République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 mars 2011 à 8h
57e législature - 2e année - 6e session - 34e séance
P 1715-A
Débat
M. Roger Golay (MCG), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition 1715, munie de 255 signatures, a été déposée par le Cartel intersyndical en 2009. Pour une meilleure compréhension de cette pétition, notamment pour les téléspectateurs qui suivent nos débats, je tiens à rappeler les principales revendications faites par les auteurs de ce texte. En substance, les pétitionnaires considèrent que, depuis quelques années, la politique d'austérité menée par le Conseil d'Etat à l'égard des subventions allouées à la Fondation genevoise pour l'animation socioculturelle - la FASe - a eu pour effet de causer un déficit chronique, lequel a des conséquences considérables sur le bon fonctionnement des activités socioculturelles destinées aux jeunes du canton. Par conséquent, les signataires de la pétition invitent les autorités politiques communales et cantonales à subventionner intégralement les postes budgétisés, y compris les mécanismes salariaux et autres droits découlant de la convention collective de travail, à compenser intégralement le déficit, à augmenter les effectifs afin de pouvoir répondre aux besoins de la population, et enfin à doter de fonds propres la fondation pour lui donner une assise financière et une marge de pilotage.
Dans le cadre de l'étude de cette pétition, la commission des pétitions a procédé à trois auditions, à commencer par le Cartel intersyndical, par la voix de sa présidente, Mme Jelk-Peila, accompagnée de plusieurs autres responsables syndicaux. Nous avons également entendu dans le cadre de nos travaux les représentants de la FASe et, pour finir, M. Beer, conseiller d'Etat. Lors de l'audition de M. Beer, il nous a été indiqué que cette pétition avait été lancée alors que la fondation n'avait pas signé le contrat de prestations. D'ailleurs, ce fait avait entraîné le parlement à voter un projet de loi émanant du Conseil d'Etat afin de modifier les majorités au sein de la fondation. Toujours dans le cadre de son audition, M. Beer a voulu être rassurant à l'égard des commissaires. En effet, il nous a indiqué sur le moment qu'il entendait adapter la subvention de la FASe afin que cette fondation puisse poursuivre son but.
Par conséquent, à la suite d'un court débat, basé sur les bonnes paroles émanant de M. Beer, conseiller d'Etat socialiste, ancien secrétaire syndical, la commission a décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Aujourd'hui, nous savons que les subventions ont été adaptées et que le déficit chronique a été comblé. Dès lors, cette pétition est devenue obsolète. C'est pourquoi la majorité des membres de la commission des pétitions invite le parlement à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, depuis quelques années, la FASe a vu un nombre croissant d'enfants et d'adolescents profiter de ses infrastructures et services. Victime de son succès, la FASe se retrouve aujourd'hui débordée, et tant le personnel que le conseil de fondation peinent à faire face. Effectivement, la pétition a été déposée par le personnel de la FASe, mais elle est soutenue sur bien des points par la direction et le conseil de fondation, qui confirment que la FASe subit des difficultés financières. M. Golay vient de rappeler quelles étaient ces difficultés, et notamment le problème du manque de dotation de fonds propres et du déficit qui ne cesse de se creuser d'année en année.
Rappelons également que, d'après la direction, il est aujourd'hui impossible de payer décemment les mécanismes salariaux, dans le respect de la convention collective de travail, sans creuser le déficit. Les conséquences de ces difficultés financières ont été entre autres la réduction des horaires d'ouverture de certains centres et un bricolage au niveau des ressources humaines, en retardant les nouveaux engagements.
La minorité salue bien entendu le projet de nouvelle gouvernance mis en place par la FASe, projet qui nécessitera l'ouverture de postes de coordination, voués à mieux gérer cette immense structure composée d'environ 700 collaborateurs. Toutefois, nous estimons que des postes de cadres ne résoudront pas les besoins en postes de terrain, outil essentiel à la cohésion sociale de ce canton.
La minorité estime qu'il est urgent que l'Etat et les communes se penchent d'une part sur le problème du déficit constant et croissant de la FASe, déficit qui finira inévitablement par produire des conséquences sur le personnel d'un point de vue du respect des conditions de la convention collective de travail, voire par engendrer des licenciements. D'autre part, il est urgent que l'Etat et les communes se penchent sur la problématique des fonds propres, dont ne dispose pas aujourd'hui la FASe, ce qui lui enlève toute marge de manoeuvre pour le pilotage de ses activités.
J'aimerais encore préciser ici que, fin 2010, nous avons reçu plusieurs pétitions de maisons de quartier s'inquiétant des restrictions financières qui leur sont imposées ainsi que de leurs conséquences, par exemple en termes de réduction des horaires d'ouverture des maisons de quartier. Il est vrai que, pour 2011 et 2012, l'Association des communes genevoises a mis la main au porte-monnaie et a renfloué les caisses, mais les problèmes se reposeront en 2013. La minorité estime donc que le Conseil d'Etat doit également envisager des solutions pour 2013 et, par conséquent, répondre à cette pétition. C'est pourquoi nous demandons le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat.
Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe suivra bien évidemment les conclusions du rapporteur de majorité, mais ce débat me donne l'occasion de rappeler une ou deux choses.
Il est vrai que la FASe souffre d'un manque de réserves financières: elle n'en a jamais eu, puisqu'elle n'a pas été dotée de capital à sa fondation, on l'a dit; vous avouerez que c'est assez particulier. Il est vrai aussi qu'il y a une incohérence dans le financement de la FASe: elle est contrainte d'appliquer les mécanismes salariaux de l'Etat, alors que les subventions accordées ne suivent pas la même courbe. Or les salaires représentent le 90% de ses coûts de fonctionnement; vous pouvez imaginer les casse-tête qui en résultent. C'est un problème qu'il faudra bien résoudre un jour ou l'autre, d'une manière ou d'une autre, mais là la solution du parti libéral ne sera peut-être pas la même que celle des syndicats.
Afin de maintenir les prestations, les communes ont sérieusement augmenté leur participation, vous l'avez dit, et c'est tant mieux, mais la fondation a également prouvé sa maturité en analysant ses coûts de près et en ajustant son budget de fonctionnement. Ce fut un exercice non seulement douloureux, mais encore laborieux, puisque le conseil de fondation était formé de telle sorte que les organismes payeurs n'aient pas la majorité. Ce Grand Conseil a récemment modifié la loi et rétabli une logique de décision.
Aujourd'hui, la FASe a mis en place un projet de gouvernance et des discussions sont en cours entre les quatre partenaires de la fondation, soit l'Etat, les communes, les associations et le personnel. Parmi les objectifs de ces discussions, il y a précisément la réactualisation du financement de l'institution, ceci dans le but d'établir d'ici à fin 2012 les propositions pour le nouveau contrat de prestations. Les partenaires ont donc trouvé une nouvelle dynamique et ces travaux se déroulent dans un excellent état d'esprit - j'ai pris la peine de téléphoner au président du conseil de fondation.
Dès lors, cette pétition, issue d'une série de pétitions syndicales déposées en rafale, n'amènera pas grand-chose au débat. Nous demandons donc, comme je l'ai dit, le dépôt de ce texte sur le bureau du Grand Conseil.
Mme Esther Hartmann (Ve). Evidemment, vous soupçonnez que nous, les Verts, nous demanderons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous sommes en effet inquiets non seulement par rapport à la situation actuelle de la FASe, mais aussi par rapport à l'avenir. Je vous rappelle que de nouvelles lois vont bientôt entrer en vigueur et que le personnel de la FASe va être encore plus sollicité, ce qui va vraiment occasionner, si les choses restent en l'état, de gros problèmes pour l'accueil.
Ce matin encore j'ai discuté avec une maman qui a appris que son enfant était mis en liste d'attente parce que les lieux ne pouvaient pas accueillir tous les enfants et qu'un choix devait être opéré par rapport aux revenus socio-économiques des personnes, ce qui pose des questions au niveau de la discrimination, de la mixité sociale et de tous les buts qui sont aussi visés par la FASe. C'est donc dans cet objectif-là que nous proposons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, afin qu'il tienne compte des nouveaux éléments qui sont actuellement en cours.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). La FASe est en renouvellement au niveau de sa direction, au niveau de son conseil et au niveau de ses statuts, que le Grand Conseil vient d'ailleurs de renvoyer pour adoption en commission. La FASe est devenue un énorme paquebot qui s'est adjoint, au fil du temps, de multiples missions plus variées les unes que les autres: ludothèques, travail social hors murs, assistance personnelle, etc. Mais pour le parti socialiste, la spécificité, l'originalité - même au niveau européen - la richesse et le sens de la FASe restent le travail d'animation, qui aujourd'hui est et doit demeurer le travail de terrain auprès des jeunes de la population en général. Cette population augmente et de nouveaux quartiers sont ou vont être créés. Nous ne pouvons pas, au niveau du canton, nous désinvestir. Nous estimons indispensable de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, afin de lui signifier que nous voulons que le travail d'animation socioculturelle, complété par l'oeuvre des travailleurs sociaux hors murs, reste la priorité des engagements réalisés, et qu'il ne doit pas être mangé par l'administratif et l'annonce de création de plusieurs postes de cadres intermédiaires. S'il faut des cadres, il faut d'abord plus d'animateurs et d'animatrices sur le terrain, pour les centres aérés, pour les jeunes. En effet, beaucoup de jeunes habitant notre canton sont en manque ou du moins à la recherche du sens de leur vie, de leur implication dans la société, et il est indispensable qu'ils soient soutenus et encouragés à avoir des liens et de l'attrait pour la chose publique.
En résumé, il est indispensable de garder et de renforcer le travail des associations et des animateurs socioculturels impliqués directement sur le terrain, tel que le prévoit la Charte cantonale des centres de loisirs, centres de rencontres, maisons de quartier, jardins Robinson et terrains d'aventures du canton de Genève. Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes vous enjoignent donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat comme message.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que ces dernières années les missions de la FASe se sont élargies considérablement, il est vrai aujourd'hui que cette institution a des missions fondamentales pour Genève, pour la jeunesse et les enfants de ce canton, et il est vrai que, dans l'avenir également, ces missions vont encore s'élargir, avec notamment la mise en oeuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles sur l'accueil à journée continue des élèves.
Cela dit, le Conseil d'Etat n'a jamais hésité ces dernières années, lorsque la FASe s'est trouvée en difficulté d'assumer financièrement ses missions, à couvrir un certain nombre de déficits en fin d'exercice. Je crois qu'aujourd'hui encore le Conseil d'Etat est déjà conscient qu'il faut soutenir la FASe dans les missions importantes qu'elle exécute, et ce n'est pas en bricolant des solutions à court terme par voie de pétition que l'on va régler le problème. Comme l'a dit Mme Favre, il y a aujourd'hui des réflexions en cours en vue du nouveau contrat de prestations, à la lumière de la nouvelle gouvernance de la FASe, et je crois que c'est dans ce sens-là qu'il faut aller pour l'avenir de cette institution que le PDC soutient activement et continuera à soutenir. Je pense donc, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut effectivement aller dans le sens du rapport de majorité, pour soutenir de façon durable et large les activités de la FASe.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la rapporteure de minorité Prunella Carrard, à qui il reste trente secondes.
Mme Prunella Carrard (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Très rapidement, je voudrais rappeler que la minorité soutient et salue le projet de nouvelle gouvernance, mais que, d'après les propos de la direction de la FASe, il s'agira là de créer des postes de coordination, des postes de cadres, et non de renflouer des postes de terrain qui sont ceux qui manquent et qui sont demandés par la pétition.
M. Roger Golay (MCG), rapporteur de majorité. J'aimerais simplement rappeler qu'effectivement, en 2009, la FASe a traversé quelques problèmes qui étaient dus aux financements, puisqu'il y avait une restructuration de cette institution par le projet de gouvernance. On peut constater que cette situation a été rétablie comme le désire le parlement. Le budget 2011 a prévu les moyens financiers pour que la FASe puisse aller dans le sens souhaité par cette association, c'est-à-dire qu'elle peut aujourd'hui fonctionner pleinement, sans aucune difficulté. Pour preuve, lundi passé, à la commission des pétitions, nous avons aussi entendu une association dépendant de la FASe, qui a pu nous faire part du fait que la situation était rétablie ! (Commentaires.) Je ne cite pas de noms, Monsieur ! Simplement, la situation a été rétablie, ce qui démontre bien qu'il n'y a plus de problèmes par rapport à cela. Ils ont pu réengager du personnel, donc tout est rentré dans l'ordre.
D'autre part, il est assez paradoxal que la majorité fasse confiance au conseiller d'Etat Beer, socialiste, a contrario de mes collègues d'en face. Laissons-le donc travailler ! Par rapport à 2012, effectivement, il y aura encore des travaux pour améliorer la situation financière, et, en ce qui concerne la dotation, il faut savoir que c'était contraire en tout cas à la volonté de l'ICF et du parlement. Donc aujourd'hui on en restera à une subvention et non à une dotation.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes en procédure de vote.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1715 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 50 oui contre 29 non.