République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 mars 2012 à 20h30
57e législature - 3e année - 6e session - 32e séance
M 2032
Débat
Le président. Nous traitons maintenant le point 40 de notre ordre du jour. Ce faisant, je vous demande, comme je l'ai fait tout à l'heure, encore un peu de patience: nous allons arriver au bout de notre pensum en de bonnes conditions, mais cela dépend de vous ! La parole est à M. Guy Mettan.
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Il est toujours délicat d'aborder les sujets transfrontaliers à 22h30, le vendredi soir, mais je pense qu'il faut le faire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vais être très sobre et très bref, car je pense qu'il n'y a pas lieu, non plus, de se bagarrer sur cet objet. Pourquoi ? Parce qu'il y a une certaine urgence à ce que nous le votions, à ce que nous le renvoyions, en l'occurrence à la commission des affaires communales, régionales et internationales. En effet, nous sommes en train de discuter de l'extension de voies de tram à Saint-Julien, à Annemasse et à Ferney; de plus, nous avons commencé les travaux du CEVA. Bref, nous avons commencé à construire des infrastructures à Genève, qui vont au-delà de la frontière et concernent nos voisins français proches.
A partir de là, on constate qu'effectivement... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...il n'y a toujours pas de fonds d'équipement transfrontalier commun. Il existe un fonds d'équipement communal, qui fonctionne plutôt bien, mais l'idée est de créer, avec les Français, un fonds d'équipement qui soit commun. Je sais que le Conseil d'Etat en parle; on entend ici où là des rumeurs qui diraient que le Conseil d'Etat est en train de préparer un projet dans ce sens. On s'en réjouit, or cela fait des mois, des années, que l'on en entend parler ! Je pense qu'il revient à notre Conseil de prendre l'initiative d'aller de l'avant, parce que, au fond, la construction de la région dépend aussi du Grand Conseil. Alors, c'est à nous, parlement, de prendre l'initiative d'aller de l'avant.
Sur le fond, nous n'avons pas voulu donner de précisions. Pourquoi ? Parce que c'est au Conseil d'Etat de négocier. C'est une négociation qui est aussi internationale. Il ne nous revient pas, à nous seulement, de dire exactement ce que les Français doivent faire, doivent payer, et la manière dont il faudrait qu'ils le fassent: il faut laisser les choses ouvertes. A partir de là, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales, pour que l'on puisse commencer à l'étudier, procéder aux auditions et examiner la faisabilité d'un tel projet. Le cas échéant, si le Conseil d'Etat venait à déposer son rapport dans un délai assez bref, eh bien, nous aurions déjà pu prendre de l'avance sur les travaux. Je vous remercie de votre attention.
M. Jacques Béné (L). Mesdames et Messieurs, j'interviens pour vous rappeler tout d'abord que nous sommes totalement en faveur du projet d'agglomération, que nous sommes pour le développement de Genève et que nous souhaitons maîtriser notre développement, plutôt que de le subir. La proposition qui est faite aujourd'hui par le PDC est intéressante, même si nous pensons que cela consiste à ajouter encore une couche à ce projet d'agglomération, alors que nous avons voté, il y a une année, la H 1 70, loi sur les infrastructures de transport issues du projet d'agglomération franco-valdo-genevois. Donc, même si ce n'est pas un fonds d'équipement commun avec les Français, quelque chose existe déjà. Et puis, comme l'a dit M. Mettan, les Français ont admis que, dans le cadre du projet d'agglomération et de la région Rhône-Alpes, il y avait encore en tout cas un milliard d'investissement à faire; j'imagine bien que les Genevois vont aussi devoir participer.
Pour nous, le renvoi en commission s'impose effectivement - à la CACRI, comme cela a été mentionné - sans aucun problème. Il sera assez temps, en commission, d'analyser le pourquoi du comment et d'auditionner éventuellement le CRFG, qui est actuellement en discussion avec le Conseil d'Etat pour examiner de quelle manière organiser les choses. Donc, je vous invite aussi à voter ce renvoi en commission.
M. Stéphane Florey (UDC). J'ai lu un article paru dans la presse le 25 octobre 2011, quand le dépôt de cette proposition de motion a été annoncé. On pouvait lire M. Mettan, que je cite: «Le canton dépense actuellement 900 millions pour ses investissements, il peut bien en consacrer 25, par exemple, à des projets prévus de l'autre côté de la frontière.» Eh bien, le groupe UDC dit non. Pourquoi ? Parce que ce sont 25 millions que nous pouvons dépenser pour Genève ! (Commentaires.) Pour autre chose ! Surtout à l'heure actuelle, quand on voit l'état de nos finances.
Pour le groupe UDC, il est absolument hors de question de financer quoi que ce soit de l'autre côté de la frontière, tout comme je vois mal le côté français financer n'importe quel projet chez nous ! Cela ne tient absolument pas debout. Cette proposition de motion, nous n'en voulons pas. Nous refuserons le renvoi en commission, et nous refuserons, tout court, cette proposition de motion !
Mme Irène Buche (S). Le projet d'agglomération est un enjeu majeur, comme tout le monde le sait, pour Genève et la région. Il doit se construire avec la France et le canton de Vaud; en l'occurrence, on parle de la France. Nous accueillons avec intérêt cette proposition de motion, qui vise la création d'un fonds d'équipement transfrontalier. Cela étant, il faut bien évidemment en discuter, en mesurer le bien-fondé et la faisabilité. C'est la raison pour laquelle nous accepterons le renvoi en commission.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est assez piquant de constater que le PDC enfonce une porte qui est ouverte. Il est quand même intéressant de constater que le PDC, soucieux des finances publiques du canton de Genève, prétend qu'il faut créer un fonds pour l'équipement franco-genevois... Laissez-moi vous rappeler - vous transmettrez, Monsieur le président, à nos amis du PDC - qu'il existe un accord de 1973 qui régit déjà les fonds d'équipement pour nos amis de l'Ain et de la Haute-Savoie et que Genève verse, à ce titre-là, près de 200 millions de francs suisses par année, soit 3,5% de la masse salariale... (Commentaires.) Mais, que ce soit marqué, Madame la députée Loly Bolay... Si vous voulez prendre la parole, vous la demandez ! Je suis sûr que le président vous la donnera, tellement il est bon et respectueux du règlement. Ce que vous n'êtes pas en m'interrompant dans mon intervention ! (Commentaires.)
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, ces 200 millions de francs suisses que nous versons par année, selon les accords de 1973, doivent servir à la construction d'infrastructures du côté français. Alors, le groupe PDC est-il par hasard en train de dire que ces 200 millions ne sont pas suffisants et qu'il faudrait ajouter encore une couche par laquelle les Genevois, avec les impôts des Genevois, devraient payer des infrastructures du côté français ? Pas plus tard qu'hier, quand il s'agissait de remettre à flot la CGN, qui prenait un peu l'eau - il y a décidément beaucoup d'histoires d'eau, ces temps, dans ce parlement ! - eh bien, vous vous êtes opposés à cela, et c'est de nouveau le canton de Genève qui finance le tout.
Finalement, Mesdames et Messieurs les députés, soyons clairs. Les accords existent; ils ont été signés entre la Confédération suisse et la République française. Nous avons demandé, il y a quelques heures de cela, que le Conseil d'Etat veuille bien nous répondre. Puisqu'il n'a pas daigné prendre la parole lorsque j'ai posé cette question, nous, groupe MCG, allons déposer une série d'interpellations urgentes écrites pour la prochaine session du Grand Conseil, afin de demander quelle est l'utilisation faite par la France, des 200 millions de francs qu'elle reçoit...
Le président. Voilà, Monsieur le député ! Encore quinze secondes.
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. ...quelle est l'utilisation faite de ces 200 millions de francs. Parce que c'est inscrit dans les accords de 1973. Et elle doit, une fois par année, donner le motif de ces dépenses. Nous savons que la France n'a pas répondu ! Nous savons que la France n'entend pas financer le CEVA !
Le président. Voilà, Monsieur le député, il faut terminer !
M. Eric Stauffer. Je vais terminer. Et nous n'avons pas encore d'accord écrit de la part de la France sur le financement du CEVA. (Commentaires.) Alors non ! Nous nous opposerons à la proposition de motion du PDC, qui enfonce une porte ouverte.
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est un secret pour personne, les Verts sont favorables à la région. C'est notre magistrat Robert Cramer qui a lancé le premier projet d'agglomération, que nous avons toujours soutenu, aussi avec un regard critique quand il le fallait, et que nous continuerons à soutenir.
La région, c'est un espace de vie commun, c'est une réalité au quotidien pour des milliers de gens, d'un côté de la frontière comme de l'autre, et la région est prise en compte au niveau de la planification avec le projet d'agglomération. Par contre, elle pèche parfois quant aux réalisations concrètes. On a peine à voir des équipements, justement; des infrastructures qui symbolisent la région et qui sont de véritables traits d'union entre nos deux pays, qui ne sont en réalité qu'un même bassin de vie.
Contrairement à ce que certains groupes pensent, pour bien vivre dans l'ensemble de la région, on a besoin d'équipements des deux côtés de la frontière, et il s'agit d'avoir des fonds communs et des financements communs. Pour nous, cette proposition de motion va tout à fait dans le bon sens, et c'est avec plaisir que nous la renverrons à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Patrick Saudan (R). Dans l'exposé des motifs de cette proposition de motion, un constat clair apparaît, qui est connu par l'ensemble des députés dans ce parlement, à savoir que cette région, qui est en train de se faire, souffre d'un déséquilibre structurel bien connu: les emplois à Genève, les logements en France ou dans le canton de Vaud. Or ce déséquilibre structurel ne va pas disparaître demain, même si nous souhaitons tous l'atténuer; il va prendre plusieurs décennies. Ce déséquilibre structurel entraîne un trafic pendulaire extrêmement important. Le seul moyen de le résoudre est d'avoir des équipements performants transfrontaliers.
J'aimerais juste répondre à M. Florey - vous transmettrez, Monsieur le président - que le Conseil d'Etat a décidé de financer la troisième voie depuis Lausanne, chez nos amis vaudois, parce qu'il s'est rendu compte que, si l'on parle de la région, les problèmes de transport doivent être réglés au niveau régional.
Alors, l'idée d'un fonds transfrontalier de financement est intéressante, et il faut l'étudier. Il faut l'étudier d'autant plus que les modalités de financement sont assez complexes. C'est pour cela que le groupe radical du PLR est tout à fait favorable au renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales.
M. Guy Mettan (PDC). Monsieur le président, je souhaiterais que vous transmettiez à M. Florey - qui est un homme que j'estime beaucoup et qui a, en plus, l'avantage d'être conducteur de tram - que, le jour où le tram ira jusqu'à Saint-Julien, Ferney et Annemasse, j'espère qu'il ne descendra pas à la frontière et qu'il ira jusqu'au bout ! C'est bien pour cela que, justement, c'est «transfrontalier» et «transfrontière»: il faut pouvoir aller de l'autre côté ! Cela, je vous invite à le faire, Monsieur Florey.
Quant à M. Stauffer, il faut lui dire, si vous pouvez, de lire quand même l'exposé des motifs ! Manifestement, il ne l'a pas lu ! S'il avait lu mon exposé des motifs, il aurait vu que ce ne sont pas 200 millions que nous rétrocédons aux Français, mais 230 millions. De plus, nous proposons - mais c'est une piste qui est à explorer - que ce soit justement sur cette part de rétrocession qu'une petite partie soit éventuellement prise pour doter la part française de ce fonds d'équipement ! Cela va donc parfaitement dans la logique qu'il semble souhaiter. Mais, pour cela, il faut évidemment lire l'exposé des motifs ! (Applaudissements.)
Une voix. Voilà, c'est comme le disait Mme Bolay !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stéphane Florey, pour une minute et cinquante secondes au maximum.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez ceci à la fois à M. Saudan et à M. Mettan: pour ce qui est du financement côté vaudois, nous ne sommes absolument pas opposés... (Brouhaha.) ...puisque cela reste suisse, si on veut. Par contre, ce que demande cette motion, c'est d'aller payer des projets en France ! (Brouhaha.) C'est franco-genevois ! C'est cela que nous refusons. (L'orateur s'exprime en s'adressant à l'assemblée.)
Le président. Monsieur le député, vous pouvez vous adresser au président, s'il vous plaît !
M. Stéphane Florey. Oui, Monsieur le président. Et puis, pour M. Mettan... soit ! Si le tram, un jour - parce que cela n'est encore pas fait, apparemment - traverse la frontière, il est évident que j'irai jusqu'au terminus. (Rires.) Mais si les Français veulent que les trams genevois aillent chez eux, eh bien, ils n'ont qu'à payer ! En effet, si l'on prend l'exemple de Vitam' Parc, c'est le demandeur qui paie sa part. Le bus D va jusqu'à Vitam' Parc, à Neydens; or c'est la Migros qui paie la totalité du prolongement de la ligne... (Remarque.) ...parce qu'elle en est demandeur. Et là, si les communes françaises veulent que le tram aille chez elles, elles n'ont finalement qu'à payer ! C'est tout ce que nous demandons.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...le Conseil d'Etat, au travers du CRFG, est déjà en train d'étudier cette possibilité. Nous vous présenterons cela bien volontiers en commission. Il ne s'agit pas de «payer totalement à la place de», mais de participer. Si l'on prend l'exemple des trams, je rappelle que, il y a cent ans, ces trams genevois passaient la frontière et étaient payés par les Suisses, donc entièrement. (Remarque.) Actuellement, les projets de tram - et je prends ces exemples que je connais bien - ont déjà obtenu un financement français, puisqu'ils ont, pour Saint-Julien, Annemasse et Saint-Genis, participé à un concours au niveau français, grâce auquel ils ont chacun obtenu environ 4 millions d'euros; c'est une première partie. Saint-Genis a obtenu des fonds de l'Europe pour un million, des fonds Interreg. Et nous participerons aussi, en partie.
Le problème est vraiment de, parfois, trouver le petit financement complémentaire pour un projet commun, afin d'aboutir plus vite à un projet réalisable, puisqu'il s'agit là de créer des équipements profitables - c'est l'un des objectifs et l'une des conditions du Conseil d'Etat - aux deux parties, de chaque côté de la frontière. Cela peut être des P+R. On a aussi parlé d'une centrale d'épuration commune, parce qu'il est absurde, par exemple, sachant que la station d'épuration d'Annemasse est à 500 mètres de notre station d'épuration, de reconstruire deux stations alors que l'on pourrait en faire une seule, commune. Tous ces projets méritent d'être étudiés.
Ce qui est précieux pour vous, c'est que non seulement vous serez informés en commission, mais aussi, s'il s'agissait de voter un crédit, vous auriez forcément le dernier mot ! Ce n'est pas le Conseil d'Etat qui va donner de l'argent sans que vous en soyez informés ! (Brouhaha.) C'est clairement ce Grand Conseil qui voterait, hypothétiquement, les fonds, s'il devait en exister. L'idée n'est pas de créer une grande cagnotte à distribuer, mais, pour chaque projet précis, de voir s'il y a besoin d'une participation pour accélérer le processus, en sachant que la France, l'Europe et Berne - aussi - peuvent participer à chaque projet. C'est ce que nous allons proposer très prochainement, et on vous le présente volontiers en commission.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je vais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire voter le renvoi de cette proposition de motion à la CACRI.
M. Eric Stauffer. Je demande le renvoi à la commission fiscale !
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2032 à la commission des affaires communales, régionales et internationales est adopté par 55 oui contre 22 non et 1 abstention. (Brouhaha durant la procédure de vote.)