République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 avril 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 7e session - 43e séance
R 608
Débat
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, le 1er janvier 2015 entrera en vigueur une nouvelle convention signée entre l'Etat et la Banque cantonale genevoise. Par cette résolution, le parti radical - vous l'avez compris - ne demande pas à la Banque cantonale de rembourser les 2 milliards, mais demande au Conseil d'Etat d'obtenir, dans ces renégociations, un remboursement, on va dire, un peu plus accéléré des frais, qui se situent aux alentours de 365 millions.
Il y a deux solutions pour ce remboursement de frais. La première, comme aujourd'hui: un pourcentage sur le bénéfice. Alors on pourrait imaginer un pourcentage plus haut sur le bénéfice ou, comme demandé dans notre résolution, un taux fixe avec une somme fixe annuelle de 20 millions sur dix-huit ans. A cela s'ajoute une demande d'un pourcentage sur les intérêts de la dette.
On comprend que cette proposition de résolution mérite un tour de chauffe à la commission des finances pour qu'on ait le temps d'en parler entre nous, de peser le pour et le contre, et pour qu'on puisse s'armer et armer le Conseil d'Etat - pour autant qu'il en ait besoin - à entrer dans cette nouvelle négociation.
C'est pour cette raison que le parti libéral-radical vous demande de renvoyer cette proposition de résolution à la commission des finances. Je vous remercie.
Présidence de M. Renaud Gautier, président
Mme Loly Bolay (S). L'accord entre la Banque cantonale et l'Etat de Genève arrive à échéance en 2015. (Remarque.) Non, il n'entre pas en vigueur: il arrive à échéance en 2015. Cet accord, faut-il le rappeler, a reçu l'aval de la Commission fédérale des banques - la FINMA - et respecte les exigences de celle-ci. Il faut savoir que, depuis 2000, la banque a remboursé à raison d'environ 40 millions - plus ou moins - et que cet accord, effectivement, doit être renégocié à partir de 2015.
Le parti socialiste ne peut pas accepter la proposition de résolution, dans la mesure où il est stipulé dans la première invite que l'on demande à la banque de rembourser les frais de la fondation à hauteur de 20 millions par an. On ne peut pas décider comme cela, c'est une négociation !
C'est vrai que la Banque cantonale a connu des difficultés. Aujourd'hui, cette banque a une situation beaucoup plus saine, mais le parlement ne peut pas décider comme cela qu'elle doit rembourser 20 millions. C'est une négociation entre la banque et l'Etat, avec la situation qui sera - au moment de la négociation, en 2013-2014 - la nouvelle situation de la Banque cantonale. La Banque cantonale est quand même liée par l'Etat de Genève, liée par les communes et liée aussi par le tissu économique, à l'essor duquel elle participe pleinement.
Le groupe socialiste ne peut donc pas accepter cette résolution, parce qu'elle met un verrou dans la négociation en disant qu'il faut que l'on négocie à partir de 20 millions. Et ces exigences, nous, parlement, nous ne pouvons pas les décider à l'avance. Encore une fois, c'est une négociation entre la banque et le gouvernement. Par voie de conséquence, nous refuserons, Monsieur le président, cette résolution radicale.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, pour reprendre la balle au bond par rapport à l'intervention de ma préopinante socialiste, je dirai que la question est un peu plus compliquée qu'une question de simple négociation entre l'Etat de Genève et la Banque cantonale de Genève. Pourquoi ? Il y a eu un accord, c'est vrai, le 11 mars 2005, qui arrivera à échéance en 2015. Et, effectivement, les accords doivent être respectés, même lorsque c'est l'Etat qui les signe.
Vous savez à quel point le MCG est particulièrement chatouilleux sur la question de la Banque cantonale de Genève. Vous savez aussi à quel point le MCG considère que l'Etat de Genève et, à travers lui, les contribuables doivent rentrer dans leurs fonds le mieux possible, parce que le sacrifice qui a été fait - et qui continue d'être fait par les contribuables de ce canton - est particulièrement important.
Mais il a été décidé, par une loi adoptée dans ce parlement, que la Banque cantonale de Genève devait vivre, survivre. Pour cela, cet accord de 2005 a été passé.
Pourquoi a-t-on fixé 20% du dividende ? Précisément pour laisser à la banque et à l'assemblée générale la possibilité de décider si un dividende devait être distribué et, le cas échéant, lequel, pour que cette Banque cantonale puisse rester compétitive, pour qu'elle puisse rester attractive, aussi, pour les autres actionnaires que l'Etat de Genève. Si demain nous mettons une obligation de remboursement fixe, cela impliquera en contrepartie la reconnaissance d'une dette de la Banque cantonale de Genève envers l'Etat de Genève. Alors, effectivement, nous considérons tous qu'il y a une dette, mais de là à dire qu'ils nous doivent de l'argent, à aller jusqu'au bout du raisonnement et à faire mettre dans le bilan de la banque une dette correspondante, il y a un pas que l'on ne peut pas faire sans peser, soupeser les conséquences juridiques et comptables.
Si cet accord a été approuvé par la Commission fédérale des banques - aujourd'hui, la FINMA - c'est précisément parce qu'il n'y a pas eu de dette inscrite au bilan à concurrence de ce que la banque devrait à l'Etat. Car s'il y avait eu une dette correspondante, il aurait fallu que les fonds propres de la banque puissent la garantir; sinon, il aurait fallu liquider la banque.
Donc, réfléchissons bien. La proposition de renvoyer cette résolution à la commission des finances est tout à fait sensée. Je pense qu'il ne faut pas faire des pas plus longs que nos jambes ou plus longs que les jambes de la Banque cantonale de Genève. Sur le principe, nous sommes d'accord: il faut que le remboursement aille plus vite, d'autant plus que nous étions là pour ouvrir le parapluie lorsqu'il pleuvait. Maintenant qu'il semble faire meilleur, nous souhaiterions effectivement qu'on nous rende le parapluie le mieux possible et dans le meilleur état possible.
Le président. Monsieur le député, il vous reste quinze secondes.
M. Mauro Poggia. J'en ai terminé, Monsieur le président. Voilà pourquoi le groupe MCG - tout en étant convaincu qu'il faut effectivement améliorer la situation - propose que cet objet soit renvoyé à la commission des finances, pour qu'en 2015 l'Etat sache dans quelle direction notre parlement veut aller. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien se rendra à l'avis de M. Poggia et appuiera effectivement le renvoi de cette résolution à la commission des finances. Il faut dire que la première version qui nous avait été soumise ne nous a pas du tout emballés, pour une raison notamment... Plusieurs arguments ont été avancés ce soir, mais un argument n'a pas encore été cité, à savoir que l'Etat, le canton de Genève et les communes sont les actionnaires principaux de la Banque cantonale, et que si nous péjorons le cours de l'action de la Banque cantonale, dont les collectivités publiques sont propriétaires, eh bien, au bilan de l'Etat, c'est tout ça de fortune qui disparaît. Il faut faire attention à ce que l'on fait. Le cours de l'action de la Banque cantonale est déjà fort bas par rapport à sa valeur réelle, et il faut prendre garde, justement, à ne pas péjorer davantage ce cours. En effet, si le cours remonte, ce sont toutes les collectivités publiques qui s'en trouveront enrichies.
Des mesures telles qu'elles ont été proposées, si elles sont appliquées trop abruptement, sont précisément de nature à peser sur le cours et donc sur notre propre fortune en tant que contribuables genevois.
Pour toutes ces raisons, avant de prendre des décisions, il importe d'étudier soigneusement en commission les conséquences de ce qui nous est proposé.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, brièvement, je confirme que la créance ne peut être que conditionnelle. Donc, si jamais il y avait remboursement sur une somme fixe, il devrait de toute façon y avoir un mécanisme pour qu'elle ne soit pas payée si la situation de la banque ne le permettait pas. Le dispositif a évidemment l'inconvénient de ne pas permettre à la banque de faire passer ce remboursement dans ses affaires ordinaires. Donc, au fond, l'argent avec lequel elle va nous rembourser - elle le fait déjà - est imposé au préalable, si je puis m'exprimer ainsi, puisqu'il est dans la distribution. C'est le premier point.
Le deuxième point c'est que, si vous avez des regrets sur le fait que l'on ne puisse pas lancer la discussion plus vite, n'en ayez aucun. Aujourd'hui, la priorité de la Banque cantonale est d'augmenter ses fonds propres. Elle doit elle aussi répondre à des exigences nouvelles, et raisonnables, de la FINMA, des exigences qui protègent les actionnaires de la BCGe - dont l'Etat, dont les collectivités publiques, dont les 10 000 particuliers - contre d'éventuelles erreurs dans le futur.
D'autre part, les épargnants sont aujourd'hui protégés à raison de 100 000 F par la Confédération. Cela nous permettra de nous retirer de cet engagement puisqu'il est aujourd'hui repris, pour des fortunes modestes, par la Confédération de façon stable.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, la première priorité est donc de réduire le risque du futur. Et la deuxième est d'obtenir, si possible, un remboursement d'environ 370 millions dans les meilleures conditions possibles. Aujourd'hui, je ne vous cache pas que «les meilleures conditions possibles» ne serait pas l'expression que j'utiliserais pour décrire l'économie mondiale et les certitudes qu'elle peut nous inspirer, même à court terme.
Le Conseil d'Etat accueille donc favorablement la proposition faite d'un renvoi en commission et, pour le reste, peut vous assurer en tout cas que, lorsque l'on aura mis un mur pour empêcher les frontaliers d'entrer, comme certains ici le voudraient... (Exclamations. Commentaires.) ...et que l'on aura chassé tout ce qui ressemble à une multinationale, on ne s'occupera pas de ça, parce que, de toute façon, la Banque cantonale disparaîtra !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote et sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des finances.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 608 à la commission des finances est adopté par 53 oui contre 23 non et 1 abstention.