République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 mars 2011 à 8h
57e législature - 2e année - 6e session - 34e séance
P 1719-A
Débat
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes encore une fois dans l'une de ces quatorze pétitions du cartel demandant 5000 ou 6000 postes supplémentaires dans la fonction publique. En l'occurrence, cette pétition concerne l'enseignement dans les écoles professionnelles - CFP et HEPIA. Nous sommes dans la même problématique que pour les conservatoires de musique, pour la simple raison que cette pétition aurait eu son rôle à jouer il y a quelques années, mais que, comme nous l'a dit le conseiller d'Etat Charles Beer chargé de la formation professionnelle, le CEPTA a déjà été réorganisé actuellement en sept centres professionnels: construction, technique, terre et environnement, hôtellerie, commerce, santé et social, et arts appliqués. Par conséquent, la réorganisation ayant eu lieu, la commission n'a pas jugé nécessaire d'aller plus au-delà à la fois dans ses auditions et dans la prise en considération des demandes qui étaient formulées par les pétitionnaires. Elle vous suggère donc, comme pour la précédente, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Le président. Merci, Monsieur le député. Avant que de passer la parole à la rapporteure de minorité, je voudrais demander à celles et ceux d'entre vous qui sont extrêmement sollicités par l'extérieur et qui doivent répondre au téléphone de bien vouloir le faire en dehors de cette salle. Je vous remercie ! La parole est à Mme Prunella Carrard, rapporteure de minorité.
Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. La minorité demande le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, parce qu'elle estime que la commission est passée trop vite sur le sujet, sans avoir pris la peine de se renseigner de manière approfondie et de demander, par exemple, les chiffres concernant les augmentations des effectifs des élèves, concernant la diminution des effectifs du corps enseignant et des ressources allouées aux écoles, concernant l'érosion permanente des subventions par étudiant et le manque de moyens pour le suivi de leurs travaux, et enfin concernant le respect des maxima convenus avec le DIP, limitant les effectifs de classe dans le secteur professionnel. Mentionnons encore qu'il aurait été adéquat de se renseigner sur le nombre d'heures supplémentaires accumulées par les enseignants.
Deux autres points méritent d'être soulevés. Premièrement, dans le cadre du débat sur l'utilisation de la réserve de carrière, les pétitionnaires ont expliqué, en exemple, que l'Etat fait crédit d'un certain nombre d'heures à un enseignant en classe 19, mais qu'au final le solde est remboursé en classe 20. Sur cette question, les pétitionnaires ont bien précisé en commission qu'ils ne désirent pas rigidifier la réserve de carrière, mais que c'est l'utilisation qui en est faite qui est remise en question, et qu'il serait nécessaire de mettre en place des garde-fous. Sur ce point, le conseiller d'Etat Charles Beer a simplement mentionné que les réserves de carrière sont descendues de 109 millions à 106 millions, même si ces réserves sont sollicitées. Mais nous n'avons pas grand-chose de plus comme information.
En outre, à la question d'une commissaire concernant ce qu'il advient de la réserve de carrière pour une personne qui fait le choix de changer d'orientation professionnelle, M. Beer a répondu que tout ce qui dépasse les 22 heures n'est pas restitué. La minorité estime qu'il y a là un travers qu'il s'agirait de corriger.
Deuxièmement, les pétitionnaires ont également mentionné la tendance actuelle à faire de la filière professionnelle le dernier échelon avant les structures d'accueil. En termes de qualité d'enseignement, les pétitionnaires ont indiqué encore que regrouper 23 élèves dans une classe de culture générale soulève un certain nombre d'interrogations. A ce propos, le conseiller d'Etat Charles Beer a expliqué que la croissance des effectifs liée au fait que le collège absorbe plus de ressources entraîne des problèmes. Il a de plus indiqué qu'il y a parfois des effectifs trop importants en culture générale. Pas d'information supplémentaire !
La minorité estime donc qu'il conviendrait que le Conseil d'Etat réponde de manière plus fouillée au sein d'un rapport sur cette pétition, et qu'un renvoi à ce dernier permettrait d'obtenir également les chiffres que j'ai évoqués précédemment.
M. Claude Aubert (L). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a dit le rapporteur de majorité, il s'agit donc d'une pétition qui s'inscrit dans le cadre de demandes itératives concernant des sujets chers aux syndicats. Nous comprenons ces derniers, mais nous pouvons évidemment poser quelques questions.
Il y a deux points que j'aimerais relever. Le premier concerne la demande de diminution de la charge de travail du corps enseignant. Il nous semble difficile de penser que, par rapport aux conditions de travail de beaucoup de gens dans notre cité, les syndicats des enseignants demandent une diminution du temps de travail de ces derniers. Je ne sais pas comment cela peut être accueilli.
Deuxièmement, si l'on s'attaque aux slogans, c'est-à-dire à ces idées qui sont répétées inlassablement comme un credo, j'aimerais citer la demande qui est formulée par les pétitionnaires concernant l'obtention de moyens suffisants pour le soutien aux élèves en difficulté. Demander l'obtention de moyens suffisants pour le soutien aux élèves en difficulté, cela fait partie des slogans que l'on entend - du moins en ce qui me concerne - depuis quarante ans. Depuis quarante ans on nous dit que, s'il faut changer quelque chose, c'est pour faire de la prévention, et que ce qu'il faut en ce qui concerne les jeunes, c'est donner des moyens suffisants pour pouvoir soutenir les élèves en difficulté. Mais si cela marchait, il est probable que, après quarante ans, on le saurait ! Or nous sommes en 2011, et nous avons appris il y a quelques jours qu'il existe encore des élèves qui sortent de la scolarité obligatoire sans pouvoir maîtriser les opérations simples qui sont l'addition, la soustraction, la multiplication et la division. Par conséquent, si depuis quarante ans on nous réclame toujours les mêmes choses et qu'il n'y a jamais d'études qui démontrent que le slogan devient une hypothèse de travail intéressante et ouvre des perspectives, cela signifie que l'on ne fait que ressasser et ressasser. En ce qui concerne les élèves en difficulté, c'est effectivement un énorme problème, mais je pense que, à force de répéter des slogans, on n'essaie pas de comprendre davantage ce dont il est question. Et il ne s'agit pas d'accorder des moyens supplémentaires, mais de voir si les réponses que l'on donne depuis quarante ans sont tout simplement valables. En conséquence, nous vous prions de bien vouloir suivre le rapporteur de majorité. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas m'exprimer sur le fond des pétitions que nous avons à examiner ce matin. J'aimerais vous faire part d'une sorte de sentiment de malaise sur le fonctionnement du partenariat social à l'Etat. Nous avons ici quatre pétitions déposées par plus ou moins le même corps d'enseignants, de fonctionnaires, qui donnent l'impression que ce partenariat social ne fonctionne pas. En effet, ces syndicats d'enseignants, notamment, se servent du parlement pour relayer des revendications sur la qualité de l'enseignement et un certain nombre d'autres points, mais, au fond, ils utilisent la pétition - qui est un droit que l'on ne peut pas contester - pour défendre, à mon avis, des intérêts corporatistes. Alors il faut se poser la question de savoir si nous devons passer une matinée ou une demi-matinée sur cette problématique. Je pense que, là, il faudrait que je ne sais qui puisse relayer cette réflexion et que l'on cesse de prendre ce parlement en otage sur des problèmes opérationnels ! C'est la raison pour laquelle, en tout cas ce matin, le groupe radical a suivi les rapports de majorité. Mais je crois qu'il faut que l'on réfléchisse au fonctionnement du partenariat social dans l'Etat - le petit ou le grand Etat - car le boulot du parlement, ce n'est pas de devenir la caisse de résonance des revendications syndicales. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Marie Salima Moyard (S). J'ai écouté avec grand intérêt ce que vient de dire mon collègue Barrillier, et il faut effectivement remettre l'ensemble de ces pétitions dans leur contexte. Celle-ci, comme d'autres, fait partie d'un groupe de pétitions émanant de différents secteurs du Cartel intersyndical de la fonction publique, qui, en début de législature, a fait connaître aux représentants du peuple les problèmes existant dans les différents secteurs. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Maintenant, on peut s'interroger quant à la manière dont la Suisse - ou plus précisément Genève - utilise sa démocratie directe. En effet, on a l'habitude de dire qu'il s'agit d'un pays où la démocratie fonctionne très bien, où la voix des citoyens est largement écoutée, où les élus prennent beaucoup d'intérêt à répondre et à écouter la population, mais avec cette pétition, on a un petit problème de méthode, et l'on peut même clairement douter de cet intérêt des élus que nous sommes à l'égard des préoccupations d'une partie de la population, et en l'occurrence d'une partie des agents de l'Etat.
Que demandait principalement la pétition ? Elle demandait le respect des maxima pour les effectifs de classe, ainsi que le retour au taux d'encadrement de 2000 - et ce n'est pas la même chose: je ne vous réexpliquerai pas la différence, mais le taux d'encadrement n'est pas à confondre avec les effectifs de classe. Il y avait également la question de ce système un peu compliqué que la rapporteuse de minorité a esquissé en quelques mots, soit le système des réserves de carrière.
Par rapport à ces demandes légitimes des agents de l'Etat que sont les enseignants de ces structures professionnelles, quel travail la commission des pétitions a-t-elle effectué ? Elle a auditionné les pétitionnaires, ainsi que l'association professionnelle en question - ce qui est peut-être la moindre des choses. Elle a ensuite rapidement entendu le conseiller d'Etat chargé du DIP, qui a présenté - car c'est bien son rôle - les grandes orientations sur la question. Mais ensuite, le travail réel aurait dû commencer, c'est-à-dire qu'il aurait fallu se demander si ces revendications qui datent d'il y a si longtemps, comme le disait M. Aubert, ont un fondement ou non ! Et ce qui m'étonne un peu dans le traitement de cette pétition, c'est que, en gros, la majorité ne s'est pas posé la question de savoir si ces chiffres étaient corrects ou non, s'il était même utile de les connaître, et c'est là que nous avons un problème. Il n'y a pas eu de travail de fond pour savoir si les demandes étaient fondées concernant les questions de taux d'encadrement, les questions d'effectifs de classe, et c'est problématique.
Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée !
Mme Marie Salima Moyard. Ce sera largement suffisant, Monsieur le président, pour vous dire que le classement vertical - puisque c'est ce qui est proposé par la majorité - n'est pas très sérieux. Il faut savoir si ces demandes sont justifiées, et pour cela le meilleur moyen consiste à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin que le conseiller d'Etat chargé du DIP puisse produire un rapport détaillé sur la question.
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'a souligné notre éminent collègue Gabriel Barrillet...
Des voix. Barrillier !
M. Pascal Spuhler. «Barrillier», pardon ! Gabriel Barrillier !
Ces pétitions, qui faisaient partie d'un ensemble de quatorze pétitions, constituaient effectivement un peu une prise d'otage du parlement. C'était surtout une manoeuvre électoraliste en 2009, ce qui nous a permis malgré tout d'écouter tous les pétitionnaires et de procéder à moult auditions suite à toutes ces demandes qui ont été faites. La commission des pétitions a donc travaillé tout à fait sérieusement.
Maintenant, quand nous avons auditionné M. Beer, il nous a quand même donné des garanties que des améliorations étaient en cours et que tout ce qu'il fallait faire devait être fait. Par conséquent, si les socialistes ne peuvent pas faire confiance à leur conseiller d'Etat, eh bien j'imagine qu'ils devraient peut-être voter pour un libéral, par exemple !
Quant au MCG, nous allons appuyer la demande de dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais nous resterons quand même attentifs à ce que le nombre d'élèves par classe ne dépasse pas les maxima convenus.
M. Antoine Bertschy (UDC). Je voulais remercier M. Barrillier d'avoir dit tout haut ce que certaines personnes pensaient tout bas. D'autre part, après avoir écouté les arguments avancés par les uns et les autres précédemment, je suis un peu halluciné par la position du parti socialiste, qui nous propose de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat parce que l'on ne possède pas les chiffres que nous aurions dû avoir. Eh bien, Mesdames et Messieurs les socialistes, vous n'aviez qu'à faire votre travail en commission, insister pour obtenir ces chiffres, ne pas rendre de rapport et ne pas vouloir voter cette pétition tant que vous n'aviez pas ces chiffres ! Maintenant, procéder à un renvoi au Conseil d'Etat pour qu'il nous fournisse des chiffres, ce n'est pas le but d'une pétition; c'est l'objectif d'une question écrite, ou éventuellement d'une interpellation urgente écrite.
Alors renvoyer une pétition juste pour obtenir des chiffres, Madame la rapporteure de minorité, le groupe UDC ne le fera pas, raison pour laquelle nous suivrons le rapporteur de majorité.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Prunella Carrard, à qui il reste trente secondes.
Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais juste réagir et dire que les socialistes ont fait leur travail en commission: nous avons demandé ces chiffres, mais ils ont été refusés par la majorité de la commission. Donc, nous n'avons pas pu aller plus loin. Dès lors, nous considérons qu'il est intéressant de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat afin d'avoir ces chiffres, car nous estimons que la commission n'a pas fait son travail de manière approfondie et correcte ! (Brouhaha.)
Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons maintenant procéder au vote.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1719 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 52 oui contre 26 non et 1 abstention.