République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 septembre 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 11e session - 70e séance
PL 10017-A
Premier débat
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Quelques mots pour vous parler du point essentiel de ce projet de loi qui, je le dis d'emblée, est une très très mauvaise idée... Il s'agit en effet de l'introduction d'une carte qui coûterait 600 F et qui serait obligatoire pour toutes les personnes qui veulent circuler soit en TPG soit en voiture sur le territoire du canton. Et cela, en plus de l'impôt auto, bien évidemment !
Les auteurs du projet de loi avaient eu la bonne idée d'inviter un grand spécialiste des transports de l'EPFL, M. Christophe Jemelin, qui s'est amusé, avec force détails, à démonter les propositions de ce projet de loi. Tout d'abord, il a indiqué qu'il est faux de prétendre que les gens n'utilisent pas les transports publics à cause de leur coût. C'est, me semble-t-il, un élément intéressant venant de la part d'un spécialiste. Plus précisément par rapport à cette nouvelle carte - cette nouvelle taxe - qui serait imposée aux Genevois, il a expliqué que son principe est plutôt complexe et qu'il a de la peine à comprendre son montage financier du fait qu'elle est transmissible, notamment pour l'utilisation des transports collectifs, et moins chère que l'abonnement actuel. Il a également mis en lumière le problème que pose cette carte multimodale en matière de contrôle, car il ne suffit pas de la mettre sur un pare-brise, dit-il, pour que le contrôle soit effectué.
En résumé, ce projet de loi ne propose que des mesures contraignantes, et il est absolument inenvisageable de rajouter encore une taxe supplémentaire pour les citoyens qui veulent circuler dans ce canton, d'autant qu'un article constitutionnel, je vous le rappelle, préconise la liberté du choix du mode de transport. Je vous invite donc, comme la majorité de la commission, à rejeter cette très mauvaise idée.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Je voudrais juste faire remarquer que les objectifs de ce projet de loi n'ont pas été tous rappelés dans le rapport de majorité. En effet, les objectifs de ce projet sont clairement en faveur d'une politique familiale encourageant les jeunes à utiliser les transports collectifs. Et surtout, ils visent à avoir une offre des transports publics plus large, c'est-à-dire que les transports publics fonctionnent jusqu'à 2h du matin, alors qu'ils circulent de 6h du matin à minuit actuellement, pour faire en sorte que les jeunes - et les moins jeunes, du reste - puissent utiliser les transports publics jusqu'à des heures plus tardives. Le projet prévoit aussi que les transports publics soient gratuits entre 21h et 6h.
Ce projet de loi vise également à limiter le trafic de transit et à améliorer le développement de l'offre des transports collectifs, ce qui n'a pas été contesté - si j'ai bien lu le rapport de majorité ou de minorité - par M. Jemelin. C'est vrai, ce dernier met le doigt sur la problématique de la carte multimodale à 600 F - le rapporteur de majorité en a parlé - qui impliquerait une dérogation au niveau fédéral, ce qui peut effectivement poser un problème.
Cela dit, les autres propositions de ce projet de loi me semblent très intéressantes, puisqu'elles visent, entre autres, à améliorer la politique familiale, notamment en faveur des jeunes. Voilà pour l'instant, Monsieur le président, ce que je voulais dire.
M. Antoine Bertschy (UDC). Je vais être extrêmement bref. Les propositions de ce projet de loi sont moyenâgeuses... C'est en quelque sorte le retour à la dîme, à l'interdiction d'entrer dans une ville à moins de payer pour cela ! Je le répète, ce projet de loi est d'un autre temps. Il me semble qu'il faut vivre avec notre époque: il convient par conséquent de refuser ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Je vais essayer de faire encore plus court que mon collègue Bertschy... Ce projet de loi est excellent, parce qu'il montre à la population que lorsque la gauche propose un projet en matière de circulation ou sur n'importe quel autre sujet, c'est plus de contraintes, c'est plus d'impôts ! Nous sommes contre ce projet de loi, et nous le refuserons ! (Exclamations.)
Le président. Merci ! Le jardin d'enfants se calme... Je donne la parole à M. le député Hugo Zbinden.
M. Hugo Zbinden (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous, les Verts, avons déposé ce projet de loi en 2007 et, en ce qui me concerne, je le trouve plutôt avant-gardiste. Il n'est pas d'une autre époque: il est futuriste !
Il prévoit effectivement la création d'une carte multimodale qui permettrait à son porteur de circuler librement à Genève soit en utilisant les transports publics soit par un moyen de transport individuel motorisé.
A notre avis, cette carte présente plusieurs avantages. Tout d'abord, elle permettra le financement des infrastructures en matière de transports, en particulier les transports publics. Elle permettra de rendre les transports publics performants et attractifs. Avec cette carte, vous pourrez vous déplacer gratuitement, que ce soit en voiture ou en transports publics, ce qui enlèvera aux automobilistes toute motivation de ne pas prendre les transports publics pour des raisons financières, et cela encouragera aussi le transfert modal. Et puis, cette carte sera bien plus facile à installer que les péages urbains, comme cela se fait dans d'autres villes qui poursuivent un peu le même objectif.
Elle présente un autre avantage qui pourra sans doute intéresser le MCG. En effet, avec l'instauration de cette carte, les pendulaires qui utilisent quotidiennement nos infrastructures seront aussi invités à les financer, ce qui est un point très important. C'est d'autant plus important que, dans les années à venir, il sera peut-être plus difficile de boucler le budget du canton. Il faut donc bien réfléchir à des solutions alternatives pour financer les transports.
Comme je l'ai déjà dit, quelques années se sont écoulées depuis le dépôt de ce projet de loi et, visiblement, il y a un malentendu: nous n'avons pas réussi à expliquer le fonctionnement de cette carte. Je vous invite donc à renvoyer ce projet de loi à la commission des transports, pour que l'on puisse examiner les différents éléments à la lumière de 2011. (Applaudissements.)
Le président. Vous vous êtes fait mal aux mains, Monsieur le député Limpo ? (Exclamations.) La parole est à M. le député François Gillet.
M. François Gillet (PDC). Merci, Monsieur le président. Les démocrates-chrétiens sont convaincus depuis longtemps que l'avenir de la mobilité à Genève passe par le multimodal, mais nous sommes beaucoup plus sceptiques quant à l'opportunité d'une carte multimodale pour y arriver...
Effectivement, comme le titre de ce projet de loi nous y invite, il est indispensable de renforcer l'attractivité des transports publics. Nous l'avons indiqué tout à l'heure, nous sommes favorables à la traversée du lac, mais nous sommes aussi favorables au développement des transports publics. Et il y a encore matière à faire davantage dans ce domaine. Quoi qu'il en soit et comme l'a relevé le rapporteur de majorité, l'expert de l'EPFL qui nous a éclairés sur ce projet nous a plutôt dissuadés de tenter l'aventure, soulignant la complexité de mettre en place un tel système et la difficulté de le rendre compatible avec le droit fédéral.
Par ailleurs, je rappelle que le groupe démocrate-chrétien, convaincu comme Mme Bolay qu'il était nécessaire de favoriser notamment les familles et les jeunes, a déposé à peu près à la même époque une motion sur une carte famille pour les TPG, qui a malheureusement été refusée, pour quelques voix, en plénière. Cette motion visait les mêmes objectifs, c'est-à-dire inciter notamment les usagers occasionnels des transports publics, en particulier les familles, à les utiliser davantage.
Il est donc possible de favoriser le développement des transports publics et d'améliorer leur attractivité autrement qu'en ouvrant une nouvelle usine à gaz, comme cela promet d'être le cas si cette carte multimodale était mise en place. C'est la raison pour laquelle nous refuserons l'entrée en matière sur ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vous prie de m'excuser, j'ai fait une erreur... J'aurais dû faire voter la proposition de votre préopinant, qui avait demandé le renvoi de ce projet à la commission des transports. Je vais tout de suite vous soumettre cette proposition, en réitérant mes excuses à M. Hugo Zbinden. A moins que les rapporteurs ne souhaitent prendre la parole sur ce renvoi en commission... Cela semble être le cas, du moins en ce qui concerne le rapporteur de majorité.
M. Jacques Jeannerat (R), rapporteur de majorité. Il est absolument inutile, Monsieur le président, de renvoyer ce projet de loi en commission ! Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'élément essentiel qu'il propose, c'est cette carte multimodale à 600 F ! Nous aurions certes pu entrer en matière sur certains éléments de la première partie du projet de loi, mais une partie d'entre eux ont été repris dans le contrat de prestations qui est actuellement en vigueur. Il n'y a donc absolument aucun intérêt à renvoyer ce projet de loi en commission !
Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de majorité. Le rapporteur de minorité ne prenant pas la parole, je vous soumets, Mesdames et Messieurs, la proposition de renvoyer cet objet à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10017 à la commission des transports est rejeté par 52 non contre 26 oui.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). L'incohérence ne tue pas, les sarcasmes non plus... C'est tout de même étonnant que la majorité de droite nous dise que ce projet est illusoire, complètement irréaliste, tout simplement parce qu'il propose quelque chose de différent, qu'il a une autre logique en matière de transports collectifs pour la population, et que cette majorité ne veuille pas entrer en matière pour cette raison.
Par contre, pour le projet précédent prévoyant une autoroute, qui plus est une autoroute à trois voies pour les voitures traversant le lac, là, elle propose une nouvelle alternative de financement et d'organisation, le partenariat public-privé ! Très bien, avec ce partenariat public-privé, ceux qui voudront traverser le lac devront payer le droit d'emprunter cette belle autoroute !
En l'occurrence, nous, nous proposons un projet de loi dont le but est de permettre aux familles de souffler, mais qui vise aussi à désengorger à coup sûr le centre-ville en termes d'automobiles... Car nous constatons que lorsque les offres sont gratuites, les gens ont tendance à en profiter. Et également quand il y a des baisses de prix. Les personnes qui possèdent un abonnement général n'hésitent pas à voyager en train ou à prendre le bus, même pour deux arrêts. Vous-mêmes qui avez un abonnement TPG offert par le Grand Conseil en raison de votre mandat, vous êtes certainement plus enclins à utiliser le bus que si vous deviez prendre des tickets, même si vous possédez une voiture. C'est le premier point.
Deuxièmement, nous ne pouvons que constater que certaines choses dans ce canton et même dans le contrat de prestations actuel des TPG ne fonctionnent pas suffisamment bien pour véritablement encourager les gens à utiliser la mobilité douce. Je prends un seul exemple. Une famille décide de se mettre à la mobilité douce. Le père et la mère de famille font l'effort de s'acheter un abonnement général CFF mais, s'ils hébergent un jeune, celui-ci ne peut pas obtenir une réduction sur son abonnement TPG, parce que l'abonnement général n'est pas considéré comme un abonnement TPG... Ce sont des petits désagréments qui disparaîtraient avec ce projet de loi ambitieux. C'est pourquoi je trouve inadmissible que la commission n'ait même pas...
Le président. Il vous reste vingt secondes, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. Oui ! Il est inadmissible que la majorité de la commission n'ait même pas daigné entrer en matière sur ce projet. Si la minorité ne propose pas un projet parfait, elle est sûre qu'il ne sera pas possible de construire dans ce parlement, et c'est désolant !
M. Eric Stauffer (MCG). Ce texte parlementaire... (Brouhaha.) ...nous rappelle des années sombres... Et je vais vous dire pourquoi !
Je vous cite l'article 62A de ce projet de loi. Ecoutez bien, Mesdames et Messieurs - et M. Weiss a eu raison de relever que le côté positif de ce projet de loi, c'est qu'il montre le vrai visage du parti socialiste: «1 Pour circuler sur les routes cantonales et communales, le conducteur ou un passager des véhicules automobiles doit être muni d'une autorisation écrite de circulation délivrée par le département ou par des établissements délégués.» Cela veut dire que les passagers, avant de venir à Genève et de monter dans une voiture, devront aller demander une autorisation. C'est ce qui s'appelle le national-socialisme ! C'est la Stasi ! C'est le Goulag ! (Exclamations. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Voilà ce qu'est votre texte parlementaire ! (Protestations. Le président agite la cloche.) C'est une honte de déposer ce genre de texte ! Vous jouez les naïfs, les étonnés... Je ne comprends pas...
Le président. Monsieur le député, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Je ne comprends pas - vous transmettrez, Monsieur le président - comment on aurait pu entrer en matière sur ce projet de loi ! Voilà ce que j'en fais, de votre projet de loi ! (L'orateur déchire le tiré à part du rapport.) C'est tout ce qu'il mérite: aux Cheneviers pour produire de l'énergie ! Merci ! (Exclamations. Applaudissements.)
Le président. Monsieur le député, c'est votre droit que de ne pas être d'accord, mais je vous demande quand même de contrôler votre langage.
M. Eric Stauffer. Mon langage va très bien, Monsieur le président !
Le président. Non, pas vraiment ! La parole est à M. le député Ivan Slatkine.
M. Ivan Slatkine (L). Merci, Monsieur le président. Je vais être très bref. Je veux simplement vous dire, chers collègues, qu'en ce qui me concerne je n'ai qu'un rêve: la paix des transports dans ce Grand Conseil. Je rêve qu'il y ait davantage de transports publics en Ville de Genève; je rêve d'une meilleure mobilité pour tous; je rêve d'une meilleure qualité de vie pour les habitants de ce canton; je rêve de développer une mobilité, la nuit, le jour, pour tous ! Et c'est pour cela que je regrette cette opposition constante dans ce Grand Conseil. Quand on propose une traversée du lac, les Verts nous disent que c'est un cauchemar; quand on propose plus de mobilité en transports publics, la droite - et le MCG, en particulier - dit que c'est un cauchemar ! Mesdames et Messieurs, sortons de cette opposition permanente ! Construisons la traversée du lac !
Une voix. Et le CEVA !
M. Ivan Slatkine. Développons les transports publics et la traversée du lac pour les Genevois ! Je vous remercie. (Vifs applaudissements.)
M. Eric Leyvraz (UDC). Je voudrais juste faire une remarque. C'est la deuxième fois en deux mois que pendant un bon laps de temps aucun conseiller d'Etat n'est présent pour écouter nos débats... Je trouve cela fort désobligeant ! (Exclamations.)
Une voix. Il est là ! (Commentaires.)
M. Eric Leyvraz. Oui, mais il vient de revenir ! (L'orateur est interpellé.) Oui, mais ces bancs ont été vides pendant un quart d'heure et, je le répète, je trouve cela désobligeant !
Une voix. Il a le droit d'aller aux toilettes !
Le président. La parole est à M. le député Hugo Zbinden... Non, excusez-moi, Monsieur Zbinden ! Je suis désolé, mais mon chronomètre m'indique que vous avez épuisé votre temps de parole. Je dois donc vous la retirer et la donner à Mme Loly Bolay, rapporteure de minorité ad interim. Tout le monde a épuisé son temps ! (Commentaires.) Non, je ne vais pas entrer dans le débat que vous adorez, consistant à dire que l'on a été mis en cause, etc. (Commentaires.) Je donne la parole à Mme Loly Bolay, rapporteure de minorité ad interim.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. J'aimerais dire que l'attitude de M. Stauffer dans cette enceinte est inacceptable: c'est un comportement totalement irrespectueux et méprisant envers ses collègues députés. Il est inadmissible de nous faire insulter à chaque séance de cette manière ! Il est inacceptable de voir un élu du peuple, comme il se plaît à se présenter, se comporter de cette façon ! Monsieur le président, je trouve que vous devriez intervenir beaucoup plus souvent pour lui signifier d'avoir une attitude correcte vis-à-vis de ses collègues. Il n'a pas le droit de déchirer un projet comme il l'a fait et de tenir des propos aussi inacceptables en donnant des leçons à tout le monde !
Monsieur Stauffer - ou plutôt Mr. Proper - vous feriez mieux de vous regarder et de balayer devant votre porte ! Votre comportement dans ce parlement est une honte ! (Applaudissements. Exclamations.)
M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Rien ne vaut un bon petit débat sur la mobilité pour mettre un terme à cette session du Grand Conseil... Je voudrais tout d'abord indiquer, Monsieur Leyvraz, qu'il se trouve que j'ai dû satisfaire à un besoin pressant... (Exclamations.) Eh oui ! Eh oui, conseiller d'Etat, mais néanmoins humain ! (Commentaires.) Je me permets toutefois de noter qu'à peu près la moitié des députés sont aussi absents, or je ne les ai pas vus aux toilettes... (Rires. Applaudissements.)
Cela étant, s'agissant de la politique des transports et en l'absence de ma collègue Michèle Künzler, je voudrais simplement appuyer les sages propos de M. Slatkine sur l'équilibre qu'il faut trouver entre les différents moyens de transport. Cela apparaît dans tous les discours: tous les partis se réclament de la paix des transports, mais je constate que c'est malheureusement un objectif très difficile à atteindre.
Pourtant, je pense que les éléments d'un accord sont présents. Les discussions sont sur la table, qu'il s'agisse du dossier du parking de Rive, du parking du Jardin Anglais, ou qu'il s'agisse de la question de la traversée du lac. Il me semble que les éléments d'un compromis global sur les transports existent, Mme Künzler fait ce qu'il faut pour parvenir à ce compromis, et c'est le voeu que le Conseil d'Etat formule ce soir.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Je vous soumets l'entrée en matière sur le projet de loi 10017.
Mis aux voix, le projet de loi 10017 est rejeté en premier débat par 57 non contre 27 oui.