République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 juin 2011 à 14h
57e législature - 2e année - 10e session - 54e séance
PL 10788-A
Premier débat
M. François Haldemann (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, il y a dans ce projet de loi de modification de zones un caractère exceptionnel et très certainement, même, un caractère historique pour Genève et son agglomération. L'aménagement du quartier de la Praille-Acacias-Vernets, communément nommé le PAV, est appelé à modifier Genève et son canton dans les trente prochaines années. Le PAV a l'ambition de s'imposer comme un véritable centre urbain à lui seul, mais surtout - surtout ! - le PAV constitue l'un des outils de densification de notre agglomération, et cela dans des conditions extrêmement favorables, puisqu'il sera au centre de convergence des voies de transports publics, avec notamment un accès immédiat aux futures gares CEVA de Lancy-Pont-Rouge et du Bachet. C'est donc, à n'en point douter, l'un des enjeux majeurs du développement pour Genève. Et surtout, cela démontre aussi que nous pouvons construire la ville en ville.
Dans ce projet, il y a la taille du périmètre - qui est hors norme, 135 hectares - mais il y aussi le potentiel d'accueil: environ 11 000 nouveaux logements et 11 000 nouveaux emplois. Ce périmètre représente notamment 20% du potentiel de logement d'ici à 2030 sur le canton.
Il y a un défi qui est important, aussi important d'ailleurs que la taille du périmètre: nous ne sommes pas en présence de terrains nus ni en présence d'une friche industrielle. Non. Ce périmètre devra subir une mutation, et cette dernière sera progressive et lente. Des solutions de relocalisation des entreprises sises dans le périmètre devront être trouvées. Cette relocalisation devra également être réussie en termes de densification, et c'est aussi l'un des enjeux qui pourra conduire au succès complet de l'aménagement harmonieux du PAV.
Il y aussi des craintes, qui ont d'ailleurs été formulées dès l'élaboration de ce projet. Il y avait la crainte de voir ce périmètre trop dédié aux nouveaux emplois, sans offrir la contrepartie en termes de nouveaux logements. Cette crainte a d'ailleurs été levée par la signature d'une convention avec les référendaires.
Il y a également la crainte légitime - du moins qu'on considère légitime - de la part des communes concernées, de ne pas pouvoir faire face aux investissements qu'elles devront consentir avec l'afflux de nouveaux habitants. Mais, bien qu'elle semble légitime, cette crainte ne nous semble pas fondée, du moins pas plus qu'elle ne pourrait l'être pour chaque déclassement d'importance - comme il y en a eu sur le canton lors des dix dernières années - ce d'autant que nous savons que l'aménagement de ce périmètre se réalisera sur une durée plutôt longue.
Pour terminer, il y a la crainte de certains bénéficiaires d'un droit de superficie de ne pas pouvoir continuer à entretenir leurs bâtiments et, peut-être, de mettre en péril l'exploitation de leur entreprise. Cette crainte nous semble aussi largement infondée: nous pensons que des travaux d'assainissement, de mise en conformité, seront toujours réalisables. Mais nous pensons aussi que l'extension d'une entreprise, eh bien, ne devra être envisagée qu'au travers d'une relocalisation dans un autre périmètre.
C'est pour ces raisons que la commission vous invite à accepter ce projet de loi tel qu'il est proposé dans ce rapport, avec l'article sur la levée des oppositions qui a d'ailleurs été accepté à l'unanimité des commissaires présents.
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour les Verts, oui, le projet du PAV est d'une importance majeure. C'est une opportunité unique - à Genève, c'est sûr, probablement même en Suisse - de créer un morceau de ville qui réponde aux enjeux du XXIe siècle. Les Verts se réjouissent de voter ce déclassement - qui devrait, dans la réalité, se transformer en des quartiers exemplaires et durables sur un plan, bien sûr, environnemental, social et économique - et de construire en pensant aux générations futures.
Je souhaite profiter de cette intervention pour remercier la nouvelle direction du PAV, qui fait un travail remarquable, qui est sur le terrain, qui dialogue, qui rencontre les entreprises et qui a mis en place ce que nous souhaitions beaucoup, c'est-à-dire un processus participatif, une information régulière. Et les Verts tiennent à remercier particulièrement la direction du PAV.
Bien sûr que ce projet focalise d'immenses attentes, compréhensibles, des attentes en termes de logements, des attentes en termes d'emplois, de lieux de formation, de lieux culturels. Il y a des dizaines, peut-être même des centaines de projets, qui sur le lieu de la caserne, qui ailleurs, verraient bien un lieu culturel ou un lieu de formation, l'avenir nous le dira.
Il y a aussi, peut-être, certains qui seraient tentés de chercher surtout la plus-value économique. Et là, je pense qu'il serait bon de penser plutôt à l'intérêt général et d'imaginer un projet où chacun et chacune puisse se retrouver. Je pense que, là, les choses seront faites de manière que les opposants, potentiels ou réels, trouvent des solutions qui leur permettent de ne plus mettre leur veto.
Enfin, bien sûr, il y a là, déjà, une mixité importante, et cette démarche - comme vous l'avez dit, Monsieur le rapporteur - ne pourra se faire qu'à très long terme et s'inscrire dans un processus participatif. Les Verts se réjouissent donc de voter ce projet de loi et vous invitent à faire de même.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Olivier Norer, pour trente secondes.
M. Olivier Norer (Ve). Merci, Monsieur le président. Effectivement, le groupe des Verts est très enthousiaste sur ce projet. Nous considérons que nous avons face à nous un exemple de projet nouveau, un projet mobilisateur, mais un projet d'avenir également, pour notre République. Nous avons face à nous, par exemple, l'équivalent de ce qu'ont eu nos prédécesseurs au XIXe siècle, notamment avec la démolition des fortifications de la ville de Genève. Je crois que les radicaux doivent s'en souvenir, puisqu'ils en étaient les instigateurs à cette époque. C'était un projet majeur, qui a certainement fait couler du sang, mais qui a effectivement permis à Genève de se développer harmonieusement dans le cadre de son territoire.
Le déclassement du PAV nous permettra de développer la ville, le canton de Genève, dans le cadre d'un territoire bien délimité pour lequel, effectivement, les infrastructures existent. Cela, nous pouvons nous en réjouir. Notons donc qu'il s'agit...
Le président. Monsieur le député, trente secondes, c'est bref, vous les avez dépassées !
M. Olivier Norer. Merci !
Le président. La parole est à M. le député Serge Dal Busco.
M. Serge Dal Busco (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, au nom du groupe démocrate-chrétien, je voudrais exprimer notre total soutien à ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission; il concerne le plus grand déclassement auquel on aura procédé dans ce canton. C'est une opportunité historique pour Genève de réaliser une énorme opération de revitalisation et de requalification urbaine à proximité immédiate du centre-ville, d'y construire un grand nombre de logements en valorisant par ailleurs magnifiquement les investissements que nous faisons en matière de transports, et d'y accueillir des emplois dans une proportion longuement discutée et négociée. C'est bien là que se trouve d'ailleurs une des caractéristiques de ce projet: des négociations bien en amont du travail parlementaire, pour aboutir à un équilibre dont tout le monde dit aujourd'hui qu'il ne doit plus être rompu, au risque de mettre en péril l'ensemble. Nous acceptons donc ce principe, car les enjeux sont énormes. A l'image du travail qu'il reste à faire pour concrétiser ces milliers de logements et ces places de travail que l'on veut créer dans un quartier que l'on veut tous exemplaire, novateur et porteur d'un esprit positif pour notre canton qui en a bien besoin.
Ce bel enthousiasme ne doit pas masquer les difficultés qui subsistent: de nombreuses craintes de la part de communes qui se font du souci, à juste titre, concernant le financement d'un certain nombre d'infrastructures - elles seront d'importance - et, aussi, du côté de certaines entreprises installées dans le secteur depuis longtemps, qui ont également quelques inquiétudes pour leur pérennité et pour leur développement. Ces craintes sont légitimes, mais elles ne doivent absolument pas nous empêcher d'aller de l'avant pour les communes concernées, comme d'ailleurs pour d'autres qui le sont par le développement du logement. Des solutions doivent être trouvées - et sont en passe d'être trouvées, je l'espère - pour le financement de ces infrastructures. Et pour les entreprises existantes également, des solutions parfois individualisées seront trouvées pour qu'elles puissent rester concurrentielles.
Nous voudrions dire, je voudrais dire au nom du groupe démocrate-chrétien, que nous avons pleinement confiance en le Conseil d'Etat pour trouver ces solutions appropriées, et nous avons confiance également dans la direction du projet du PAV, en particulier en sa directrice générale, dont nous saluons l'énorme travail qui a été accompli jusqu'ici.
A l'heure de voter ce projet historique - on n'hésite pas à utiliser ce terme - je voudrais faire un petit rappel, peut-être sous forme d'hommage...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député !
M. Serge Dal Busco. ...en relevant que les précurseurs de ce projet, c'est principalement la Fédération des architectes suisses, sans l'action de laquelle, en 2005 - notamment par l'organisation d'un concours mis sur pied de son propre chef - eh bien, on n'en serait pas arrivé là. Je crois qu'il faut rendre hommage à ces visionnaires: aujourd'hui, on est vraiment ravis de pouvoir concrétiser cette vision.
M. Christophe Aumeunier (L). Monsieur le président, chers collègues députés, les libéraux-radicaux ont des valeurs qui - vous le savez - outre la liberté individuelle, tendent vers l'inventivité et la prospérité, dans le but de maintenir et d'accroître la qualité de vie à Genève. La qualité, eh bien, c'est bien le point central de ce projet. C'est un projet incroyablement qualitatif. Il est bien né - on vient de vous le dire - il est né d'un concours international d'urbanisme à l'heure où le magistrat en charge - qui était socialiste - était sourd, était muet, et ne voulait pas d'un projet de ce type, puisqu'au fond il craignait la construction de logements à Genève et le développement de Genève.
Nous avons dû effectivement compter sur la Fédération des architectes suisses, à laquelle nous rendons hommage, pour mettre en route ce dossier. Et cela a été fantastique, puisque tout cela a continué. Cela a continué dans l'esprit de mandats d'études parallèles, de concours, qui jalonnent, tout au long du processus d'élaboration de ce dossier, la qualité, avec, au centre, une direction forte de Praille-Acacias-Vernets, une direction avisée, une direction qui a des compétences pour mener des études sur la mobilité, sur l'aménagement, sur l'architecture, sur les équipements, sur l'économie, sur les entreprises, sur le foncier, sur la densité, sur les espaces publics - et j'en oublie. Au fond, on comprend que la qualité est au centre des préoccupations des auteurs du projet, ce qui doit, eh bien, permettre à la population genevoise de se l'approprier à travers la très forte concertation qui a eu lieu, et c'est exemplaire. En effet, vous vous rappelez qu'en 2009 nous avons très largement voté une résolution - initiée par le Conseil d'Etat, d'ailleurs - ce qui nous a permis d'avoir un soutien politique fort sur ce projet. Et il y a eu consultation de la société civile, des associations de quartier, des milieux intéressés, des entreprises situées dans le PAV et qui, ainsi, doivent être rassurées, au fond, grâce à la naissance d'un groupe de suivi Praille-Acacias-Vernets. Et l'ensemble du dossier a été négocié avec les opposants et les référendaires au niveau communal.
La population est amenée à s'approprier le projet Praille-Acacias-Vernets, cela se passe tous les jours, tout le temps: à travers l'exposition Praille-Acacias-Vernets, à travers la Course de l'Escalade et ses entraînements, à travers Art in PAV. Au fond, c'est véritablement exemplaire.
Les communes se font du souci s'agissant du financement des infrastructures. Il faut les rassurer ! Un travail important est effectué par le Conseil d'Etat, vous le savez, sur la fiscalité cantonale, et il y a des solutions particulières qui peuvent être trouvées à cet endroit. La candeur du magistrat de la Ville de Genève, qui souhaite obtenir un financement disproportionné de la part de l'Etat, dans une sorte de panier du Père Noël, est absolument désarmante. Au fond, il faut ici...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christophe Aumeunier. Je conclus, Monsieur le président. Il faut ici indiquer que nous conceptualisons aujourd'hui le rêve, le rêve d'une Genève qui dispose de logements et d'emplois en suffisance, le rêve d'une Genève mixte et solidaire, le rêve d'un développement conforme à nos traditions et garant de notre prospérité. Parce qu'il faut passer du rêve à la réalité avec confiance et enthousiasme, les libéraux et les radicaux vous invitent à, sans hésitation, voter ce projet de déclassement.
Mme Christina Meissner (UDC). Le projet de la Praille-Acacias-Vernets offre une occasion effectivement exceptionnelle de construire la ville en ville. (Brouhaha.) C'est la raison pour laquelle ce projet résolument futuriste doit obtenir notre soutien. Il sera, contrairement à tant d'autres, construit pour les habitants ! Et non à leur détriment. C'est important de le souligner. Reconnaissant que les instruments traditionnels d'aménagement n'étaient pas appropriés pour ce projet particulier, car ils risquaient de figer prématurément la forme et l'image du PAV, le Conseil d'Etat a estimé indispensable de créer des instruments adaptés aux dimensions et à la durée du projet, s'ouvrant ainsi à l'innovation. Le Conseil d'Etat propose des procédures d'aménagement adaptées dans le périmètre concerné, tout en respectant le droit des tiers - c'est une bonne chose.
Aussi, depuis le masterplan de 2007, le projet a considérablement évolué. La construction des tours est désormais possible, pas seulement au carrefour de l'Etoile, mais partout et sur des hauteurs allant jusqu'à 175 mètres. Les plans localisés de quartier traditionnels seront remplacés par un «PLQ PAV» spécifique offrant davantage de souplesse au niveau du nombre et de la forme des bâtiments.
Tous ces points sont positifs, novateurs et bienvenus. Restent des points sombres: comment seront financées les infrastructures communes ? Car elles seront nombreuses et coûteuses. Les communes s'en inquiètent, et c'est légitime. Tentera-t-on de maintenir un maximum d'entreprises sur le périmètre, y compris celles actives dans le tertiaire ou le secondaire ? Ou ira-t-on les balancer à Vernier, comme je l'ai entendu maintes fois ce soir pour d'autres projets ? Evidemment, si c'est Rolex ou Pictet qui déménagent à Vernier... Un rêve, n'est-ce pas !
La Praille-Acacias-Vernets, c'est un périmètre où nous devons permettre de concrétiser les rêves des Genevois, leurs rêves de logement. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC votera ce projet, en espérant qu'il ne décevra pas les Genevois, qu'il se fera en concertation tout au long de la procédure, et pas seulement maintenant.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, après tant de louanges pour ce projet, après ce qu'on vient d'entendre, il est important de dire tout de même qu'il ne faut pas trop rêver. Demain, le périmètre du PAV ne va pas subitement changer d'un coup de baguette magique; il ne sera pas métamorphosé. Mais, bien entendu, il faut aujourd'hui donner un signal clair pour qu'un long processus de modification, de revalorisation d'un espace urbain devenu sous-employé - mais pas inemployé: devenu sous employé en regard du développement de notre agglomération et de la rareté concomitante d'espaces à bâtir - puisse devenir un espace urbain. Il faudra du temps.
C'est donc non pas une transformation et un coup de baguette magique auxquels s'apprête à se livrer notre Conseil, mais bien donner une impulsion essentielle pour l'avenir de notre canton. Le groupe radical, à ce titre, tient à souligner qu'il est partie prenante au lancement de ce processus et l'approuve totalement en regardant l'avenir de notre collectivité.
Les quelques soucis exprimés préalablement - et valablement, d'ailleurs - par certains privés concernés qui sont bénéficiaires de droits de superficie ou autres dans le périmètre ne doivent pas nous retenir. Beaucoup de tous ces éléments ont déjà été pris en compte au maximum du possible par le Conseil d'Etat dans sa proposition ou le seront encore dans les longues négociations qui seront inévitables, notamment en matière d'équipements publics.
Au vu du travail en cours des urbanistes, on peut nourrir, Mesdames et Messieurs, les meilleurs espoirs, également quant à la qualité de l'aménagement qui sera proposé aux Genevois de demain, y compris - et j'insiste là-dessus - pour les espaces publics, essentiels pour la réussite de l'opération dans son ensemble.
La politique, Mesdames et Messieurs, c'est prévoir. Vraiment, c'est ce que nous faisons tous, ce soir, au travers de ce projet de loi. Alors allons de l'avant pour Genève, pour la Genève de demain !
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va soutenir le projet de loi 10788. Au passage, on tient à féliciter M. Muller, qui est à l'origine de ce grand projet qui va avoir des effets considérables sur l'avenir de Genève.
Nous pouvons nous réjouir par rapport à ce quartier. C'est surtout de la mixité habitat-entreprises, des entreprises à haute plus-value pour l'économie cantonale, c'est donc aussi des recettes considérables. Ce sont des milliers de logements que représente la construction de ce nouveau quartier et c'est, bien entendu, des places de travail par milliers pour le fonctionnement des entreprises qui vont s'y implanter. Là-dessus, nous sommes parfaitement heureux, satisfaits de ce projet de loi. Nous allons le soutenir pleinement.
Simplement, il y a juste un petit souci par rapport aux équipements publics. En effet, les infrastructures ne seront pas subventionnées par le canton, puisque c'est un déclassement en zone 2. Alors nous comptons vraiment sur le fait que l'Etat de Genève s'implique pleinement par rapport à ces infrastructures, afin qu'elles ne soient pas totalement à la charge des communes. Puisque, là, nous aurons des surprises lorsque les communes, les conseils municipaux, devront voter ces infrastructures. Il y aura aussi, certainement, des oppositions à ce niveau-là, s'il n'y a pas une large participation du canton.
Pour l'heure, nous soutenons ce projet de loi et nous vous invitons tous à le faire également.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit par le rapporteur de majorité: le projet que nous traitons aujourd'hui est le fruit d'un accord conclu entre l'Etat, les trois communes concernées et le comité référendaire qui était mené par le parti socialiste, par l'ASLOCA et par les syndicats, la CGAS. Ce soir, nous pouvons nous réjouir que le contenu de ce texte inscrive le logement au coeur du périmètre, alors que, précédemment - ça n'a pas été dit - d'autres avaient voulu en faire un espace d'accueil exclusif pour le business, pour les hedge funds.
J'aimerais d'emblée relever que les objectifs en matière de logement - et c'est pour ça que le parti socialiste soutiendra ce projet de loi - sont crédibles dans la mesure où l'Etat est propriétaire de la majorité des parcelles du secteur. Cette maîtrise foncière, c'est la garantie que l'Etat pourra respecter les engagements qu'il a pris vis-à-vis du comité référendaire. C'est pourquoi je voudrais vous mettre en garde contre une tentation à laquelle je suis quasiment certain que le Conseil d'Etat risque de succomber. Le projet donne en effet la possibilité à l'Etat d'effectuer des échanges de parcelles. Or il s'agit de prévenir que le recours à ce procédé-là vide l'accord de son contenu, puisqu'il faut indiquer que les terrains qui sont en mains privées ne sont pas soumis aux catégories de logements telles que prévues par l'accord.
J'aimerais également rappeler - je crois utile de le faire - que la constitution de notre canton exige que les ventes de terrains se fassent sous le contrôle de notre Grand Conseil par le biais de projets de lois. Cela est prévu à l'article 81A de la constitution, qui est mis en péril par l'Assemblée constituante actuelle mais qui - je l'espère - restera un certain nombre d'années encore. Et là, à nouveau, il y a un risque assez grand que les échanges prévus par ce projet de loi puissent se faire entre des parcelles de valeurs différentes accompagnées d'une soulte et que notre Grand Conseil soit, du coup, contourné. Les réponses qui ont été données par le président du département lors des débats en commission, et qui ont été reprises partiellement par le rapporteur de majorité, me font craindre le pire à cet égard.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais en venir maintenant à la question du financement des infrastructures. L'Association des communes genevoises, dont notre collègue Dal Busco est le président, a tiré à plusieurs reprises la sonnette d'alarme sur l'importante charge financière que représentent les projets de construction de logements pour les budgets municipaux. A mon avis, les communes ont de bonnes raisons d'avoir peur pour le futur, compte tenu de la volonté affichée par l'Entente notamment de supprimer des revenus importants pour les communes, à savoir la taxe professionnelle.
C'est pourquoi l'accord qui a été conclu entre l'Etat, les communes et le comité référendaire peut être, à mon sens, considéré comme exemplaire. En effet, il inscrit l'obligation de prévoir une convention entre les trois communes et l'Etat pour le financement des infrastructures. Et là, je pense qu'il faut regretter le laxisme du département, parce que, deux ans après, malheureusement - deux ans après la signature de l'accord - rien n'avait encore été entrepris, aucune démarche n'avait été entreprise.
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !
M. Christian Dandrès. Excusez-moi ?
Le président. Il vous reste quinze secondes.
M. Christian Dandrès. Je vous remercie. Du coup, nous sommes obligés de traiter ce projet de loi ce soir, sans connaître la répercussion financière de sa mise en oeuvre pour l'Etat. Et ça, c'est quelque chose de profondément regrettable. J'y vois là sans doute l'esprit de rigueur financière dont, d'ordinaire, le PLR aime à se gargariser.
Comme le temps m'est compté, Mesdames et Messieurs les députés, je précise simplement que, vu l'importance de ce projet pour le logement, le parti socialiste le soutiendra pleinement. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Claude Jeanneret, à qui il reste une minute vingt.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président. Eh bien, voilà un projet qui est séduisant pour Genève. C'est vrai qu'il faut remercier le conseiller d'Etat, M. Muller, d'avoir agi avec beaucoup de persévérance là-dessus. Parce qu'il y avait pas mal d'oppositions.
Je pense une chose, c'est que nous voyons à nouveau une certaine gauche - qui, disons, spécule sur les dissensions entre les locataires et les propriétaires - annoncer déjà qu'elle est prête à freiner le projet. Moi, je trouve cela peu encourageant pour le Grand Conseil. Je crois qu'au contraire il faut soutenir ce projet, il faut surtout... Alors, on compte sur le Conseil d'Etat pour qu'on ne construise pas d'abord l'industriel et, après, le locatif. Il faut qu'il y ait une coordination, il faut que le locatif soit présent, il faut si possible densifier encore un peu plus que prévu, car c'est l'avenir. C'est le seul endroit à Genève où l'on peut véritablement développer des logements, et c'est quand même l'avenir de Genève.
On a encore quelque chose d'extraordinaire, c'est qu'on peut rapprocher le lieu de travail du lieu d'habitation: par rapport à la pollution qui nous guette à l'avenir, c'est quelque chose de formidable. C'est la nouvelle conception de la ville. On a même un stade au milieu ! C'est véritablement une conception d'avenir, c'est ce que tous les gens préconisent aujourd'hui pour la construction d'une nouvelle ville...
Le président. Il vous reste cinq secondes, Monsieur le député !
M. Claude Jeanneret. ...c'est le lieu de développement de Genève. J'encourage tout le monde à voter ce projet, car c'est l'avenir de Genève qui en dépend !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Mark Muller.
M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes en train de voter le plus important déclassement de l'histoire de ce canton, du moins en termes de superficie, et vous allez le faire à l'unanimité ou presque. Je pense que, par les temps qui courent - où les projets d'aménagement et les projets de construction sont toujours fortement contestés - c'est un fait tout à fait remarquable.
Ce projet Praille-Acacias-Vernets s'inscrit dans un processus de développement très fort de notre agglomération, avec une volonté du Conseil d'Etat - que vous partagez, je le sais - d'économiser le sol et donc de densifier notre urbanisation. Et quoi de plus cohérent avec cette volonté de densification, que de régénérer, de transformer une zone industrielle et artisanale située en plein milieu de Genève ?
L'objectif, Mesdames et Messieurs, est simple. C'est d'étendre le centre-ville de Genève, de doter Genève de nouveaux quartiers, modernes, vivants, conviviaux. Un nouveau quartier, aussi, qui sera un moteur pour l'économie de notre canton ces prochaines années - pour ces trente ou quarante prochaines années.
Ce qui caractérise également ce projet, au-delà de l'aspect purement aménagement du territoire, c'est son caractère très novateur à différents égards. Tout d'abord - et ça a été relevé - ce projet de loi est le fruit d'une très large concertation. Plus encore: une véritable négociation avec différents milieux - négociation qui a permis d'aboutir à un certain nombre de dispositions, de mesures tout à fait novatrices. Je mentionnerai notamment l'équilibre qui a été demandé - et qui est parfaitement justifié, de mon point de vue - entre la création de logements et la création d'emplois. En effet, nous avons, dans la loi, inscrit l'équilibre: «un nouveau logement pour un nouvel emploi» ou, à l'inverse: «un nouvel emploi pour un nouveau logement» - ça dépend de quel point de vue on se place.
C'est un projet novateur également du point de vue des procédures proposées. En réalité, le PAV sera un véritable laboratoire pour de nouvelles procédures: un plan localisé de quartier, nouvelle mouture, avec plus de souplesse; un plan directeur de quartier, nouvelle mouture, dans la mesure où il sera évolutif et sera, évidemment, amené à évoluer au fil des années, au fil des projets, au fil de l'évolution de notre canton.
Enfin, c'est un projet novateur, puisqu'il - là, je vais répondre à l'intervention de M. Dandrès - inscrit dans la loi - et c'est une première, ce n'est donc pas anodin - le fait que les échanges de terrains qui seront opérés entre des terrains appartenant à l'Etat dans le PAV et des terrains en mains privées à l'extérieur du PAV, eh bien, sont autorisés, sont encouragés, et ne font pas l'objet de l'obligation d'être soumis au vote du Grand Conseil. Je pense que c'est un point sur lequel il faut insister. En effet, ça a été une pierre d'achoppement importante des négociations avec les opposants de la première heure, qui, heureusement, aujourd'hui, figurent parmi les soutiens de ce projet. Nous avons décidé de ne pas s'interdire de vendre des terrains; nous avons également décidé de ne pas admettre que des terrains seraient vendus. En revanche, nous nous sommes accordés pour dire qu'il était possible de faire évoluer le foncier et la maîtrise du foncier par le biais d'échanges de terrains. C'est quelque chose qu'il faudra prendre en compte à l'avenir pour l'évolution de ce projet.
Ce déclassement, Mesdames et Messieurs, c'est une première étape. Une première étape qui en annonce d'autres: un plan directeur de quartier, des plans localisés de quartier, des concours, des concours d'urbanisme et d'architecture, qui pourront d'ailleurs démarrer avant même que toute cette planification soit aboutie. Et il est fort probable que, cette année même, nous lancions le premier concours d'urbanisme et d'architecture. Là, je tiens à aller tout à fait dans le sens de l'intervention de M. Jeanneret: ce sont bien des logements que nous allons commencer à construire avec, notamment, un premier concours sur la commune de Carouge.
Et puis il y a la question des financements. Vous avez eu raison, Mesdames et Messieurs, de relever la difficulté qui se pose aujourd'hui à nous en termes de financement. Mais elle ne se pose pas uniquement en termes de financement des infrastructures publiques ! Evidemment, il va falloir financer des infrastructures publiques, mais pas seulement des communes. L'Etat aussi va devoir prendre en charge toute une série d'infrastructures, et il faudra trouver le financement pour celles-ci; financement que nous allons d'ailleurs pouvoir garantir via des recettes supplémentaires, puisque les droits de superficie que nous allons octroyer sur ces terrains, pour du logement, pour du tertiaire, vont rapporter davantage à l'Etat que les droits de superficie actuels pour une activité industrielle et artisanale.
Au-delà des financements des infrastructures, il y a les financements des projets eux-mêmes, qu'on va devoir étudier très finement. Ça n'est pas la même chose de construire un immeuble de six étages en zone agricole ou de construire un immeuble de trente étages sur une ancienne zone industrielle dont le terrain est peut-être pollué, avec des exigences particulières en termes de sécurité, avec peut-être la nécessité, également, de financer la délocalisation d'une entreprise qui se trouve sur le site.
C'est donc toutes ces questions de financement que nous devons nous atteler à étudier, à élucider, à clarifier. Nous le faisons depuis de nombreux mois - avec les communes, d'ailleurs - mais sans que, du point de vue de cette question du financement des infrastructures communales, au fond, il n'y ait de quelconque urgence. Car les communes en question ne savent pas quels sont les équipements publics qu'elles souhaitent. C'est donc un peu difficile de régler leur financement aujourd'hui.
Voilà, Mesdames et Messieurs, je tiens ici à remercier très chaleureusement les membres de la commission d'aménagement. Ils ont travaillé très rapidement, avec un esprit très constructif tourné vers l'avenir, ce qui nous permet aujourd'hui de voter à l'unanimité - ou presque, je l'espère - ce grand projet d'avenir pour Genève. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de vote.
Mis aux voix, le projet de loi 10788 est adopté en premier débat par 89 oui (unanimité des votants). (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)
La loi 10788 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10788 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 89 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. L'ordre du jour appelle le traitement en urgence du point 85: PL 10768.