République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 852-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les priorités de la politique cantonale de soutien à la Genève internationale

Débat

Le président. Nous sommes au point 26. Ce débat est aussi classé en catégorie II. Je donne la parole au rapporteur, M. Philippe Morel.

M. Philippe Morel (PDC), rapporteur. Ce document est le premier rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les priorités de la politique cantonale de soutien à la Genève internationale. Il s'agit donc d'un acte éminemment politique, qui est certainement le résultat d'une réflexion profonde et d'une réflexion stratégique. Il rappelle l'importance capitale de Genève dans sa partie internationale. En effet, au plan concret, elle représente un emploi sur dix dans le canton, soit environ 24 500 places de travail, auxquelles doivent être ajoutées les places de travail qui se trouvent dans les missions diplomatiques. Cette Genève internationale se place donc devant le secteur bancaire en termes de nombre d'emplois. La part des citoyens suisses qui travaillent dans le secteur international public se monte à 16,5% des fonctionnaires permanents des organisations intergouvernementales et de 39,2% des employés des organisations non gouvernementales. La Genève internationale rapporte 6,5% du produit brut du canton en 2011, soit environ 2,5 milliards de francs par année. Ce sont une somme considérable et un pourcentage important; cela mérite donc une attention particulière.

Les organisations intergouvernementales et les ONG présentes dans le canton sont au nombre de 250 accréditées; 192 Etats membres de l'ONU sont présents, dont 165 disposent d'une mission diplomatique. Seule New York dépasse Genève en ce domaine. Par contre, pour les organisations non gouvernementales et les OIG, Genève occupe la première place mondiale. En termes pratiques, cela veut dire que les échanges d'idées et les problèmes de la planète se traitent bien souvent à Genève et que cette partie internationale doit également, sous cet angle-là, mériter une attention particulière.

Le Conseil d'Etat a marqué sa claire volonté de renforcer la présence des organisations internationales et intergouvernementales à Genève, et c'était le but de ce rapport. Cependant, il est apparu à la commission que, si les voeux étaient pieux, le résultat, c'est-à-dire le rapport, était en deçà de ce que l'on pouvait attendre, vu l'enjeu et l'importance du dossier.

Le président. Il vous reste une minute.

M. Philippe Morel. En effet, les relations entre Genève et la Confédération, les relations entre le délégué à la Genève internationale et la chancellerie - ainsi que la logistique de l'accueil des fonctionnaires internationaux - ne sont que mal ou peu décrits; en particulier, la relation entre le délégué et la chancellerie nous est apparue comme étant extrêmement floue. Ce rapport n'a donc pas satisfait la commission. Deux courants se sont dessinés. Le premier proposait de l'accepter, puis de faire un rapport parlementaire pour citer les différents points à résoudre. Finalement, la majorité de la commission a proposé de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat en lui demandant de rédiger un rapport plus ambitieux, précisant les relations fonctionnelles entre le délégué et la chancellerie en particulier, et évoquant les aspects environnementaux et le développement de la Genève internationale.

M. Antoine Droin (S). Mesdames et Messieurs, il convient de rappeler que la Genève internationale est quelque chose de très important non seulement pour Genève, mais aussi pour la Suisse. Ici, j'aimerais remercier le rapporteur, qui a produit un résumé fidèle des débats de la commission qui, il vient de le dire, reflète quatre grandes questions: les questions des relations entre la Genève internationale et le canton de Genève, entre la Genève internationale et la Suisse, et entre Genève et la Suisse pour traiter les questions internationales. Il y a aussi toute la question, épineuse, de la relation entre la chancellerie et le délégué à la Genève internationale, qui n'est pas claire et pour laquelle on n'a pas été forcément très convaincus par toutes les explications, sachant que les explications que l'on a eues en commission étaient quelques fois bien plus ambitieuses ou réjouies que ce que pouvait laisser penser l'écrit. On est effectivement restés un peu sur notre faim. Il y a également la question de la logistique et de l'accueil de tous ces gens qui travaillent pour la Genève internationale et les questions avec nos voisins, la France et le canton de Vaud en particulier.

Il faut savoir que la commission de contrôle de gestion avait, il y a quelque temps, mandaté la CEPP pour faire une évaluation, justement, sur les questions de la Genève internationale, les relations avec notamment le délégué et la chancellerie, ainsi que les relations entre Genève et la mission suisse auprès de l'ONU. Or, comme le rapport a un peu traîné - puisque cela fait plus d'une année que l'on a étudié cela en commission - aujourd'hui, on sait que la CEPP va rendre son rapport à la commission de contrôle de gestion d'ici à la fin de l'été ou pour le deuxième semestre de l'année. Je vous proposerai donc, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce rapport non pas au Conseil d'Etat, mais à la commission de contrôle de gestion, puisque cela complète exactement les travaux que l'on a en cours et que cela reflète exactement les préoccupations que nous avons eues. Ainsi je vous recommande - je fais la demande formelle, Monsieur le président - de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous soumettrons votre demande à la fin du débat. La parole est à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). On a dit que le problème de la Genève internationale est essentiel pour Genève. On a de plus en plus l'impression qu'il y a deux mondes - celui des internationaux et celui des Genevois - que ces mondes ne se parlent pas et ne se connaissent pas et qu'il faut absolument sauver la Genève internationale. Il faut s'en occuper. Or malheureusement, pour le parti démocrate-chrétien, le rapport est bien en deçà, et a même déçu la commission qui s'en est occupée, parce que l'on ne sentait pas la force, dans ce rapport, on ne sentait pas les convictions nécessaires pour faire avancer le projet. Par contre, il est vrai que, pendant les auditions, Mme Rochat nous a donné toutes les garanties nécessaires, a extrêmement bien parlé de ce sujet et nous a fait plaisir sur ce dernier. Mais dans le rapport, on n'a rien. Il est vrai que le rapport rappelle certaines choses, mais il manque vraiment cette partie où l'on se projette dans l'avenir et où l'on parle de ce que l'on peut faire pour la Genève internationale.

Il y a quand même des points qui sont suffisants - le Conseil d'Etat s'en est rendu compte, puisqu'il a publié un extrait de son ordre du jour - ce sont les compétences des gens qui travaillent pour la Genève internationale. Ce sont vraiment des compétences qui sont multiples et qui ne se regroupent pas. Il est étonnant, quand même, que le délégué à la Genève internationale siège dans la Vieille-Ville et ne siège pas du tout au centre du problème qu'est la Genève internationale. Il pourrait siéger à La Pastorale. Il y a déjà ce point. De plus, on a un problème de relations, comme l'a dit M. Morel, entre la chancellerie et le département qui s'occupe de la Genève internationale.

Je pense que le Conseil d'Etat devrait reprendre le sujet de la Genève internationale, le clarifier, clarifier les compétences dans le Conseil d'Etat - qui fait quoi et qui s'occupe de cette Genève internationale - pour que ce soit beaucoup plus précis. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de cet objet au Conseil d'Etat.

M. Eric Leyvraz (UDC). Quel plaisir de revenir à des sujets qui concernent Genève !

Je remercie M. Morel de son rapport précis, notamment sur les séances de la commission que j'avais l'honneur de présider. Ce premier rapport rappelle l'importance de ce secteur pour l'emploi et pour le rayonnement de Genève. En ce qui concerne les missions diplomatiques, les ONG et les organisations intergouvernementales, Genève est sur un pied d'égalité avec New York, excusez du peu ! Le rapport montre la volonté de renforcer la présence des internationaux sur notre territoire, car rien n'est acquis et la concurrence est rude; il faut aller de l'avant. Plusieurs structures s'occupent aujourd'hui d'aider et de faciliter l'arrivée de ces différentes organisations. Elles assurent un accueil agréable aux personnes nouvellement venues; on ne dira jamais assez combien est importante la première impression que l'on a d'une ville.

Parmi les points à améliorer au sein des entités étatiques qui s'occupent de la Genève internationale, citons le besoin d'une meilleure coordination des efforts; il faut aussi éviter les doublons, définir de façon plus précise les rôles de chacun et, pour finir, savoir qui commande. Le Conseil d'Etat semble avoir compris ce problème et veut s'atteler à le résoudre. Or, dans ce rapport, d'ailleurs fort intéressant, les points essentiels ne sont pas suffisamment évoqués. Les vues d'avenir du Conseil d'Etat ne sont pas assez claires.

Pour laisser au Conseil d'Etat le loisir de compléter par écrit ce que nous a communiqué oralement Mme la conseillère d'Etat Rochat et qui semblait fort pertinent, le groupe UDC pensait d'abord demander le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Mais, puisque M. Droin a indiqué que la commission de contrôle de gestion était maintenant en train de s'occuper du problème, nous soutiendrons ce renvoi à la commission de contrôle de gestion. Le groupe UDC vous prie l'appuyer également.

Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, ce rapport est tout à fait synthétique, malheureusement. J'aimerais quand même émettre quelques regrets, puisqu'il a été fait une année après les travaux de notre commission. Il faut donc croire, en l'espèce, que tout se ligue contre la Genève internationale, puisque la base de ce rapport est la loi du 2 décembre 2004, qui porte sur les relations et le développement de la Genève internationale. Or cette loi est entrée en vigueur le 1er mars 2005 et elle prévoyait un rapport tous les quatre ans. Pourtant, nous avons attendu six ans pour ce rapport, et encore une année pour avoir le rapport sur ce rapport.

Malheureusement, ce rapport ne nous a effectivement pas satisfaits, au niveau de la commission, même si un espoir nous est parvenu lors de l'audition de Mme Rochat, puisque la commission a pu apprécier l'ambition qu'elle avait et l'enthousiasme dont elle faisait preuve lors de cette audition, pour faire avancer, justement, la coordination entre les services et entre les différents partenaires, en posant de nouvelles règles, de manière relativement précise.

Néanmoins, ce rapport manque singulièrement de vision d'avenir, de vision politique, et il nous semblait tout à fait pertinent de le renvoyer au Conseil d'Etat. Toutefois, étant donné, comme M. Droin l'a remarqué, qu'il y a actuellement une étude de la commission d'évaluation des politiques publiques, il est tout à fait judicieux, puisque nous avons de toute façon pris du retard - un peu plus, un peu moins - de procéder comme suit: allons travailler correctement ce dossier et renvoyons ce rapport à la commission d'évaluation des politiques publiques, de manière à avoir des points précis et à pouvoir constituer une base solide pour la Genève internationale.

M. Patrick Saudan (R). Monsieur Morel, je dois dire que votre rapport est effectivement excellent; il est un peu tardif, mais excellent. Il relate bien les débats de la commission et met bien en exergue les points saillants du rapport du Conseil d'Etat sur la politique de soutien à la Genève internationale. Vous l'avez dit également, c'est un premier rapport. Or je pense que le premier rapport a quelques erreurs de jeunesse; ces erreurs de jeunesse pourront être corrigées lors des rapports successifs.

Nous ne nous associons pas aux critiques émises par mes préopinantes et préopinants. Je trouve que ces critiques sont assez vénielles. En effet, que reproche-t-on ? On reproche un dysfonctionnement éventuel entre le délégué à la Genève internationale et la chancellerie; on reproche un flou sur le financement de la Berne fédérale par rapport à la Genève internationale. Mais on ne remet en cause en aucun cas les axes de la politique du Conseil d'Etat qui sont relatés dans le rapport du Conseil d'Etat. C'est pour cela que les députés PLR étaient opposés au renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Mais la solution proposée par notre collègue socialiste de le renvoyer à la commission de contrôle de gestion, qui traite plus ou moins de cette problématique, nous satisfait, et nous soutiendrons cette proposition.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous tous, le MCG a toujours été enthousiaste à chercher des améliorations pour la Genève internationale. On sait que ces organisations internationales sont la vitrine de Genève à travers le monde, et Dieu sait s'il y a importance pour notre industrie et notre tourisme; même ici, on sait qu'il y a entre 5 et 6 milliards de retombées économiques directes dans les caisses du canton, d'où l'importance de ces organisations. Et on doit les choyer, bien entendu, pour que les gens qui y travaillent se sentent bien sur notre territoire.

Au vu du rapport, les députés MCG n'ont pas, en commission, reçu toutes les réponses à leurs interrogations, et il est légitime que, afin de les obtenir, ils aient demandé le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat. Aujourd'hui, le groupe socialiste propose de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion: je pense que ce sera utile pour obtenir les réponses à nos interrogations et, surtout, pour savoir qui fait quoi et qui dirige quoi dans ces relations entre la Genève internationale et les autorités du canton. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission proposé par M. Droin.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Je salue l'excellent rapport - extrêmement complet, effectué par le rapporteur - qui relève l'essentiel et rappelle l'importance du maintien de ces fameuses conditions-cadres, indispensables non seulement au maintien mais aussi au développement de la Genève internationale. Cette dernière a été un peu délaissée, on va dire, pendant les années précédentes; en effet - cela a été rappelé par un député - c'est le premier rapport après six ans, alors que ce document devait, d'après la loi, être quadriennal. Ainsi, je vous remercie des remarques - j'en suis parfaitement consciente et je les approuve - qui ont été faites, avec quand même une certaine nuance.

Ce rapport contient vraiment le choeur de l'existence de la Genève internationale, or j'aimerais que l'on ne se méprenne pas et que l'on n'ajoute pas trop d'importance à un point, même s'il s'agit d'un dysfonctionnement qui a été rappelé, et que je tiens à traiter. Ce dysfonctionnement et ces difficultés, relevés par plusieurs d'entre vous et en particulier par le rapporteur, doivent véritablement trouver une solution; l'extrait de procès-verbal, notamment - dont j'ai eu l'occasion de faire part lors de mon audition - est un remède, mais ce n'est pas le seul.

Je suis parfaitement consciente, en ce qui concerne deux services, des difficultés qu'ils rencontrent lors de leurs démarches en vue de collaborer pour le mieux. Il ne s'agit pas seulement d'étudier le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques; à cet effet, et pour démontrer que je réalise tout à fait l'existence de ce problème, j'ai commandé une étude, dont les conclusions vont m'être transmises dans les premiers jours d'avril.

Or ce rapport-ci apporte justement un certain nombre de solutions. Et je me félicite de la décision, si elle est soutenue, de renvoyer ce rapport à la commission de contrôle de gestion, parce que vous aurez vraiment l'occasion d'étudier ces deux documents, le rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques, de même que le rapport que, n'étant pas tout à fait satisfaite du fonctionnement actuel de ces deux services, j'ai commandité.

J'aimerais pourtant rappeler que le fond du présent rapport décrit l'état des lieux de tout ce qui est fait par le délégué, respectivement pour la Genève internationale, ce qui n'a jamais été relevé jusqu'à maintenant et qui me semble vraiment l'illustration des efforts réalisés par le département. J'aimerais aussi relever que la Genève internationale non seulement est la vitrine, mais également l'instrument de politique étrangère de la Confédération. J'aurai à cet effet l'occasion de le rappeler à M. le conseiller fédéral Burkhalter - il vient demain, dans le cadre du groupement permanent conjoint réunissant la Confédération et le canton, groupement qui se rassemble, comme la loi le prévoit, deux fois par année. Nous aurons donc, dans le cadre de ce groupement permanent conjoint, l'occasion, avec M. le conseiller fédéral, de parapher cette entente entre le canton et la Confédération et de rappeler ces éléments clés de coordination entre Berne et Genève; nous parlerons d'une seule voix, d'une voix politique, cela me semble absolument essentiel. Nous aurons ensuite l'occasion - in corpore, avec le Conseil d'Etat, à la salle de l'Alabama - de pouvoir exposer nos défis et nos besoins s'agissant de la Genève internationale, principalement de ses conditions-cadres et de la sécurité, laquelle est un élément majeur desdites conditions.

Je remercie celles et ceux qui ont souligné l'enthousiasme dont j'ai fait preuve en commission; cet enthousiasme n'a d'égal que le défi que nous devons, tous ensemble, relever. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs avis émanant de différents groupes se sont exprimés en faveur d'un renvoi à la commission de contrôle de gestion. C'est donc cette demande que je vous soumets en premier.

Mis aux voix, le renvoi du rapport RD 852-A à la commission de contrôle de gestion est adopté par 79 oui (unanimité des votants).