République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.

Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, Charles Beer et Isabel Rochat, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, David Hiler, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. Guillaume Barazzone, Antoine Droin, Pierre Losio et Philippe Morel, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

Le président. Le Conseil d'Etat demande l'urgence sur le point 170: le RD 875 sur la planification sanitaire du canton de Genève 2012-2015. Pour être acceptée, celle-ci doit recueillir - c'est le tarif habituel - les deux tiers des voix.

Mis aux voix, le traitement en urgence du rapport du Conseil d'Etat RD 875 est adopté par 54 oui et 1 abstention.

Le président. Ce point sera traité ce soir, après les autres urgences.

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Institut Confucius à Rive-Belle : la volonté du Grand Conseil est-elle sauvegardée ? (question 1) (IUE-1196)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Institut Confucius à Rive-Belle : la volonté du Grand Conseil est-elle sauvegardée ? (question 2) (IUE-1197)

Interpellation urgente écrite de Mme Christina Meissner : Loger des demandeurs d'asile dans des abris de protection civile, combien cela coûte-t-il ? (IUE-1198)

Interpellation urgente écrite de Mme Christina Meissner : Requérants d'asile à Châtelaine : la population en danger ! (IUE-1199)

Interpellation urgente écrite de M. Bertrand Buchs : L'abstention met-elle la démocratie en danger ? (IUE-1200)

Interpellation urgente écrite de Mme Marie Salima Moyard : Commission genevoise du cinéma : suppression sans débat au Grand Conseil et abandon d'une position de fond, pourtant toujours soutenue par le Conseil d'Etat vaudois ? (IUE-1201)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Leyvraz : La République et canton de Genève n'a-t-elle rien à faire du développement durable ? (IUE-1202)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Quelles mesures sont prises par le DIP lorsqu'il y a des soupçons de commission d'abus sexuels de la part d'enseignants ? (IUE-1203)

Interpellation urgente écrite de Mme Sophie Forster Carbonnier : Comment sont sélectionnés les prestataires des mesures de formation? (IUE-1204)

Interpellation urgente écrite de Mme Lydia Schneider Hausser : Quel fonctionnement futur pour la Clairière ? (IUE-1205)

Interpellation urgente écrite de M. Alain Charbonnier : Japan Tobacco International au coeur des organisations internationales : l'image de Genève en tant que défenseur de la santé publique et des droits humains est sérieusement écornée !! (IUE-1206)

Interpellation urgente écrite de M. Michel Forni : Perturbateurs endocriniens : où en est l'eau genevoise ? (IUE-1207)

Interpellation urgente écrite de Mme Anne Mahrer : Combien la répression de la mendicité a-t-elle coûté jusqu'ici aux contribuables genevois ? (IUE-1208)

Interpellation urgente écrite de M. Jean-Louis Fazio : Sous-traitance sauvage : responsabilité solidaire, où est-on ? (IUE-1209)

Interpellation urgente écrite de Mme Esther Hartmann : Entrée en vigueur de la nouvelle loi de la protection de l'adulte en janvier 2013 : où en est l'Etat dans la préparation de sa mise en oeuvre ? (IUE-1210)

Interpellation urgente écrite de Mme Mathilde Captyn : Services de l'environnement : logés dans des containers de manière pérenne ? (IUE-1211)

IUE 1196 IUE 1197 IUE 1198 IUE 1199 IUE 1200 IUE 1201 IUE 1202 IUE 1203 IUE 1204 IUE 1205 IUE 1206 IUE 1207 IUE 1208 IUE 1209 IUE 1210 IUE 1211

Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.

PL 10761-A
Rapport de la commission ad hoc justice 2011 chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'organisation judiciaire (E 2 05)
Rapport de majorité de M. Olivier Jornot (L)
Rapport de minorité de Mme Loly Bolay (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle le traitement en urgence du point 131, le PL 10761-A. La parole est à M. le rapporteur de majorité.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi qui vous est présenté porte un nom qui résulte d'une métaphore cycliste, puisque nous avons pris l'habitude dans notre jargon de l'appeler le «projet de loi-balai». Pourquoi cette appellation ? Eh bien parce que, après la quinzaine de projets de lois votée par la commission ad hoc Justice 2011, puis par ce parlement, il s'agit d'harmoniser, de corriger des erreurs et de parfaire l'édifice. Ce dernier ne sera pas aussi durable que le bronze, comme disait l'autre, puisqu'il faudra ensuite toujours corriger, améliorer et réformer, mais à tout le moins nous aurons terminé notre processus de réforme.

Ce projet de loi aurait dû entrer en vigueur avec tous les autres le 1er janvier 2011. Le Conseil d'Etat a peut-être un peu présumé de ses forces en imaginant qu'il lui faudrait quelques semaines pour le déposer, puisqu'il lui a fallu en fait plus de six mois; la commission a aussi eu besoin de six mois ensuite pour l'étudier, ce qui explique que nous votions en mai un projet de loi qui aurait dû entrer en vigueur le 1er janvier 2011.

Une chose est certaine, Mesdames et Messieurs, chers collègues: ceux qui ont trouvé les précédents projets de lois Justice 2011 ennuyeux ne vont pas aimer celui-là, et je suis certain que pour tous ceux-là s'applique à merveille une expression inventée par un ancien président de la République français - on aime à les mentionner dans cet hémicycle - mais je ne la citerai pas, parce que des enfants nous regardent... (Rires.) En tout cas j'imagine que c'est l'effet que ce projet de loi doit produire sur ces députés-là, et j'en suis tout à fait navré pour eux.

Il y a néanmoins dans ce projet de loi quelques réformes importantes, en matière par exemple de relations collectives de travail, en matière d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes, ou encore en ce qui concerne le fonctionnement d'une juridiction comme le Tribunal administratif de première instance, qui est une juridiction très importante dans des domaines tels que la construction, notamment, et Dieu sait s'il est nécessaire d'avoir dans ce domaine une justice qui fonctionne, et qui fonctionne rapidement.

Nous avons pour l'essentiel de ce projet de loi travaillé en parfait consensus. Nous avons toutefois certains points de divergence, que le rapport de minorité énonce, raison pour laquelle nous aurons quelques débats sur les amendements, mais pour le reste nous arrivons au terme d'un travail très largement consensuel, ce qui me donne l'occasion, avant de vous recommander de voter l'entrée en matière, de remercier encore une fois les membres de la commission pour l'important travail qu'ils ont fourni et pour la patience dont ils ont su faire preuve.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Avant d'en arriver plus précisément à mon rapport de minorité et aux deux amendements relatifs aux articles 17 et 24 de la loi d'application du code civil qui y figurent, j'aimerais quand même rappeler l'immense travail qui a été réalisé par la commission ad hoc Justice 2011. Cette dernière était précédemment appelée Justice 2010, mais, par un hasard des événements à Berne, changement de conseiller fédéral oblige, nous avons eu grâce à cela une année supplémentaire, ce qui a été réellement bénéfique pour tous les cantons afin d'être véritablement à jour au 1er janvier 2011.

Ce projet de loi-balai, le rapporteur de majorité l'a relevé, est l'aboutissement d'un long travail. Je crois qu'il est important de le rappeler, d'autres commissions ont elles aussi réalisé un travail colossal par le passé - je pense notamment à la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat - mais la commission ad hoc Justice 2011 a travaillé pendant trois ans et quatre mois et a effectué plus de trois cents heures de séances. Du reste - je tiens à le souligner - durant l'ancienne législature et la nouvelle, nous avons sacrifié une grande partie de nos vacances.

Il s'est donc agi de dix-huit projets de lois, y compris des lois constitutionnelles qu'il a fallu revoir et des changements constitutionnels. Il y a eu la mise en conformité du droit genevois avec les dispositions relatives à l'accès au juge de la loi sur le Tribunal fédéral, le code de procédure pénale, la procédure pénale applicable aux mineurs, le code de procédure civile, et naturellement toute la refonte de la LOJ qu'il a fallu revoir. Tous ces changements, vous les avez naturellement votés ici.

Nous avons eu un temps limité pour accomplir tout ce travail. En effet, je rappelle que dans tous les autres cantons suisses, c'est le pouvoir exécutif qui a fait le travail de consultation, alors qu'à Genève c'est notre commission qui a réalisé cet immense travail, ce qui a donné lieu à de très longues auditions, parfois à plusieurs reprises. La consultation a donc été extrêmement large.

Le rapporteur l'a dit, tous les projets de lois touchaient à un moment donné à des problèmes techniques, il a donc fallu vraiment rentrer dans ces projets de lois et ces lois spécifiques, que nous avons dû revoir ou revisiter. C'était parfois un travail rébarbatif, mais je dirai que cela a aussi été une tâche passionnante, parce que, c'est vrai, à quelques exceptions près, nous avons été d'accord, nous sommes parvenus à un consensus.

Par ailleurs, j'aimerais quand même relever que la portée des cantons a été très limitée, c'est-à-dire que les cantons avaient très peu de marge de manoeuvre pour changer quoi que ce soit. Je rappelle en outre que cette loi est d'essence germanique et que, pour les cantons suisses allemands, les changements n'étaient pas si importants que cela. En revanche, pour les cantons romands, particulièrement pour Genève, il s'est agi d'un véritable bouleversement.

J'aimerais dire aussi que, par exemple au niveau pénal, il y a une perte, parce qu'il n'y a plus de juges d'instruction; il n'y aura qu'un ministère public, donc plus ce double regard qu'il y avait entre les juges d'instruction et les substituts. Il n'y aura plus non plus la culture de l'aveu, vous le savez, suite à l'introduction de l'avocat de la première heure. Naturellement, cette procédure - notamment la pénale - a entraîné de nombreuses modifications et un certain nombre de problèmes au niveau administratif, parce que, de par sa spécificité et sa technicité, elle pénalise et génère énormément de travail administratif. On l'a d'ailleurs vu, le ministère public et la police se plaignent du travail colossal que ce code a engendré.

Monsieur le président, je reviendrai tout à l'heure sur les amendements plus spécifiques qui figurent dans mon rapport de minorité. Avec ma collègue Mathilde Captyn, nous avons également déposé deux autres amendements: l'un est relatif à l'article 17 de la LOJ et concerne le Conseil supérieur de la magistrature, l'autre porte sur l'article 37 de l'alinéa 17 de l'article 2 souligné et a trait à l'avancement des frais. L'amendement proposé à l'article 17 LaCC - loi d'application du code civil - sous l'alinéa 10 de l'article 2 souligné, vise à maintenir l'accès facilité à la justice dans les litiges à caractère social.

Je voulais pour l'instant juste faire ce préambule, mais aussi remercier la commission pour le travail énorme qu'elle a accompli. J'adresse également mes remerciements à tous ceux qui nous ont entourés, je pense notamment - si vous le permettez, Monsieur le président - aux experts: M. Frédéric Scheidegger, qui nous a accompagnés tout au long de ces travaux, et M. Sträuli, qui a travaillé avec nous pour tout ce qui concerne la procédure pénale, et qui a été d'une aide extrêmement importante.

Mes remerciements vont aussi au rapporteur, M. Jornot, pour tous les rapports qu'il a rédigés, souvent dans des délais très courts, rapports qui étaient très fidèles aux travaux de la commission. Je remercie en outre - et je conclurai par là, Monsieur le président - le secrétariat général du Grand Conseil, qui a dû organiser et agender toutes les élections auxquelles il a fallu procéder et dont vous avez été observateurs.

Enfin - et je finirai ainsi - c'est un vrai travail d'équipe qui a été réalisé avec toutes les personnes que nous avons auditionnées et qui nous ont fait des propositions; nous ne les avons, bien entendu, pas toutes suivies, mais je crois que l'important, c'est qu'il y ait une véritable collaboration entre les uns et les autres, et entre les trois pouvoirs, je tiens à le souligner. Il est très important que, malgré la séparation des pouvoirs, la collaboration soit effective, pour faire avancer les choses.

Je vous remercie, Monsieur le président, et je reviendrai tout à l'heure plus précisément sur les amendements.

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'essentiel a été dit et abordé par les deux rapporteurs. Que retenir de cette kyrielle de modifications et de ce long et excellent rapport de majorité ? Il y a en fait deux éléments essentiels. Je vous rappelle d'abord que dans le passé nous avions judiciarisé la Chambre des relations collectives de travail et l'avions installée dans le pouvoir judiciaire. La commission est revenue sur ce point, et la CRCT est maintenant redevenue une commission officielle; en revanche, ses activités judiciaires, elles, resteront au Tribunal des prud'hommes.

La deuxième chose notable concerne l'égalité entre hommes et femmes; la formalisation du traitement des litiges et de la conciliation en matière d'égalité sera assurée dans le cadre du Tribunal des prud'hommes et du Tribunal administratif de première instance. Voilà deux points importants, mais il y en a également un troisième, qui est assez important lui aussi: nous avons l'assurance que les évacuations de logements soient précédées de l'intervention d'un huissier. C'est aussi un élément que nous avons pu maintenir dans ce projet de loi-balai.

L'essentiel ayant été dit pour le reste par les deux rapporteurs, le groupe des Verts acceptera l'entrée en matière, votera les amendements techniques présentés par le rapporteur de majorité, et vous recommande d'adopter ce projet de loi.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Le groupe UDC tient à remercier chaleureusement le rapporteur de majorité pour l'excellent travail qu'il a réalisé, et pour la rapidité avec laquelle il a toujours rendu ses rapports. L'UDC acceptera l'entrée en matière de ce projet de loi, qui correspond à ses attentes, et, pour le surplus, je tiens d'ores et déjà à préciser que nous ne soutiendrons pas les amendements provenant de la gauche. (Commentaires.)

M. Christian Dandrès (S). Malgré l'aridité de la matière que nous avons à traiter ce soir, les enjeux ne sont pas moins importants que ceux qui nous ont occupés en automne dernier. Je crois important à ce stade de rappeler le contexte social de notre région, en précisant que si la pénurie de logements et son cortège de misère vous sont déjà connus, la situation sanitaire de notre région est par contre plus rarement à l'ordre du jour de nos débats. Toutefois, elle n'en est pas moins alarmante, puisque l'enquête suisse sur la santé de 2007 indique que le nombre de nos concitoyens qui sont atteints dans leur santé est 10% plus grand que la moyenne nationale.

Dans ce contexte, les socialistes se sont battus pour que la réforme de l'organisation judiciaire ne porte pas atteinte aux droits des locataires, des salariés et des assurés. Nous avons donc constitué un comité unitaire qui a défendu nos concitoyens en intervenant publiquement ainsi qu'auprès de la commission ad hoc Justice 2011. Nous avons fait des propositions, nous avons été auditionnés à plusieurs reprises, et je crois pouvoir dire ce soir que notre action n'a pas été vaine, puisque la gratuité du Tribunal des baux et loyers a pu être maintenue, et non seulement maintenue, mais en plus étendue à l'instance d'appel.

Je tiens moi aussi à remercier la présidente de la commission, ainsi que le rapporteur de majorité - une fois n'est pas coutume ! - pour le travail qu'ils ont accompli.

Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, la messe n'est pas encore dite. Nous avons ce soir à décider du sort des locataires que les bailleurs veulent expulser de leur logement. Nous avons également à traiter de la défense des assurés qui entendent faire valoir leurs droits en justice contre leurs assureurs. Et à ces égards, le projet de loi qui nous est soumis ce soir n'est pas satisfaisant, raison pour laquelle nous vous proposerons une série d'amendements que nous défendrons à mesure, au cours du deuxième débat.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, je tiens aussi, au nom du groupe MCG, à souligner l'excellent travail qui a pu être réalisé en commission, je crois dans une excellente ambiance de collaboration, sans clivage politique, avec pour seul mot d'ordre le bon sens et la volonté d'améliorer la situation des justiciables de ce canton. Je remercie également le rapporteur de majorité, qui a accompli un travail excellent et rapide, en rendant souvent des rapports dans des délais extrêmement brefs.

Il est vrai qu'il n'est pas toujours facile de mettre au goût du jour des dispositions relatives à la procédure judiciaire et à l'organisation des tribunaux, car très rapidement on est confronté à des intérêts qui peuvent paraître divergents entre les différents intéressés, mais je crois - et je tiens encore à le saluer - que c'est une volonté commune qui a animé tous les commissaires au sein de cette commission ad hoc Justice 2011, pour précisément avoir comme seul objectif la défense des justiciables.

Il y a encore quelques petits efforts à faire, et le MCG, avec la minorité, vous demandera en particulier d'accepter un amendement qui serait de nature à améliorer grandement la situation des assurés de ce canton, mais j'y reviendrai plus longuement tout à l'heure, si vous le permettez.

M. Jacques Béné (L). En préambule, j'aimerais dire toute l'admiration que l'ensemble de la commission a pour le travail qui a été effectué par M. Jornot. En effet, si j'ai dit en septembre que nous n'avions pas passé les mêmes vacances d'été, il se trouve que nous n'avons à nouveau pas passé les mêmes vacances de Pâques, puisque M. Jornot a longuement travaillé durant ces dernières pour arriver à rendre ce rapport dans des temps records.

Je tiens également à remercier le département, à souligner la collaboration qui a pu exister avec M. Scheidegger, et à rappeler toutes les discussions que nous avons pu avoir, tous les amendements qui ont été proposés, les auditions ainsi que les concertations qu'il a fallu opérer durant toutes ces années.

Je salue en outre le travail de la commission: je pense qu'effectivement c'est un bon travail, c'est un bon résultat. Maintenant, la seule chose que je regrette, c'est que l'on recommence avec des nouveaux amendements, dont certains n'ont même pas été forcément discutés en commission. On va refaire à nouveau le débat ici, et j'espère que cela ne prendra pas trop de temps. De plus, il s'agit d'arguments qui sont très techniques et qui vont encore plus loin que ce qui a déjà été accepté en commission. Nous reviendrons sur ces amendements et je vous inviterai, le cas échéant, à n'accepter que ceux du rapporteur de majorité.

Une voix. C'est étonnant !

M. Vincent Maitre (PDC). Quelques brefs mots pour me joindre aux propos qui ont déjà été tenus quant à l'ampleur du travail effectué par cette commission. En termes d'organisation judiciaire, c'est tout simplement une révolution que nous avons vécue à Genève et partout en Suisse, avec les codes de procédure fédéraux en matière civile et pénale.

Il convient naturellement de remercier chaleureusement notamment M. Frédéric Scheidegger, pour le département, sans qui les travaux auraient peut-être été un peu plus complexes, et dont la clairvoyance, la compétence et la force de travail ont été bien souvent déterminantes dans les débats. Mes remerciements, au nom du PDC, vont également au rapporteur de majorité, lequel a lui aussi manifestement contribué au succès de ce projet de loi qui, comme il a été dit, est le résultat d'un très large consensus. Il convient enfin de relever tout le travail et la façon admirable dont bien souvent les débats ont été menés par la présidente de cette commission, Mme Loly Bolay. Malgré ce que l'on a parfois pu lire dans la presse et les médias, cette commission a globalement travaillé de manière sérieuse, de manière très consciencieuse, pour aboutir à un projet très largement satisfaisant.

De prime abord, et même au-delà, c'est évidemment un sujet extraordinairement technique, qui à priori ne concerne que les praticiens. Seuls quelques sujets très politiques ont été débattus de façon vraiment vigoureuse, et c'est sur ces objets-là que nous avons pu voir les quelques petits éléments de divergence qui pouvaient survenir au sein de la commission, cela a été relevé. Je parle par exemple de la gratuité du Tribunal des baux et loyers, de la semi-gratuité du Tribunal des prud'hommes notamment, mais tout cela, comme il a été relevé, a toujours abouti à des solutions consensuelles, si ce n'est les amendements qui sont déposés aujourd'hui et sur lesquels nous aurons largement l'occasion de revenir plus tard.

Pour toutes ces raisons, le PDC ne peut que se réjouir et se satisfaire du projet de loi tel qu'il nous est proposé, et il le votera bien évidemment.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de vote d'entrée en matière sur le PL 10761.

Mis aux voix, le projet de loi 10761 est adopté en premier débat par 73 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1, lettre c, chiffre 5 (nouvelle teneur) et lettre h (nouvelle teneur), ainsi que l'article 5, al. 1, lettres f et g (nouvelle teneur).

Le président. A l'article 6, alinéas 1 et 2, nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot, à qui je passe la parole.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce qu'il faut préciser, c'est que cette liste d'amendements a été soumise à la commission ad hoc Justice 2011, ce sont donc des amendements consensuels que je vous présente là, certains étant de nature plus formelle que d'autres.

Ici, il s'agit d'une question qui nous a beaucoup occupés lors de nos travaux, à savoir la compatibilité d'une charge de juge avec une fonction de membre d'une commission officielle. Au départ, dans le projet initialement voté l'an dernier, le Conseil d'Etat avait tenu à une séparation très nette entre ces deux fonctions, et nous avons décidé en commission de nous en tenir à ce principe, mais nous avons choisi aussi de l'assouplir en ce qui concerne les juges prud'hommes et les juges assesseurs. Cependant, ce qui vous est proposé ici, ce n'est pas de voter sur cette question, parce que nous l'avons déjà résolue dans le cadre de la loi sur les commissions officielles, mais c'est en fait de créer une norme miroir dans la loi sur l'organisation judiciaire, afin que l'on puisse trouver en quelque sorte tous les ingrédients de la recette au même endroit, c'est-à-dire à l'article 6 de cette loi.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons donc nous prononcer sur l'amendement de M. Jornot. Voici le texte:

«Art. 6, al. 1, let. i (nouvelle) et al. 2, phr. introductive (nouvelle teneur)

i) être membres d'une commission officielle au sens de la loi sur les commissions officielles, du 18 septembre 2009, sauf lorsque la loi prévoit que l'un d'eux est membre de droit d'une commission.

2 L'alinéa 1, lettres c, g et i, ne s'applique pas:»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 84 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'article 6, al. 1, lettre b (nouvelle teneur) et lettre  i (nouvelle), al. 2, phrase introductive et al. 3, lettre b (nouvelle teneur), al. 4 (abrogé), ainsi amendé est adopté, de même que l'article 9, al. 3, lettre a (nouvelle teneur), et l'article 10, al. 2, lettre a (nouvelle, les lettres c à e anciennes devenant b à d).

Le président. A l'article 17, alinéa 1, lettre d (nouvelle teneur), nous sommes saisis d'un amendement de Mmes Bolay et Captyn. La parole est à Mme Loly Bolay.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. L'amendement que nous vous proposons consiste à biffer «ou avocats» à la fin de la phrase. Aujourd'hui, le Conseil supérieur de la magistrature comprend notamment trois membres désignés par le Conseil d'Etat, qui peuvent être des avocats, et il y a particulièrement une personne qui devait répondre aux critères de juge suppléant. Nous considérons qu'il faut effectivement que les diverses sensibilités puissent s'exprimer et être présentes au Conseil supérieur de la magistrature, c'est la raison pour laquelle nous vous demandons d'accepter cet amendement.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. La composition du Conseil supérieur de la magistrature, c'est un peu comme une recette d'alchimie: il y a des composants extrêmement précis, dans des quantités extrêmement précises aussi, et l'ensemble est assez instable. Depuis que le CSM a été créé, il y a donc une composition avec six magistrats, avec trois membres nommés par le Conseil d'Etat, et avec deux avocats qui sont élus par leurs pairs - les magistrats étant d'ailleurs aussi élus par leurs pairs. Et cela fonctionne, parce que cela signifie donc que les magistrats savent que, lorsqu'ils vont être sanctionnés disciplinairement, eh bien ils vont pouvoir parler à certains de leurs pairs. Il y a aussi des avocats qui sont les principaux clients et concernés lorsque les magistrats dysfonctionnent, et puis il y a le Conseil d'Etat qui peut ouvrir la fenêtre, en introduisant là-dedans un peu d'air frais, en faisant entrer trois personnes qui ne sont pas dans la marmite. Et, très étrangement, il est arrivé au Conseil d'Etat, alors même qu'il avait la possibilité de faire entrer de l'air frais, de rester dans le gremium.

Mesdames et Messieurs, il n'est pas normal qu'au CSM on puisse nommer sur le contingent du Conseil d'Etat des avocats ou des magistrats, parce que l'on déstabilise l'ensemble, et l'on aboutit du coup à une composition qui ne fonctionne plus ! La commission l'a parfaitement compris et a voté à une très large majorité un amendement très simple stipulant que le Conseil d'Etat, puisqu'il y a déjà des magistrats et déjà des avocats, nomme des gens qui ne sont pas des magistrats ni des avocats, ce qui entre nous soit dit laisse quand même environ 99% de la population comme bassin de recrutement pour ces trois membres du CSM.

Il s'agit simplement de faire cela et, curieusement, l'amendement de Mmes Bolay et Captyn propose de maintenir la discrimination pour les magistrats, mais de la lever pour les avocats, comme s'il était normal qu'on farcisse d'avocats une instance qui est l'instance disciplinaire et de surveillance de notre justice. Alors non, ce ne doit pas être une instance farcie d'avocats, ce doit être une instance dans laquelle, précisément, comme l'a prévu la loi dès la création du CSM, on fait venir des personnes de l'extérieur, des personnes provenant de l'université, provenant d'autres professions, et qui garantissent que l'on n'ait pas une justice qui fonctionne en vase clos, raison pour laquelle je vous propose de rejeter cet amendement.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. J'ai oublié de dire que, dans cet amendement, nous proposons aussi que le Conseil d'Etat veille à une représentation équitable des sexes. Je crois que c'est très important, même si effectivement les deux sexes sont déjà représentés. Je pense qu'il faut veiller à cela aussi, car le Conseil supérieur de la magistrature est quand même un organe extrêmement important, et il y a parfois des justiciables qui font des reproches à ce conseil. Encore une fois, je trouve qu'il est nécessaire que les diverses sensibilités soient représentées au sein de ce Conseil supérieur de la magistrature, d'où cet amendement.

Le président. Merci, Madame la rapporteuse. Je vais donc faire voter sur l'amendement de Mmes Bolay et Captyn, qui s'énonce comme suit:

«Art. 17, al. 1, lettre d (nouvelle teneur)

d) de 3 membres désignés par le Conseil d'Etat, qui ne peuvent être magistrats. Le Conseil d'Etat veille, dans la mesure du possible, à une représentation équitable des sexes;»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 26 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'article 17, al. 1, lettre d (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 19, al. 3 (nouvelle teneur), à 145, al. 5 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous sommes à l'article 2 souligné. Il s'agit de modifications à d'autres lois.

Mis aux voix, l'alinéa 1 (loi A 2 08) est adopté, de même que les alinéas 2 (loi A 2 20) à 9 (loi D 3 30).

Le président. Nous arrivons à l'alinéa 10, lequel contient des modifications à la loi d'application du code civil suisse, E 1 05. Mme la députée Bolay présente un amendement à l'article  17, al. 3 (nouveau).

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, l'amendement que la minorité propose à l'article 17, alinéa 3, lettre c (nouvelle), vise à prévoir l'accès à la gratuité pour tous les litiges. La disposition telle qu'elle est ressortie de commission provoque une inégalité de traitement, car elle est prévue uniquement pour les litiges portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire et sur les assurances complémentaires à l'assurance-maladie au sens de la LAMal. Or les assurances perte de gain maladie, c'est-à-dire les assurances qui assurent notamment les salariés et les indépendants, sont proposées par des assurances privées qui ne pratiquent pas la LAMal. Ces litiges seront donc traités par d'autres juridictions, par exemple par le Tribunal de première instance, qui pratique des tarifs de greffe extrêmement élevés, avec des dépens. Je rappelle quand même que l'article 116 du code de procédure civile stipule que les cantons peuvent prévoir des dispenses de frais plus larges.

Autrement dit, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est important qu'aujourd'hui nous ayons cette égalité de traitement en matière sociale et que cette gratuité englobe tous les cas de figure, et non uniquement les assurances qui couvrent les assurances de base.

Je précise que si vous n'acceptez pas cet amendement, cela signifie qu'une partie des salariés - et des indépendants ! - qui iront au tribunal pour l'un de ces litiges devront payer plein pot ! Alors je vous demande de bien réfléchir ! Bien évidemment, la minorité est déjà acquise à cette cause, alors je m'adresse surtout aux personnes ici qui disent défendre les indépendants: il faut bien réfléchir, car si ces gens sont malades ou demandent des rentes d'invalidité, ils vont se retrouver à devoir payer des frais de greffe extrêmement élevés. Voilà ce que je voulais dire, Monsieur le président, je vous remercie.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Ce que vous avez dit, Madame Loly Bolay, était tout à fait admirable... mais complètement faux ! (Rires.) Cela va m'obliger à revenir un peu en amont, parce qu'il est difficile de parler de cette affaire d'assurances complémentaires sans faire un peu de technique.

Sur le fond, évidemment que l'on est tous d'accord, et l'ensemble de la commission était d'accord pour dire qu'il fallait maintenir la situation actuelle, c'est-à-dire faire en sorte que, lorsqu'on saisit la justice en matière d'assurances complémentaires à l'assurance-maladie et à l'assurance-accidents, on bénéficie d'une totale gratuité.

Mesdames et Messieurs, cela fait des années que cette affaire d'assurances complémentaires est très compliquée dans notre pays, parce que les assurances de base sont soumises au droit public, alors que les assurances complémentaires sont, elles, soumises au droit privé, ce qui entraîne théoriquement le fait que ce ne soient pas les mêmes tribunaux qui s'en occupent. Par conséquent, depuis des années les cantons ont dû trouver des solutions afin d'éviter que le justiciable, pour une affection, soit obligé de saisir deux instances différentes. La majorité des cantons ainsi que le canton de Genève avaient choisi la solution consistant à dire que leur Tribunal cantonal des assurances sociales était compétent non seulement pour traiter des assurances sociales elles-mêmes, mais qu'il le serait également pour traiter des assurances complémentaires. C'est le cas à Genève, où le Tribunal cantonal des assurances sociales a défini depuis des années le fait qu'il s'occuperait non seulement des assurances sociales proprement dites, mais également des assurances complémentaires; et pas seulement des assurances complémentaires fournies par les caisses maladie, par exemple, en matière d'assurance-maladie - soit les fameuses complémentaires au sens de l'article 12 de la LAMal - mais de toutes les assurances complémentaires qui ont un lien de connexité avec l'assurance sociale.

C'est la raison pour laquelle, dans notre canton, ce tribunal s'est toujours occupé de toutes les assurances complémentaires de soins, mais aussi des assurances d'indemnités journalières, précisément celles dont parlait tout à l'heure Mme Loly Bolay. Les personnes qui saisissaient la justice pour obtenir le versement de ces indemnités journalières n'avaient donc pas besoin d'aller auprès de la justice civile payer des émoluments: elles allaient auprès de la justice administrative, dans une procédure gratuite.

Ce que le Conseil d'Etat a voulu faire avec ses experts, et ce que la commission a souhaité faire ensuite, c'est simplement maintenir ce statu quo, qui paraissait en effet nécessaire d'un point de vue social. Alors pourquoi a-t-on débattu de cela d'abord pendant des heures en commission, et pourquoi en débat-on à nouveau ici ? Parce qu'il y a une ambiguïté dans le code de procédure civile. Il y a une ambiguïté, parce qu'initialement le projet ne traitait pas du tout de cet aspect des choses, mais qu'au cours des travaux aux Chambres fédérales il a été décidé, pour faciliter la vie des assurés, de donner la liberté aux cantons de maintenir la possibilité d'avoir ce que l'on appelle une instance unique, donc un seul tribunal et non pas un double degré de juridiction, en matière d'assurances complémentaires à l'assurance-maladie. Le parlement, cela étant, a créé deux ambiguïtés: premièrement, il s'est occupé de maladie et pas d'accidents; deuxièmement, il n'a pas défini ce qu'était une assurance complémentaire au sens de sa disposition, il n'a pas indiqué si les cantons pourraient avoir une acception large de cette notion.

Alors il est vrai qu'en conséquence, en ce qui concerne les compétences des tribunaux, il va falloir que ces derniers décident s'ils appliquent la jurisprudence genevoise, qui était celle de très nombreux cantons, ou bien s'il y a lieu d'interpréter plus restrictivement toute cette affaire.

Mais tout cela, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui on n'en a cure ! En effet, ce dont on parle, c'est d'une disposition de droit cantonal, qui porte sur notre définition des litiges pour lesquels on veut la gratuité. Nous ne sommes pas du tout liés par ces affaires de jurisprudence, nous devons juste savoir quels sont les litiges pour lesquels nous souhaitons que les choses soient gratuites. Et ce que nous voulons, ce que le Conseil d'Etat veut, ce que la commission veut, c'est le maintien exact de la situation actuelle, c'est-à-dire que l'on continue à interpréter cette norme nouvelle comme on a toujours interprété la situation auparavant, et que l'on ait la gratuité pour toutes les assurances complémentaires connexes aux assurances sociales, y compris toutes les assurances qui portent sur des indemnités journalières.

C'est la raison pour laquelle nous avons estimé qu'il n'était pas nécessaire de voter l'amendement ou les amendements qui nous étaient proposés, tout en ajoutant que si on les votait, on ne ferait pas que conforter notre volonté; au contraire, cela aurait pour effet d'élargir le cercle potentiel des exonérations à des assurances de pur capital, c'est-à-dire à des assurances purement financières qui n'ont plus rien de social, et qui n'ont donc plus rien à voir avec cette notion d'assurances complémentaires à l'assurance-maladie sociale ou à l'assurance-accidents sociale.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je voulais vous rassurer sur l'inutilité de voter l'amendement et sur la nécessité, par conséquent, de le rejeter.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, tout l'art de M. le député Jornot est de nous amener là où il souhaiterait nous amener, avec une part de vérité, puis un raccourci. Alors il a raison, il a raison jusqu'à un certain point. La situation que nous avons connue jusqu'à aujourd'hui était une situation jurisprudentielle. Nous ne reviendrons pas sur la question de savoir quelle est l'autorité qui doit être compétente pour les assurances sociales complémentaires à la maladie ou à l'accident, puisque nous avons trouvé un consensus pour attribuer le tout aux instances administratives; nous parlons ici uniquement de gratuité: quelles sont les causes qui doivent être gratuites ? Je le disais, la jurisprudence avait jusqu'ici considéré - jusqu'à un certain point, puisque personne n'était allé véritablement jusqu'au Tribunal fédéral pour savoir jusqu'où le canton pouvait aller sans franchir la limite - mais le Tribunal des conflits était effectivement allé extrêmement loin en considérant qu'étaient connexes à l'assurance-maladie des assurances perte de gain pour invalidité, voire même, a-t-il laissé ouvert, des assurances décès. Mais personne, que je sache, n'a tenté d'aller devant le Tribunal cantonal des assurances sociales, qui officiait jusqu'au 31 décembre de l'année passée, pour une assurance purement décès; ce serait évidemment un héritier qui aurait dû saisir ce tribunal pour obtenir les prestations.

On nous dit que ce que l'on veut faire entrer dans la loi aujourd'hui serait un pas de trop, qui nous ferait aller plus loin que la situation actuelle. Pas sûr ! Pas sûr, puisque nous ne savons pas, faute d'être allés jusqu'au Tribunal fédéral avant le 31 décembre 2010, quelle aurait été l'interprétation de ce tribunal. Il est important d'avoir à l'esprit, pour ceux qui ne l'ont pas, le texte que la minorité - dont fait partie le MCG concernant ce projet de loi - veut faire passer. A l'article 17, alinéa 3, lettre c, nouvelle, nous demandons qu'il ne soit pas alloué de dépens à la charge de l'assuré ni prélevé de frais judiciaires dans les causes portant sur les assurances de soins, de perte de gain ou de rente en cas de maladie, d'accident ou d'invalidité contractées auprès d'entreprises d'assurances privées - nous parlons évidemment d'assurances privées, et non d'assurances sociales, pour lesquelles le consensus a été trouvé pour cette gratuité.

Nous sommes donc loin des assurances financières dont nous parle M. le député Jornot. Nous avons par définition ici des assurances qu'une personne souscrit pour se prémunir d'une atteinte à la santé. Cette atteinte à la santé, c'est la maladie ou l'accident, il n'y a pas d'autres choix dans notre législation, ni même dans la nature. Cette personne se crée une protection pour l'avenir, et évidemment, lorsque survient le coup du sort, les sommes en jeu peuvent être extrêmement importantes. Et ici plus qu'ailleurs, nous avons un combat du pot de fer contre le pot de terre. Vous avez admis la gratuité dans des litiges du droit des prud'hommes, dans le droit du travail ou dans le droit du bail. Or vous le savez aussi bien que moi, le pot de fer n'est pas toujours du même côté dans ce type de litige: nous pouvons avoir un petit entrepreneur qui est poussé même à la faillite par un travailleur qui ferait valoir des prétentions abusives. Ici, nous avons toujours le pot de fer financier qui est du même côté, du côté de l'assureur; celui-ci le sait très bien et il joue le gong, puisqu'il attend, sachant que l'assuré ne va pas pouvoir engager des sommes considérables pour une procédure - frais d'avocat et frais de justice - alors que c'est précisément sur la valeur litigieuse globale que ces frais seront prélevés.

Ce sont donc évidemment les indépendants qui sont intéressés, mais pas seulement; il y a beaucoup de travailleurs qui décident de se prémunir, sachant que les rentes d'invalidité sont dérisoires dans notre pays. Certains ne sont pas bien assurés, par ailleurs, au niveau du deuxième pilier - voire n'en ont pas parce qu'ils seraient en dessous de la barre pour se constituer une prévoyance professionnelle - et se garantissent une petite rente de 1000 F par mois. Mais 1000 F par mois - par exemple, de 30 à 65 ans, puisque c'est ainsi que l'on conclut ce genre d'assurance - cela fait des sommes considérables ! Il est donc important de prévoir dans ce domaine un équilibre des armes, que l'assuré puisse saisir les tribunaux et qu'il n'ait pas cette épée de Damoclès sur la tête, qui est celle des frais financiers. Vous le savez, il existe l'assistance juridique, mais vous savez aussi à quel point elle est restrictive ! Il suffit que vous ayez 20 000 F d'économies à la banque pour que l'on vous dise que vous n'avez qu'à les investir dans cette procédure pour payer les frais de justice et d'avocat, avant de demander l'assistance juridique.

Tout cela fait réfléchir des assurés, et les assureurs le savent; ils jouent là-dessus, et ils y gagnent, puisqu'il suffit de dire non, avec des experts dont on parlait tout à l'heure - lesquels sont évidemment rémunérés par les assureurs et leur donnent les moyens de résister - pour que l'assuré hésite, et beaucoup renoncent finalement à faire valoir leurs droits. Par conséquent, donnez ce petit coup de pouce supplémentaire aux assurés, c'est-à-dire mettez dans la loi ce qui était déjà la pratique jusqu'au 31 décembre 2010 - c'est mon opinion personnelle, mais je ne suis pas le seul de cet avis-là - pour qu'il n'y ait aujourd'hui plus aucun doute et que les assureurs sachent qu'ils ont en face d'eux des assurés qu'ils ne peuvent pas abuser, mais qui peuvent faire valoir leurs droits. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, je précisais tout à l'heure le contenu de l'enquête suisse sur la santé de 2007, qui posait le constat que le nombre des concitoyens genevois atteints dans leur santé est 10% plus élevé que la moyenne nationale. Cette étude relevait également un autre élément qui me semblait intéressant - et c'est une chose surprenante: en résumé, les pauvres sont plus nombreux que les personnes avec des revenus confortables à souscrire des polices d'assurances complémentaires telles que celles qui sont visées par l'amendement que nous vous proposons ce soir. Mais que le rapporteur de majorité se rassure, j'ai lu attentivement ces lignes, nous n'allons pas galvauder le principe de la gratuité que l'on sait cher à son coeur en acceptant ce soir l'amendement qui vous est proposé.

En revanche, refuser de modifier l'article 17, c'est consacrer - Mme Bolay l'a indiqué - une inégalité de traitement, et je vous donne un exemple assez simple pour illustrer ce fait. Mme Bolay l'a déjà fait pour les indépendants, j'aimerais le faire cette fois par rapport aux salariés. Imaginez un employeur qui ne souscrirait pas d'assurance-maladie perte de gain en faveur de ses salariés. Dans ce contexte-là, le salarié malade devrait agir devant le Tribunal des prud'hommes et pourrait bénéficier de la gratuité que nous avons votée en automne dernier. Si, par contre, l'employeur souscrit une police d'assurance auprès d'une compagnie privée, là le salarié devrait agir et payer des émoluments judiciaires selon la règle qui figure dans le projet que nous avons à traiter ce soir. Il devrait donc payer un émolument, ce qui pose un problème de taille. L'idée de ce projet est assez simple: c'est mettre sur un pied d'égalité le salarié, sans tenir compte du fait que son employeur aurait souscrit une police d'assurance auprès d'une caisse maladie qui à ce moment-là serait visée par le projet de loi actuel ou auprès d'une compagnie privée d'assurance. Cela semble à mon avis un argument de taille pour pouvoir réussir à convaincre les libéraux qui sont dans cette salle.

Mme Mathilde Captyn (Ve). J'aimerais juste rappeler que les Verts se sont battus pour garantir la gratuité en matière de prud'hommes et de baux et loyers, mais aussi en matière d'assurances sociales. Alors non, Monsieur le rapporteur de majorité, ce n'est pas l'entier de la commission qui souhaite en rester là, en matière de gratuité: il y a bien une minorité ce soir - voire une minorité qui risque d'être majoritaire - pour élargir la question des procédures gratuites en matière d'assurances sociales, et c'est la raison pour laquelle nous vous engageons vivement à accepter cet amendement.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Ce débat est de haute tenue, et l'on ne peut que s'en réjouir. L'ennui, c'est qu'il y a trois thèses qui nous sont présentées ce soir. Il y a celle de la majorité de la commission - pas de l'unanimité, certes, Madame Captyn, mais de la majorité. Il y a celle de M. Dandrès, qui nous dit: «Attention, parce que même les complémentaires ordinaires pour perte de gain deviendront désormais payantes.» Et puis il y a la thèse de M. Poggia, qui dit: «Je sais bien que celles-là ne seront pas payantes, mais moi ce qui m'intéresse, ce sont les rentes que les gens peuvent souscrire tout à fait en dehors des assurances complémentaires ordinaires.»

Alors je crois, Mesdames et Messieurs, qu'il faut revenir aux faits, enfin aux droits de base, aux fondamentaux, pour répéter encore une fois de manière absolument catégorique qu'il n'y a pas le moindre doute que, dans la marge de manoeuvre dont les cantons disposent pour fixer eux-mêmes le montant de leurs émoluments, les assurances de perte de gain, d'indemnités journalières pour perte de gain, sont couvertes par notre définition. Elles le sont, et donc l'exemple qui a été donné par M. Dandrès - qui était un exemple tout à fait juste, parce qu'il est nécessaire de prévoir la gratuité pour ce genre de situation - est couvert, car les assurances d'indemnités journalières sont des assurances complémentaires au sens de la jurisprudence et au sens de ce que veut ou de ce que voudra le législateur s'il vote cette disposition, parce que c'est uniquement à la lumière de nos travaux parlementaires que cet article 17 de la loi d'application du code civil sera interprété.

En revanche, en effet, M. Poggia a raison; il a raison en ce qui concerne les assurances qui ne sont pas des complémentaires et qui sont des assurances de rente - parce que ce mot a été subtilement ajouté dans l'amendement qui vous est proposé, par rapport au premier amendement du comité unitaire... Il y a en effet le risque - ce n'est même pas un risque, c'est une probabilité - que ces assurances de rente, qui sont des assurances financières, ne soient pas couvertes par la gratuité. Et c'est juste qu'elles ne le soient pas, parce que ce ne sont pas des assurances qui ont un lien de connexité avec les assurances sociales, c'est aussi simple que cela. Et d'ailleurs c'est tellement vrai qu'il y a un commissaire MCG qui, lors d'une séance de la commission, a dit - je le cite, c'est en page 38 de mon rapport - «qu'il ne faut pas prévoir la gratuité des procédures portant sur les assurances complémentaires. Dans ce genre de litige, les personnes qui n'arrivent pas à payer les frais judiciaires sont rares.» Alors de deux choses l'une: soit elles sont rares, soit elles sont suffisamment nombreuses pour constituer un électorat, mais on ne peut pas dire les deux à la fois. En conclusion, en ce qui me concerne, je vous recommande vivement de rejeter cet amendement.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Très brièvement, j'aimerais dire qu'il s'agit d'une notion du droit fédéral, et c'est le Tribunal fédéral qui va le déterminer. Et c'est là le risque, c'est pour cela que je vous demande de bien réfléchir, parce que l'on ne peut pas empêcher que des personnes aient accès à la justice. Quand je parle de ne pas avoir accès à la justice, je pense au fait de devoir payer des frais de greffe extrêmement importants, voire des dépens. On ne peut donc pas faire deux catégories de personnes, celles qui bénéficient de la gratuité et celles qui n'en bénéficient pas, parce que le risque est grand qu'il y ait une interprétation - on l'a vu tout à l'heure - par rapport aux assurances qui ne sont pas des assurances de base. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter cet amendement.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'il est toujours très agréable, pour ne pas dire populaire, de parler de gratuité des frais de justice, et on a eu l'occasion - comme cela a été rappelé par une députée - d'aborder cette question lors des différents travaux des prud'hommes et d'autres instances. Maintenant, je crois qu'il est juste que chacun doive payer le prix de la justice, et je pense que le critère très objectif qui a été rappelé par le rapporteur de majorité, qui est le lien de connexité, doit prévaloir sur tout le reste. Je vous recommande donc vivement de rejeter cet amendement.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur l'amendement de Mme Bolay, à l'alinéa 10, loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile - H 1 05. Le voici:

«Art. 17, al. 3, lettre c (nouvelle)

3 Il n'est pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens à la charge de l'assuré, dans les causes:

c) portant sur les assurances de soins, de perte de gain ou de rentes en cas de maladie, d'accident ou d'invalidité contractées auprès d'entreprises d'assurances soumises à la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurances (Loi sur la surveillance des assurances, LSA), du 17 décembre 2004.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 45 oui et 2 abstentions.

Le président. Toujours sous l'alinéa 10, nous sommes saisis d'un nouvel amendement de Mme Bolay, relatif à l'article 24 «Notification des actes», nouvelle teneur.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Il est question là du deuxième amendement figurant dans mon rapport de minorité. J'aimerais juste rappeler que le nouveau code de procédure civile pénalise fortement les locataires, car ce nouveau code prévoit des procédures sommaires en matière d'évacuation pour défaut de paiement. Vous le savez, il n'est plus prévu de conciliation en cas de procédure sommaire, comme le stipule l'article 198.

En réalité, l'amendement proposé est presque identique à la disposition qui figurait dans le projet de loi initial du Conseil d'Etat. Il vise à ce que la notification soit obligatoire pour les évacuations en matière de logement. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas besoin de rappeler ici la problématique qui règne à Genève en termes de logements, et la quantité de personnes qui aujourd'hui reçoivent le congé de leur appartement pour des raisons diverses. Il y a beaucoup de personnes qui n'arrivent plus à payer leur loyer et qui sont contraintes, à un moment donné, de se retrouver dans la rue. Cet amendement vise à ce que l'huissier judiciaire puisse, avant l'évacuation, tirer la sonnette d'alarme auprès des personnes concernées afin qu'elles réagissent, parce que, vous le savez - je l'ai indiqué dans mon rapport de minorité - ces personnes ont souvent la tête sous l'eau. Elles ne se présentent même pas au tribunal. Et perdre son logement, c'est la dernière chose qui puisse arriver à un être humain. C'est la raison pour laquelle, puisque le Conseil d'Etat le prévoyait déjà dans son projet de loi initial, je vous demande d'aider ces personnes, car c'est une question d'équité sociale, et de faire en sorte que ce soit un garde-fou pour que ces dernières réagissent avant de se retrouver dans la rue.

Mme Irène Buche (S). Comme vous avez pu le voir sur vos bureaux, le groupe socialiste a également déposé deux autres amendements qui vont dans le même sens. Ma première intervention portera donc sur l'ensemble des trois amendements, et je reviendrai ensuite brièvement sur chacun d'entre eux. Je m'exprimerai d'abord sur l'amendement déposé par Mme Bolay dans son rapport de minorité, qui prévoit la notification des jugements d'évacuation d'un logement par huissier judiciaire. Les deux autres amendements portent quant à eux...

Le président. Madame la députée, allons-y étape par étape ! Il y aura trois votes, et vous pourrez intervenir au sujet de chaque amendement, mais maintenant il est question de celui qui a été déposé par Mme Bolay à l'article 24, nous ne discutons pas des deux autres amendements.

Mme Irène Buche. Très bien, alors je ferai une présentation générale. Ces notifications par huissier judiciaire sont rendues nécessaires par la dureté incroyable qui fait suite à l'introduction du code de procédure civile fédéral à partir du 1er janvier 2011, en particulier en cas de défaut de paiement. Les locataires ont en effet vu diminuer de manière drastique leurs chances de se défendre et de pouvoir conserver leur logement, notamment en cas de résiliation pour défaut de paiement. Tout se règle lors d'une même audience devant le Tribunal des baux et loyers, puisqu'il n'y a en principe plus d'audience de conciliation. Or, comme le disait Mme Bolay, les locataires qui font l'objet de telles procédures ont généralement déjà la tête sous l'eau et rencontrent de nombreux autres problèmes, que ce soient des soucis de santé, familiaux, de chômage, financiers, ou encore des difficultés administratives. En outre, beaucoup d'entre eux ne vont tout simplement plus chercher leurs recommandés, parce que chaque avis jaune mis dans la boîte aux lettres est une source d'angoisse, et ils n'arrivent plus à gérer leurs affaires.

De ce fait, la notification - que ce soit d'un jugement d'évacuation, de la convocation qui précède pour l'audience ou, ensuite, de la sommation faite avant l'évacuation - permet au locataire d'être au courant de ce qui se passe, de se défendre, de demander peut-être de l'aide à un service social, de négocier avec son bailleur et d'essayer de conserver son logement. Il est donc absolument essentiel - et je finirai par là pour cet amendement - que les jugements d'évacuation soient notifiés par huissier judiciaire, pour que l'on soit sûr que tous les locataires en aient bien connaissance et qu'ils puissent y réagir en temps voulu, de manière adéquate, pour maintenir leur logement.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cet amendement ne nous rajeunit pas; il nous replonge au contraire il y a bien longtemps, puisque cela fait quelques décennies que nous avons abandonné les pratiques napoléoniennes consistant à utiliser les huissiers dans le cadre des procédures judiciaires. Nous avions à l'époque importé de la France certaines pratiques, dont celle consistant précisément à ce que les parties à un procès civil se servent des écritures par le biais des huissiers, qui allaient avec beaucoup de solennité annoncer à la partie adverse qu'elle faisait l'objet d'une citation en justice. On appelait cela un exploit.

Et puis, il y a quelque temps, cette pratique a été jugée archaïque; c'était en 1977. En 1977, on a voté une loi de procédure civile toute neuve, et à ce moment-là on s'est dit que l'histoire des huissiers qui viennent en livrée apporter un jugement sur un plateau d'argent était un peu désuète, qu'il fallait que l'on passe à quelque chose de nouveau, et l'on a donc supprimé le rôle des huissiers dans les notifications des actes de procédure. Et, pendant trente-quatre ans, tout s'est très bien passé; pendant trente-quatre ans, personne n'a eu l'idée de dire que les locataires voyaient leur situation dégradée parce qu'ils ne recevaient pas leur jugement d'évacuation par le truchement d'un huissier.

Ensuite, il y a effectivement eu le code de procédure civile qui - Mme Bolay l'a dit - a accéléré la procédure d'évacuation en supprimant l'essai obligatoire de conciliation. Et à ce moment-là - vous vous en souvenez, Mesdames et Messieurs les députés, on en a longuement parlé dans cette salle lors du vote de la loi d'application du code civil - nous avons dû, dans notre commission, réfléchir à des solutions permettant d'amortir en quelque sorte le choc de l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions fédérales, et nous l'avons fait. Nous l'avons fait, et de manière qui nous distingue d'ores et déjà - c'est une Genferei - des autres cantons. Du reste, je recommande vivement à tous les députés intéressés, notamment à ceux de l'ASLOCA, de prendre connaissance de cet excellent ouvrage de David Lachat, intitulé «Procédure civile en matière de baux et loyers», édition de l'Association suisse des locataires. Lisez-le ! Lisez-le, et vous verrez que le canton de Genève est l'un des seuls qui a maintenu une juridiction spécialisée paritaire séparée en matière de baux et loyers, et nous sommes cités ici pour ce que nous avons seuls mis en place concernant les procédures d'évacuation, à savoir l'obligation de statuer en présence de représentants des services sociaux et de représentants des services étatiques qui sont à même de fournir des logements. Nous avons donc déjà fait beaucoup, en tout cas beaucoup plus que les autres cantons.

Et puis dans le cadre du projet de loi-balai, sur proposition du Conseil d'Etat, qu'avons-nous fait ? Nous avons déjà réintroduit les huissiers judiciaires, M. Lefort le disait tout à l'heure. En effet, alors qu'ils étaient complètement écartés de la nouvelle procédure, nous avons exigé qu'ils soient mis en oeuvre avant une procédure d'évacuation, précisément pour jouer ce rôle de sonnette d'alarme ou de trompette, que sais-je, que les huissiers peuvent jouer, afin de signifier le caractère solennel du moment.

Faut-il, au-delà de cela, réintroduire le rôle des huissiers pour apporter une enveloppe dans laquelle se trouve un jugement ? On nous dit, du côté des partisans de l'amendement, que tout ce qui rend la chose plus solennelle est de nature à faire réagir le locataire. C'est certainement vrai. Le problème est de savoir si cela sert à quelque chose, et la réponse est non, parce qu'au moment où l'on notifie le jugement d'évacuation, c'est beaucoup trop tard. Le moment où le locataire peut réagir, c'est quand il reçoit la mise en demeure qui l'invite à rattraper son arriéré, sans quoi le bail sera résilié. S'il a négligé cette étape, s'il a négligé toutes les étapes qui suivent, eh bien, la seule chose que l'Etat peut faire pour le locataire en question, c'est lui fournir un logement de remplacement, et ce n'est en tout cas pas lui envoyer un huissier galonné pour lui apporter son jugement.

Mesdames et Messieurs les députés, il serait quand même étonnant, au moment où nous modernisons nos institutions judiciaires pour la réforme Justice 2011, que nous fassions un bond en arrière, que nous retournions dans les années 70, que nous nous retrouvions au code Napoléon, et que nous réintroduisions cette figure certes fort sympathique de l'huissier, mais qui n'a rien à voir dans une procédure moderne. Non, par rapport à nos neuf malheureux huissiers actuels, il ne faut pas créer des postes d'huissier supplémentaires uniquement pour le plaisir d'apporter des enveloppes contenant des jugements. Je vous recommande donc de refuser cet amendement.

M. Vincent Maitre (PDC). Je ne peux qu'abonder dans le sens des propos qui viennent d'être tenus par M. Jornot. Pour le surplus, je n'arrive toujours pas à souscrire à cet argument qui a été maintes et maintes fois exposé en commission, lequel consiste à dire qu'un huissier qui aurait pour mission de signifier un jugement d'évacuation - ou plutôt une exécution d'évacuation - servirait à tirer une ultime sonnette d'alarme pour le locataire qui doit, ce coup-ci, quitter le logement qu'il habite. Je vous rappellerai quand même juste une chose: à ce moment-là de la procédure, quand réellement la personne doit quitter son logement, deux voire trois ans de procédure judiciaire se sont déjà écoulés, et il y a eu de multiples coups de sonnette d'alarme lors de cette procédure d'évacuation.

Prenons l'exemple du défaut de paiement, mais il en existe d'autres. Lorsque vous êtes en défaut de paiement, la première chose que votre bailleur fait consiste à vous envoyer un rappel pour vous signaler que votre loyer doit être acquitté, la plupart du temps à l'avance. Vous recevrez ensuite un deuxième rappel. A la fin, après parfois plusieurs semaines, plusieurs mois, votre bailleur sera obligé, à l'aide d'une formule officielle, de vous signifier qu'à défaut de paiement dans les trente jours votre bail pourra être résilié. A ce stade, plusieurs mois se sont déjà écoulés. Si réellement une procédure d'évacuation est lancée pour défaut de paiement, alors ce qu'a dit Mme Buche est vrai: avec le nouveau code de procédure civile, c'est une procédure dite «procédure sommaire» qui est lancée, laquelle implique qu'il n'y a pas de procédure de conciliation, parce qu'une procédure d'évacuation pour défaut de paiement est réputée être un cas clair. J'aimerais toutefois reprendre les propos qu'a tenus en commission, devant nous, M. Christian Grobet, éminent membre de l'ASLOCA: à réitérées reprises, il nous a dit qu'il y avait des classeurs entiers d'arrêts du Tribunal fédéral pour nous expliquer que les cas n'étaient jamais si clairs que cela, et que par conséquent les éminents juristes de l'ASLOCA trouveront toujours des moyens de faire durer les procédures, de parvenir à des arrangements et de résoudre les cas litigieux. Et c'est réellement ce qui se passe en pratique dans l'immense majorité des cas.

Je rappelle aussi que la commission de conciliation se vantait d'avoir le taux de conciliation le plus élevé de toute la république. Pourquoi ? Evidemment en raison de leurs compétences, mais aussi surtout parce que personne, bailleurs y compris, n'a intérêt à évacuer un locataire, gardant ainsi une créance qu'il n'est absolument pas sûr de recouvrer un jour. Le bailleur comme le locataire ont à tous les coups avantage à trouver des solutions négociées de rattrapage de loyer et à laisser le locataire dans son appartement, le bailleur recouvrant ainsi ses arriérés. Je le répète, ce dernier a moins grand intérêt à évacuer purement et simplement un locataire et à le jeter à la rue, tel qu'il est exposé.

Si je reviens maintenant à l'amendement socialiste qui consistait à dire qu'il fallait un accès à la justice pour le plus grand nombre, et donc à rendre gratuites les procédures en matière d'assurances sociales - ou plutôt non, en matière d'assurances complémentaires - eh bien, je m'étonne que ces mêmes socialistes nous disent aujourd'hui qu'il faille notifier systématiquement et à chaque fois, par voie d'huissier judiciaire, des jugements, des jugements d'évacuation. Cela implique des frais, et ce sont évidemment des frais qui seront à la charge d'un locataire qui, par définition - cela a été dit - a déjà parfois la tête sous l'eau, parce qu'il n'a pas pu payer son loyer.

J'ai également entendu dire tout à l'heure - et cela m'a un peu amusé - que les courriers recommandés de notification de jugement d'évacuation constitueraient un stress absolument insoutenable pour le justiciable. Mais que dire alors de la présence d'un huissier judiciaire qui vient vous signifier directement votre jugement en sonnant à votre porte, et qui, parce que c'est son métier, vous dit que vous devez maintenant effectivement quitter les lieux séance tenante ? J'ai l'impression que la deuxième solution préconisée est immensément plus stressante que la première.

M. Jacques Béné (L). Malheureusement, ce parlement n'est pas là pour corriger ce qui a été décidé par le Parlement fédéral. Le code civil est modifié, c'est un fait, la procédure sommaire existe dorénavant, et nous n'avons pas, nous, à essayer de contrer ce qui a été voulu par le Parlement fédéral. C'est le premier point.

Le deuxième, c'est qu'un huissier judiciaire n'a jamais empêché une évacuation, si évacuation il doit y avoir. Alors c'est vrai que l'on pourrait très bien rajouter des huissiers judiciaires et la notification peut-être même des rappels, des mises en demeure; on pourrait même demander à un huissier judiciaire d'être présent lors de la signature du bail, pour bien rappeler au locataire qu'il doit faire attention et payer son loyer, sans quoi il risque d'avoir des problèmes.

Mesdames et Messieurs, il faut être sérieux ! Au moment où la notification de la convocation est faite au locataire défaillant, dans la grande majorité des cas le locataire a déjà été plusieurs fois rendu attentif aux problèmes qu'il pouvait avoir s'il ne payait pas son loyer. Alors, dans la mesure où aujourd'hui les propriétaires ne sont absolument pas obligés d'envoyer un rappel, dans la mesure où les propriétaires peuvent demander trois mois d'avance pour le paiement du loyer si à plusieurs reprises le locataire ne s'acquitte pas de son loyer d'avance, eh bien, Mesdames et Messieurs, si vous continuez à toujours vouloir rallonger les procédures et les rendre de plus en plus onéreuses, il y a fort à parier que les propriétaires se décident un jour ou l'autre à changer de méthode. Ce serait regrettable pour tout le monde mais, avec vos agissements, c'est ce qui risque d'arriver. En conséquence, je vous invite à refuser l'ensemble de ces amendements qui concernent les notifications ou la présence renforcée d'huissiers judiciaires.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Très brièvement, j'aimerais répondre à M. Béné pour lui dire que lui parle d'une procédure qui est arrivée à échéance le 31 décembre 2010. Aujourd'hui, on est dans une autre procédure ! Actuellement, le code de procédure civile ne prévoit que des procédures sommaires en cas d'évacuation pour défaut de paiement. Il n'y a plus de conciliation ! Monsieur le député, vous êtes en train de parler d'une procédure qui n'existe plus ! Aujourd'hui, on est dans un autre cas de figure.

Et pour répondre à M. Jornot, je lui dirai que c'est quand même extraordinaire: nous sommes peut-être archaïques, nous, la minorité, parce que nous sommes la minorité de la minorité, mais je vous rappelle quand même que la proposition du Conseil d'Etat, dans le projet de loi initial, prévoyait exactement la même chose. La seule différence, c'est qu'à la fin de la phrase le Conseil d'Etat avait écrit «pour les jugements portant sur l'évacuation d'un logement d'habitation», alors que nous, nous avons mis «pour les jugements d'évacuation en matière de logement». C'est tout ce qui change, tout le reste est identique ! Alors nous sommes peut-être archaïques, mais le Conseil d'Etat l'est tout autant que nous. (Exclamations.) Cependant le Conseil d'Etat a vu juste, dans la mesure où, comme je le disais à M. Béné, c'est la situation actuelle qui prévaut. Comme il y a quelques années, on est face à un problème de pénurie de logements énorme, et il y a de nos jours des gens qui viennent à Genève et qui peuvent payer entre 3000 et 6000 F un loyer qui en vaut 1500 à 2000 ! Et aujourd'hui, les gens se retrouvent dans des situations désastreuses ! C'est la raison pour laquelle cet amendement est un garde-fou vis-à-vis des personnes qui se trouvent soit au chômage, on l'a dit tout à l'heure... (Remarque.) Mais non, c'est juste ! Vous, vous parlez d'une procédure qui n'existe plus ! Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, on a un véritable problème, et je vous demande donc d'accepter cet amendement. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la rapporteuse. Nous allons nous prononcer sur l'amendement de Mme Bolay:

«Art. 24 Notification des actes (nouvelle teneur)

1 Les huissiers judiciaires peuvent être requis pour procéder à la notification des actes. Cette notification est obligatoire pour les jugements d'évacuation en matière de logement.»

Une voix. Appel nominal !

Le président. Etes-vous soutenu dans votre demande ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il en sera fait ainsi.

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 62 non contre 13 oui et 18 abstentions.

Appel nominal

Le président. Nous sommes toujours à l'alinéa 10, loi E 1 05. Nous sommes saisis, par Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay, d'un amendement à l'article 24, alinéa 2, nouveau.

Mme Irène Buche (S). Certains d'entre vous disaient tout à l'heure qu'au moment de la notification du jugement d'évacuation c'était trop tard, puisque le locataire faisait déjà l'objet d'un jugement. L'idée est donc de notifier aux locataires, par huissier judiciaire, la convocation du Tribunal des baux et loyers, afin qu'ils prennent toute la mesure de la gravité de leur situation, et ce toujours pour les mêmes raisons: parce que les locataires qui ont des problèmes de paiement de loyer connaissent souvent beaucoup d'autres difficultés, ne vont pas chercher leurs recommandés, ne savent plus où ils en sont et ne réagissent pas à temps. Nombre d'audiences au Tribunal des baux et loyers, pour défaut de paiement, se passent sans les locataires ! Et c'est justement pour éviter cette situation-là que nous proposons que ces convocations soient notifiées par huissier judiciaire. Cela aura pour avantage que le locataire concerné pourra savoir qu'il est menacé, que son logement est en danger; il aura donc la possibilité de se préparer, de se ressaisir, de se rendre dans un service social pour se faire aider, et c'est vrai que cela peut parfois permettre, au moment de l'audience de jugement, de trouver des accords avec le bailleur. (Brouhaha.)

Par conséquent, même si le système de notification par huissier judiciaire est, semble-t-il, un mode archaïque, il est extrêmement utile, ne serait-ce que pour empêcher qu'il y ait des évacuations de locataires en masse. J'aimerais quand même vous dire qu'il y a des centaines de jugements d'évacuation qui sont prononcés chaque année et qu'il y a beaucoup de locataires qui se font évacuer. Et, contrairement à ce que l'on semble croire, l'Etat nous dit toujours qu'il n'a pas de logements d'urgence. Donc, beaucoup de gens se retrouvent à la rue, sur le canapé d'un copain pendant une semaine, puis ailleurs une autre semaine. Il y a aussi des familles qui se font évacuer et qui se retrouvent à l'hôtel. C'est inadmissible, et il faut donc tout faire pour que cela n'arrive pas. Il me semble que cet amendement - qui consiste en l'ajout d'un alinéa 2 à l'article 24 - permettrait d'éviter beaucoup de problèmes en amont, et c'est la raison pour laquelle je vous demande de le soutenir. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous avons dit tout à l'heure concernant la notification par les huissiers du jugement vaut mutatis mutandis pour les convocations. Avec cette précision que cet amendement dénote, de la part du groupe socialiste, non seulement un sens effectivement raffiné de l'archaïsme, mais aussi et surtout une absence de foi totale dans les nouvelles procédures qui ont été mises en place - notamment avec votre aval - devant le Tribunal des baux et loyers à l'article suivant, c'est-à-dire à l'article 26 de la loi d'application du code civil. Nous avons précisément mis en place tout un dispositif pour que, en dépit du caractère relativement rapide du droit fédéral, on puisse devant le Tribunal des baux avoir des accords de rattrapage et éviter des évacuations.

Dans le fond, cela signifie que, dans la pratique, le nombre des jugements est déjà relativement important, mais que le nombre de convocations est, lui, gigantesque, parce qu'ensuite un grand nombre de cas est résolu devant le tribunal. Donc ce que vous nous proposez, c'est une usine absolument invraisemblable ! Cette fois-ci, ce n'est pas quelques huissiers, c'est une armée d'huissiers qu'il faudrait engager pour sillonner la ville afin d'apporter des convocations... Je vous en prie, restons raisonnables et refusons cet amendement.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Bien évidemment, le groupe UDC refusera cet amendement, et je suis particulièrement choquée de voir que l'on puisse déposer des amendements de la sorte. Lorsqu'un citoyen ne paie pas, il est complètement débordé, il ne sait pas ce qu'il doit faire. Il manque à son devoir, on lui fait un rappel - non recommandé - qu'il reçoit dans sa boîte aux lettres. Premier point. Il ne le paie pas. Il y a ensuite un deuxième envoi, toujours non recommandé, ce qui signifie qu'il n'a pas besoin de se rendre à la poste. Il y a enfin un troisième envoi, une sommation. Et après seulement, nous arrivons au recommandé. Alors si cette personne-là ne paie pas, vous n'allez pas encore demander que l'on fasse venir chez elle un huissier ! Franchement, c'est juste n'importe quoi !

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, le scandale, c'est qu'il y a deux poids deux mesures. En effet, lorsqu'il s'agit de notifier des poursuites à une personne qui ne paie pas telle ou telle entreprise, là on va jusqu'à déléguer la police pour aller les lui porter, pour être sûr que la personne reçoive bien sa notification de poursuite et la signe. Or ici, alors qu'on pourrait tenter d'épargner ne serait-ce qu'à une ou deux familles de devoir faire du camping dans le salon de leurs amis - lorsqu'ils en ont... Eh bien, ici, on pourrait prendre des mesures susceptibles de sauver des situations qui sont déjà difficiles.

Mesdames et Messieurs les députés, on peut certes imaginer que les gens savent lire et écrire, qu'ils sont capables de réagir, mais je crois que là il y a une disproportion et une non-vision... Dans ce parlement, j'ai l'impression que l'on est déconnecté d'une réalité qui se passe tous les jours à Genève ! Et cela ne nous coûte pas grand-chose d'essayer de mettre tout en oeuvre pour que des gens ne se retrouvent pas à la rue, y compris - et surtout ! - des familles. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement de Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay. Il consiste à ajouter un alinéa 2 à l'article 24:

«Art. 24, al. 2 (nouveau)

2 La notification par huissier judiciaire est obligatoire pour les convocations du Tribunal des baux et loyers en cas de procédure d'évacuation pour défaut de payement en matière de logement.»

Une voix. Vote nominal !

Le président. Etes-vous suivi dans votre demande ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, par quelques voix.

Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 56 non contre 13 oui et 16 abstentions.

Appel nominal

Le président. Toujours sous l'alinéa 10, nous passons à l'article 25, alinéa 3, nouveau. Nous sommes saisis d'un amendement de Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay.

Mme Irène Buche (S). L'article 25, alinéa 3, de la loi d'application du code civil suisse - LaCC - tel qu'il est sorti des travaux de la commission ne prévoit qu'une simple intervention d'un huissier judiciaire avant l'évacuation. Qu'est-ce que cela signifie ? L'huissier judiciaire vient frapper à la porte un jour avant, une demi-journée avant ou deux jours avant, pour dire: «Attention, on va vous évacuer» ? Cela ne sert à rien ! Ce qu'il faut, c'est une véritable sommation de l'huissier judiciaire, une notification du jugement par sommation, comme cela s'est fait jusqu'à maintenant. Ce n'est pas si archaïque, puisque cela se pratiquait sous l'ancien droit. Ainsi, le locataire savait, avant d'être convoqué chez le procureur général - puisque c'était la procédure en vigueur jusqu'à fin 2010 - et était à nouveau averti qu'il risquait d'être évacué. Cela lui donnait une nouvelle chance de réagir.

Là, on ne parle plus de sommation avant une audience, mais de sommation après l'audience; cela permet cependant au locataire concerné de savoir qu'il a peut-être encore le temps - car on a demandé que cela soit fait un mois au moins avant l'exécution - de tenter une négociation de la dernière chance, ou en tous les cas de s'organiser et de faire le siège des différents offices sociaux, de l'office du logement, etc., pour essayer de trouver un logement. C'est la moindre des choses avant que quelqu'un se retrouve à la rue.

Vous avez peut-être tous vu ce reportage de «Temps Présent» sur les évacuations, qui fait franchement froid dans le dos. On dit à quelqu'un: «Bonjour, prenez vos affaires !», et l'on change les serrures... C'est inadmissible dans notre société. Nous vous proposons des mesures simples pour empêcher ce genre de drames, et je vous invite donc à soutenir cet amendement. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jacques Béné (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'impression que le groupe socialiste... Je ne sais pas, moi, il y a des huissiers dans la famille ? Parce que ce n'est pas possible ! (Rires. Applaudissements.) Je n'en reviens pas ! Jusqu'où allez-vous aller ? (Commentaires. Le président agite la cloche.)

Le président. Monsieur le député, restez-en au sujet !

M. Jacques Béné. Je suis désolé, je suis tout à fait dans le sujet, Monsieur le président !

Au moment où l'évacuation a été prononcée... Je rappelle d'ailleurs, Madame Buche, que c'est vous qui aviez réussi à faire passer dans ce parlement un article dans la LOJ, qui vise justement à surseoir à l'évacuation en cas de motif humanitaire. Alors s'il n'y a pas de motif humanitaire, eh bien on le sort, le locataire ! Et au moment où l'huissier va trouver le locataire pour lui dire: «Cela fait deux ans que vous ne payez pas votre loyer, faites attention, parce que j'ai l'impression que l'on va vous mettre dehors, et cela dans un mois», que va faire le locataire ? Il va lui dire: «Ecoutez, je ne peux pas partir, je ne sais pas où aller !» Alors que va répondre l'huissier ? Il va lui rétorquer: «Eh bien écoutez, je suis désolé, je n'ai pas quinze logements sous la main pour que vous puissiez y habiter. Toute la procédure a été épuisée, il faut maintenant partir.» Et que va faire le locataire à ce moment-là ? Il va lui demander: «Mais vous êtes sûr ?», ce à quoi l'huissier va répondre: «Oui, je suis sûr, vous devez partir.» Et enfin le locataire va dire: «Ah bon, eh bien d'accord, alors je vais partir» ? Mais ça devient ridicule, Madame Buche ! Arrêtez avec ces huissiers ! Arrêtez ! On a accepté de laisser dans la loi l'article 25, alinéa 3, il y a effectivement un huissier présent avant ou lors de l'intervention de la police le cas échéant, c'est suffisant - ça suffit ! (Commentaires.)

Des voix. Bravo !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, certaines fois, j'ai honte d'être à Genève, et je vais vous expliquer pourquoi. (Commentaires.) L'amendement des socialistes part d'un très bon principe, et il faut le dire et le souligner, alors pourquoi ai-je honte ? Parce qu'on vient d'entendre la question suivante: «Vous avez des huissiers dans la famille ?» Mais rappelez-nous, Monsieur le député Béné, quelle est votre profession: vous n'êtes pas par hasard dans l'immobilier ? Non, bien sûr ! Ce serait évidemment une coïncidence extraordinaire ce soir ! Et moi j'ai honte, parce qu'aujourd'hui nous avons pris en otage la population genevoise avec des loyers qu'elle ne peut plus payer, et cela, Mesdames et Messieurs, c'est une responsabilité collective de nous tous. En effet, quand on veut construire à Genève, eh bien on ne le peut plus, alors que demande-t-on aux gens ? On leur dit en quelque sorte: «Eh bien taisez-vous, et payez des loyers que de toute façon vous ne pourrez pas payer.» Et c'est ça le vrai problème ! Ce n'est pas l'histoire d'envoyer un huissier pour essayer de retarder l'expulsion: c'est avant qu'il faut agir ! Et au lieu de s'écharper sur des histoires d'huissiers, en disant qu'il conviendrait de mettre un huissier ici ou là, il faudrait construire des logements bon marché et de qualité pour la population genevoise. Et là évidemment, les partis de droite sont aux abonnés absents, parce que c'est mieux d'avoir des loyers très chers... Et finalement, cela convient aussi à la gauche, avec tous les vice-présidents de l'ASLOCA que l'on a en face, parce qu'ils pourront continuer à dire: «Vous voyez, les locataires, nous vous défendons, nous !» Mais quand il faut déclasser des zones agricoles pour construire, là, évidemment, la gauche dit: «Non, écoutez, il y a les cardons...» (Commentaires. Le président agite la cloche.) Vous savez, les cardons, c'est vachement bien pour les Genevois, mais ce n'est pas cela qui va leur donner un toit sur la tête, Mesdames et Messieurs ! Et c'est pour cela que parfois j'ai honte d'être à Genève, parce que nous sommes en train de perdre plus d'une heure sur ces débats pour savoir si l'on doit déléguer un huissier lorsqu'on va expulser une famille genevoise... Non, Mesdames et Messieurs, ce n'est définitivement pas comme ça que je vois mon mandat de député ! Ce que nous voulons, au MCG, ce sont des logements bon marché pour la population genevoise.

Quant à l'amendement, nous continuerons à nous abstenir, parce que de toute façon cela ne sert à rien ! C'est avant qu'il faut agir... Mademoiselle Amaudruz ! (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député, pour ce grand moment de soliloque. La parole est à M. le député Olivier Jornot.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, pour vous dire la vérité, moi je suis assez d'accord avec ce que vient de dire M. Stauffer. Effectivement, si je compte le nombre d'heures où l'on a parlé d'huissiers entre la commission et ce plénum, il est assez frustrant d'imaginer que l'on passe sous silence tout le reste. Certes, M. Stauffer va très loin en décrivant le reste à grands traits; moi je vous parle de tout le reste de ce que l'on a fait, et effectivement il est un peu déprimant de parler ce soir d'huissiers judiciaires pendant des heures.

Ici, ce qui nous est demandé, Mesdames et Messieurs, c'est de récrire l'article 25, alinéa 3, qui est dans la loi, de manière à être certains qu'il ne soit plus conforme avec le droit fédéral. C'est cela, ce que vous nous proposez ! Parce qu'on est allé le plus loin possible en imposant l'intervention de l'huissier avant l'exécution de l'évacuation, et vous, pour être sûrs de pousser la chose trop loin, vous nous demandez que ce soit une sommation et qu'il y ait un délai, alors que vous savez très bien - ou que vous devriez très bien savoir - que le code de procédure civile ne permet pas d'édicter des normes de procédure cantonale et que, donc, ce que vous voulez nous faire écrire est tout simplement contraire au droit fédéral. Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, contentons-nous de ce que nous avons fait: nous avons déjà mis des huissiers dans cette loi, cela suffit, et rejetons cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. Vincent Maitre... qui renonce. Je passe donc le micro à Mme Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. C'est en tant que chef de groupe que je prends la parole maintenant. Le principal intéressé est sorti de la salle, mais il est vrai que c'est un peu facile de juste faire de l'esbroufe, des grands discours politiques, et de nous réduire, pour certains, à la question des huissiers. Je crois qu'il y a des circonstances où l'on peut faire des grands discours politiques, dans les partis par exemple, mais ici, on vote des lois. Il y a parfois des lois générales, comme la loi sur les Cherpines, pour laquelle il y a eu une prise de position très claire pour le oui de la part du parti socialiste - et c'est peut-être aussi pour ça que cette loi a passé, Mesdames et Messieurs - mais indépendamment de ce projet-là, il est des sujets, des lois comme celle-ci où l'on entre dans les détails, et je ne trouve vraiment pas très honnête de la part de certains députés de faire de l'esbroufe et de réduire le parti socialiste à la question des huissiers. Eh bien oui, nous sommes en train de discuter d'un problème très pratique, très technique, très particulier, qui touche un certain nombre de personnes dans la population genevoise. Que vous ne soyez pas d'accord avec nous par rapport aux huissiers ou aux méthodes que l'on propose dans cette loi, c'est une chose, mais de là à nous ridiculiser, ça, je ne peux pas l'accepter ! On a le droit de proposer des améliorations pour les concitoyens et les conditions de vie de certaines personnes dans cette république à des moments de leur vie, et je vous prie de respecter cela en termes politiques ! Que vous refusiez ou que vous acceptiez notre amendement, c'est votre prise de position, mais pas de ridiculisation de ce que nous proposons, s'il vous plaît, surtout dans ce cas-là ! (Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Très brièvement, Monsieur le président, je reviens sur ce que disait M. Béné: il y a tout dans l'article 25, alinéa 3. Je vais vous le lire: «Lorsque l'évacuation porte sur un logement, l'exécution du jugement par la force publique est précédée de l'intervention d'un huissier judiciaire.» Cela me fait penser à la situation dans laquelle on disait à un condamné à mort qu'il avait droit, juste avant, à un très bon repas ainsi qu'à une cigarette... Là, c'est la même chose: «L'huissier judiciaire va venir dans une heure et vous serez expulsé de votre logement.» A quoi cela rime-t-il ? Est-ce vraiment cela qu'on veut pour les locataires de Genève ?

Pour répondre à M. Stauffer, j'aimerais tout simplement lui rappeler que le groupe socialiste ainsi que le parti socialiste ont accepté le déclassement des Cherpines ! Parce qu'on a besoin de logements.

Le président. Merci, Madame la rapporteuse. Nous sommes maintenant en procédure de vote sur l'amendement de Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay:

«Art. 25, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsque l'évacuation porte sur un logement, l'exécution du jugement par la force publique est précédée par une sommation faite à la partie concernée par huissier judiciaire, au moins un mois avant l'exécution.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 13 oui et 14 abstentions.

Mis aux voix, l'alinéa 10 (loi E 1 05) est adopté.

Le président. Nous passons à l'alinéa 11. Ce dernier contient les modifications à la loi concernant le traitement et la retraite des magistrats du pouvoir judiciaire, E 2 40. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot, rapporteur de majorité:

«Art. 5 Indemnités aux juges de la Cour d'appel du pouvoir judiciaire, aux juges suppléants et aux juges assesseurs (nouvelle teneur, avec modification de la note)

Un règlement du Conseil d'Etat fixe le montant des indemnités que reçoivent:

a) les juges de la Cour d'appel du pouvoir judiciaire;

b) les juges suppléants;

c) les juges assesseurs.»

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, il s'agit d'un amendement purement formel pour rectifier une rédaction déficiente.

Présidence de Mme Elisabeth Chatelain, deuxième vice-présidente

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons passer au vote de cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 86 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 11 (loi E 2 40) ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous passons maintenant à l'alinéa 12, loi E 3 10. Cet alinéa contient les modifications à la loi sur le Tribunal des prud'hommes. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot: «Art. 15, al. 2 (biffé)».

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, nous avions eu une excellente idée en commission, qui s'est avérée être une mauvaise idée. Nous vous proposons donc de biffer cette mauvaise idée, sans entrer dans les détails !

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 86 oui (unanimité des votants).

La présidente. Toujours à l'alinéa 12, nous sommes saisis d'un nouvel amendement de M. Jornot:

«Art. 27, al. 4 (nouveau)

4 L'article 7, alinéa 3, ne s'applique pas aux conciliateurs en fonction lors de l'entrée en vigueur de la présente loi.»

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, à un moment donné nous avons pensé à avoir une disposition transitoire permettant le maintien de tous les présidents des tribunaux de prud'hommes qui n'ont pas les formations désormais exigées pour les présidents. A l'époque, le Conseil d'Etat et nous-mêmes n'avons pas pensé à faire de même pour les conciliateurs; nous réparons donc ici cette omission, parce qu'il y a une ou deux personnes qui concilient très bien sans être bardées de diplômes. En conséquence, je vous recommande d'approuver cet amendement.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 87 oui et 1 abstention.

Mis aux voix, l'alinéa 12 (loi E 3 10) ainsi amendé est adopté, de même que l'alinéa 13 (loi E 3 60).

La présidente. Nous passons à l'alinéa 14. Ce dernier contient les modifications à la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale, E 4 10. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot:

«Art. 86, let. d (nouvelle)

d) la loi relative au concordat sur l'entraide judiciaire et la coopération intercantonale en matière pénale, du 10 juin 1993.»

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, il y a un certain nombre de concordats qui ne sont plus nécessaires suite à l'entrée en vigueur des nouveaux codes. Nous avons déjà voté ou proposé l'abrogation de toutes sortes de concordats en matière de procédure civile, et il s'avère qu'il y en a également un en matière de procédure pénale, raison pour laquelle il s'agit de l'abroger en votant cet amendement.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous sommes maintenant en procédure de vote concernant cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 82 oui et 4 abstentions.

Mis aux voix, l'alinéa 14 (loi E 4 10) ainsi amendé est adopté.

La présidente. Nous passons à l'alinéa 15. Il contient les modifications à la loi sur la procédure administrative, E 5 10. Nous sommes saisis d'un autre amendement de M. Jornot:

«Art. 10, al. 4 (nouveau)

4 Les dispositions réglementaires édictées par le Conseil d'Etat en matière d'assistance juridique s'appliquent pour le surplus.»

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, il y a en effet un amendement qui vise à rectifier une omission en matière d'assistance juridique pour rappeler la compétence du Conseil d'Etat en la matière.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous passons au vote sur cet amendement. (Remarque de M. Olivier Jornot.) Ne me tentez pas, Monsieur Jornot, ne me tentez pas !

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 83 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 15 (loi E 5 10) ainsi amendé est adopté, de même que l'alinéa 16 (loi E 6 05).

Le président. Nous sommes à présent à l'alinéa 17. Il contient les modifications à la loi sur la profession d'avocat, E 6 10. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Jornot:

«Art. 36, al. 2 et 3 (nouvelle teneur), al. 4 (nouveau)

2 Cette commission est composée du président de la Cour de justice ou d'un vice-président désigné par lui, qui la préside, du président du Tribunal civil ou d'un vice-président désigné par lui, et de 4 avocats, 1 titulaire et 3 suppléants, nommés par le Conseil d'Etat après consultation des organisations professionnelles d'avocats.

3 Le secrétariat de la commission est assuré par le département.

4 Les membres de la commission sont soumis au secret de fonction. Si nécessaire, le Conseil d'Etat fixe par voie réglementaire les autres modalités de fonctionnement de la commission.»

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Ce que l'on appelle les commissions de taxation des honoraires des professions juridiques était l'un des points qui devaient être réglés dans cette loi-balai. Nous avons donc recherché toutes sortes de solutions pour maintenir un système souple et efficace comme aujourd'hui et en même temps être conformes au nouveau droit fédéral. Finalement, nous avons arrêté une solution qui, une fois testée dans le grand public, a suscité quelques réactions syndicales, puisque l'Ordre des avocats nous a écrit en faisant part de son courroux. Alors ce que vous avez ici dans cet amendement, eh bien c'est un compromis entre le compromis et la proposition courroucée, c'est donc de ce fait la meilleure des solutions, et la commission vous propose à l'unanimité de l'adopter.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant pas demandée, nous passons au vote de cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 86 oui (unanimité des votants).

Le président. Toujours à l'alinéa 17 - loi sur la profession d'avocat E 6 10 - nous sommes saisis d'un amendement de Mmes Bolay et Captyn à l'article 37, alinéa 4. Il s'agit de supprimer la dernière phrase: «Elle peut exiger que la partie requérante en fasse l'avance.» Je passe la parole à Mme Bolay. (Remarque.)

M. Eric Stauffer (hors micro). Monsieur le président, conformément à l'article 79 de la loi portant règlement du Grand Conseil, je propose une motion d'ordre...

Le président. Monsieur Stauffer...

M. Eric Stauffer (hors micro). Monsieur le président, j'ai le droit de le faire, je propose donc une motion d'ordre pour qu'il n'y ait plus de débat: cela ne sert à rien, nous sommes en train de perdre du temps. (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. Très bien, nous sommes donc saisis d'une motion d'ordre qui concerne en l'état le deuxième débat. (Commentaires.) En effet, nous sommes dans le deuxième débat, et tous les débats sont indépendants les uns des autres; la motion d'ordre que propose M. Stauffer concerne le deuxième débat, dans lequel nous sommes. Je rappelle qu'il faut les deux tiers des voix pour que cette proposition soit acceptée.

Mise aux voix, cette motion d'ordre (deuxième débat sans prise de parole) est rejetée par 65 non contre 22 oui.

Le président. Je cède donc comme prévu la parole à Mme Bolay pour la présentation de son amendement.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je serai très brève, parce que, de toute évidence, les gens ont soif et faim ! L'amendement que nous vous proposons vise, vous l'avez compris, à biffer la dernière phrase de l'alinéa 4 de l'article 37: «Elle peut exiger que la partie requérante en fasse l'avance.» En effet, il y a des personnes qui, somme toute, ne sont pas très fortunées et qui vont devant cette commission: si elles voient cette phrase, elles peuvent très bien être dissuadées de le faire.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Ce qu'il faut savoir, c'est que si cette phrase figure dans le texte qui vous est proposé aujourd'hui, c'est simplement pour une question de réorganisation de l'article. En réalité, elle a déjà été approuvée par ce parlement il y a un certain nombre de mois. C'est une procédure tout à fait classique qui fait que, en effet, lorsque l'on saisit une instance - en l'occurrence la commission de taxation - eh bien on peut, dans un certain nombre de cas, être amené à assumer les frais. Mais je rappelle que c'est uniquement pour les affaires particulièrement importantes, celles où il y a une procédure extrêmement ample avec beaucoup de travail qui est exigé, ce qui signifie que l'hypothèse qu'un justiciable modeste puisse craindre de saisir la commission est infondée. Je vous propose donc de garder le texte tel que vous l'avez déjà voté lors des débats de l'année dernière et de refuser l'amendement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je mets aux voix l'amendement de Mmes Bolay et Captyn, consistant à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 4 de l'article 37.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 28 oui.

Mis aux voix, l'alinéa 17 (loi E 6 10) amendé est adopté.

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements de M. Jornot. Il s'agit d'un alinéa 17bis nouveau. Il contient les modifications à la loi sur la profession d'huissier judiciaire:

«Art. 2 (souligné), al. 17bis (nouveau)

La loi sur la profession d'huissier judiciaire (E 6 15), du 19 mars 2010, est modifiée comme suit:

Art. 10, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Tout différend relatif au montant des émoluments, honoraires et débours d'huissier judiciaire peut faire l'objet, sur requête de la partie la plus diligente, d'une tentative de règlement amiable et d'un préavis par la commission.

Art. 12, al. 2 (nouvelle teneur)

2 La commission exerce les compétences visées à l'article 10, alinéa 3, en délégation de 3 membres, issus de chacune des catégories visées à l'article 8, alinéa 1, lettres b, c et d.»

Monsieur le député Jornot, peut-on traiter ces amendements ensemble ?

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Ces deux modifications visent également à rendre conforme la procédure de taxation des honoraires des huissiers, dont nous avons déjà beaucoup parlé ce soir. Ces deux amendements peuvent en effet être traités simultanément, puisqu'ils visent la même modification procédurale, que je vous recommande d'accepter.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur, nous passons donc au vote de cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 78 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, l'alinéa 17bis (nouveau) (loi E 6 15) est adopté, de même que les alinéas 18 (loi I 1 37) à 24 (loi L 7 05).

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).

Le président. Madame la conseillère d'Etat Isabel Rochat, je vous cède la parole... (Commentaires.) Vous voulez vous exprimer lors du troisième débat ? Très bien. Le troisième débat est-il demandé ? Oui, c'est le cas.

Troisième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1, lettre c, chiffre 5, et lettre h (nouvelle teneur), à 10, al. 2, lettre a (nouvelle, les lettres c à e anciennes devenant les lettres b à d).

Le président. A l'article 17, alinéa 1, lettre d, nous sommes saisis d'une demande d'amendement de Mmes Loly Bolay et Mathilde Captyn. L'une ou l'autre souhaite-t-elle s'exprimer ?

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, je reviens avec mon amendement à l'article 17, alinéa 1, lettre d (nouvelle teneur), de la LOJ, pour vous proposer de garder uniquement la deuxième phrase, soit: «Le Conseil d'Etat veille, dans la mesure du possible, à une représentation équitable des sexes;» Je me suis exprimée tout à l'heure à ce sujet, je n'ai donc rien à ajouter.

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Tout à l'heure, je me suis exprimé essentiellement sur la première phrase. S'agissant de la deuxième, je voulais simplement faire part de ma surprise. En effet, aujourd'hui, sur les trois personnes que le Conseil d'Etat a nommées au CSM, il a désigné deux femmes et un homme, ce qui signifie que si cette norme a un sens, c'est pour défendre la minorité masculine du Conseil supérieur de la magistrature. Je rappelle que les autres membres du CSM sont des membres élus, pour lesquels on ne peut pas imposer des quotas, et que par ailleurs la magistrature dans son ensemble est aujourd'hui majoritairement féminine. Cet amendement me semble par conséquent incongru, et je vous recommande de le rejeter.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je mets aux voix l'amendement, tel que Mme Bolay l'a énoncé.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 28 oui.

Mis aux voix, l'article 17, al. 1, lettre d (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 19, al. 3 (nouvelle teneur), à 145, al. 5 (nouveau).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.

Le président. Nous arrivons à l'article 2 souligné: «Modifications à d'autres lois».

Mis aux voix, l'alinéa 1 (loi A 2 08) est adopté, de même que les alinéas 2 (loi A 2 20) à 9 (loi D 3 30).

Le président. Nous sommes à l'alinéa 10, loi d'application du code civil suisse et autres lois fédérales en matière civile, E 1 05. A l'article 17, nous sommes saisis de deux amendements. Je vous suggère de traiter en premier celui que M. Poggia a déposé concernant l'article 17, alinéa 3, lettre c (nouvelle).

M. Mauro Poggia (MCG). Monsieur le président, chers collègues, j'ai désespéré de tenter de convaincre les députés PLR, qui siègent à titre d'indépendants désormais... (Exclamations. Commentaires.) ...mais je ne désespère pas de convaincre les députés PDC et UDC, qui prétendent les uns et les autres défendre le peuple de ce pays, qu'il faut véritablement faire quelque chose pour les assurés. La gauche l'a compris, comme le MCG. Malheureusement, à quelques voix près, cette demande d'amendement n'est pas passée lors du deuxième débat.

Nous demandons quelque chose d'élémentaire: il s'agit simplement de permettre à des assurés, qui sont toujours le pot de terre contre le pot de fer qu'est l'assureur, d'engager une procédure pour faire valoir leurs droits lorsque ces droits découlent d'une atteinte à la santé. Non pas pour se faire payer la maison brûlée, le restaurant endommagé ou la voiture rayée; non, lorsqu'il y a un dommage à la santé, qui aboutit à une invalidité. Le dommage, dans ces circonstances, est énorme, parce qu'en plus de la souffrance physique il faut affronter l'inconnu de l'avenir. On ne sait pas comment on va réussir à faire face à ses charges, à ses charges personnelles mais aussi aux charges de la famille. Lorsque la décision doit se prendre d'engager des sommes considérables pour entamer une procédure, on hésite, on a peut-être peu d'argent à la banque et on se demande comment on va vivre le temps de cette procédure. On hésite, et souvent on renonce. Et en renonçant, on fait le jeu de l'assureur.

Vous avez accepté la gratuité pour les procédures en matière prud'hommale, en matière de baux et loyers, or vous savez qu'on peut être locataire avec un bail de 15 000 F par mois, et pourtant vous avez accepté que ces locataires-là puissent bénéficier de la gratuité ! Ici, nous vous demandons d'aider des assurés atteints dans leur santé, pour faire valoir leurs droits, et vous nous dites non, UDC ? Vous nous dites non, PDC ? Vous qui êtes le parti de la famille, comme vous le prétendez ?!

Je vous demande à tout le moins de laisser la liberté de vote à vos membres, pour que ceux d'entre eux qui ont fait le raisonnement jusqu'au bout - et ils sont nombreux, je le sais - ne gardent pas en eux la déception d'avoir fait échouer un projet qui fera avancer la cause des assurés dans ce canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Chers collègues, nous sommes donc saisis de deux amendements: l'un est soumis par M. Poggia et le MCG, l'autre par M. Dandrès et le parti socialiste, ou plutôt la gauche puisque les Verts l'ont signé également.

Dans cette affaire, la gauche demande, par cet amendement-là - je ne parle pas de l'autre - à être rassurée. Alors oui, on peut être d'accord: soyons prudents, soyons même peut-être excessivement prudents, et inscrivons dans la loi ce qui à mon sens est une évidence; inscrivons-le ensemble pour qu'il n'y ait aucun doute et qu'il soit bien clair pour tout le monde que les causes portant sur toutes les assurances complémentaires à l'assurance-maladie, sur toutes les assurances complémentaires à l'assurance-accidents, bénéficieront de la gratuité quelle que soit l'entité qui les fournit, quel que soit le prestataire d'assurance. Faisons cela, oui, je me rallie volontiers à cet amendement.

En revanche, je vous demande de rejeter l'autre amendement qui, au lieu de vouloir maintenir le statu quo ayant donné entière satisfaction pendant toutes ces dernières années, propose d'élargir le bénéfice de la gratuité à des situations qui ne le justifient pas.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons donc, dans un premier temps, voter sur la proposition de M. le député Poggia, qui est la version la plus éloignée, si je puis dire, de l'actuelle. Puis, dans un deuxième temps, si elle est refusée, nous nous prononcerons sur la demande d'amendement déposée entre autres par M. le député Dandrès.

Voici l'amendement de M. Poggia:

«Art. 17, al. 3, lettre c (nouvelle)

3 Il n'est pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens à la charge de l'assuré, dans les causes:

c) portant sur les assurances de soins, de perte de gain ou de rentes en cas de maladie, d'accident ou d'invalidité contractées auprès d'entreprises d'assurances soumises à la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurances (Loi sur la surveillance des assurances, LSA), du 17 décembre 2004.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 47 non contre 45 oui.

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur l'amendement de M. Dandrès, que je vous lis:

«Art. 17, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Il n'est pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens à la charge de l'assuré, dans les causes:

a) portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-accidents obligatoire prévue par la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mai 1981, y compris celles servies par les entreprises d'assurance soumises à la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurances (Loi sur la surveillance des assurances, LSA), du 17 décembre 2004;

b) portant sur les assurances complémentaires à l'assurance-maladie obligatoire prévue par la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994, y compris celles servies par les entreprises d'assurance soumises à la loi fédérale sur la surveillance des entreprises d'assurances (Loi sur la surveillance des assurances, LSA), du 17 décembre 2004.»

Vous souhaitez vous exprimer, Monsieur Dandrès ?

M. Christian Dandrès (S). M. Jornot l'a fait pour moi, je n'ai pas d'autres éléments à ajouter, je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote de l'amendement de M. Dandrès, que je viens de vous lire.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 87 oui (unanimité des votants).

Le président. Nous sommes toujours à l'alinéa 10. A l'article 24, nous sommes saisis d'un amendement de Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay concernant la notification par huissier judiciaire. Il s'agit du même amendement que celui qui a été déposé en deuxième débat.

Mme Irène Buche (S). Monsieur le président, je ne suis pas tout à fait sûre de savoir de quel amendement vous parlez...

Le président. Il s'agit de l'amendement que vous avez déposé à l'article 24, alinéa 2, sous l'article 2 souligné, alinéa 10. Cet alinéa contient les modifications à la LaCC.

Mme Irène Buche. Mais je crois que l'amendement proposé par Mme Bolay à l'article 24, alinéa 1, a aussi été redéposé ? N'est-ce donc pas celui-là qui devrait être traité en premier ? (Commentaires.)

Le président. Je traite les uns après les autres les amendements qui ont été déposés. Je vais vous lire très précisément l'amendement dont il est question maintenant. Il s'agit d'une demande concernant l'article 24, alinéa 2 - sous l'article 2 souligné, alinéa 10, E 1 05:

«Art. 24, al. 2 (nouveau)

2 La notification par huissier judiciaire est obligatoire pour les convocations du Tribunal des baux et loyers en cas de procédure d'évacuation pour défaut de payement en matière de logement.»

Mme Irène Buche (S). Très bien, Monsieur le président ! Je vais donc m'exprimer à ce sujet. Sans répéter tout ce que j'ai dit tout à l'heure, je constate juste que la majorité des membres de ce parlement vit dans une bulle et ne se rend pas compte de la réalité de nombreuses personnes résidant dans notre canton qui sont dans des situations inextricables et pour lesquelles les mesures proposées - notamment la notification de la convocation par huissier judiciaire - constituent un soutien, une aide pour s'en sortir. C'est une mesure parmi d'autres; c'est vraiment peu de chose, mais cela peut permettre à un certain nombre de personnes de sortir de leurs difficultés. Je vous demande donc une nouvelle fois d'accepter cet amendement, à savoir la notification des convocations en cas d'évacuation pour défaut de paiement.

M. Christian Dandrès (S). Monsieur le président, je serai bref, car on a beaucoup discuté de ces amendements tout à l'heure. Je pense qu'il faut préciser - M. Jornot l'a expliqué - que l'article 26 de la loi d'application du code civil permet certes de prévoir des accords de rattrapage devant le Tribunal des baux et loyers, mais naturellement, pour pouvoir conclure un accord de rattrapage, il faut absolument être certain que le locataire soit présent, d'où l'intérêt de lui signifier la citation par acte d'huissier. M. Jornot a expliqué que, en acceptant cet amendement, nous violerions le code de procédure civile, ce qui est une erreur, et je le renvoie à l'article 138 du code de procédure civile, qui prévoit la possibilité de procéder par acte d'huissier.

Je voulais préciser, en guise de conclusion, que la possibilité de prévoir des accords de rattrapage est dans l'intérêt du bailleur. En effet, celui-ci pourra récupérer le cas échéant l'arriéré, avec la quasi-certitude que les montants prévus seront payés, alors que sans cela le bailleur pourrait se retrouver confronté à un locataire insaisissable; il pourrait effectivement l'évacuer, mais il ne récupérerait pas l'arriéré. C'est la raison pour laquelle je plaide auprès des libéraux pour que cet amendement soit accepté. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia (MCG). Monsieur le président, chers collègues, brièvement, il y a certains groupes qui sont capables d'évoluer dans leur réflexion d'un débat à l'autre, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. C'est cependant le cas du MCG, qui considère que, en ce qui concerne ce point et seulement ce point, nous pouvons nous rallier à l'amendement qui nous est proposé. Nous ne sommes pas pro-huissiers à tout crin - nous n'en avons pas dans notre famille, pour répondre à M. le député Béné - mais nous considérons que s'il y a un moment où l'on doit être certain que le locataire qui va être évacué pour non-paiement du loyer sera atteint, c'est précisément pour se rendre à l'audience, devant la commission de conciliation, car c'est là et là seulement qu'il aura l'espoir de trouver un arrangement avec le bailleur. S'il ne vient pas à cette audience, ce sera malheureusement trop tard. En conséquence, nous sommes d'accord avec cette proposition.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je mets aux voix l'amendement que je vous ai lu.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 29 oui et 2 abstentions.

Le président. Toujours à l'alinéa 10 - modifiant la LaCC - nous sommes saisis d'un amendement de Mmes et M. Buche, Dandrès et Bolay à l'article 25. Je l'énonce pour prévenir toute confusion:

«Art. 25, al. 3 (nouvelle teneur)

3 Lorsque l'évacuation porte sur un logement, l'exécution du jugement par la force publique est précédée par une sommation faite à la partie concernée par huissier judiciaire, au moins un mois avant l'exécution.»

Mme Irène Buche (S). C'est vrai que, là, en principe, on est en fin de procédure, mais on peut voir dans la pratique que, même à ce stade-là - soit parfois quand le jugement d'évacuation voire l'exécution ont été prononcés - il arrive que l'on puisse trouver des accords. Toutefois, il faut pour cela que le locataire soit au courant de ce qui se passe, qu'il pense que c'est encore possible et que l'on attire son attention sur la situation dans laquelle il va se trouver. C'est pour cela que je pense que l'intervention d'un huissier judiciaire simplement au moment de l'évacuation ne sert à rien: c'est avant qu'il faut qu'il intervienne, pour rappeler au locataire dans quelle situation il se trouve.

Il y a donc, comme je vous le dis, des situations dans lesquelles le locataire peut conserver son logement; c'est déjà arrivé, et à ce moment-là cela vaut la peine, même si cela ne permet de sauver que quelques logements. En conséquence, je vous demande une nouvelle fois de bien vouloir accepter cet amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons nous prononcer sur cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 27 oui et 16 abstentions.

Mis aux voix, l'alinéa 10 (loi E 1 05) amendé est adopté, de même que les alinéas 11 (loi E 2 40) à 24 (loi L 7 05).

Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté, de même que l'article 3 (souligné).

Le président. Nous sommes à la fin du troisième débat, la parole est à Mme la conseillère d'Etat Isabel Rochat.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Très rapidement...

Le président. Pardon, excusez-moi, Madame la conseillère d'Etat ! Mme Schneider Hausser souhaiterait s'exprimer, je lui passe donc la parole. (Exclamations.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je m'excuse, mais nous allons quand même finir ce débat, et en tant que chef de groupe je vous informe que le groupe socialiste n'acceptera pas ce projet de loi. En effet, fondamentalement ce que nous demandions n'a pas été suivi, en tout cas en ce qui concerne les évacuations, qui sont une aberration vu les prix du marché actuels, vu le marché locatif ou de l'immobilier aujourd'hui à Genève. C'est inacceptable que l'on ne puisse pas faire un effort pour cette partie de la population. C'est en quelque sorte une injustice, eu égard au profit que certaines personnes peuvent se faire au niveau de l'immobilier, que l'Etat n'arrive pas à investir un minimum, même en termes de respect, par rapport à ce que représente le logement pour une partie de la population plus précarisée. C'est inacceptable, et c'est la raison pour laquelle le groupe socialiste refusera ce projet de loi. Mesdames et Messieurs, nous en sommes désolés. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Chers collègues, j'avais proposé une motion d'ordre pour qu'il n'y ait plus de débat; vous l'avez refusée, et nous ne sommes donc finalement plus qu'entre nous, puisque Léman Bleu ne retransmet plus les débats du Grand Conseil... (Protestations.) Mais, comme vous le savez, cela nous est un peu égal, au MCG... (Exclamations.)

Nous aimerions simplement vous dire ceci. Le MCG va accepter ce projet de loi, mais nous ne pouvons que regretter l'attitude, une fois encore, des girouettes de clocher du PDC. Ce dernier prétend à longueur d'année défendre la famille, mais lorsqu'il s'agit de défendre des gens qui seraient frappés d'invalidité, eh bien, on voit que le lobby qui représente aujourd'hui les élus du PDC au Grand Conseil a oeuvré, puisqu'ils se sont détachés et ont suivi leurs cousins germains les indépendants... Donc voilà, ce que nous avons à dire, c'est que nous ne pouvons que regretter ce genre de déviance, qui finalement donne à Genève son statu quo en matière de logements, puisqu'on a d'un côté la droite, qui veut maintenir des loyers très élevés avec des procédures judiciaires pour pouvoir expulser très facilement des locataires qui ne paieraient pas, et, de l'autre côté, la gauche, qui vient agiter le spectre des loyers chers, notamment avec l'ASLOCA qui est une grosse machine électorale. J'aimerais du reste, concernant les liens d'intérêts, que l'on donne des indications chaque fois que l'on prend la parole, pour savoir combien de vice-présidents de l'ASLOCA ou de membres actifs se sont exprimés ce soir. Vous savez qu'il existe l'article 24, qui pourrait peut-être être appliqué !

Cela pour vous dire que le MCG a une autre vision de la société: nous voulons, nous, que les Genevois puissent payer leur loyer, mais des loyers bon marché, non pas des quatre-pièces à 4000 ou 5000 F comme on en trouve aujourd'hui. Je vous encourage donc, chers collègues, la prochaine fois qu'il y aura un projet pour déclasser des terrains, notamment route de Chancy, route d'Aire-la-Ville, par exemple... Nous avons demandé l'urgence pas plus tard qu'hier soir sur un tel projet, mais elle a été refusée, parce qu'évidemment construire des logements n'intéresse pas ce parlement. Nous avions même poussé le vice jusqu'à proposer, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que la motion en question soit renvoyée sans débat à la commission d'aménagement, afin qu'une commission parlementaire puisse étudier le bien-fondé de la construction de 14 000 logements, mais évidemment cela n'intéresse absolument pas ce parlement ! En fait, tout le monde se complaît dans cette situation, entre, d'un côté, le spectre des loyers...

Le président. Monsieur le député, restez-en à une déclaration générale sur le projet de loi, et non pas sur ceci ou cela...

M. Eric Stauffer. Mais c'est ce que je suis en train de faire, Monsieur le président...

Le président. Non, ce n'est pas ce que vous faites !

M. Eric Stauffer. Est-ce qu'éventuellement vous voudriez refaire une motion d'ordre ? Vous en avez le droit même en tant que président, vous pouvez interrompre la séance quand vous le voulez...

Le président. Veuillez conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Moi je l'avais proposé, mais vous l'avez refusé, alors vous attendrez la fin de ma déclaration. Et tout cela encore une fois pour vous dire que le MCG a une autre vision de cette société, que nous sommes aujourd'hui vendredi 27 mai, 19h20, et que tout le monde a faim... Alors bon appétit, chers collègues, et tant pis pour les Genevois ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la conseillère d'Etat, vous avez enfin la parole.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, je vois que vous avez non seulement faim de nourriture terrestre, mais aussi faim de justice, à voir l'ardeur avec laquelle vous avez ferraillé. Je ne vais pas vous résumer les 14 lois modifiées, qui elles-mêmes modifient les 175 lois... (Commentaires.) Non, je ne le ferai pas, malgré votre insistance !

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais quand même vous dire que cette organisation judiciaire - même si, effectivement, elle ne convient pas parfaitement à certains - est en tout cas claire et renouvelée, et prête à affronter les défis que représente l'unification de la procédure judiciaire fédérale. Et je ne conclurai pas sans remercier à nouveau la présidente pour son assiduité, mais aussi les rapporteurs, ainsi que tous les membres de cette commission. Ce sont trois cents heures de débats qui ont abouti à cette loi qui, malgré tout, est extrêmement bien faite, et je vous remercie tous.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote.

Mise aux voix, la loi 10761 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui contre 12 non et 1 abstention.

Loi 10761

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, bon appétit ! Nous reprenons nos travaux à 20h45.

La séance est levée à 19h20.