisième axe, c'est de mobiliser les citoyens dans leurs quartiers. Faut-il un projet de loi pour cela ? Le PLR en doute, la majorité de ce parlement en décidera.
Mais il y encore un autre aspect qui est relevé dans le rapport de majorité: l'intérêt de ce processus législatif et de la loi qui en découle est d'intégrer une démarche sur le plan financier, en précisant bien que les budgets alloués feront partie du budget de l'Etat. Et c'est sur ce seul point que le PLR attire votre attention, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, en termes de responsabilités. Nous ne nions pas que ces projets vont nécessiter des engagements de personnes et des engagements financiers. Ce que nous demandons, c'est de pouvoir garantir la traçabilité de cette démarche, d'une part pour garder, à notre niveau, la maîtrise des dépenses publiques et, d'autre part, afin de pouvoir nous assurer de manière qualitative que les projets qui s'inscriront dans le cadre de la maîtrise, du contrôle et de la réduction des inégalités sociales aboutissent quant à leurs résultats.
Mesdames et Messieurs, nous faisons appel non pas à votre sens des économies purement financières, mais à votre sens des responsabilités s'agissant de la maîtrise des deniers publics. Nous vous prions d'être bien attentifs aux amendements que nous allons déposer dans ce sens-là, qui demandent simplement d'inscrire une meilleure lisibilité financière dans le suivi des actions qui seront menées dans le cadre de ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Engelberts, votre groupe a épuisé son temps de parole. Je donne la parole aux deux rapporteurs, à commencer par M. Philippe Schaller, à qui il reste une minute.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais finir ce premier débat en donnant quelques éléments forts. Voici le premier. On a beaucoup parlé de financement. Le financement est intégré, et, je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, il est bien intégré à l'ensemble des politiques publiques et programmes, permettant ainsi de maintenir un effort d'ensemble des politiques en direction des quartiers les plus vulnérables. Il ne s'agit pas, et c'est la volonté de ce projet de loi, de créer une ligne budgétaire ad hoc.
Le deuxième élément - et deuxième force de ce projet de loi - réside dans son article 7, lequel prévoit le partenariat avec la société civile, comme l'a dit la députée Emery-Torracinta. Effectivement, nous utilisons peu cette ressource actuellement. Or, ce travail de partenariat est extrêmement important, et ce projet de loi va permettre de l'actionner.
Enfin, le troisième élément fort est que la politique de cohésion sociale ne se veut pas comme une politique d'exception mais, bien au contraire, comme une démarche de partenariat visant à faire converger les politiques publiques ordinaires vers les quartiers cumulant les inégalités.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à M. le rapporteur de minorité, pour vingt secondes.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. J'en profiterai juste pour répondre à Mme Emery-Torracinta que, au-delà du procès d'intention qu'elle fait au PLR, celui-ci n'est en rien opposé à la nécessité d'une politique de cohésion sociale. Ce que nous voulons, c'est que celle-ci n'aggrave pas ou n'augmente pas le déficit des finances de l'Etat.
Je rétorquerai aussi à M. Stauffer, qui nous caricature comme étant toujours le parti de l'économie, que, au PLR, nous avons compris qu'il nous faut une économie florissante. Parce que des finances étatiques saines et une économie florissante sont des conditions sine qua non pour mettre en place une politique sociale efficace !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du projet de loi 10823.
Mme Christine Serdaly Morgan. Je demande le vote nominal.
Le président. Etes-vous suivie ? (Appuyé.) Le vote se fera à l'appel nominal.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10823 est adopté en premier débat par 53 oui contre 35 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 9.
Le président. A l'article 10, Financement cantonal, nous sommes saisis d'un amendement pour une nouvelle teneur de l'alinéa 2 et pour un nouvel alinéa 3. Je donne la parole à M. Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (hors micro). Peut-être que le signataire de l'amendement souhaite s'exprimer d'abord.
Le président. Veuillez m'excuser: cela vient de s'allumer. Monsieur Saudan, je vous prie de m'excuser - votre nom ne s'était pas affiché - vous avez la parole.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Je remercie M. Stauffer de son élégance.
Des voix. Oh ! (Commentaires.)
M. Patrick Saudan. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces deux amendements sont relativement simples et assez explicites. Le premier amendement va permettre une meilleure lisibilité en créant une ligne budgétaire spécifique pour tous les programmes dans le cadre de cette politique de cohésion sociale. Il est vrai qu'initialement nous aurions aimé une politique publique spécifique pour la politique de la ville. Nous avons, dans le courant des débats, été plus ou moins convaincus par les arguments concernant la transversalité et le partenariat que cette politique de cohésion sociale va s'effectuer dans toutes les politiques publiques. Néanmoins, pour la lisibilité, pour notre travail de députés de milice, nous voulons qu'au budget il y ait une ligne budgétaire spécifique pour chaque programme ayant trait à cette politique de la ville.
Concernant le deuxième amendement, nous pensons que cette politique de la ville doit être financée par des réallocations budgétaires, et non pas par des créations budgétaires, pour des raisons relativement compréhensibles de maîtrise du budget de l'Etat. Le Conseil d'Etat n'a pas voulu faire de chiffrage, il va nous le donner en septembre. Je vais faire une vague extrapolation, sur la base de l'expérience bruxelloise. Je vous rappelle simplement que Bruxelles est une communauté urbaine relativement comparable à Genève, d'environ un million de personnes, avec un pourcentage d'immigrés qui est plus ou moins égal à celui que nous avons dans notre canton. Or, la politique bruxelloise a coûté, en dix ans - et c'est accessible sur internet - 450 millions d'euros, c'est-à-dire 45 millions d'euros par année. Nous pouvons donc extrapoler qu'au niveau genevois une politique publique de même ampleur, si les problèmes sont relativement équivalents, coûterait environ 30 millions de francs à l'Etat de Genève. C'est une estimation très grossière, et nous aurions aimé que le Conseil d'Etat procède en commission à une évaluation. C'est pour cela que nous avons demandé le renvoi à la commission des affaires sociales, non pas par manoeuvre électorale, mais parce que nous pensions que, avec le rapport du CATI-GE, le Conseil d'Etat aurait pu se permettre de faire cette évaluation.
Je vous remercie de prendre en compte ces deux amendements: ils permettront de fixer un cadre et de contenir cette politique de cohésion sociale qui est nécessaire pour notre canton, dans des limites financières acceptables pour celui-ci.
M. Eric Stauffer (MCG). Evidemment, le groupe MCG va s'opposer à cet amendement. Nous sommes toujours extrêmement désagréablement surpris lorsque le PLR vient nous parler d'inégalités, en disant que, finalement, ce n'est pas aussi grave... C'est comme dire que tout est entrepris pour la sécurité à Genève, c'est exactement pareil. Eh bien non, Mesdames et Messieurs, la population genevoise souffre énormément des inégalités, notamment dans les communes suburbaines. Comme vous le savez, je suis le magistrat de l'une d'elle... (Rires.) Oui, bien sûr ! Vous transmettrez, Monsieur le président, au député Weiss, qui s'esclaffe, que c'est tellement peu respectueux des gens qui nous regardent. Mais enfin, c'est à son image. Comme tout le monde le sait, il n'en est pas à un mensonge et à une calomnie près.
Cela étant dit, j'aimerais vous rappeler encore une inégalité qui peut frapper les Genevois. Vous le savez, l'un des combats du Mouvement Citoyens Genevois est la thématique de l'emploi pour les résidents. Vous le savez, tout ce qui concerne la main-d'oeuvre frontalière, nous voulons y mettre un frein, pour donner la priorité absolue aux résidents genevois - et notamment aux communautés étrangères établies et résidant à Genève, qui sont les premières communautés à faire les frais de l'exagération de la main-d'oeuvre frontalière. Et vous le savez ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Eh bien, figurez-vous que, dans le registre des inégalités, les résidents en France ne sont pas solidaires de l'assurance-maladie, la LAMal, ni de la sécurité sociale: ils ont des assurances-maladie privées qui coûtent le quart de ce que paie un Genevois. Comble de tout - et je parle sous le contrôle de notre ministre de la santé, M. Unger - les Hôpitaux universitaires de Genève vont augmenter les tarifs de 2% pour les Genevois et les baisser pour les frontaliers ! C'est extraordinaire, et cela va encore contribuer aux inégalités.
En conclusion, Monsieur le président, vous transmettrez ceci à M. le rapporteur de minorité. Il a dit qu'ils étaient convaincus... Je suis d'accord - pour une fois - avec lui ! Vous transmettrez: vous êtes des «cons vaincus» !
Le président. Merci beaucoup... La parole... (Commentaires.) ...est à M. Philippe Schaller. (Brouhaha.) Monsieur Stauffer, je ne comprends pas pourquoi vous vous permettez de tels termes, ni pourquoi, par un jeu de mots tout à fait limité et en tout cas fort impoli, vous souhaitez mettre une animation déplacée dans ce débat, qui se déroulait sereinement sur un sujet... (Remarque de M. Eric Stauffer.) ...fort important ! Je ne vous donne pas la parole. Monsieur le rapporteur, vous pouvez vous exprimer.
M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Bien entendu, nous souscrivons à ce souci budgétaire et à l'équilibre budgétaire du canton. Simplement, nous ne pouvons pas entrer en matière sur cet alinéa 2. En effet, reprenons l'article 10, alinéa 2, du projet de loi, que je vous cite: «Les moyens financiers alloués par l'Etat aux programmes d'action définis par le conseil de la politique de cohésion sociale en milieu urbain s'inscrivent dans le cadre des lignes budgétaires des politiques publiques de l'Etat.» Je ne vois pas en quoi l'alinéa que vous nous proposez dans l'amendement que vous nous soumettez va modifier quelque chose à cet équilibre budgétaire.
Deuxième élément, on a parlé de la complexité des problèmes sociaux dans les cités. Il y a aujourd'hui dans le budget de l'Etat 16 politiques publiques et 61 programmes. Pour la politique de cohésion sociale, il y a un tellement grand nombre de sujets qui sont abordés dans le cadre de ce programme - que ce soit la santé, l'éducation, la culture, la sécurité, l'intégration ou le logement - que l'on ne voit pas de quelle manière nous pouvons dégager une ligne budgétaire spécifique. Or, comme nous l'avons dit précédemment, il n'est pas souhaitable de cibler sur une problématique sociale un budget spécifique. Et c'est ce que la France a fait, avec les difficultés que nous connaissons.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je reviens et insiste sur ce que j'ai dit tout à l'heure. Ce qui est important dans ce projet de loi, c'est vraiment la méthode de travail qu'il propose ! Je ne comprends pas, Monsieur le député Saudan, pourquoi vous êtes contre une méthode qui permet de travailler collectivement, avec les communes et avec la société civile. Je pense que c'est vraiment essentiel !
J'ai le sentiment que votre amendement, c'est un peu l'arbre qui cache la forêt. Et la forêt libérale-radicale, dans ce cas-là, c'est surtout l'alinéa 2: c'est vouloir mettre peu de moyens pour la cohésion sociale ! Ou alors, si l'on met des moyens pour la cohésion sociale en milieu urbain, on doit les enlever ailleurs... Or, la méthode que nous propose le Conseil d'Etat, c'est de dire: «Voilà comment on va travailler: on vous dira, au moment du budget, ce que l'on va allouer pour cette politique publique là, et vous serez libres, en tant que députés, de dire oui ou non à telle ou telle ligne budgétaire, à telle ou telle politique publique - mais on vous propose une méthode de travail.» J'ai donc vraiment du mal à comprendre votre attitude dans ce débat.
Enfin, dernière petite remarque: vous avez beaucoup parlé de Bruxelles. Vous vous rappelez peut-être que, dans le cadre d'un projet concernant l'Hospice général, j'avais proposé la mise en place d'un observatoire du social, à l'instar de ce qui se faisait à Bruxelles. Malheureusement, à l'époque, vous aviez dit: «Ce sera peut-être une usine à gaz», etc. Pourtant, cela visait la même chose, c'est-à-dire à regrouper ce qui se fait dans différents services de l'Etat ou à l'Université, et que l'on a souvent du mal à appréhender tout simplement parce que l'on ne sait pas ce que tel chercheur a trouvé à tel endroit. Là aussi, ce qui est intéressant dans ce projet, avec notamment le CATI-GE, c'est que l'on regroupe au même endroit des données qui sont dispersées et que les uns et les autres, souvent, ne connaissent pas.
Aussi, je vous invite vivement à refuser cet amendement et à accepter le projet de loi au final.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Patrick Saudan, à qui il reste deux minutes.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Avant de répondre à M. Schaller et à Mme Emery-Torracinta, je déplore fortement que M. Stauffer tombe de Charybde en Scylla. J'avais relevé son élégance cinq minutes auparavant, et je dois dire qu'il est ensuite tombé dans la malhonnêteté intellectuelle la plus crasse, tant par ses jeux de mots débiles que par la caricature de nos propos. Puisque jamais - jamais ! - un député PLR n'a remis cause le fait qu'il y ait des inégalités sociales à Genève.
Je réponds maintenant à M. Schaller et à Mme Emery-Torracinta. Cet amendement est très simple. De nombreux organismes vont être impliqués dans la mise en action de cette politique de la ville; alors, tout à coup, la ligne budgétaire pour la FASe va être augmentée. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons que, dans chaque politique publique, s'il y a un programme qui est destiné à augmenter, à améliorer cette cohésion sociale, que ce soit simplement inscrit au sein de cette politique publique. Nous ne voulons pas une nouvelle politique publique - vous nous avez mal compris - nous voulons qu'il y ait une ligne budgétaire qui, par exemple, définisse une action particulière qui est effectuée par la FASe, simplement pour que ce soit un peu plus lisible qu'en l'état. Parce que cet article 10 est extrêmement flou ! On peut le comprendre de plusieurs façons.
Enfin, Madame Emery-Torracinta, nous ne remettons pas en cause la méthode de travail: nous ne remettons pas en cause la politique de cohésion sociale ! Nous l'avons dit, le Conseil d'Etat pratique déjà cette politique de la ville; il la pratique avec efficacité, et nous la soutenons ! Nous remettons simplement en cause le fait qu'il faille élaborer un projet de loi. Nous n'en avons toujours pas compris l'utilité.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Il reste une minute et trente secondes à Mme Marie-Thérèse Engelberts.
Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Merci, Monsieur le président. Dans le cadre de la commission des affaires sociales, le PLR n'a eu de cesse, par rapport à ce projet, de nous infliger, si j'ose dire, deux axes d'attaque. Le premier a eu trait à l'Université, au travail universitaire, remettant en question la qualité des critères reconnus, puis l'institution elle-même qui allait y travailler, et le fait de rendre un peu rigide le lieu de travail par rapport à ce projet.
Aujourd'hui, c'est l'aspect budgétaire, soit le deuxième axe d'attaque. Même si vous ne remettez pas en question, ce que je crois absolument, le fait qu'il y a un problème de cohésion sociale dans notre canton - il y a une politique urbaine qui a été mise en place, en tout cas partiellement - vous devriez quand même convenir que la nouvelle approche et les novations de ce projet sont de travailler de sorte qu'il y ait cette transversalité entre les départements, pour finalement arriver à un résultat différent. Maintenant, vous nous dites: «Oui, mais il faudrait que l'on ait une ligne, une lisibilité budgétaire.» C'est l'innovation elle-même qui contredit ce que vous affirmez ! Cela signifie que, à un moment donné, on va faire par rapport à un existant budgétaire, mais on va travailler différemment. Donc, cette ligne budgétaire, vous ne pouvez pas l'avoir aujourd'hui ! Vous l'aurez probablement à l'avenir.
Mais, aujourd'hui, nous avons décidé - le MCG l'a décidé avec d'autres, ici - de faire confiance au Conseil d'Etat par rapport à ce projet de loi, à la manière dont il est présenté, et d'aller de l'avant. Je pense que la notion la plus importante dans ce projet de loi est la prise de conscience de l'urgence !
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Et vous, vous connaissez bien la notion de l'urgence, Monsieur Saudan. Quand il y a urgence, on va à l'essentiel ! Et, ensuite, on regarde de quelle manière on peut améliorer les choses. Donc, pour nous, il y a deux points: allons à l'essentiel et travaillons avec une nouvelle méthodologie, pour des résultats qui soient positifs.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, c'est tout à fait fortuitement, j'imagine, qu'une députée de ce parlement se trouve être tout à coup très gouvernementale, mais cela donne un certain sel à la proposition.
J'aimerais juste faire deux remarques. Je pense que si effectivement les moyens alloués étaient le garant de la politique sociale, depuis le temps, cela se saurait. Ce n'est donc que l'un des éléments, et non pas l'élément déterminant.
Cela étant, je reste aussi convaincu que, devant la multiplicité des intervenants qui seront peut-être amenés à se prononcer, la lisibilité financière veut qu'il ait une ligne budgétaire propre. Cela permettra à ce parlement, d'une part, de satisfaire l'actuelle députée Emery-Torracinta sur les montants nécessaires aux interventions, mais, d'autre part, aussi de corriger - expériences faites - toutes les probables dérives ou les usages inappropriés qu'il pourrait y avoir de cet argent. C'est la raison pour laquelle je suis intimement convaincu qu'il faut soutenir cet amendement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur les amendements à l'article 10. Nous votons d'abord sur l'alinéa 2, nouvelle teneur: «Les moyens financiers alloués par l'Etat aux programmes d'action définis par le conseil de la politique de cohésion sociale en milieu urbain sont identifiés par une ligne budgétaire spécifique dans le cadre des politiques publiques de l'Etat concernées.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 32 oui.
Le président. Nous votons maintenant sur l'alinéa 3, nouveau: «Ils sont couverts par des économies équivalentes sur d'autres lignes budgétaires des politiques publiques de l'Etat.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 51 non contre 32 oui.
Mis aux voix, l'article 10 est adopté, de même que les articles 11 et 12.
Troisième débat
Le président. La parole est à M. le député Eric Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Afin que l'on ne se méprenne pas sur mes propos, je précise qu'il n'est pas reproché au PLR de ne pas comprendre les problèmes sociaux et les inégalités ! Ce n'est pas cela qui est reproché, c'est que, chaque fois que vous avez la possibilité d'apporter une pierre à l'édifice - et je ne fais pas de jeu de mots avec le mot «pierre» - vous vous y opposez systématiquement ! Le MCG, à chaque exercice budgétaire, a proposé notamment un renforcement, de 2 millions la dernière fois, pour les jeunes en rupture dans les communes suburbaines. Le PLR - tous en choeur ! - a voté non ! C'est comme pour la sécurité ! Il ne vous est pas reproché, Mesdames et Messieurs du PLR, ne de pas comprendre que Genève a un problème de sécurité ! Ce qui vous reproché, c'est votre inaction à changer les choses ! Où sont les projets de lois du PLR pour la cohésion sociale ? Est-ce que vous en avez déposé un au cours des dix dernières années ? (Remarque.) Trouvez-le-moi. (Remarque.) Trouvez-le-moi ! Il n'y en a pas.
Alors, c'est bien joli de venir dire: «Oui, mais il faudra renflouer les caisses de la CIA»... Vous transmettrez ceci, Monsieur le président, au député Weiss: qui étaient les grands argentiers durant les quinze dernières années, quand a été creusé le trou à la CIA ? Eh bien, c'était quelqu'un de droite ! (Commentaires.) Du parti libéral ! Voilà ! Et jusqu'à quand allez-vous vous moquer des citoyens, comme cela... (Brouhaha.) ...en venant dire, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) ...en venant dire... (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. ...en venant dire: «Oui, il y a des problèmes d'inégalité... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...mais ce n'est pas la bonne solution.» Alors, proposez des solutions ! Faites quelque chose pour les Genevois ! Sinon, on va finir par croire que vous vous foutez du social et que vous ne défendez que de puissants lobbies, pour une question d'argent. Moi, j'ai toujours dit que les partis politiques sont des associations à but non lucratif, à l'exception du parti libéral !
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, vous faites preuve d'une mansuétude qui vous honore, mais on ne peut pas laisser dire les mensonges - je pèse mes mots - qui ont été prononcés tout à l'heure. Alors, voici trois remarques.
D'abord, M. le député Stauffer, depuis la nuit des temps, vote l'opposition au budget. Alors, on ne peut pas, d'un côté, dire que l'on est faveur des politiques sociales et, de l'autre, systématiquement et régulièrement refuser le budget ! Deuxièmement, juste de tête, comme cela, vous indiquerez à M. le député Stauffer que le PLR a fait passer une loi qui, entre autres, permet une déduction fiscale de 20% lorsque celles et ceux qui le veulent participent à des projets sociaux, notamment. Je n'ai pas souvenir d'avoir eu un grand soutien, à ce moment-là, du MCG. Troisièmement, lorsque M. Stauffer parle de politique sociale, j'ai l'impression, à voir la manière dont il se conduit et dont il se gère lui-même dans sa commune, que nous avons beaucoup d'inquiétudes à nous faire sur ce qu'est la politique sociale vue par le MCG.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, à la base de la politique sociale, il y a un certain nombre de conditions-cadres de l'économie nationale et de l'économie genevoise. Dans ces conditions-cadres, il y a en particulier la formation, qui joue un rôle essentiel, et en faveur de laquelle le PLR se prononce régulièrement - y compris très récemment, lorsqu'il s'est agi de favoriser le retour du mercredi matin d'école, pour augmenter la quantité d'heures d'école afin d'améliorer la qualité de l'enseignement des jeunes Genevois.
Il y a également le fonctionnement de l'économie, en particulier des petites et moyennes entreprises, comme des grandes entreprises multinationales, celles qui apportent à Genève - celles qui sont vomies par une magistrate de la Ville de Genève, mais qui apportent à Genève des emplois par milliers et des revenus par millions ! Des revenus par millions pour les caisses publiques ! Il y a, dans le rapport sur les comptes 2011 - qui nous est parvenu et que nous avons commencé à étudier en commission des finances - à peu près un milliard de revenu des entreprises pour le ménage commun de l'Etat. A quoi sert ce milliard qui est apporté ? Il sert à l'ensemble des politiques de l'Etat, et donc, à due proportion, aux politiques sociales qui sont menées. Toute autre considération sur ce point relève soit de l'ignorance, soit de la démagogie, et je laisse ceux qui les profèrent à leur propre ignorance du sujet.
M. Eric Stauffer (MCG). Et, encore une fois, on assiste à un splendide numéro: le PLR au secours de la cohésion sociale. Que venons-nous d'entendre, Mesdames et Messieurs ? Nous venons d'entendre: «Le PLR vote pour l'instruction, qui fait partie de la cohésion sociale.» C'est vrai ! Vous rappellerez, Monsieur le président, au député qui s'est exprimé avant moi, que la conseillère d'Etat qui a détruit l'instruction publique s'appelait Martine Brunschwig Graf et qu'après son passage cela a été une catastrophe ! Mais l'histoire rappellera aux citoyens comment était l'école «avant» et comment elle a été «après» ! Et, lorsque M. Beer a dû prendre la relève, il a eu beaucoup de travail pour essayer de rétablir un semblant d'éducation. (Remarque.) Maintenant, Mesdames et Messieurs, il faut que l'on soit clair...
Le président. Je vous prie de rester dans le sujet, s'il vous plaît.
M. Eric Stauffer. Oh, évidemment ! Quand on parle des caisses de la CIA, pour la cohésion sociale, j'entends bien que le PLR reste totalement dans le sujet, le sujet financier qu'il nous vend à longueur d'année ! Non, Mesdames et Messieurs, ne nous laissons pas tromper encore une fois par le PLR - enfin, par le parti libéral et par l'un des plus petits partis du Grand Conseil, qui est le parti radical - avec ses phrases... enrobées ! Enrobées, comme, lors de toutes les élections, ils sont en train de nous les servir: «Nous sommes conscients des problèmes», «Nous allons apporter des solutions», «Nous avons un rêve pour Genève»... Mesdames et Messieurs, moi, j'ai un rêve pour Genève, c'est que le cauchemar s'arrête ! Et que... (Remarque. Brouhaha.) ...aujourd'hui, le PLR soit sanctionné comme il doit l'être ! Dussé-je féliciter Mme Emery-Torracinta pour cette élection partielle, si elle est élue au Conseil d'Etat. Mais, le PLR, ça suffit maintenant de prendre les citoyens genevois pour ce qu'ils ne sont pas !
Le président. La parole est à M. le rapporteur Patrick Saudan, puis ce sera au tour de M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Si vous me permettez de passer à un autre registre que le numéro de démagogie que vient de nous fournir M. Stauffer, je dirai ceci. Pour le PLR, une politique de cohésion sociale repose sur trois axes: un meilleur accès à la formation - nous n'avons pas à rougir de notre bilan dans ce domaine; une meilleure mobilité des communes suburbaines au centre-ville - nous avons, là aussi, développé de multiples projets de lois et textes législatifs pour améliorer cette mobilité; et un meilleur accès au monde du travail.
C'est pour cela que nous n'avons aucune leçon à recevoir en ce domaine de la part d'un parti démagogique et populiste.
Des voix. Oh !
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous ne m'en voudrez pas de d'abord rappeler que le projet de loi que vous traitez fait face à une évolution du monde, qui est marquée par son urbanisation et, aussi, par la montée des inégalités, avec une conséquence: le regroupement territorial par catégories sociales, auquel nous n'échappons pas. Genève ne fait pas exception à la règle. Ce phénomène touche non seulement l'ensemble des pays post-industrialisés, mais aussi, à l'échelle européenne, engage-t-on avec les fonds structurels des montants importants en fonction de cette priorité. Au niveau des différents pays européens, on peut citer la Belgique ou la France, mais on peut aller, bien évidemment, au-delà et remarquer que même en Suisse, avec l'Office fédéral du développement territorial, on s'attaque à cette véritable difficulté de l'évolution de nos sociétés.
Mesdames et Messieurs les députés, au cours du dernier quart de siècle, Genève a littéralement plongé dans les inégalités alors que la croissance économique était au rendez-vous. Ne prenez pas mon propos pour un discours contre la croissance, il ne vise qu'un objectif: transformer celle-ci en développement. Mesdames et Messieurs, la montée des inégalités dans notre canton s'est traduite par une expansion de la ville, comme j'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure concernant l'échelle internationale. Cependant, elle est également accompagnée par la transformation de véritables quartiers populaires en lieux littéralement exposés de façon brutale à la montée des inégalités. (Brouhaha.) Je pourrais les citer longuement.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a pris un engagement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le Conseil d'Etat a pris un engagement fort au début de cette législature, à travers le discours de son président de l'époque, M. Longchamp. Nous l'avons repris dans nos travaux, à travers le programme de législature, en indiquant clairement notre objectif: notamment, nous attaquer à ces inégalités qui, du point de vue territorial, s'additionnent aux inégalités individuelles. Enfin, nous avons dit que nous allions présenter un projet de loi, de manière à assurer la lisibilité de notre action. Cette dernière est engagée - vous avez raison, Monsieur le rapporteur de minorité - puisque que le réseau d'enseignement prioritaire et le Centre d'analyse territoriale des inégalités à Genève sont créés. Mais cela ne suffit pas, parce qu'il nous faut aussi nous assurer que cette méthode devienne une systématique de travail, qui permette d'allier l'ensemble des pans d'une politique publique, de la sécurité au logement, de l'aménagement à l'intégration, de l'éducation au sport, en passant par la santé, l'économie, le social et l'emploi.
Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas voulu ajouter une politique publique supplémentaire. Nous n'avons pas voulu, non plus, faire de cela des programmes spécifiques ou des prestations spécifiques, mais simplement inscrire à l'intérieur des lignes budgétaires spécifiques des montants - qui vous seront présentés en annexe de l'exposé des motifs du projet de budget, comme nous en avons pris l'engagement. Nous assurons ainsi la lisibilité d'une méthode qui vise à dire: égalité ne signifie pas forcément équité. Vous aurez non seulement le contrôle de la méthode et du travail, mais aussi le contrôle budgétaire - parce que vous votez chaque ligne du budget - et vous aurez une présentation par la consolidation de ce qui est mis au titre de la cohésion sociale en milieu urbain.
Mesdames et Messieurs, notre méthode est simple. Il convient de travailler avec des indicateurs. Alors, on peut ironiser, ils seraient insuffisants... Ils ne visent qu'une chose: mesurer la précarité dans tel ou tel quartier de notre canton. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous allons travailler selon ces indicateurs. Et nous voulons travailler selon deux processus essentiels: d'une part, il s'agit de la collaboration avec les collectivités publiques concernées, à savoir les communes, qui sont pratiquement - pour les communes concernées - toutes intéressées par la démarche et qui ont toutes travaillé à l'élaboration de ce projet de loi; d'autre part, il y a la participation des citoyennes et des citoyens qui sont directement concernés par ces objectifs d'un mieux-vivre, d'une meilleur qualité de vie dans des quartiers qui ont été des oubliés de la prospérité et dans lesquels il y a eu montée d'un certain nombre d'inégalités et d'incivilités.
Mesdames et Messieurs, je terminerai mon propos en disant qu'il y a aujourd'hui des fonds, mis à disposition par l'Office fédéral du développement territorial et pour lesquels des projets ont été introduits. Pour Genève ! Sur dix projets, deux projets genevois ont été introduits. Ils ont eu le soutien du Conseil d'Etat - unanime, je m'en félicite - et il y aura des fonds fédéraux qui seront attribués et iront en complément d'une démarche cantonale.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous dirai encore qu'il y a deux jours j'étais à Versoix; j'ai été accueilli par les autorités municipales - qui ne font partie ni de la gauche parlementaire, ni du MCG, je tiens à vous rassurer - ses membres étaient tous de l'Entente. Ils nous ont accueillis dans les meilleures conditions et nous avons notamment, Mesdames et Messieurs les députés, visité ensemble un quartier parmi les plus exposés, qui est justement l'objet d'un grand programme, d'un grand projet, celui de la Pelotière.
Mesdames et Messieurs, je vous invite - le cas échéant avec nous, avec moi - à vous rendre sur place, pour voir qu'il y a souvent de toutes petites choses qui sont capables de modifier la réalité quotidienne des citoyennes et des citoyens, qui aujourd'hui, pour partie, se sentent abandonnés. Venez voir qu'il y a, par exemple, une ancienne cabane de chantier transformée en lieu social d'accueil à la Pelotière ! Allez voir le rôle des associations d'habitants, qui se mobilisent pour faire en sorte qu'il y ait davantage de concierges ! Alors que pratiquement toutes les familles, sur le millier d'habitants, appartiennent aux catégories les plus défavorisées - après Vernier, Onex et Versoix, avant Lancy, Carouge, Meyrin, pour ne citer que celles-ci, ou encore la Ville de Genève, bien entendu, ou Plan-les-Ouates ou le Grand-Saconnex.
Il y a une réalité que nous devons prendre en compte. Il s'agit de faire en sorte qu'il y ait une cohésion sociale dans ce milieu urbain. Parce que Genève s'urbanise et qu'il convient d'éviter une chose, pour celles et ceux qui combattent les risques de fracture, c'est qu'une Genève locale, oubliée de la prospérité, s'oppose à une Genève dite internationale, et pour lesquelles la mondialisation est le devenir.
Mesdames et Messieurs, je vous souhaite évidemment de faire bon accueil à ce projet de loi, qui rassemble une méthode de travail mais surtout une volonté politique. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous votons en troisième débat le projet de loi 10823.
La loi 10823 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10823 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 36 non.
Le président. Je tiens à saluer à la tribune la présence de notre ancienne collègue, Mme la députée Béatrice Hirsch. (Applaudissements.)