République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 février 2012 à 20h30
57e législature - 3e année - 5e session - 24e séance
M 2059
Débat
Le président. Nous sommes au point 89. La première motionnaire est Mme la députée Lydia Schneider Hausser, à qui je donne la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. Cette proposition de motion émane tout d'abord de ce qu'a effectué la commission des travaux concernant la loi 10748 sur les mesures du projet Rail 2030. Lors de ces travaux, il a été dit que 23 millions seraient attribués pour l'agrandissement du réseau ferroviaire en termes de gare à Genève. Il avait aussi été dit en commission des travaux que des négociations auraient lieu entre le canton, les CFF et la Ville de Genève. Ces négociations sont en cours; elles devraient aboutir au choix d'un scénario d'ici à juin 2012, raison de la demande de traitement en urgence de cet objet aujourd'hui.
Que ressort-il des travaux actuels de ces négociations en cours ? Il en ressort que les CFF - d'une certaine façon, c'est normal, puisque c'est leur réseau - mènent un peu la discussion, mènent le bal. Ce qu'il en ressort aussi, et que nous ne pouvons pas accepter - voilà pourquoi cette proposition de motion a été déposée - c'est qu'il y a principalement et uniquement un seul scénario de choisi, à savoir le scénario le plus simple, le moins coûteux pour les CFF: on élargit la gare là où elle est, en coupant dans des quartiers - Malatrex, Grottes, Ilôt 13 - et en enlevant entre 300 et 500 logements, selon que l'on veut faire une urbanisation minimale ou une urbanisation très moderne autour de la gare. (Brouhaha.) On devra changer tout ce que nous avons construit en réseau de transports publics autour de la gare. Aussi cette proposition de motion demande-t-elle que le Conseil d'Etat se positionne plus clairement face aux CFF, afin de ne pas accepter un projet dont on pourrait dire qu'il est «au rabais».
Quand on regarde ce qui se passe en Suisse, on se rend compte qu'il serait quand même dommageable que Genève accepte de paraître content que les CFF veuillent agrandir la gare... Nous avons, d'un côté, Saint-Gall, avec quatre voies souterraines - sans problème - de construites; nous avons Zurich, qui en est à son troisième sous-sol en termes de gare... (Brouhaha.) ...puis nous avons Bâle, où un agrandissement sera bientôt effectué, et là le canton et la Ville ont simplement dit aux CFF: «Mesdames et Messieurs, pas de problème pour l'agrandissement de la gare: il y a des immeubles autour, vous ne les touchez pas.» Pourquoi le canton de Genève ne saurait-il pas se positionner pour avoir une gare digne de ce nom, une gare futuriste, qui pourra non seulement répondre aux besoins qui sont avérés jusqu'en 2017, voire 2030 - en tout cas un peu plus loin - car planifier un réseau ferroviaire dans une ville aussi dense que Genève, c'est peut-être le faire à plus long terme que dix ans.
Voilà pourquoi nous vous demandons de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, pour qu'il y ait un message très clair envers la régie fédérale et que nous n'ayons pas, au niveau du canton et de la Ville, des infrastructures d'un coût énorme à payer, alors que les CFF ont juste élargi la gare. (Brouhaha.) Bien sûr, il y a un quartier et une vie autour de la gare. Or, est-ce que...
Le président. Madame la députée, il vous faut conclure !
Mme Lydia Schneider Hausser. Je conclurai en demandant de soutenir cette proposition de motion, laquelle se veut, bien sûr, une motion de défense des logements qui vont être détruits derrière la gare, mais pas uniquement. Elle se veut bien plus: une motion d'avenir quant au rail et, aussi, un besoin de positionner Genève par rapport à la Suisse pour ce qui est du rail.
M. Roberto Broggini (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, nous pensons qu'il y a urgence, et c'est pour cela que nous demandons un traitement de ce type à travers cette proposition de motion, car les travaux vont assez rapidement évoluer. Nous savons que le CEVA est prévu pour 2017; c'est demain. Là, comme l'a expliqué Lydia Schneider Hausser, beaucoup de logements, notamment des logements économiques, et des commerces de proximité seront concernés par cette destruction massive. Il y a la stratégie du développement des réseaux ferroviaires - je dis bien «des» réseaux ferroviaires, pas «du» réseau ferroviaire - pour la région, parce que nous avons le réseau français et le réseau suisse. Nous savons que Cornavin était une gare PLM - Paris-Lyon-Méditerranée - que les CFF sont arrivés après... (Commentaires.) Non, Monsieur Weiss, pas PLR, mais PLM ! Encore aujourd'hui, le TCS prend position pour le développement de ces réseaux de trams, de CFF, et nous devons faire un maillage.
Nous vous proposons donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, afin qu'il puisse nous apporter toutes les informations nécessaires, sachant que, dans les contrats de quartiers qui existent, notamment aux Grottes, les CFF étaient absents lors de la présentation de cette extension, ce qui est assez regrettable. Ainsi, je pense que notre parlement peut raisonnablement renvoyer cela devant le Conseil d'Etat, de sorte qu'il nous présente une version peut-être plus achevée du développement. En effet, nous ne sommes pas contre le développement des transports publics, mais il convient de tenir compte des contraintes urbaines extrêmement difficiles de notre cité, qui est la plus dense de Suisse.
M. Michel Ducret (R). Je prendrai le relais des paroles du préopinant. Il dit: «On n'est pas contre le développement des transports publics, mais on ne veut pas leur donner l'espace qui est nécessaire pour qu'ils existent.» En même temps, c'est: «On n'est pas contre les transports publics, on est une ville vivante; mais la mobilité qui est nécessaire à cette ville - qui est le coeur d'une agglomération, je vous le rappelle, qui ascende au million d'habitants - implique un espace dont, pour l'heure, nous ne disposons pas.»
Très clairement, Mesdames et Messieurs, cette affaire est difficile. La comparaison avec Zurich et Berne n'est pas relevante. A Zurich, on est dans une situation géographique et des espaces complètement différents. A Berne, par exemple, ils ont renoncé à la gare souterraine pour des questions de coûts. A Genève, la situation sera encore pire, parce que l'on ne peut pas mettre la gare souterraine sous la gare existante, vu que c'est l'étage où passent les voitures et les piétons; c'est l'étage de vie de la ville. Il faudrait être encore beaucoup plus bas, et cela pose des contraintes en termes de profil qui sont insurmontables. Quant à passer à la hauteur du troisième étage des immeubles voisins, je ne pense pas que les riverains apprécieraient beaucoup cette proposition.
Voici en fait la question qui est posée indirectement, Mesdames et Messieurs: «Genève peut-il prendre le risque de ne pouvoir assumer la part nécessaire de déplacements en transports collectifs au niveau de la région, faute de capacité d'accueil à la gare de Cornavin ?» C'est à cette question-là que nous devons répondre aujourd'hui ! Pour les groupes radical et libéral, la réponse est à l'évidence non ! Partant de là, la préservation de quelques immeubles dans le périmètre de Cornavin, Mesdames et Messieurs, ne pèse pas lourd, d'autant que le réaménagement du périmètre, tel qu'il a été examiné par le service de l'aménagement de la Ville de Genève, donne la possibilité de réaliser à la sortie de l'opération plus de logements, avec élargissement, qu'il y en a aujourd'hui sans cet élargissement.
Les solutions alternatives sur site, pour la gare, pour les usagers des transports publics et les chemins de fers, ne sont pas légion: elles sont toutes plutôt peu favorables aux clients des transports publics. Comment, dès lors, faire face à la problématique ? L'extension de la capacité d'accueil de Cornavin est incontournable ! Et pour en limiter l'emprise en surface, la seule solution qui existe est de réduire la durée d'accueil, la durée de stationnement des convois en gare. Pour cela, il faut que cette gare n'ait plus aucune fonction de terminus et qu'elle ait plus qu'une fonction de passage. Pour atteindre ce résultat, il y a deux solutions complémentaires. La première est de réaliser la nouvelle boucle ferroviaire entre la gare de l'aéroport et Cornavin, qui aurait aussi l'avantage, d'ailleurs, d'ouvrir la voie vers la possible zone industrielle de Colovrex - et qui permettra notamment aux trains du RER régional CEVA de ne pas faire demi-tour en gare de Cornavin, de continuer à irriguer toute la région...
Le président. Monsieur le député, j'ai une troisième solution à vous suggérer: c'est d'interrompre votre allocution, car vous avez épuisé votre temps de parole.
M. Michel Ducret. Je suis presque au bout, Monsieur le président !
Le président. Mais non, Monsieur, je suis désolé. Je vous laisse conclure...
M. Michel Ducret. Eh bien je continuerai après, Monsieur le président...
Le président. Je vous laisse conclure brièvement.
M. Michel Ducret. La deuxième solution est, Mesdames et Messieurs, de déplacer du côté de la Praille la gare terminus pour les grandes lignes, parce que c'est à peu près la seule solution que l'on peut envisager. C'est là que l'on pourra faire les terminus des trains, je ne vois pas d'autres solutions.
Mais je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que, pour avoir une réflexion plus avancée sur ce sujet, il importe de renvoyer cet objet à la commission d'aménagement du canton, laquelle se penchera sur les conséquences, plus larges que la réflexion sur le seul périmètre de Cornavin que suggère la proposition.
Le président. Monsieur le député, vous avez terminé ! La parole est à M. Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, voici une certitude dans cette affaire: le développement du ferroviaire à Genève est en marche. On espère qu'il ira loin, tant pour la région que pour notre canton. Donc la certitude de la nécessité d'augmenter la capacité d'une gare à Genève - je dis bien: «d'une gare» - ou de plusieurs gares, à Genève, est inéluctable.
Selon les motionnaires, cette solution ne passerait que par l'alternative de l'élargissement latéral ou de l'approfondissement en sous-sol. Le groupe démocrate-chrétien est de l'avis, un peu à l'instar de ce que mon collègue Ducret vient d'évoquer, que d'autres pistes sont envisageables. Une délocalisation totale ou partielle de cette gare - pour des fonctions spécifiques comme les grandes lignes, ailleurs, par exemple en profitant justement de cette boucle que le plan directeur cantonal 2030 prévoit - ou une localisation dans ce futur quartier, dans cette future centralité que va représenter le PAV, notamment en aménageant une gare digne de ce nom à Lancy-Pont-Rouge, pourraient être des alternatives tout à fait crédibles.
Nous allons évidemment, vu le caractère quand même relativement urgent de cette affaire, soutenir le renvoi en commission pour que ce soit traité rapidement, en tout cas pour qu'il ait une réflexion. Parce que la réflexion est en cours également dans l'examen, dans le futur examen de ce plan directeur cantonal. Mais si ce renvoi en commission n'est pas accepté, nous voterons la motion.
Mme Christina Meissner (UDC). S'il y a une chose que l'UDC n'aime pas, c'est que l'on passe comme un bulldozer sur le peuple. Or le peuple s'est battu pour conserver le quartier des Grottes - il a gagné - et la convivialité est restée un certain temps. On nous dit aujourd'hui que 400 ou 500 familles sont menacées. Si c'est le cas, il y a lieu, véritablement, de s'en préoccuper. Si ce n'est pas le cas et que seul le Quai 9 est menacé, alors ce réaménagement de la gare permettra peut-être de trouver une solution intelligente à cet espace «perdu» dans tous les sens du terme.
La situation n'est pas claire; il faut l'analyser. On nous parle de faire de Cornavin ou de Cointrin la gare centrale, de la mettre en souterrain ou en surface. Nous proposons, à l'UDC, que les personnes qui peuvent réellement parler en connaissance de cause puissent expliquer la situation, la vraie situation, et que cela se passe en commission. Nous soutiendrons donc le renvoi en commission.
M. Alain Meylan (L). Le groupe libéral soutiendra naturellement l'avis et la demande de renvoi en commission proposée par M. Ducret, de façon à analyser concrètement les effets et les possibilités qui existent. Sujet urgent: j'en doute. Sujet important: très certainement.
J'ai bien entendu les propos de M. Broggini, tout à l'heure, qui disait qu'il y avait des «logements économiques»... Je ne sais pas très bien ce qu'est un logement économique: est-ce un logement qui rapporte ou un logement qui coûte ? Il y a peut-être aussi une façon de voir et d'analyser la chose... (Commentaires.) ...et j'aurais bien aimé avoir sa version quant à ce libellé.
Il n'en demeure pas moins important de renvoyer cette proposition de motion en commission. Parce qu'il est assez facile de dire: «Il n'y a qu'à» et «Il faut», comme on a assez l'habitude de le faire dans ce parlement, sans trop savoir les conditions et les contraintes qui sont liées à certains développements - et M. Ducret les a très largement exprimées.
Il me vient quand même à l'idée que, quand il s'agit d'enlever une voie de circulation sur le pont du Mont-Blanc, par exemple, eh bien, les transports publics sont tellement importants que l'on peut effectivement évoquer toute contrainte du transport individuel; mais quand il s'agit aussi de développer les transports publics tandis qu'il est question de quelques logements, d'urbanisation collective, alors là, c'est pas touche ! Je crois qu'il est important de l'évoquer aussi en commission.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, ce sujet est extrêmement important pour le développement de Genève. En 2017, la capacité de la gare, avec l'implantation du CEVA, atteindra son maximum; on ne pourra pas avoir de trains supplémentaires dans cette gare sans ajouter de voies complémentaires. Maintenant, quelle est l'urgence de cette proposition de motion et de ces travaux ? Il y a, d'une part, une urgence pour favoriser la mobilité ferroviaire, effectivement. Mais il s'agit aussi d'entrer dans le système, afin d'obtenir un financement fédéral. Vous avez le même processus que pour la traversée du lac. Pour le ferroviaire, vous devez entrer dans un processus de financement: vous devez avoir des projets par lots de projets. La loi de financement va passer au parlement fédéral prochainement et prendra effet en 2025. Donc les gens qui s'inquiètent ou qui agitent la population maintenant doivent quand même savoir que, avant 2025, nous n'avons pas le premier franc de financement; ensuite, il y aura encore tous les projets à établir. Concrètement, l'élaboration aura lieu bien plus tard.
Deux voies supplémentaires permettent d'augmenter la capacité de plus de 40%. Il est important de savoir que nous avons demandé aux CFF de procéder à toutes les études nécessaires. Vous le savez, il s'agit du quartier de mon enfance; j'y ai habité des années, c'est un quartier auquel je tiens, et j'ai demandé aussi que toutes les possibilités soient évoquées. Ces études sont en cours, elles montreront les différentes solutions. On va aussi étudier toutes les hypothèses de gare qui ont été évoquées, puisqu'on a parlé de la gare de l'aéroport, de celle de la Praille et d'une éventuelle extension avec la boucle ferroviaire qui est déjà incluse dans le plan directeur cantonal. Mais toutes ces hypothèses doivent être étudiées.
Les CFF vont enfin prendre la main, puisqu'ils ont maintenant nommé un nouveau directeur pour toute la Romandie, pour un projet nommé «Romandie 2030». Nous avons là une chance: la Confédération voit enfin l'intérêt majeur à développer le ferroviaire en Romandie. Nous avons déjà pu gagner, dans le premier paquet ferroviaire, une voie supplémentaire de frêt qui manquait pour pouvoir mettre en place le CEVA. Il y a deux mois, elle n'y était pas, et l'on espère bien qu'elle sera maintenue au niveau du parlement fédéral. Donc nous avons maintenant une fenêtre d'opportunité en vue d'un financement fédéral, qui interviendra dans dix ou quinze ans, or il faut dès maintenant effectuer toutes les études !
Je ne sais pas dans quelle commission vous voulez renvoyer ce dossier - et ce serait important - peut-être à la mobilité ou à l'aménagement. Vous le voyez clairement, cette motion était dans le dicastère de mon collègue, mais il s'agit en fait de mobilité ferroviaire et d'aménagement du territoire. C'est à vous de décider dans quelle commission l'adresser. De toute façon, les CFF auront une campagne d'information sur leurs travaux beaucoup plus importante que jusqu'à présent - nous avons eu dernièrement des signes dans ce sens - et ils s'impliqueront. Je pense qu'il est important que vous ayez tous les renseignements. Il est essentiel pour Genève que nous soyons unis derrière ces projets, afin d'avancer et d'avoir un financement fédéral pour cette «mini-extension» - comme vous l'appelez - de deux voies, car elle se chiffre quand même à un milliard de francs.
Je crois qu'il faut juste être conscient des enjeux cachés derrière cette proposition de motion, et je vous invite vraiment à la renvoyer en commission, afin que l'on puisse obtenir les informations nécessaires.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2059 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 79 oui (unanimité des votants).