République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 avril 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 7e session - 43e séance
PL 10171-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous continuons notre ordre du jour avec le département de l'instruction publique, de la culture et du sport. Nous avons à traiter de manière conjointe les rapports PL 10171-A et PL 10262-A. Je prie les rapporteurs de bien vouloir venir à la table. Le rapporteur de minorité entend-il ? (Commentaires. Un instant s'écoule.) La table des rapporteurs, en général, c'est celle qui est au milieu, Monsieur Girardet ! La parole est à Mme le rapporteur de majorité Esther Hartmann.
Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. L'objet que nous allons traiter - le projet de loi 10171, proposé par le Mouvement Citoyens Genevois - avait le mérite d'exister en 2007 mais point celui d'exister actuellement, vu que la situation, depuis le dépôt de ce projet de loi, a grandement évolué.
Pour faire un résumé des buts de ce projet de loi, il proposait à l'époque, en 2007, une réorganisation du système scolaire. Il demandait que les différents établissements... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...soient réunis en circonscriptions scolaires et que des inspecteurs - qui existaient déjà à l'époque - soient responsables de la gestion du personnel, de l'administration et des moyens pédagogiques mis en oeuvre, avec comme soutien pour ces inspecteurs des maîtres adjoints pour s'occuper uniquement de l'aspect administratif des écoles.
Depuis, les choses ont bien changé, et il existe actuellement 91 directeurs d'établissements. Les inspecteurs ont disparu, la fonction de maître adjoint a également été supprimée, à la grande satisfaction des parents qui, enfin, ont des interlocuteurs beaucoup plus facilement accessibles. Cela a aussi le mérite d'avoir une hiérarchie clairement établie et un suivi beaucoup plus précis des situations.
C'est pour cela que la majorité de la commission de l'enseignement a décidé de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi, car elle le considère comme dépassé et plus adapté à la réalité actuelle. Nous vous enjoignons donc de ne pas entrer en matière. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Madame le rapporteur de majorité. La parole est à M. Jean-François Girardet, rapporteur de minorité.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si le MCG a déposé un projet de loi en 2007, c'était parce qu'il répondait à une situation qui devenait urgente. Et si je me suis inquiété tout à l'heure du point 49 qui a été, semble-t-il, retiré de l'ordre du jour - j'avais sauté cette étape - c'est que le rapport de Mme Marie Salima Moyard concernait précisément un projet de loi libéral et une motion qui nous parlaient de l'autonomie des écoles, de l'autonomie des établissements primaires mais également de l'autonomie des établissements secondaires. Et c'est dans le cadre de cette discussion sur ces projets de lois libéraux que le chef du département a saisi l'occasion pour informer sur l'avancée des travaux concernant la réorganisation du primaire. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) M. le député Weiss a déposé une interpellation urgente écrite le 3 mai 2007, qui s'inquiétait quant aux montants qui seraient octroyés pour cette réorganisation du primaire. Il posait également la question de savoir quand le Conseil d'Etat entendait mettre en oeuvre par une loi les modifications légales qui s'imposaient.
Le Conseil d'Etat répond à ce propos, le 24 mai 2007, que la LIP - la loi sur l'instruction publique - devra seulement être adaptée par un simple toilettage. Alors la commission ne s'inquiète pas de cette rénovation, de cette réforme, de cette modification de l'organisation du primaire. Et elle ne réagit pas, alors qu'il semble que des frais, des coûts induits, vont être engagés.
La commission est informée les 21 et 28 novembre 2007 par mail, et elle reçoit ensuite tous les documents pour savoir que le processus de rénovation - enfin, de reconstruction - de l'organisation du primaire est en cours. Il y a même un appel d'offres qui est lancé le 23 novembre 2007 pour que les cent directeurs puissent être engagés.
Il n'y a aucune base légale à cela, il n'y a aucun cahier des charges qui a été soumis. Il y a simplement l'affirmation péremptoire du Conseil d'Etat qui dit que la réorganisation est de sa compétence. Or l'article constitutionnel...
Le président. Il vous reste quinze secondes, Monsieur le député !
M. Jean-François Girardet. Oui, je vous remercie. L'article 161 de la constitution nous dit ceci pour l'instruction publique: «La loi règle l'organisation des établissements d'instruction publique qui sont en tout ou en partie à la charge de l'Etat. Ces établissements forment un ensemble qui comprend: a) l'enseignement primaire», etc. Donc c'est bien une loi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Jean-François Girardet. Et la loi, elle est faite par ce Grand Conseil. C'est ce sur quoi les députés n'ont jamais voulu entrer en matière.
Mme Marie Salima Moyard (S). Une loi de toilettage ou de mise en conformité avec la réalité et un projet de loi n'ayant pratiquement plus d'objet, voilà les objets liés de ce nouveau point à l'ordre du jour.
Le projet de loi 10262 du Conseil d'Etat permet l'ancrage légal, dans la loi sur l'instruction publique, d'une pratique établie depuis presque trois ans. Les inspecteurs seraient maintenant supprimés de la LIP, alors qu'ils n'existent plus dans la réalité depuis 2008, et entreraient à leur place les directeurs d'établissements primaires. Pourquoi ce changement ? Pour une meilleure gestion, ce qui était l'un des buts du précédent PL 7552 qui a été finalement retiré.
Tout se fait au rythme institutionnel, et c'est peut-être un peu lent, effectivement. Mais c'était nécessaire dans le cadre de l'harmonisation et du PER notamment. Le PL 10262 est donc une excellente chose.
A l'inverse, le projet de loi 10171 du MCG proposait ou propose toujours une autre solution que les directeurs d'établissements pour résoudre la question de la gestion des établissements primaires. Il propose de conserver les inspecteurs, mais en les déchargeant avec de petites circonscriptions et des maîtres adjoints. C'est un projet de loi qui est obsolète à ce jour et incompatible avec le projet du Conseil d'Etat.
Dans la présentation de ce projet de loi, une remontrance a été faite - qui était assez bien argumentée - sur les relations peut-être un peu chaotiques entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat quant à la chronologie de la prise de décision dans le processus de nomination de ces directeurs.
Mais la vraie question n'est pas là. La vraie question, c'est maintenir les inspecteurs ou mettre en place des directeurs d'établissements primaires. Et là, il n'y a absolument aucun doute possible.
C'est pour cela que le groupe socialiste vous propose d'accepter le projet de loi du Conseil d'Etat tel que ressorti des travaux de commission et de refuser l'entrée en matière sur le PL 10171. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme la rapporteure de majorité Esther Hartmann, à qui il reste une minute dix.
Mme Esther Hartmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. J'interviens juste pour vous dire que nous vous recommandons évidemment d'entrer en matière et d'accepter le projet de loi 10262, ce que j'ai oublié de signaler, je m'en excuse. C'est aussi pour remercier le Conseil d'Etat d'avoir fait son travail, c'est-à-dire permettre que les écoles fonctionnent efficacement, permettre de faire face aux grandes réformes qui se profilent et au programme d'enseignement romand - HarmoS, si jamais le rapporteur de minorité s'en souvient - et puis pouvoir aussi être à l'écoute des différents courants, syndicats, associations de parents, avec en plus les différents résultats de recherches, pour arriver à proposer que des directeurs d'établissements existent.
Quand on entend que ce Conseil d'Etat n'a pas respecté la constitution, on ne peut que s'inquiéter de la compréhension des personnes qui souhaitent être à l'exécutif et qui ne se rendent pas compte que le Conseil d'Etat, comme tout siège exécutif, a précisément pour rôle de rendre les lois opérationnelles.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Esther Hartmann. C'est pour cela que je vous réitère notre proposition de ne pas entrer en matière sur le projet de loi 10171.
M. Jean-François Girardet (MCG), rapporteur de minorité. Alors, quels sont les reproches que fait le MCG à cette nouvelle organisation ? Tout d'abord, qu'elle coûte très cher: de 27 inspecteurs, on est passé à une centaine, 93 exactement, qui ont passé eux-mêmes de la classe 21 à la classe 25. On a encadré les enseignants alors que, comme le disait un député Vert, on a surtout voulu raccourcir la laisse - selon cette expression utilisée par le député Vert.
L'autonomie des écoles a été réduite, dans la mesure où les inspecteurs pouvaient, auparavant, gérer un plus grand effectif qui était dans leur juridiction. Les tâches exercées par le maître principal ne sont plus assumées autrement que par des gens qui ont été désignés mais dont la rétribution n'est pas à la hauteur de leur charge. Il y a également un échelon de direction qui a été rajouté avec les directeurs de région, ce qui induit aussi des découragements dans les équipes d'enseignants parce qu'on ne leur fait plus confiance, tout est contrôlé. La proximité des directeurs fait qu'on a toujours quelqu'un sur le dos, et ce n'est jamais bien agréable de sentir qu'on ne nous fait plus confiance. On ne fait plus confiance aux enseignants, dans la mesure où ils n'ont plus cette liberté qu'ils avaient auparavant.
Le MCG regrette que la demande d'audition des membres de l'ARLE ait été refusée par la commission. En effet, l'ARLE avait également de grandes idées à faire partager à la commission. La commission a refusé cette audition, ce que je trouve absolument inadmissible.
Par fair-play, ce soir, le MCG ne s'opposera pas au projet de loi du Conseil d'Etat, parce qu'il estime également qu'il faut répondre par l'adoption d'une loi afin que ces directeurs qui ont été nommés depuis juin 2008 puissent fonctionner dans la parfaite légalité. En effet, jusqu'à présent, Madame la rapporteure de majorité, ils étaient dans la parfaite illégalité. Je vous remercie.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord remercier la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport pour le travail qui a été réalisé autour de la question de la gestion des établissements publics de l'enseignement obligatoire et particulièrement de l'enseignement primaire.
J'aimerais, si vous me le permettez, peut-être préciser un certain nombre de points qui me semblent être relativement importants. Monsieur le rapporteur de minorité, je souhaite juste corriger quelque chose que vous avez dit - qui est factuellement erroné, approximatif - puisque, tout simplement, les inspecteurs et inspectrices de l'enseignement primaire n'étaient pas en classe 21 mais bien en classe 22, et les directions d'établissements ne sont pas en classe 25 mais en classe 24. Cela fait que, au lieu de quatre différences de classe, il y en a deux. Mais, évidemment, le sens de l'exagération vous a sans doute dépassé, et bien entendu je ne vous en fais pas grief.
Maintenant, ce que j'aimerais néanmoins pouvoir affirmer tout à fait solennellement et clairement, c'est que le Conseil d'Etat n'a pas violé la constitution, il a usé d'une de ses libertés. En effet, il s'agit, selon la constitution, de rendre le gouvernement responsable de l'organisation de l'administration. Alors, vous avez raison, la loi devait être modifiée, c'est une loi qui mérite d'être toilettée. Elle l'est ce soir, et je tiens à saluer le fair-play dont vous affirmez être aujourd'hui le témoin pour le groupe MCG.
J'aimerais en même temps, sur le fond, vous dire que les directions d'établissements, aujourd'hui, sont pratiquement soutenues par l'ensemble des enseignantes et enseignants, tant il est évident - du point de vue de la gestion, de la proximité, de la rapidité de réaction, du point de vue, également, de la capacité à prendre en charge un certain nombre de problèmes qui touchent à la fois aux relations avec les parents mais aussi à la gestion de parcours difficiles d'élèves - qu'ils sont là et qu'ils assument pleinement leurs responsabilités. Et je tiens à leur rendre hommage: ils sont de véritables petits David Hiler dans chaque établissement... (Exclamations.) ...rappelant la raison, rappelant l'équilibre, sachant rassembler les conseils d'établissements autour d'un certain nombre de points qui relèvent très exactement de l'autonomie, de la capacité de vivre ensemble et de prendre des décisions. En conclusion, je vous remercie de faire bon accueil à ce projet de loi. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes en procédure de vote sur le PL 10171.
Mis aux voix, le projet de loi 10171 est rejeté en premier débat par 61 non contre 15 oui.
Le président. Nous sommes toujours... (Exclamations.) Si, si, nous sommes toujours en procédure de vote, cette fois concernant le PL 10262.
Mis aux voix, le projet de loi 10262 est adopté en premier débat par 64 oui et 14 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 3B, alinéa 2, lettre b (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 7D «Personne morale» (nouveau), par lequel cet article 7D devient l'article 7E «Personne morale» (nouveau). Je vous en rappelle la teneur: «Chaque établissement scolaire constitue une personne morale capable de recevoir des dons ou des legs, avec l'autorisation du Conseil d'Etat.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 61 oui et 18 abstentions.
Mis aux voix, l'article 7E (nouveau) est adopté, de même que l'article 46 (abrogé).
Le président. Nous sommes maintenant saisis d'un amendement du Conseil d'Etat consistant à biffer l'article 139 «Commission de nomination» (nouveau), lettres b et d (nouvelle teneur).
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui et 20 abstentions.
Mis aux voix, l'article 143 (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 144 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 10262 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10262 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 61 oui contre 1 non et 16 abstentions.