République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 882
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'évaluation des effets de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients

Débat

M. Charles Selleger (R). Le Conseil d'Etat a, en juillet dernier, renvoyé à notre Conseil un rapport sur la commission de surveillance. Outre le fait que ce rapport accuse trois ans de retard, il décline, en gros, sur un air fameux, «Tout va très bien, Madame la Marquise»... C'est, hélas, très loin d'être le cas. Tous les usagers de ladite commission, que ce soient les patients qui y ont recours ou les professionnels qui s'y adressent, vous le diront.

L'une des dysfonctions majeures de cette commission est le retard catastrophique dans l'instruction des cas et, conséquemment, dans les préavis qu'elle fournit. Il est piquant de constater à ce propos que Mme le professeur Manaï, chargée d'expertiser la commission, reste, dans son rapport, silencieuse sur ce point, alors même que c'était la première question qui figurait dans son mandat.

Il est donc impératif, Mesdames et Messieurs, que la commission de la santé puisse étudier ce rapport et procéder aux auditions qui s'imposent, notamment celle du président de la commission de surveillance et celle de l'auteur de l'expertise. C'est pourquoi les groupes libéral et radical vous demandent de renvoyer ce rapport à la commission de la santé.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, ce que vient de dire notre collègue M. Selleger est parfaitement exact. Cette commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients, qui s'est substituée aux deux commissions qui traitaient le sujet, respectivement dans le secteur public et dans le secteur privé, avait pour but de donner aux patients, également, une alternative valable aux autres moyens qui leur sont offerts par la législation pour faire valoir leurs droits, c'est-à-dire les moyens du droit pénal ou le moyen du droit civil. Or nous constatons que la lenteur, précisément, accablante pour des personnes qui souffrent, que ce soit en raison ou non d'une faute médicale dénoncée, est évidemment insupportable. Il faut que cette commission travaille beaucoup plus vite.

Il y a aussi d'autres moyens de régler les conflits. Il y a notamment le moyen de la médiation. Vous savez que notre code de procédure civile, adopté par le législateur fédéral, a mis en avant la médiation comme un moyen efficace de règlement des litiges. Nous devons travailler dans ce domaine, même s'il ne fait pas encore partie de notre culture. A l'origine d'un litige entre un patient et un professionnel de la santé, il y a toujours une rupture de la relation de confiance. Or cette rupture de la relation de confiance a pour origine une rupture du dialogue. C'est ce dialogue qu'il faut souvent rétablir pour donner au patient ce sentiment de respect qu'il pense avoir été perdu et qui est à l'origine, très souvent, trop souvent, des litiges. Il ne faut évidemment pas de simples conciliateurs qui demandent aux parties présentes si elles sont prêtes à s'arranger, il faut de vrais médiateurs, formés, qui doivent amener souvent les professionnels de la santé à accepter que leur comportement, même sans faute de leur part, a pu blesser l'autre. Et l'autre, c'est le patient.

Cette commission a beaucoup de travail à faire, mais elle a de grandes perspectives devant elle. Je pense que nous ne pouvons pas tout simplement prendre acte de ce rapport, raison pour laquelle le groupe MCG appuiera le renvoi à la commission de la santé.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Beaucoup de choses ont été dites par les députés Poggia et Selleger. Le groupe socialiste a pris connaissance avec intérêt du rapport, mais il constate en effet que, entre les alertes relevées par la mandataire et les conclusions qu'en tire le Conseil d'Etat, il y a un écart certain. D'autre part, il s'agit du premier rapport d'évaluation d'une loi qui a été adoptée en 2006 et qui prévoyait un rapport d'évaluation tous les deux ans; 2006 +2, cela fait 2008; nous sommes en 2012. Il nous semble important, au moment où il va y avoir une refonte de la loi - avec de nouveaux éléments entrant en vigueur en 2013 concernant les tutelles - de faire un point, non seulement sur le fonctionnement de cette commission, mais surtout, évidemment, sur les objets qu'elle traite.

Enfin, la mandataire étant une juriste, un certain nombre d'aspects des missions de la commission, notamment concernant le droit des patients, ont été évoqués. Par contre, d'autres aspects sont extrêmement peu traités. C'est bien là, considère le groupe socialiste, le rôle du Grand Conseil, non seulement de prendre acte d'un rapport, mais aussi de discuter de ses conclusions, des propositions, des suites à donner, et de voir quels seraient les éléments qui n'auraient pas été traités. Nous demandons également le renvoi de ce rapport à la commission de la santé.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est maintenant, brièvement, à M. Droin.

M. Antoine Droin (S). C'est seulement pour annoncer que, étant membre de cette commission, je suis concerné par l'article 24 de la LRGC et ne prendrai pas part au vote.

Mme Esther Hartmann (Ve). En lisant ce rapport, les Verts ont, par moments, été un peu étonnés de certains aspects qui ne nous semblaient que très légèrement traités. Nous nous réjouissons de pouvoir demander le renvoi de ce rapport à la commission de la santé, afin que nous puissions demander des précisions et affiner un peu, dans le cadre de cette commission, ce que l'on a cru comprendre entre les lignes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe démocrate-chrétien va appuyer la demande de renvoi à la commission de la santé. Je crois que ce qui a été dit par les différents députés est juste. Le problème qui se pose est celui de l'utilité de cette commission. Il faut que cette dernière soit vraiment utile pour les gens qui y ont recours. On se rend compte dans la pratique quotidienne - dans notre profession de médecin - que, souvent, on ne voit pas l'utilité de cette commission. Les gens qui y travaillent le font probablement très bien, mais, pour les patients qui y font recours, on ne voit pas cette utilité, on ne se rend pas compte. C'est tellement opaque que l'on a tendance à ne plus dire aux gens de faire recours auprès de la commission, parce qu'on se demande à quoi elle sert. Il est donc très important qu'une discussion ait lieu en commission et que l'on revienne ici, devant le plénum, pour avoir un débat sur l'utilité d'une commission.

Je rejoins l'idée de la conciliation - cette conciliation doit être faite. Nous la faisons, à l'Association des médecins du canton de Genève, avec la commission de déontologie. Donc, nous faisons cette conciliation. Il est important de pouvoir très rapidement régler les choses, quand il y a des problèmes médicaux, des fautes médicales, des erreurs médicales, des problèmes de traitement. Il faut très rapidement arriver à une solution, or les délais de réponse de la commission sont beaucoup trop longs pour pouvoir présenter une utilité.

Mme Christina Meissner (UDC). Je crois que beaucoup de choses ont été dites sur la nécessité de véritablement prendre en considération les problèmes que peuvent rencontrer les patients et les familles des patients par rapport à des situations extrêmement difficiles qu'ils vivent. Notamment dans des moments qui, quelquefois, arrivent jusqu'à la décision de vie ou de mort. J'ai beaucoup de peine moi-même à parler de ce sujet, parce que je me suis trouvée, dans cette situation, confrontée à devoir, à un moment donné, défendre ma propre mère et voir ma propre mère devoir se défendre. Et ça n'est effectivement pas facile à vivre, je peux vous le garantir.

Je n'en dirai pas davantage, je n'exposerai pas ma vie privée, mais je suis persuadée qu'il est absolument nécessaire de faire la lumière, de prendre en considération le droit des patients, avec tout le sérieux et le besoin d'émotion qui sont indispensables dans ce domaine. Et je salue, comme d'ailleurs tout le groupe UDC, le renvoi de ce rapport en commission.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons maintenant sur le renvoi de ce rapport à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 882 à la commission de la santé est adopté par 70 oui et 1 abstention.