République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1782-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Alain Etienne, Françoise Schenk-Gottret, Laurence Fehlmann Rielle, Pablo Garcia, Alberto Velasco, Christian Brunier, Anne Emery-Torracinta, Véronique Pürro, Alain Charbonnier, Virginie Keller, Lydia Schneider Hausser pour 1000 LUP réalisables rapidement

Débat

Le président. Nous sommes maintenant au point 31 de l'ordre du jour. La parole est à Mme la députée Irène Buche.

Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion socialiste date de septembre 2007. Elle demandait la réalisation rapide de 1000 LUP. Cette motion était particulièrement modeste en termes quantitatifs au regard de la gravité de la pénurie de logements à Genève. Pourtant, même cet objectif très modeste n'a pas été atteint en quatre ans, puisque seuls quelque 750 LUP ont été construits à Genève entre 2008 et 2011. Cette motion avait été renvoyée par le Grand Conseil au Conseil d'Etat le 14 novembre 2008. Depuis lors, rien. Pourquoi a-t-il fallu atteindre plus de trois ans pour obtenir une réponse du Conseil d'Etat ? Cette lenteur est très symptomatique. Comme on le sait, la construction de logements a pris un retard énorme, qui s'est encore aggravé; c'est démontré par les statistiques que vous connaissez, qui ont été publiées pour 2011: le nombre de logements construits à Genève n'a jamais été aussi bas qu'en 2011. Sur les 1018 logements construits en 2011, 216 étaient des villas et 250 des appartements à vendre en PPE. Seuls 208 LUP ont été construits en 2011.

La situation reste donc plus que préoccupante, même si le chef du DCTI nous a toujours promis des miracles, qui s'avèrent être des mirages. Et comme on le sait, les nombreuses oppositions des communes et des riverains ont pour effet trop fréquent de réduire comme peau de chagrin le nombre de logements qui sont finalement construits, par exemple aux Communaux d'Ambilly. On peut craindre que la même chose n'arrive dans le secteur de la Pallanterie, dont il était question aujourd'hui dans la «Tribune de Genève». En attendant, les projets de construction de bureaux se poursuivent, accentuant continuellement le grave déséquilibre entre la création d'emplois et celle de logements à Genève. En effet, le DCTI n'applique pas le principe essentiel «un nouveau logement pour tout nouvel emploi», alors qu'il l'a pourtant admis officiellement dans sa réponse à la motion socialiste 1941. Dans ces conditions, évidemment, la crise du logement ne peut que s'aggraver à Genève, et c'est une catastrophe.

Nous demandons donc au Conseil d'Etat de mettre immédiatement en oeuvre une politique beaucoup plus active en matière d'acquisition de terrains et de construction de logements d'utilité publique correspondant vraiment aux besoins prépondérants de la population. (Quelques applaudissements.)

M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, Mme Buche, qui vient de s'exprimer, sait pourquoi malheureusement à Genève on construit si peu de logements. Elle le sait, parce qu'il y a des oppositions diverses et variées; elle le sait, parce que l'ASLOCA lance des recours à tort et à travers. Elle lance des recours notamment contre SOVALP et la construction de 550 logements; ainsi 150 logements d'utilité publique ont été bloqués pendant des mois à SOVALP. Et la réponse du Tribunal administratif est un peu cinglante envers l'ASLOCA; il considère que cette association n'a aucun intérêt à faire recours, parce que cela va à l'encontre des intérêts de ses membres.

Mais ce n'est pas tout, Mesdames et Messieurs ! Lisons la FAO ! L'ASLOCA pratique la politique de la terre brûlée. Ce sont des centaines de logements qui sont bloqués - des surélévations - de manière dogmatique, mais pas seulement. Pas seulement, parce que les surélévations sont une chose. Il y a là une liste de milliers de logements; entre l'ASLOCA et la Ville, ce sont 1800 logements qui sont bloqués aujourd'hui suite à des recours. Je tiens la liste ici à disposition. Il y a effectivement ces recours qui sont déposés, et c'est bien le fait d'une association dite de défense des locataires, dont la représentante a parlé tout à l'heure sur les bancs socialistes.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, on va si lentement à Genève. Voilà les imbécillités auxquelles nous sommes confrontés. (Applaudissements.)

M. Serge Dal Busco (PDC). Je n'avais pas forcément l'intention d'intervenir sur ce point, mais c'est l'occasion de préciser un certain nombre de choses, peut-être aussi de prononcer quelques encouragements. Alors effectivement, le délai qui s'est écoulé depuis le renvoi de cette motion est très significatif. On voit que les résultats ne sont pas à la hauteur, en matière de production non seulement de LUP, mais aussi de logements tout court, pour toutes les catégories de la population, et en particulier pour la population qui n'aurait pas accès à cette catégorie de logements.

Nous allons prendre acte de ce rapport, bien entendu, puisque, techniquement, il répond aux invites qui étaient dans la motion. Concernant SOVALP, on espère que ces recours vont évidemment être levés; je les regrette vivement. Il y aura des LUP; il y en aura aussi à la Chapelle. S'agissant des Communaux d'Ambilly, on le sait, cela avance, mais très gentiment. Le recensement des terrains favorables, on l'a fait et refait au sein de la commission d'aménagement du canton. On sait exactement où l'on peut construire des logements à Genève. Malgré cela, rien n'avance à une vitesse satisfaisante. C'est vraiment lamentable.

Mais il y des tas de raisons, largement partagées. Et là, je renvoie dos à dos les recourants de tout poil, qu'ils soient d'un bord ou de l'autre: il faut vraiment que l'on arrête maintenant avec cette situation conflictuelle. C'est inadmissible. Je crois que nos concitoyens attendent de nous autre chose que des guerres de tranchées. De plus, les procédures sont d'une durée hallucinante. Il faut vraiment que le Conseil d'Etat s'attelle à nous proposer des simplifications en la matière.

En ce qui nous concerne, le parti démocrate-chrétien, nous sommes d'avis qu'il faut redoubler d'effort. Je le répète, il nous faut un parallélisme des efforts. Il nous faut à la fois densifier les zones en ville, les zones qui comportent déjà des constructions, et - dans le cadre du plan directeur 2030, qu'il nous faut absolument adopter rapidement - envisager des déclassements mesurés de la zone agricole.

J'encourage M. Longchamp, qui a le courage, justement, de prendre ce dossier maintenant à bras-le-corps, à vraiment aller de l'avant. On l'a vu, au niveau du plan directeur cantonal, il y a des réticences au niveau des communes. Il faut aller les encourager, les rassurer, notamment en matière du financement des infrastructures et des conséquences financières à développer du logement. Il faut, Mesdames et Messieurs, que cela cesse et qu'une commune - qui aujourd'hui s'appauvrit en construisant des logements - soit récompensée pour les efforts qu'on lui demande de faire.

Voilà ce que je voulais déclarer au sujet de ce rapport, dont nous allons évidemment prendre acte, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Mme Nathalie Schneuwly (R). Mesdames et Messieurs les députés, Mme Buche nous a parlé de cette motion en disant qu'il fallait que 1000 logements d'utilité publique soient construits rapidement. La réponse est dans ce rapport. Le DCTI a initié beaucoup de démarches. Les projets sont là - SOVALP: 150; la Chapelle-Les Sciers: 325; les Communaux d'Ambilly; le projet de plan directeur. Il faut maintenant transformer ce papier en pierre. Pour cela, il faut absolument que les recours cessent, que les tribunaux tranchent et que les consultations avancent. En conclusion, le groupe radical prendra acte de ce rapport.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la députée Irène Buche, à qui il reste quarante-cinq secondes.

Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Je voulais juste rappeler que les oppositions principales aux projets de construction proviennent en général des communes, de certaines communes, et des riverains.

Pour revenir au projet SOVALP, le motif du recours était uniquement l'insuffisance en logements, rien d'autre. De plus, a été refusée expressément par le chef du DCTI une compensation sur d'autres terrains, d'autres secteurs, tels que le PAV. De toute manière, de tels recours ne pouvaient pas engendrer le moindre retard, puisque ces logements ne seront construits qu'après la gare du CEVA, et donc après les bureaux. Par conséquent, cela reporte l'affaire en 2015 ou 2016, au mieux.

Mme Sylvia Nissim (Ve). Je voulais juste revenir un instant sur les «imbécillités des recourants de tout bord», qui ont parfois bon dos, quand même, parce qu'ils ne sont pas les seuls coupables. J'ai déposé tout à l'heure une IUE sur la situation à Chancy, où c'est le département qui a donné une priorité aux promoteurs sur la commune de Chancy, alors que cette dernière voulait construire deux fois plus de LUP que les promoteurs. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le membre du Bureau Eric Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à ma préopinante que, quand on parle de recours, j'aimerais quand même rappeler le recours relatif aux Cherpines qui avait été fait par les Verts. Effectivement, cela n'améliore pas le logement dans le canton de Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Maintenant, le Mouvement Citoyens Genevois va tenter, une fois encore, de mettre beaucoup d'espoir dans certains membres de ce gouvernement, puisque M. le conseiller d'Etat François Longchamp assure cette transition, en tout cas le temps qu'on connaisse le futur locataire, le septième locataire au Conseil d'Etat. Nous ne pouvons que l'y aider et lui apporter le soutien de nous autres 17 députés. Peut-être qu'il serait temps pour le gouvernement et le conseiller d'Etat François Longchamp de se pencher sur une problématique qui touche bon nombre de communes à Genève. C'est que, quand un PLQ et une autorisation de construire arrivent en force, le projet a été initié à peu près quinze ans auparavant, dix ans dans les meilleurs cas; et, évidemment, les situations ont tellement changé que ces PLQ ne sont plus adaptés au goût du jour. Or si les propriétaires ou les promoteurs veulent remettre quelque chose sur l'ouvrage, il faut recommencer un processus qui reprendrait dix ou quinze ans.

Or je me souviens, Monsieur le conseiller d'Etat Longchamp, que, lors de votre campagne électorale, en 2005 si je ne m'abuse, vous aviez eu un argumentaire extrêmement provocateur et ô combien juste concernant le nombre d'autorisations qu'il fallait demander pour établir une construction à Genève. Vous aviez impressionné votre auditoire, et bien vous en a pris, puisque la population vous a porté à la fonction que vous occupez. Mais vous n'avez malheureusement pas eu les constructions; vous avez eu le social. Alors maintenant que vous avez les constructions, Monsieur le conseiller d'Etat, faites en sorte que nous autres, pauvres citoyens du canton de Genève, puissions avoir des logements de qualité à des prix abordables, et non pas, comme on le voit beaucoup trop souvent maintenant, des logements de quatre ou cinq pièces à 3000 F ou 3500 F. En effet, il faut le dire ici - ce n'est pas un tabou et, s'il y en a un, il faut le briser - les multinationales tant chéries par l'économie genevoise ont faussé le marché de l'immobilier, puisque, aujourd'hui, un propriétaire préfère louer à une multinationale à deux ou trois fois le prix du loyer plutôt qu'à un résident genevois qui pourrait être amené à perdre son emploi au profit d'un frontalier et qui ne pourrait plus être à même de payer son loyer. (Commentaires.) Eh oui, mais c'est la réalité, Mesdames et Messieurs !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Je vais conclure. Donc nous vous apporterons évidemment tout le soutien que nous pouvons vous apporter dans cette transition un peu douloureuse, et le MCG prendra acte de ce rapport.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC prendra également acte de la réponse du Conseil d'Etat. Elle nous satisfait entièrement. Je relèverai encore une chose: SOVALP a été voté par le Grand Conseil, la Chapelle-Les Sciers aussi, les Communaux d'Ambilly également. Effectivement, il faut des logements pour tout le monde, également pour les couches de la population les plus défavorisées. Mais je relève surtout que, à force de recourir et de ne vouloir que des LUP, le parti socialiste arrive à bloquer la totalité des logements. Et finalement, on n'a rien du tout. On arrive à zéro, et c'est dommage.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys, qui vient de s'inscrire.

M. Roger Deneys (S). J'aimerais simplement vous faire remarquer que SOVALP représente 4000 emplois et 400 logements. Alors évidemment, si on commence à faire des projets comme ceux-ci en priorité, le problème du logement à Genève ne risque pas de se résoudre rapidement. Il y a bien une question d'équilibre; il y a une question de priorité. Or ici, on parle des LUP, des logements pour des personnes à revenu modeste. C'est donc bien entendu une priorité essentielle à Genève aujourd'hui, parce que la réalité est que les seuls à être satisfaits - ils l'ont exprimé dans une conférence de presse il y a peu de temps - sont les milieux immobiliers qui sont venus soutenir M. Mark Muller...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Roger Deneys. On voit le résultat; ce n'est pas sérieux !

Le président. Vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement vous inviter à un peu plus d'attention à la poutre qui est dans certaines parties de votre corps avant de voter... (Le micro de l'orateur est coupé. Commentaires.)

Le président. Bien, bien ! La parole est à M. le conseiller d'Etat François Longchamp... (Brouhaha.) ...chargé ad interim du DCTI. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés... (L'orateur a la voix enrouée.) ...je vais - d'une voix caverneuse, là où les êtres humains ont commencé à trouver un foyer - vous dire deux choses au nom du Conseil d'Etat. La première est que le Conseil d'Etat, sous l'instigation du mon prédécesseur, a signé avec des partenaires, qui sont des partenaires reconnus dans le domaine de la construction, un accord sur le logement. Cet accord sur le logement prévoit des objectifs et des ambitions qui portent la signature du Conseil d'Etat. Or le Conseil d'Etat n'entend pas renier sa signature; il entend redire ici que cet accord sur le logement doit trouver son expression, même si, ici ou là, il y a un certain nombre de difficultés et que l'on peut se renvoyer à la figure les causes de retards ou la complexité de certaines procédures.

Le deuxième élément a trait au plan directeur. Vous devrez, prochainement, vous prononcer, par voie de résolution, sur le plan directeur dans sa nouvelle version. J'entends dire ici au nom du Conseil d'Etat que nous avons fait à son propos le constat suivant. Il n'est politiquement pas envisageable que le Conseil d'Etat puisse décemment imaginer vous présenter un plan directeur muni de l'approbation de quatre communes sur quarante-cinq, avec des réserves ou des oppositions des quarante et une autres communes. C'est un point sur lequel, fondamentalement - même si les raisons des oppositions ne sont pas toujours les mêmes, qu'il y a des réserves dans certains cas, des oppositions frontales dans d'autres - le Conseil d'Etat a un devoir d'explication par rapport au plan directeur, de réexplication et de réexamen.

Contrairement au projet d'agglomération, pour lequel le délai du 30 juin est un délai important, le plan directeur pourrait souffrir d'un retard de quelques semaines, retard que nous entendons utiliser pour retourner vers les communes, rediscuter avec elles et examiner la nature de leurs oppositions, afin de voir desquelles on peut tenir compte et lesquelles sont, dans d'autres cas, des oppositions frontales, avec lesquelles nous ne pourrons rien. Mais, cela étant, nous entendons vous présenter un projet de plan directeur, par voie de résolution, qu'évidemment plus de quatre communes sur quarante-cinq approuvent sans réserves.

J'ai convenu, la semaine dernière déjà, avec la présidente de l'Association des communes genevoises, d'être reçu par l'ensemble de l'assemblée générale de l'Association des communes. La date a déjà été fixée au 25 avril. C'est ce message d'ouverture que je prêterai et que je tiendrai à l'intention des communes, en utilisant les quelques semaines et mois de mon interim pour jeter les bases qui permettront au Conseil d'Etat non pas de changer fondamentalement les objectifs du plan directeur, mais de pouvoir l'adapter sur certains points et vous le présenter dans des conditions qui soient politiquement acceptables pour celles et ceux qui entendent faire un effort en matière de construction de logements - que ce soient des LUP ou d'autres logements - dont notre population a aujourd'hui cruellement besoin. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Au nom de cette assemblée, je vous souhaite un prompt rétablissement. La parole n'étant plus demandée, nous nous prononçons sur cet objet.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1782.