République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Jacques Jeannerat, Claude Jeanneret et Jacqueline Roiz, députés.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

M. Florian Gander (MCG). Désolé pour mes collègues, mais, tout à l'heure, on n'a pas eu le temps de demander le traitement en urgence du point 134, soit la proposition de résolution 652, intitulée «Intégration pour tous», au sujet des sourds et malentendants, comme cela a été convenu avec différents partis.

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons à ce sujet. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 652 est adopté par 49 oui contre 1 non et 1 abstention.

Le président. Monsieur le député, si vous êtes d'accord, nous traiterons cette urgence après le point 30, qui nous occupe actuellement, bien évidemment pour autant que cette salle reste dans un calme qu'elle sait conserver de temps à autre. Monsieur le député Eric Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Pour donner le contre-pied, j'aimerais que le tableau s'affiche en rouge. Je demande la réintroduction de la proposition de résolution 628. Vous savez, il s'agit de cette résolution qui est partie dans les limbes, puisqu'elle a été ajournée, contre la volonté des dépositaires. On demande, dans un acte démocratique, qu'elle soit réintroduite à l'ordre du jour et traitée. Elle concerne la prise en otage du parlement par son président dans l'affaire Kadhafi. Donc, on demande la réinscription - ou la réintroduction, vous choisirez le mot qui vous convient, Monsieur le président - de la proposition de résolution 628. Je précise: on ne demande pas le traitement en urgence, mais seulement la réintroduction. Ayez le courage d'affronter le débat.

Le président. Mesdames et Messieurs, nous nous prononçons sur cette demande.

Mise aux voix, la réinscription à l'ordre du jour de la proposition de résolution 628 est rejetée par 48 non contre 14 oui et 1 abstention.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 10599-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) (J 4 04)

Deuxième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons à la lecture du PL 10599 article par article.

Mis aux voix, le préambule est adopté.

Le président. Nous sommes à l'article 1, souligné. La première des modifications de la LASI concerne son nouvel intitulé: «Loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle (LIASI)».

Mis aux voix, le titre (nouvel intitulé de la loi) est adopté, de même que les articles 2, lettre c (nouveau, sans modification de la note), à 19, abrogé.

Le président. Nous sommes saisis d'une proposition d'ajout d'un article 21, alinéa 4. L'amendement est déposé par Mmes les députées Anne Emery-Torracinta et Prunella Carrard. Madame Emery-Torracinta, souhaitez-vous vous exprimer, ou est-ce votre collègue qui va le faire ? Madame Emery-Torracinta, vous avez la parole.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Au préalable, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement rappeler une petite information à M. le conseiller d'Etat Longchamp, qui demandait: «Mais qu'a fait le groupe socialiste pour proposer d'autres choses ?» Alors j'aimerais lui rappeler qu'il y a, dans deux commissions, trois projets de lois socialistes. Il y avait le projet de loi 10625, présenté par Mme Schneider Hausser, qui était un contreprojet direct à cette loi-là. D'autre part, il y a actuellement à la commission de l'économie deux projets, l'un qui réforme notamment les emplois de solidarité, et l'autre qui était un projet de loi sur le chômage, qui a été déposé au moment où la LMC a été discutée et qui, j'imagine, va revenir dans l'actualité fort prochainement. Voilà, j'en viens maintenant à cet amendement.

En fait, Monsieur le président, il ne s'agit pas d'un nouvel article, mais d'une modification d'un article qui existe actuellement dans la LASI. En son article 21, alinéa 4, la LASI stipule aujourd'hui que «le Conseil d'Etat peut indexer les prestations d'aide financière selon l'évolution des barèmes intercantonaux», alors que la loi sur le RMCAS indiquait, concernant le RMCAS lui-même, que «le Conseil d'Etat indexe les prestations.» Par souci d'équité et par volonté aussi, puisque l'on supprime le RMCAS, de faire en sorte que la LASI se rapproche au maximum de ce qu'était la formulation de la loi sur le RMCAS, nous vous proposons donc «indexe». Il nous paraît logique, même si, actuellement, le Conseil d'Etat indexe les prestations - il l'a fait en début d'année - que la loi soit claire à ce propos.

Le président. Vous avez raison de me reprendre, Madame la députée. Il s'agit effectivement d'une modification d'un article de la loi actuelle, qui n'est pas nommé, si je puis dire, dans le rapport actuel. Il s'agit donc d'une modification de l'article 21, alinéa 4. Monsieur le député Pierre Weiss, vous avez la parole, sur l'amendement, bien évidemment.

M. Pierre Weiss (L). Madame Emery-Torracinta a eu raison de rappeler non seulement l'ampleur mais également l'énergie mises par son parti, parfois un peu de façon désespérée, en tout cas compte tenu des résultats... (Remarque.) C'est encore plus beau quand c'est inutile, Madame ! ...à essayer de modifier selon ses voeux la législation. J'ai rappelé aussi tout à l'heure ce qu'avait dit, à propos de l'ensemble du projet de loi, le professeur Flückiger, qui estimait qu'il y avait beaucoup de bonnes intentions. Je pense qu'il n'avait pas considéré spécifiquement cet amendement.

En effet, si l'on prend spécifiquement en considération ce qui est ici, il ne s'agit pas d'une bonne intention. Il s'agit dès le départ d'un effet mauvais. Pourquoi ? Certes, vous reprochez un manque de cohérence - et sur ce point vous avez raison - avec d'autres législations. Ce sont précisément les autres législations qu'il s'agirait d'amender, pour donner ailleurs dans la législation genevoise la possibilité d'indexer, si les moyens sont disponibles. Ce que vous voulez, c'est que, quels que soient les moyens à disposition, l'on indexe, quitte à augmenter le déficit et la dette, quitte évidemment - une fois que l'on aura toutes les entreprises non rentables que vous souhaitez de l'économie sociale et solidaire, qui ne rapportent pas un sou ou très peu d'impôts à la collectivité - quitte précisément à avoir un budget déficitaire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...dans lequel, au bout du compte, on ne pourra rien faire ! Mais on aura indexé les prestations, on aura dit que l'on voulait les indexer !

Il s'agit en réalité d'une proposition déclamatoire, dont le caractère non seulement ambitieux, mais irréaliste, est par trop évident. Vous avez traité, à d'autres occasions, certains partis de démagogues. Je n'ose vous retourner, je ne dirai pas le compliment, mais en tout cas la qualification. Il s'agit là véritablement de quelque chose qui ne peut être fait.

J'aimerais aussi rappeler, comme l'avait fait le Conseil d'Etat lors des débats, que s'était posé, il y a quelques années, le problème de l'indexation des salaires pour la fonction publique, et que celle-ci, obligée de par la loi, avait néanmoins dû être suspendue parce que les moyens n'étaient plus disponibles.

Je préfère donc que l'on dise «peut indexer», parce que, ainsi, on ne viole pas la loi, plutôt qu'«indexe» sans avoir la possibilité de le faire, et alors on la violerait. Proposer quelque chose qui ait pour conséquence précisément d'arriver à un non-respect de la législation, me semble-t-il, n'est pas non plus, d'un point de vue de la légistique, un acte responsable. Je regrette - je le dis franchement - qu'une composante du gouvernement, d'habitude respectueuse de la légalité et de ce qu'implique ou de ce que permet la législation, ici, propose quelque chose d'irréaliste. J'attendrais plutôt de votre part - je conclurai ainsi - que vous donniez la possibilité à ce Conseil d'Etat, dans lequel d'ailleurs l'un de vos magistrats siège, de pouvoir indexer quand il a les moyens - et il le fait dès qu'il les a - plutôt qu'une obligation impossible. Je crois véritablement, Madame la députée, que vous avez par ailleurs une obstination que je craindrais de qualifier de coupable, mais que néanmoins je pense erronée.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG tient à remercier l'attitude courageuse et très claire du conseiller d'Etat François Longchamp, dans son intervention préalable... (Brouhaha.) ...qui a reconnu l'erreur commise à la Fondation des parkings lorsque cette dernière a engagé 23 frontaliers en payant 200 000 F... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à une société privée.

Le président. Au sujet, Monsieur le député ! Au sujet !

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, je parle bien de ce projet de loi, et je vais venir tout de suite à l'amendement, mais je ne suis pas en train de parler d'un autre objet. Je fais simplement référence à la déclaration courageuse du Conseil d'Etat, qui a reconnu l'erreur commise en engageant ces 23 frontaliers, en payant 200 000 F, alors que l'office cantonal de l'emploi fournissait la même prestation gratuitement en donnant des emplois à nos chômeurs genevois ! (Brouhaha.) Donc je tenais, au nom du MCG, à vous remercier, Monsieur le conseiller d'Etat. Ce langage nous sied et nous plaît, parce qu'il est vrai et franc; surtout, il démontre qu'il y a encore bien des choses à faire pour améliorer l'emploi et la priorité de l'emploi aux résidents genevois.

En ce qui concerne l'amendement...

Des voix. Ah !

M. Eric Stauffer. ...et nous y venons, je céderai la parole à mon collègue Mauro Poggia, qui vous donnera la position du MCG.

Le président. Monsieur le député, ça, c'est de l'abus ! Vous avez demandé la parole afin de pouvoir parler de cet amendement-là...

M. Eric Stauffer. Monsieur le président...

Le président. Vous ne l'avez pas fait, donc vous abusez de ce parlement...

M. Eric Stauffer. Absolument pas...

Le président. En plus de cela, je vous serai reconnaissant...

M. Eric Stauffer. Je n'ai pas...

Le président. ...de ne pas me couper la parole.

M. Eric Stauffer. Mais, Monsieur le président, vous m'invectivez en disant... Je ne suis pas d'accord ! (Brouhaha.)

Le président. La parole est à M. le député Eric Bertinat.

M. Eric Bertinat (UDC). Je me bornerai à parler de l'amendement. J'aurais d'autres choses à dire sur d'autres sujets, du reste. Mais par un minimum d'honnêteté, je me bornerai quand même à parler de cet amendement, pour vous dire que le groupe UDC s'opposera à cette proposition d'indexation, non pas qu'elle ait toute la culpabilité que veut bien lui accorder M. Weiss - en effet, à Genève, le coût de la vie augmente à une telle vitesse que la non-indexation est rapidement pénalisante - mais tout simplement parce que, pour indexer, il faut d'abord tenir compte des finances de l'Etat, de sa surface financière. Pourra-t-elle ou non supporter ce genre d'exercice ? Ce sont le budget et les comptes qui pourront décider de l'indexation. Donc le terme «peut indexer» nous convient parfaitement. Par conséquent, nous refuserons la demande d'amendement du parti socialiste.

M. Patrick Saudan (R). Le parti radical ne va pas profiter de la discussion de cet amendement pour vous imposer un florilège de déclarations démagogiques ou électoralistes. Donc je m'en tiendrai, comme mon préopinant, à l'amendement.

Nous sommes opposés à l'automatisation directe. Nous pensons, nous autres radicaux, que la politique, c'est faire des choix, et nous voulons laisser cette possibilité de faire des choix aux Conseil d'Etat, qui, selon la situation financière, selon les rentrées fiscales, indexera ou pas les prestations sociales.

Mme Prunella Carrard (S). Les socialistes, je voudrais le rappeler, n'ont pas fait qu'avoir de bonnes intentions, mais ont aussi décidé d'agir pour améliorer la loi. Je pense que c'est important de le rappeler. Nous avons effectivement proposé un certain nombre d'amendements, qui ont été pour part acceptés en commission - nous nous en félicitons - et pour d'autres nous les proposons de nouveau ici car nous estimons qu'ils sont importants.

Alors on parle du risque de creuser la dette et le déficit de l'Etat avec l'obligation, quelque part, d'indexer les prestations de l'aide sociale. Mais le déficit, la dette: la faute à qui, Mesdames et Messieurs les députés ? La faute à qui ? La position des socialistes est cohérente. Les socialistes refusent de faire payer aux bénéficiaires de la LASI le poids des choix irresponsables de la droite de ce parlement, notamment en ce qui concerne les baisses d'impôts que nous avons votées il y a peu de temps encore, c'est-à-dire il y a un an et demi. (Brouhaha.) Le refus d'indexer les prestations sociales est effectivement directement lié à cette votation et aux conséquences de la baisse des revenus fiscaux de l'Etat. C'est bien ce que les socialistes avaient malheureusement prédit, et c'est ce que nous décidons de contrer en demandant que l'indexation soit inscrite telle quelle dans la loi.

J'aimerais finir par dire ceci à M. Weiss. Concernant l'économie sociale et solidaire, Monsieur Weiss, vous ne devriez pas vraiment parler de ce que vous ne semblez pas connaître, parce que le réseau de l'économie sociale et solidaire est constitué d'associations, d'institutions importantes à Genève, mais aussi d'entreprises, qui ont fait le choix de mettre l'économie sociale et solidaire au coeur de leurs préoccupations éthiques et sociales.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts sont spécialement choqués par les propos de M. le député Weiss. (Exclamations. Commentaires.) Oui, Mesdames et Messieurs les députés, l'économie sociale et solidaire décriée par M. Weiss est certaines fois subventionnée, d'autres fois ne l'est pas et ne dépend pas de l'Etat. M. Weiss semble l'ignorer. Les gens qui créent des emplois à Genève, qu'ils soient artisans, que ce soit l'économie sociale et solidaire, que ce soient des gens qui payent peu d'impôts, produisent de la richesse pour ce canton et de la dignité par les emplois qu'ils créent.

Les mépriser sous prétexte que seuls les gros contributeurs seraient respectables est insultant pour les personnes qui s'engagent, que ce soient des patrons de bistrots bossant cinquante à soixante heures par semaine, que ce soient des gens engagés, pour certains bénévolement et pour d'autres en tant que salariés, dans des entreprises de l'économie sociale et solidaire, et qui ne comptent pas leurs heures. Parce qu'ils ont un but idéal, ils seraient méprisés par le parti libéral ? J'en suis choqué ! Aujourd'hui, les coopératives qui font partie de l'économie sociale et solidaire construisent des logements, des logements bon marché, pour les Genevois; considérer que ces gens-là sont une quantité négligeable pour le canton, Monsieur Weiss, est insultant. Aujourd'hui, nous avons besoin de l'économie sociale et solidaire, comme nous avons besoin de l'économie classique, pour faire fonctionner ce canton. Mépriser une partie de l'économie de ce canton est insupportable de la part de quelqu'un qui travaille aux Syndicats patronaux.

Quant à l'amendement, aujourd'hui, qui est proposé et sur lequel nous devons discuter, c'est simplement admettre que, en francs constants, nous gardons le même type de revenu. Demander de ne pas indexer, c'est demander qu'il y ait, dans le temps, une diminution des revenus des personnes les plus faibles, ce que nous ne pouvons accepter. C'est pour cela que nous vous demandons d'adopter cet amendement. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Forni, sur l'amendement évidemment.

M. Michel Forni (PDC). Je me permets de revenir sur l'amendement, qui, je le rappelle, cible deux thèmes: la malheureuse situation d'être pauvre et celle d'être exclu du travail. A parti de ces éléments-là, comme je l'avais dit tout à l'heure, le groupe démocrate-chrétien est d'accord pour développer un compromis acceptable. Mais il ne saurait accepter une attaque frontale de type indexation qui n'est qu'une prise d'otage du Conseil d'Etat et une forme de dumping ! Nous sommes ouverts pour emprunter le chemin d'une société plus juste et pour faire mieux, nous sommes ouverts à une flexibilité croissante, mais nous tenons compte des objectifs réalistes et voulons surmonter les difficultés rencontrées sans déstabiliser et sans nous mettre dans une situation qui imposerait au Conseil d'Etat des solutions difficiles. Nous refuserons donc cet amendement.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, dans le prolongement logique de l'intervention de M. le député Eric Stauffer, je vais dire deux mots concernant cet amendement. Le groupe MCG est évidemment conscient de la préoccupation du Conseil d'Etat de maintenir des finances saines. Or même si, jusqu'à aujourd'hui, les prestations sociales ont toujours été indexées, il se pourrait que, un jour, nous vivions effectivement des périodes plus difficiles.

Il n'en demeure pas moins que, pour notre groupe, ces périodes difficiles ne doivent pas être au détriment des plus défavorisés. Nous considérons, comme l'a dit très justement le représentant du groupe des Verts, que, en francs constants, l'aide sociale doit rester constante également. Donc nous estimons effectivement que cet amendement est judicieux et que cette indexation, qui existe dans les faits jusqu'à aujourd'hui, doit trouver son fondement dans la loi. Par conséquent, nous soutiendrons cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Weiss, sur l'amendement.

M. Pierre Weiss (L). Sur l'amendement, oui, mais, tout d'abord, je voudrais dire à M. Bavarel combien je regrette qu'il ait pu mal comprendre mes propos, ou, si mes propos ont été trop clairs, lui dire que, en tout cas, une chose était certaine: je considère que toute forme de travail, y compris celle de l'économie sociale et solidaire, représente d'abord une grande dignité pour ceux qui l'exercent. Je tenais à ce que ce soit clair, et je le lui répète ici. Je voulais simplement dire que, pour partie, voire pour bonne partie - et un rapport que nous avons à la commission des finances le montre - l'économie sociale et solidaire est une économie subventionnée, et que cette économie subventionnée ne peut pas vivre, par ces subventions, sans ressources venant d'autres, de l'économie non subventionnée ! Voilà ce que je tenais à lui dire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...voilà ce qui devait être précisé.

Sur l'amendement qui est proposé par le parti socialiste, il doit être rappelé encore une fois qu'il ne peut y avoir une multiplication des obligations d'indexations. L'on sait fort bien, et c'est un argument supplémentaire qui va contre cette obligation, les effets néfastes que peut avoir une indexation obligatoire sur l'inflation. Or multiplier les lieux d'indexation obligatoire amène à une augmentation de l'inflation. D'un point de vue économique toujours, voilà une décision contre laquelle se sont révoltés des travailleurs dans des pays étrangers... (Remarque.) ...auxquels on faisait allusion tout à l'heure. Je pense notamment à l'Italie. Voilà une raison pour laquelle il convient de refuser quelque chose qui nous entraînerait économiquement vers la dégradation des conditions-cadres de notre pays.

Nous sommes actuellement dans une situation dans laquelle nous ne savons pas si nous allons aller vers de l'«hyper-inflation», qui succéderait à la période actuelle de quasi-absence d'inflation. Dans cette situation-là d'incertitude, je vous recommande, je vous implore quasiment, de ne pas prendre un risque supplémentaire. Une possibilité de risque n'est pas une certitude. Voilà pourquoi il convient de pouvoir indexer et non pas de devoir indexer.

M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Je me dois, en tant que rapporteur de majorité, d'intervenir. Effectivement, en commission, nous avons eu longuement cette discussion. Le Conseil d'Etat nous a assuré qu'il proposera une indexation. D'ailleurs, il a fait des indexations, ces quatre dernières années, sur les prestations complémentaires et sur les prestations LASI.

Nous avons voté en commission. Les deux commissaires MCG se sont opposés à l'indexation. Il n'y avait pas d'indication et il fallait faire confiance au Conseil d'Etat. Je constate que, aujourd'hui, en plénière, ces deux commissaires et le groupe MCG changent d'attitude; je trouve cela regrettable par rapport au travail que nous avons mené en commission, qui a été bien mené, avec un groupe MCG avec lequel nous avons pu collaborer et travailler.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous nous prononçons à présent sur l'amendement à l'article 21, alinéa 4, nouvelle teneur, que je vous lis: «Le Conseil d'Etat indexe les prestations d'aide financière selon l'évolution des barèmes intercantonaux.» (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 46 non contre 43 oui. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Le président. S'il vous plaît ! Nous sommes saisis d'un nouvel amendement à l'article... (Brouhaha. Le président agite la cloche plusieurs fois. Le brouhaha cesse.) Nous sommes saisis d'un nouvel amendement à l'article 22, alinéa 3. Je repose la question: Madame Emery-Torracinta, souhaitez-vous présenter vous-même cet amendement, ou est-ce que ce sera votre collègue, Mme Carrard ?

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Ce sera moi, Monsieur le président. Mme Carrard répondra ensuite aux questions.

C'est un amendement - je m'en excuse auprès des commissaires des affaires sociales - qui n'ont pas été présentés par les socialistes en commission, je l'avoue, faute de connaître la réalité des faits. Je m'explique. Lorsque nous avons travaillé en commission, les socialistes ont cherché la comparaison entre le RMCAS et la LASI. Nous avons beaucoup regardé les lois et règlements d'application pour voir qu'elles étaient les différences financières. Je dois dire que, à ce propos... (Brouhaha.) Je ne parle pas avec ce bruit, je suis désolée ! Il y a trop de bruit, Monsieur le président. Je n'ai pas terminé, mais je trouve qu'il y a beaucoup de bruit.

Le président. Mais je vous en prie !

Mme Anne Emery-Torracinta. Nous n'avons pas beaucoup été aidés par les fonctionnaires du département, qui se sont bien gardés, quand j'ai présenté les différences entre les deux lois sur le plan financier, de préciser les choses. Alors de quoi s'agit-il ?

Lorsqu'une personne divorcée, par exemple, paie une pension alimentaire, arrive au chômage, est en fin de droit et entre comme bénéficiaire du RMCAS, la pension alimentaire qu'elle doit verser à son ex-conjoint ou ex-conjointe est prise en compte et déduite de son revenu déterminant qui lui donne droit au RMCAS. Par contre, la même personne qui se retrouverait à l'aide sociale, eh bien tant pis pour elle ! Si elle doit verser par exemple 500 F de pension alimentaire, eh bien tant pis, ces 500 F seront en quelque sorte enlevés de son aide sociale.

Dans un canton où il y a beaucoup de divorces, où les familles séparées se trouvent souvent dans difficultés financières importantes, nous estimons donc normal que, dans ce sens-là, la nouvelle loi sur l'aide sociale individuelle reprenne les mêmes dispositions que le RMCAS et qu'une pension alimentaire versée à un ex-conjoint soit déduite du revenu déterminant donnant le droit à l'octroi d'une prestation. (Remarque. Quelques instants s'écoulent.)

Le président. Avez-vous...

Mme Anne Emery-Torracinta. Juste une précision: dans les limites, bien sûr, de ce qu'autorise le SCARPA ! Si quelqu'un de très aisé versait tout à coup plusieurs milliers de francs, voire 10 000 F de pension alimentaire, bien évidemment que l'on ne dépasserait pas les normes du SCARPA, qui sont de l'ordre de 600 F ou 800 F par mois au maximum, je crois.

M. Patrick Saudan (R). Effectivement, cet amendement n'avait pas été discuté à la commission des affaires sociales, mais nous acceptons tout à fait les excuses de Mme Emery-Torracinta; nous ne lui en voulons pas.

Néanmoins, nous n'allons pas accepter cet amendement. Nous n'allons pas l'accepter, parce que la philosophie de ce projet de loi s'inscrit quand même dans une remise, dans le marché du travail, de personnes... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...qui ont de la difficulté à y accéder. Or si on permet, à titre de déduction, les pensions alimentaires, l'aide sociale sera supérieure au revenu du travail, qui est supérieur au seuil d'intervention de l'aide sociale. Donc, rien que pour cette raison, nous refuserons cet amendement. (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle à celles et ceux d'entre vous qui ont soif qu'ils peuvent aller prendre pension pendant un moment à la cafétéria, de façon à ne pas faire trop de bruit. Cela vaut évidemment pour les chefs de parti comme pour les philosophes. (Brouhaha.)

M. Mauro Poggia (MCG). C'est bien à moi que vous avez donné la parole, Monsieur le président ? L'acoustique devient très mauvaise, par moment, dans cette salle. (Brouhaha.)

Je dirai simplement que l'amendement proposé par le groupe socialiste est l'expression du bon sens. Lorsqu'il y a une obligation légale de s'acquitter d'une contribution alimentaire, il va de soi que cette somme doit être versée chaque mois, et qu'elle ne peut donc pas être comptée dans les revenus pris en considération pour calculer le droit à obtenir l'aide sociale individuelle. Je n'arrive pas à comprendre l'intervention du groupe radical, qui s'oppose de manière dogmatique à cet amendement, sans même réfléchir qu'il est logique: on ne va pas priver une personne de l'aide sociale en considérant qu'elle dispose de 500 F par mois alors que ces 500 F par mois, elle doit les verser, par jugement, à son conjoint ou ex-conjoint ! Donc oui, nous soutiendrons cet amendement, parce qu'il juste. Et ne pas le soutenir est une absurdité totale.

M. Eric Bertinat (UDC). Cela tombe bien que je prenne la parole après mon collègue Poggia, parce que, sur à peu près tout ce qu'il a dit, je suis d'accord. Il y a là un réel problème, et il est regrettable que nous n'ayons pas pu en discuter à la commission des affaires sociales. En effet, il y a là une véritable difficulté pour des personnes qui, comme l'a dit M. Poggia, doivent chaque mois verser de l'argent qui n'est pas pris en compte pour ce genre d'aide. Indépendamment du fait, finalement, qu'elles doivent ou non retrouver un emploi, leur situation à la fin de chaque mois est celle qui est décrite par Mme Emery-Torracinta, et elle pose problème.

Cependant, nous voterons non, parce que nous n'avons aucun chiffre: nous ne savons pas où nous mettons les pieds, nous ne savons pas le nombre de personnes qui pourraient être touchées ni la somme que cela englobe. C'est bien dommage ! Cela pourrait éventuellement être un argument, peut-être, pour un renvoi en commission, que je ne demande pas. En effet, la situation exige aujourd'hui que nous prenions la décision rapidement, ce soir, sur ce projet de loi. Mais il n'est pas impossible que le groupe UDC - peut-être d'autres partis aussi - revienne sur ce sujet en demandant des chiffres, en demandant une situation financière beaucoup plus claire, afin de savoir exactement où on met les pieds... On ne sait pas aujourd'hui où on met les pieds avec cette proposition. Je parle évidemment de la question financière. Par conséquent, c'est la mort dans l'âme que nous refuserons cet amendement.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, comme l'a dit M. Bertinat, cet amendement n'a pas été discuté en commission. Je m'en voudrais d'ironiser sur l'ampleur des propositions d'amendement du parti socialiste, qui aurait plutôt eu tendance à me faire penser que ses représentants avaient pensé à tout. Et soudain, je découvre ce soir que, malheureusement, l'imperfection est de ce monde et en tout cas peut même être socialiste. Mais cet aveu de faiblesse de votre part étant implicitement reconnu, j'aimerais quand même regarder ce qu'il en est des conséquences pratiques de l'amendement.

A priori, je dois dire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il y a effectivement une logique, dans les conséquences qu'il pourrait avoir, à le prendre en considération pour une réflexion. Afin que cette réflexion soit complète, je souhaiterais que s'exprime en particulier le Conseil d'Etat, qui, me semble-t-il, doit aussi, sur cette question, avoir son point de vue. Je demande donc à M. Longchamp, le moment venu, avant que nous ayons à voter sur cet amendement, de s'exprimer.

Néanmoins, sous réserve des explications que le Conseil d'Etat pourrait nous donner, j'aurais plutôt tendance à penser ceci. Dans des situations complexes, aussi complexes que la révision de cette loi, avec tous les articles qu'elle implique, les modifications qu'elle amène, avec les calculs des coûts qui ont été faits par le gouvernement et qui nous ont été donnés en commission, amener tout à coup un élément supplémentaire, dont l'effet est inconnu, même si la justesse n'est pas en soi contestée, sous réserve, comme je le disais, des explications du Conseil d'Etat, eh bien, cette acceptation me semblerait périlleuse.

C'est la raison pour laquelle encore un moment de réflexion, voire peut-être une autre proposition de modification plus tard de la législation, Madame la députée, me sembleraient plus opportuns. Je crois qu'il est important de ne pas faire les choses avec précipitation sur un sujet qui concerne nombre de familles dans ce canton, nombre de familles qui se sont défaites, avec divorce, avec pour certaines d'entre elles des conséquences financières graves. Un peu de prudence est, me semble-t-il, mieux qu'un amendement intempestif.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Monsieur le président, vous communiquerez à M. Weiss qu'il ne s'agit certainement pas d'une imperfection de cette loi et de ce projet de loi, mais cela montre bien une intention de ce projet de loi, qui est de niveler vers le bas. En effet, lorsqu'une personne a un travail, qu'elle le perd, qu'elle touche des prestations d'allocation au chômage... (Remarque.) Oui, oui, je ferai très attention, mais je vais me contenir ! ...et qu'elle a des prestations d'assurance-chômage, ces dernières lui permettent de payer sa pension, car c'est un parent honnête lors de la séparation. Quand cette personne arrive au RMCAS, un relais est pris face à sa pension.

Ce n'est pas le cas avec la LASI, ce qui pose un vrai problème; les pensions ne sont plus versées et la personne qui est à l'aide sociale accumule une dette, qui va être suspendue au-dessus de sa tête jusqu'à ce qu'elle retrouve du travail ! C'est ce qui se passe actuellement. Quand la personne retrouve du travail, ce sont des milliers, des dizaines de milliers de francs parfois, que la personne doit rembourser. On assiste à un endettement des gens pauvres, actuellement - cela, il faut le savoir ! - à l'aide sociale, à la LASI.

Alors, si on arrive à niveler vers le haut cette histoire-là, cela nous évitera peut-être de payer, dans le prochain projet de loi, plus de prestations complémentaires pour les familles monoparentales qui n'arrivent pas à tourner, qui, après trois ans de SCARPA, se retrouvent avec des budgets déficitaires et qui vont de toute façon avoir besoin de l'Etat pour vivre à travers les prestations complémentaires !

Donc, ce que l'on est en train de proposer là, non, n'est pas une manoeuvre «socialisto-je-ne-sais-quoi». Ce n'est pas cela ! Il s'agit juste de mettre l'argent public dans le bon compte ! Et de ne pas anéantir les gens jusqu'au bout et leur enlever la dignité de pouvoir subvenir aux besoins de leur famille, ce qu'ils ont pu faire tant qu'ils avaient du travail. Si ce n'est pas contenu dans le projet de loi, c'est une erreur; ce que l'on donnera là, on ne le donnera pas dans le futur projet de loi, le prochain figurant à l'ordre du jour, les prestations complémentaires. C'est simple ! On a juste trois ans de SCARPA, et c'est de nouveau de l'argent public qui n'est pas toujours recouvré non plus. Donc en termes publics, c'est du donnant-donnant. Simplement, on permet aux gens, surtout aux parents qui se séparent, de garder leur dignité. Si cet amendement n'est pas accepté, c'est en quelque sorte dire que les pauvres n'ont plus le droit de divorcer sans accumuler des dettes incroyables. Voilà !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Michel Forni (PDC). Cet article 22, basé comme on vient de le dire, et on vient de l'apprendre ce soir, sur des normes du SCARPA, allie bien sûr la morale, l'éthique, l'historique et le juridique. Il y a donc des ajustements. Or les perspectives de ces ajustements restent douteuses car elles sont associées à de nombreuses interrogations, comme cela a déjà été dit, et nous ne connaissons pas non plus les conséquences de cet article. Il y a donc des interrogations qui appellent à des hypothèses de travail qui n'ont pas été développées en commission, et nous devons avoir - je rejoins ceux qui l'ont déjà dit - des éclaircissements de la part du Conseil d'Etat. Sous réserve de ces éclaircissements, nous ne pourrons pas entrer en matière. Par conséquent, nous attendons de la part du Conseil d'Etat des éclaircissements qui nous permettent de lui réitérer notre confiance.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Juste une petite précision pour M. Weiss. Pour les gens qui sont actuellement au RMCAS, cette prestation, ou plus exactement cette déduction sur le revenu déterminant, est déjà prise en compte. Cela signifie que seul le cas des personnes nouvellement à l'aide sociale pourrait ajouter quelque chose pour l'Etat. Mais comme l'a très bien dit Mme Schneider Hausser, c'est prendre dans un pot pour mettre dans un autre. Autrement, si quelqu'un ne paie pas sa pension alimentaire, cela implique d'autres problèmes concrets sur le terrain pour les familles concernées.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat François Longchamp, qui a droit à sept minutes comme d'habitude.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est assez difficile de vous donner un avis très définitif sur cet amendement. En effet, à 21h10, les services informatiques de l'Hospice général ne sont pas en mesure de faire une estimation de l'ampleur financière de ce changement. Mais il y a quand même un certain nombre de problèmes qui dépassent largement le problème financier.

Les espèces de déduction et le type de déduction de revenu sont fixés dans les normes CSIAS, la Conférence suisse des institutions d'action sociale. Ce principe actuel, qui est ici remis en cause, s'applique à l'ensemble des cantons suisses, et il y a une bonne raison à cela: si vous n'intégrez pas la déduction dans le revenu, vous créez une énorme trappe à la pauvreté pour la personne qui cherche à retrouver un emploi. En effet, cela signifie qu'il faut à tout le moins, pour retrouver un emploi, que le salaire proposé soit supérieur à la somme de l'aide sociale et de la pension alimentaire versée, même si celle-ci n'est en réalité souvent pas versée, puisque c'est le SCARPA qui verse la pension alimentaire.

Cela pose donc un problème de conflit de normes. Et je suis certain que si la totalité des cantons suisses a pris cette mesure, et que nous l'appliquons à Genève dans l'aide sociale sans que ce soit venu à votre connaissance jusqu'ici, c'est qu'il y a de bien bonnes raisons. Ces dernières mériteraient, je suis navré de le dire, un examen un tout petit peu plus attentif que celui que je peux faire par sms avec des spécialistes de la question, tant des gens du SCARPA que de l'Hospice. Je vous indique ainsi que je suis dans l'incapacité, Monsieur Weiss - puisque c'était la question précise que vous posiez - de chiffrer d'une quelconque manière cet amendement, à 21h10. Et il vient pour la première fois à mes oreilles après six mois de débat.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote sur l'amendement présenté à l'article 22, alinéa 3, nouvelle teneur: «Sont prises en compte à titre de déductions sur le revenu, la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ou au partenaire enregistré dont le partenariat est dissous ou qui vit séparé, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 47 oui.

Mis aux voix, l'article 23, al. 3 (nouvelle teneur), est adopté.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 25, alinéa 1. Je laisse, j'imagine, Mme la députée Emery-Torracinta présenter cet amendement.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Monsieur le conseiller d'Etat, je suis désolée si vous ne prenez connaissance des amendements que ce soir. D'une part, ces amendements étaient sur les tables hier, donc j'imagine que, aujourd'hui, les fonctionnaires concernés travaillaient. Et puis, si je regrette infiniment, c'est parce que, quand on a travaillé en commission, à aucun moment le département et les fonctionnaires du département ne nous ont présenté un tableau comparatif avec les barèmes d'entrée dans l'un ou l'autre des régimes et avec les différentes prestations. Nous avons dû faire le travail tout seuls, en députés d'un parlement de milice. Eh bien il faut en assumer peut-être maintenant les conséquences, et nous reviendrons avec un projet de loi à ce propos prochainement.

Concernant l'amendement à l'article 25, nous l'avions présenté en commission. Malheureusement, d'ailleurs, il manquait quelques députés au moment du vote, et c'est peut-être aussi pour cette raison qu'il n'avait pas été accepté.

Notre idée est la suivante. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, si l'on augmente, si l'Etat met plus de moyens dans les mesures d'insertion pour les gens qui sont à l'aide sociale, de fait, il mettra par tête, si j'ose dire, moins de moyens en termes de prestations financières. En effet, comme je l'ai rappelé, 380 F par mois est actuellement la différence entre le coût d'un dossier à l'Hospice général pour l'aide sociale et le coût d'un dossier RMCAS. Nous avons pensé, au niveau du groupe socialiste, qu'il fallait essayer au moins que cet argent, non pas économisé mais non dépensé ces prochains temps, soit redistribué à l'ensemble des bénéficiaires de l'aide sociale d'une manière ou d'une autre. C'est dans ce sens que nous avons proposé des amendements, dont certains ont d'ailleurs passé, concernant la franchise sur le revenu que quelqu'un obtiendrait ou concernant le loyer. Mais ce n'est pas suffisant, et nous vous proposons donc de permettre aux bénéficiaires de l'aide sociale d'obtenir un abonnement TPG aux mêmes conditions que les personnes qui sont aux prestations complémentaires, à l'assurance-vieillesse ou à l'assurance-invalidité.

Je pense que c'est un amendement qui pourrait être consensuel. J'en veux pour preuve une question écrite de M. Claude Aubert, libéral, déposée lors de la dernière session et intitulée: «Une aide sociale à deux voies et à deux vitesses ?» Or dans cette question écrite 3652, M. Aubert s'inquiète des différences dans la manière dont on prend en charge les gens qui sont à l'aide sociale et les personnes qui sont aux prestations complémentaires, en demandant s'il est «judicieux de maintenir l'organisation actuelle fondée sur le critère discriminatoire de l'âge, deux voies pouvant signifier un cheminement à deux vitesses.» Eh bien Mesdames et Messieurs les députés, comme M. Claude Aubert, je vous demande de ne pas prendre un cheminement à deux vitesses et d'accepter notre amendement.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat... (Remarque.) ...François Longchamp. Je suis désolé pour ceux qui ont appuyé... (Remarque.) Oui, oui ! Cela vaut pour vous, Monsieur Weiss, comme pour Mme Schneider Hausser. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole pour clore ce point.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, cet amendement est le seul sur lequel je m'étais assuré de vouloir prendre la parole, sauf si, évidemment, des députés souhaitent que je le fasse sur d'autres amendements. Cet amendement, sous des dehors qui paraissent très élégants, en réalité remet totalement en cause tout le dispositif d'aide sociale, et vous le savez bien, Madame la rapporteure de minorité.

D'abord, vous avez indiqué que nous allions faire des économies. Je vous rappelle ce qui a été dit. Nous avons trente-six mois de mesures transitoires, pendant lesquels nous ne ferons pas un franc d'économie. Nous allons monter les barèmes de loyer. Et, jusqu'ici, ce projet coûte à l'Etat 18 millions de plus. Donc j'ai de la peine à voir où sont les économies. Mais le problème est bien plus de fond.

Madame, en amenant cet amendement, premièrement, on crée un puissant effet de seuil - c'est le moins que l'on puisse dire - puisque les frais de transport ne sont pas anodins, en particulier lorsqu'il faut les multiplier par le nombre de personnes dans la famille. Je me rappelle avec quelle ardeur un certain nombre de députés - avec justesse, puisque nous avons supprimé tous les effets de seuil dans la législation cantonale - nous priaient de renoncer à ces effets de seuil.

Deuxièmement, Madame la rapporteure de minorité, on va payer deux fois, puisque les normes CSIAS précisent que l'argent est consacré aux frais de transport. Si l'on paie les frais de transports et que l'on donne ensuite un abonnement, on paie deux fois !

Et troisièmement, comme je sais que nous allons avoir un débat tout à l'heure sur un observatoire de la pauvreté, nous créerons là une parfaite genevoiserie dans un dispositif complètement régulé sur le plan fédéral, qui prévoit la prise en charge, dans les barèmes, des frais de transport.

Ainsi, on les paiera deux fois, on créera un effet de seuil et on enlèvera toute forme de comparaison possible au niveau intercantonal. Cet amendement n'a qu'un seul but; il vise à remettre en cause tout le dispositif, à la fois d'aide sociale et de RMCAS. C'est un amendement qui, pour le Conseil d'Etat, est totalement inacceptable parce qu'il met en péril l'entier de la logique du dispositif, sous ses airs anodins qui, en réalité, ne le sont pas.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement à l'article 25, alinéa 1, lettre b, nouvelle, la lettre b ancienne devenant la lettre c: «pour les adultes, ainsi que les enfants dès l'entrée au cycle d'orientation, un abonnement annuel Unireso, aux mêmes conditions que les bénéficiaires des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité.» Nous procédons au vote... (Commentaires.) D'une manière générale, Mesdames et Messieurs les députés - et Madame la cheffe de groupe, vous êtes là depuis suffisamment longtemps pour le savoir - dans ce parlement, la règle veut que l'on ne parle pas après le Conseil d'Etat. Vous ne vous êtes pas inscrite avant que je donne la parole au Conseil d'Etat ! Exactement comme pour mon vis-à-vis. Ce qui vaut pour l'un vaut pour l'autre ! Nous sommes donc en procédure de vote. (Commentaires. Remarque pendant la procédure de vote.) Monsieur le député, vos remarques arrivent mal à propos et sont fort déplacées.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 75 non contre 15 oui et 5 abstentions.

Le président. Article 42A... Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Oui, je tenais à prendre la parole sur l'amendement, mais il n'a pas été accepté. En effet, on est là dans des limites de la LASI. Alors je veux bien qu'il y ait des normes CSIAS, mais dans la réalité il est vrai que...

Le président. Vous parlez donc de l'article 42A, c'est bien cela ? (Remarque.)

Mme Lydia Schneider Hausser. Cela ne fait rien, j'en parlerai plus tard, dans ma conclusion.

Le président. Nous reprenons à l'article 42A.

Mis aux voix, l'article 42A (nouveau) est adopté, de même que l'article 42B (nouveau).

Le président. Madame Emery-Torracinta, vous avez la parole sur l'article 42B.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. C'est sur l'article 42B. Ce n'est pas pour un amendement, mais pour un appel que je voudrais faire au Conseil d'Etat, un appel, je dirai, de sagesse. Cela concerne l'alinéa 3 de cet article, qui dit ceci: «Pour toute personne venant d'épuiser ses droits en matière d'assurance-chômage fédérale ou cantonale, le stage d'évaluation à l'emploi est prescrit dès l'ouverture du droit aux prestations d'aide financière.» C'est vrai que cette fameuse idée est logique: une fois quelqu'un arrivé à l'aide sociale, il y aura ce stage d'évaluation.

Mais j'ose espérer que le règlement d'application permettra une mise en pratique souple de cet alinéa. Pourquoi ? Parce que l'on peut imaginer que quelqu'un arrive après une période de chômage. Lorsqu'une personne arrive en fin de droit dans un état - cela arrive parfois - psychique difficile, faire effectuer à cette personne un stage d'évaluation à l'emploi pourrait parfois davantage l'enfoncer et lui mettre la tête sous l'eau plutôt que la réinsérer.

Donc j'en appelle, au niveau du règlement d'application, à ce qu'il y ait parfois un peu de sagesse dans la mise en pratique de cet article et que l'on n'en fasse pas forcément un casus belli si, manifestement, quelqu'un n'est pas employable et réinsérable rapidement sur le marché du travail. Ce n'est peut-être pas forcément utile de l'obliger à passer par un stage d'évaluation à l'emploi pour avoir droit à l'aide sociale.

Le président. Merci, Madame la députée. L'article 42B est donc commenté, mais adopté sans opposition. A l'article 42C, nous sommes saisis d'un amendement des deux mêmes députées. Madame Emery-Torracinta, je vous cède la parole.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. A voir la tournure que prend ce débat, l'Hospice général va de fait être chargé de l'application de cette loi. Alors nous vous proposons à nouveau un amendement, qui avait été presque accepté en commission - il avait manqué une voix - qui consiste à bien inscrire dans la loi deux choses importantes.

D'une part, le service de l'Hospice, qui va être chargé de ces mesures, doit être composé de spécialistes, à savoir de spécialistes dans les domaines de l'aide sociale, c'est évident, mais c'est déjà le cas à l'Hospice général, mais aussi - et c'est cela qui est important - de l'orientation et de la formation professionnelle et continue, ainsi que du placement. En effet, on ne s'improvise pas orienteur, on ne s'improvise pas placeur professionnel.

D'autre part, il est bien précisé aussi que, si l'on veut charger l'Hospice d'une nouvelle mission, il faudra lui accorder les moyens nécessaires par le biais de la subvention et du contrat de prestations. C'est le sens de la deuxième phrase de cet article.

Mme Prunella Carrard (S). Rapidement, pour appuyer l'argumentaire de ma préopinante, je voudrais mentionner que, effectivement, il est important d'inscrire un train de mesures de réinsertion, mais il faut avoir les moyens de sa politique. Je rappellerai ici que, dans la LASI actuelle, donc non modifiée, l'article 19 mentionne justement des mesures d'intégration sociale et d'insertion professionnelle, lequel article ne fut malheureusement jamais appliqué. Pourquoi ? Ce n'est pas un secret. Par manque de coordination interinstitutionnelle, ce qui nous cause d'ailleurs quelques inquiétudes par rapport à l'applicabilité du projet de loi que nous sommes en train de voter aujourd'hui, et, deuxièmement, par manque de moyens financiers alloués précisément à ces questions d'intégration sociale et d'insertion professionnelle. D'où notre préoccupation, donc, d'inscrire dans la loi que la subvention accordée à l'Hospice général doit tenir compte des moyens nécessaires au fonctionnement du fameux service qui va traiter les questions de réinsertion professionnelle au sein de l'Hospice général pour les bénéficiaires dont nous parlons aujourd'hui dans ce projet de loi.

M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC soutiendra cet amendement, bien que l'on n'y voie pas un caractère obligatoire. En effet, de toute manière, en modifiant les charges que l'on va demander à l'Hospice général, on va revoir le contrat de prestations. Qui dit revoir le contrat de prestations dit évidemment revoir les moyens que l'on va lui allouer. Donc il est bien clair que, en votant ce projet de loi, il faudra revoir le contrat de prestations de l'Hospice général et, par conséquent, redéfinir les moyens qu'on lui attribue.

Alors que ce soit noté dans cet article ou pas ne va pas changer fondamentalement la donne. C'est un peu une porte ouverte que l'on enfonce, mais pourquoi pas ? Cela a au moins l'avantage d'être clair.

M. Patrick Saudan (R). Effectivement, en commission, les radicaux n'avaient pas voté cet amendement, qui nous paraissait plutôt avoir une portée déclamatoire. En effet, d'une part M. Levrat nous avait donné des explications extrêmement claires et cohérentes sur la création d'un service distinct à l'Hospice général, qui se chargera de la mise en application de cette loi. Deuxièmement, il est vrai, pour des non-juristes comme moi, déjà lire des lois compliquées comme celle-ci me donne mal à la tête, et je pense qu'il faut éviter les articles superflus. A part cela, c'est amendement ne mange pas de pain. Nous y sommes opposés, mais nous ne ferons pas la révolution s'il est accepté.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, vous vous souviendrez que, au moment de soutenir l'entrée en matière de ce projet de loi, le groupe MCG avait indiqué vouloir être vigilant - le terme vous avait d'ailleurs fait sourire - quant à la mise en pratique de cette nouvelle loi. En effet, nous considérions que, effectivement, il fallait que, au sein de l'Hospice général, auquel de nouvelles tâches étaient confiées, il y ait des personnes qui soient véritablement formées et compétentes pour aider au placement.

Je rappelle que ceux qui finissent par bénéficier de ces prestations sont des personnes qui sont déjà passées à travers le crible de l'assurance-chômage, et donc de l'office cantonal de l'emploi, qui est censé - je dis bien: «qui est censé» - être compétent au niveau du placement. Donc il ne s'agit pas de demander à des assistants sociaux d'être plus actifs encore - pour autant qu'on puisse le dire - que les fonctionnaires de l'office cantonal de l'emploi. Par conséquent, il faut évidemment que les personnes soient formées et compétentes.

J'entends le parti radical nous dire que c'est un amendement qui ne mange pas de pain, puisqu'il est seulement déclamatoire. Eh bien, si c'est déclamatoire, cela ne coûte rien. Et si cela ne coûte rien, cela ne devrait pas vous brûler la bouche de dire oui ! Alors soutenez cet amendement, qui est, une fois de plus, l'expression du bon sens.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, mon collègue du groupe pour le moins radical Saudan a rappelé tout à l'heure que nous devions avoir à coeur de simplifier la législation. C'est d'ailleurs le thème - je sors à peine du sujet - d'une initiative populaire libérale-radicale sur le plan suisse que je vous invite tous à signer, ainsi que ceux qui nous écoutent ce soir.

Cela étant dit, cet amendement, en réalité, traite d'une mesure de réorganisation interne, ou plus exactement des conséquences de la réorganisation interne, de l'organisation nouvelle de l'Hospice général, et demande que celui-ci s'adapte. Mais au lieu de le demander par la simple intelligence de la direction de l'Hospice général et de ses cadres, par la simple mise en oeuvre de la loi, non, ils pensent qu'il faut encore le dire dans la loi. Il faut d'ailleurs se demander, pour ceux qui sont des maniaques de l'adjonction d'articles purement déclamatoires qui, s'ils ne mangent pas de pain, mangent en tout cas du papier - voilà un argument qui devrait sensibiliser le Verts - s'il s'agit là d'un exemple de ce qui devrait alors être fait dans toutes lois. Dès lors que l'on modifie quelque chose, alors il faut qu'il y ait une réflexion, une évaluation de la réflexion, une mise en forme de la coordination, une évaluation des effets de rétroaction, une imagination sur - un mot qu'apprécie d'ailleurs beaucoup notre collègue von Arx-Vernon - les réflexions non pas symbiotiques, mais peut-être systémiques... (Remarque de Mme Anne-Marie von Arx-Vernon.) Et sans tabou ! Voilà un adjectif qui lui est cher.

Non, Monsieur le président, chers collègues, je crois que, si aucun défaut d'exécution de la loi ne doit découler de cet amendement, en revanche, il est strictement inutile. Il marque une absence de confiance dans la capacité de l'Hospice général à exécuter son travail. Voilà ce qu'il signifie ! Et pour cette raison, pour cette défiance envers l'Hospice général, le groupe libéral s'y opposera résolument.

J'ajoute à cela qu'il y a probablement une intention cachée à cet alinéa. L'intention cachée est en réalité de prévenir, ou plus exactement de préparer des augmentations de personnel. Que doit-on par conséquent imaginer ici ? Que, par cet amendement, le groupe socialiste préfère que l'on mette plus d'argent sur le fonctionnement d'un système bureaucratique plutôt que sur l'allocation de moyens à ceux qui en ont besoin. Voilà aussi une raison pour laquelle il convient de refuser cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Philippe Schaller... Non, veuillez m'excuser, Monsieur le rapporteur, je voudrais essayer de respecter la tradition. Je vous donnerai la parole en dernier. La parole est à Mme la députée Schneider Hausser.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Je suis très étonnée, concernant cet amendement, par les réactions de certaines personnes des partis de droite. Effectivement, on se situe là au coeur du projet de loi, qui est de préconiser une meilleure insertion pour les demandeurs d'emploi en particulier, les gens qui seront rattachés à la LASI si ce projet de loi est voté. C'est en quelque sorte la dernière chance d'impulser ce que l'on a envie d'impulser vraiment, enfin ce qu'on nous dit que l'on va impulser vraiment, à travers ce projet de loi. Il est question d'une insertion professionnelle meilleure et de moyens pour que les gens restent moins longtemps. Très bien ! Mais pourquoi, alors que l'on déclame les bienfaits de l'intégration, de l'insertion, dans ce projet de loi, alors que l'on a ici le noyau du projet de loi, on dit que l'on n'a pas besoin de l'appliquer, que c'est juste pour l'indiquer et ne pas l'oublier ? Je trouve cela très drôle.

En outre, Monsieur Weiss, vous dites que l'on est d'un côté pour des allocations de moyens, d'un côté pour des allocations permettant une meilleure insertion... Mais, d'une certaine façon, vous ne voulez ni l'un ni l'autre ! En effet, entre cet amendement, que vous refusez, et l'amendement précédent, que vous avez aussi refusé - sur des allocations de moyens pour les TPG... Rappelons tout de même au sujet des TPG que, pour certaines familles, il faut, la plupart du temps, avec l'argent qu'on leur octroie, choisir entre de la viande dans le plat et l'abonnement pour les gamins - mais c'est la réalité ! Or, quand on n'a pas d'abonnement TPG, c'est très simple, l'escalade est là: amendes, jugement, tribunal de police, jusqu'à l'incarcération.

Donc on voit bien que, ici, on est à la limite d'un système et que, plus on prône l'écartement entre le chômage et l'aide sociale qui sera accordée pour les demandeurs d'emploi, plus on se rapproche de la grande précarisation, c'est-à-dire l'incarcération.

M. Mauro Poggia (MCG). C'est merveilleux ! Après avoir entendu les radicaux nous dire que cela ne mange pas de pain - mais ils diront non - nous entendons les frères siamois libéraux nous dire: «Nous ne mettons pas d'évidence dans la loi.» Eh bien je pense qu'ils escomptent le silence de la loi pour venir lui donner une autre interprétation le moment venu. Vous direz à M. Pierre Weiss, Monsieur le président, que, de notre côté, nous sommes prudents, parce que c'est la victoire de l'expérience sur l'optimisme.

Une voix. Bravo !

M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Je vais m'exprimer de manière personnelle, puisque, lors des débats en commission, sur le texte de cet amendement, j'avais voté positivement. Il est vrai que si le député Stauffer avait été présent en commission, nous aurions eu la majorité et cet amendement aurait été aujourd'hui inscrit dans le projet de loi. Donc je soutiens cet amendement.

En effet, il est important de donner un signal fort à l'Hospice général, un signal fort qui montre que ce parlement le soutient. Pour l'Hospice général, il y aura un changement de culture et un changement de profession pour de nombreux assistants sociaux; l'enjeu est donc majeur. Tout le dispositif de ce projet de loi - que, j'espère, nous allons voter ce soir - dépend de la capacité de l'Hospice général de pouvoir suivre ses dossiers et impulser une énergie pour que ces personnes qui sont à l'aide sociale retrouvent un emploi. Donc je crois que nous devons, dans le cadre de ce parlement, soutenir l'Hospice général.

Il est vrai que, de toute manière, dans le cadre du mandat de prestations, ou même dans le cadre de la constitution - la constitution doit donner les moyens à l'Hospice général pour qu'il puisse faire son travail - l'Hospice général est pourvu, est doté de montants suffisants pour faire son travail. Mais il est important que ce soit inscrit dans cette nouvelle loi. Par conséquent, je vous enjoins de voter cet amendement.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. En effet, si l'on ne votait pas cet amendement, si on ne l'acceptait pas, mais quel signal donnerait-on ?! On serait en train de donner le signal qu'il s'agit de vouloir réinsérer des personnes qui se trouvent à l'aide sociale, mais sans moyens. C'est ainsi que ce serait perçu !

Mesdames et Messieurs les députés, je vous l'ai dit tout à l'heure, si, au sens du groupe socialiste, le RMCAS a échoué ou en tout cas partiellement échoué, c'est probablement parce que des moyens suffisants n'ont pas été accordés. J'ai eu l'occasion, lors de l'étude de ce projet de loi, de rencontrer plusieurs personnes qui travaillaient dans le cadre du RMCAS, et toutes - toutes ! - m'ont dit: «On manque de moyens. On manque de personnel. C'est pour cela que l'on arrive pas à réinsérer vite les personnes.»

Alors, Monsieur Weiss, dites-le très clairement: vous ne voulez pas faire de la réinsertion, vous ne souhaitez pas que des gens sortent de l'aide sociale, vous ne souhaitez pas leur rendre une certaine dignité. C'est cela que vous êtes en train de nous dire ! En outre, vous affirmez quelque chose du style: «Le groupe socialiste veut plus de ressources pour le personnel que, en réalité, sur l'allocation des moyens qui sont versés aux bénéficiaires.» Je crois que vous n'avez pas lu ni écouté ce que j'ai dit lors des discussions sur les amendements tout à l'heure. Mais je pense que, en troisième débat, on pourra vous réexpliquer ce que l'on souhaite en termes de prestations financières pour les bénéficiaires.

Le président. Merci, Madame le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement pour un nouvel alinéa 7 à l'article 42C, les alinéas 7 et 8 anciens devenant les alinéas 8 et 9. Je vous en lis la teneur: «Ces mesures, ainsi que leur suivi, sont mises en place et coordonnées par un service de l'Hospice général, composé de spécialistes formés dans les domaines de l'aide sociale, de l'orientation et de la formation professionnelle et continue, ainsi que du placement. La subvention accordée à l'Hospice général tient compte des moyens nécessaires au fonctionnement de ce service.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 31 non et 7 abstentions.

Mis aux voix, l'article 42C (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 42D (nouveau) est adopté, de même que les articles 42E (nouveau) à 60, al. 3 à 11 (nouveaux). (Brouhaha pendant la procédure de vote. Le président agite la cloche.)

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, des amendements sont proposés en troisième débat; nous procédons article par article.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 2, lettre c (nouveau, sans modification de la note), à 19 (abrogé).

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements. Le premier concerne l'article 21, alinéa 4, nouvelle teneur. Il s'agit du même amendement que celui de tout à l'heure: «Le Conseil d'Etat indexe les prestations d'aide financière selon l'évolution des barèmes intercantonaux.» (Remarque.) Madame Schneider-Bidaux, vous avez la parole.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). C'est une erreur, Monsieur le président.

Le président. Nous sommes donc en procédure de vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 47 oui. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le président. Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un deuxième amendement, à l'article 22, alinéa 3, nouvelle teneur. Je vous le lis; il n'est pas tout à fait le même que celui qui a été déposé... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...en deuxième débat: «Sont prises en compte à titre de déductions sur le revenu, la pension alimentaire effectivement versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ou au partenaire enregistré dont le partenariat est dissous ou qui vit séparé, ainsi que les contributions d'entretien versées à l'un des parents pour les enfants sur lesquels il a l'autorité parentale.» C'est donc le mot «effectivement» qui a été ajouté par rapport à la version précédente de l'amendement. Madame la députée Prunelle Carrard, vous avez la parole.

Mme Prunella Carrard (S). J'interviens très rapidement... (Remarque.) ...simplement pour dire que nous avons en effet ajouté le mot «effectivement» - ce qui donne: «effectivement versée» - pour convaincre les indécis qui avaient peur que la question de la pension alimentaire soit prise en compte même si le parent ne faisait pas bien son travail et ne versait pas effectivement la pension. Donc il s'agit ici de bien préciser qu'il est question des pensions alimentaires qui sont effectivement versées.

M. Mauro Poggia (MCG). Je crois que cette nouvelle teneur est de nature à évincer les dernières réticences. En effet, comme l'a dit très justement M. le conseiller d'Etat, il est parfaitement possible qu'une personne à l'aide sociale - c'est même souvent le cas - ne soit pas en mesure de s'acquitter des pensions alimentaires qu'elle a été condamnée à verser. C'est donc dire que le SCARPA, le service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires, se substitue à cette personne pour le versement des pensions. Il serait donc injuste de faire bénéficier cette personne d'une déduction dont elle ne s'acquitte pas dans le calcul du revenu déterminant pour l'aide sociale. Par conséquent, il faut qu'elle verse effectivement cette pension pour que l'on puisse en tenir compte.

Certains diront peut-être: «Mais une personne qui est à l'aide sociale est de toute façon au-dessous du minimum vital, donc elle ne s'acquitte pas de pension.» Eh bien non. Il faut savoir que parfois - parfois - les juges peuvent entamer le minimum vital d'un débit rentier, comme on dit, le débiteur d'une rente, lorsqu'il y a des enfants et que la pesée des intérêts en présence amène finalement à considérer que l'intérêt des enfants à pouvoir faire face à leurs droits, à leurs obligations et à leurs besoins, surtout, implique que l'on entame le minimum vital du débiteur de la pension. Ainsi, il y a des situations dans lesquelles une personne est en dessous du minimum vital, malgré cette obligation de verser une pension.

Par conséquent, comme c'est le cas aujourd'hui, puisque certains se préoccupent à juste titre des conséquences financières et que, finalement, aujourd'hui, dans le cadre du RMCAS, ces déductions sont possibles, il n'y pas de raison que ces déductions ne le soient pas à l'avenir, et cela ne doit pas augmenter, grever davantage le budget de l'Etat. C'est une question de bon sens, une fois de plus. Donc je vous demande maintenant, avec cette nouvelle formulation, de soutenir cet amendement.

M. Eric Bertinat (UDC). Si je n'étais pas parfaitement convaincu par ce qu'a dit Mauro Poggia tout à l'heure, j'avoue que, cette fois-ci, je suis totalement convaincu, puisque la situation est claire. Faute de savoir exactement où on s'engage financièrement, on peut évaluer que ce ne sera pas catastrophique, que la situation telle qu'elle existe en ce moment avec les RMCAS sera la même dans la nouvelle LIASI que nous allons voter. Par conséquent, l'UDC revoit son vote et soutiendra cet amendement.

M. Pierre Weiss (L). Ce que je trouve intéressant dans ce débat, c'est que, en tout cas à certains moments, il montre qu'il n'y a précisément pas de dogmatisme et une grande écoute, en tout cas de la part de certains groupes. M. Bertinat vient d'en donner un exemple, mais j'espère pouvoir, même in extremis, par une onction extrême, si j'ose dire, le convaincre de la nécessité de revoir encore une fois sa position, et je vais vous expliquer pourquoi.

Ce n'est évidemment pas en répétant les arguments qui ont été donnés par le conseiller d'Etat tout à l'heure, qui, à ma demande - en tout cas, j'avais été le premier à demander des explications avant de définir la position de notre groupe, parce qu'il y avait une apparence de justification à la demande d'amendement du groupe socialiste - avait indiqué l'incompatibilité de fond avec les normes CSIAS qui résulterait de l'adoption de cet amendement. Mais apparemment, Monsieur Bertinat, cela ne suffit pas à convaincre votre groupe, et le raisonnement rhétorique de M. Poggia vous a convaincu au contraire que vous deviez changer d'avis.

Eh bien, j'aimerais maintenant vous donner un autre argument. Croyez-vous une seconde que, avec l'amendement précédent tel que déposé, dans la formulation exacte qu'il avait antérieurement, il y aurait eu versement des prestations si, effectivement, les conditions n'étaient pas réunies ? Croyez-vous donc qu'aurait été prise en compte à titre de déduction sur le revenu la pension alimentaire non effectivement versée ? Bien sûr que non ! Il aurait fallu, avec la rédaction précédente, que, pour que soit prise en compte la pension alimentaire, qu'elle ait été effectivement versée. Donc avec l'adjonction d'un adverbe à l'amendement ici déposé, sur lequel nous sommes amenés à nous déterminer maintenant, cet amendement est exactement, dans sa teneur, dans ses conséquences, identique à ce que nous avions antérieurement !

C'est la raison pour laquelle, Monsieur Bertinat, si tout à l'heure vous étiez convaincu qu'il fallait s'opposer à cet amendement, vous ne pouvez être maintenant convaincu qu'il faut accepter le même amendement ! (Commentaires.) Par conséquent, si ma réflexion ne vous convainc pas... (Brouhaha.) ...je vous incite à reprendre la parole. Mais si elle vous convainc, je vous suggère tout simplement de voter non à cet amendement. (Remarque.)

Le président. Après une distribution générale d'aspirine, la parole est à M. le député Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Je ne voudrais pas que le groupe UDC pense qu'il est l'enjeu du débat. (Commentaires.) L'enjeu du débat, c'est, encore une fois, la vérité et le bon sens. Monsieur Weiss, ce que vous dites est juste. Une loi correctement appliquée, même si elle comporte certaines lacunes, devrait précisément être correctement appliquée. Montesquieu, déjà, parlait «De l'esprit des lois»... On ne va pas rester le nez rivé au texte de la loi, mais, que voulez-vous, l'expérience nous enseigne qu'il y a parfois de mauvais coucheurs qui tirent de la loi autre chose que ce qu'elle voudrait dire !

Quand je parle de mauvais coucheurs, je ne parle évidemment pas de M. Longchamp, mais M. Longchamp, très... (Commentaires. Rires.) Très honnêtement, M. Longchamp nous a dit tout à l'heure qu'il était un peu tard pour joindre l'Hospice général au téléphone, ce que je crois très volontiers, d'ailleurs depuis passablement de temps déjà. Et très honnêtement, il nous a dit: «On ne peut pas exclure qu'une personne ne verse pas une pension, parce qu'elle ne peut pas la verser, et cette dernière est versée par le SCARPA. Donc finalement, que fait-on dans cette situation ?» C'est juste !

Cet adverbe qui a été ajouté vise précisément à écarter tout doute possible. Il n'y aura pas de profiteurs qui iront s'insinuer dans ce silence de la loi, qui serait une lacune. Ainsi, avec cet adjonction, nous sommes certains que c'est bonnet blanc et blanc bonnet par rapport à la situation actuelle et que l'on ne privilégie personne. Simplement, on ne veut léser personne.

Une voix. Bravo !

M. Patrick Saudan (R). J'aimerais apporter un tout petit peu de simplicité dans ce débat... (Exclamations.) ...parce que l'on est en train de s'embarquer dans un «remake» du concile de Nicée et on va discuter de l'identité du Christ ! (Rires.) Je pense que c'est une problématique importante; vous l'avez soulevée. Malheureusement, vous l'avez soulevée en plénière, et actuellement le taux de migraine est en train d'augmenter parmi tous les députés. Donc j'ai une proposition à vous faire, Madame Emery-Torracinta, c'est de retirer sagement votre amendement et de revenir avec un projet de loi spécifique que nous pourrions étudier avec bienveillance en commission des affaires sociales.

Des voix. Bravo !

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais deux ultimes messages. L'un concerne cet amendement, l'autre la loi.

En ce qui concerne cet amendement, je vous fais part de mon désarroi. Nous avons passé plusieurs mois à étudier cette situation. Je ne peux pas répondre à des questions aussi élémentaires que celles qui ont été posées. Je vous en ai indiqué les raisons. Je reçois de collaborateurs diligents tout un certain nombre d'éléments sur des conflits de lois entre la LARPA et la loi sur l'aide sociale individuelle.

Je suis un homme sérieux, rationnel; on me le reproche parfois. J'ai la faiblesse de penser que, quand un parlement vote une loi, c'est-à-dire pas une déclaration d'intention, pas quelque chose qui vise à parler de quelque chose qui ne la concerne pas, mais une loi qui touche les citoyens, et des citoyens qui sont, qui plus est, dans des situations difficiles, on doit le faire avec sérieux. Maintenant, je vous laisse à vos responsabilités. Personne dans cette salle - pas même moi et pas même les différents éléments que je pourrais avoir - n'est capable de chiffrer cet amendement ni de voir les conflits de compétences qu'il peut présenter. Je suis navré de le constater. Ma foi, vous prenez vos responsabilités.

Le deuxième message que je voulais vous adresser était des remerciements. Cela pourrait vous paraître contradictoire ! Des remerciements, parce que c'est probablement le dernier amendement sur lequel nous avons à parler avant le vote de cette loi. J'ose espérer que vous aurez conscience du fait qu'il s'agit d'une loi d'importance. Si une majorité se prononce tout à l'heure à la fin du troisième débat pour l'ensemble de cette loi, j'aimerais dire ici qu'elle nous permettra de donner une réponse infiniment plus satisfaisante que la situation actuelle. Alors en préjugeant de votre vote positif tout à l'heure - peut-être est-ce un peu prétentieux - j'aimerais vous adresser, au nom du Conseil d'Etat, ma plus extrême gratitude.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'amendement à l'article 22, alinéa 3, dont je vous ai lu la nouvelle teneur. (M. Pierre Weiss interpelle le président. Commentaires et exclamations.) Non, non ! Monsieur le député, je me suis déjà fait taper sur les doigts sur la gauche, au prétexte que je ne connaissais pas le règlement, que j'étais un incapable, etc. Il est de tradition, dans ce parlement, que l'on ne parle pas après un conseiller d'Etat. (Remarque.) Je vous remercie, Monsieur le chef de groupe, de votre soutien. Nous procédons au vote.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 40 non.

Mis aux voix, l'article 22, al. 3 (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 23, al. 3 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les articles 42A (nouveau) à 60, al. 3 à 11 (nouveaux).

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Le président. Il nous faut à présent nous prononcer sur l'ensemble du projet de loi en troisième débat. Madame Schneider Hausser, vous avez la parole.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, nous arrivons au vote d'ensemble du troisième débat et à la fin des discussions. Il est vrai que, pour le groupe socialiste, j'ai envie de vous dire et je dois vous dire, en tant que cheffe de groupe, que, pour qu'une politique sociale puisse être efficacement appliquée, il faut qu'existe un dialogue entre les employeurs, les travailleurs et l'Etat. Plus les travailleurs sont représentés et non pas isolés, moins il y a d'inégalité et plus grande est la stabilité de la société. Malheureusement, aujourd'hui, le néolibéralisme que l'on vit à Genève distend de plus en plus le code du travail et il y a de moins en moins de sécurité pour les travailleurs en particulier et pour la population en général.

Les socialistes ont déposé, en même temps que le projet de loi que l'on a étudié ce soir, démantelant quand même une partie des prestations sociales de notre système, un «projet de loi pour l'emploi» avec une vision positive des demandeurs d'emploi. Ce projet de loi propose des mesures flexibles permettant aux personnes d'être actives, soit dans une formation, soit dans des stages, soit encore dans des emplois de courte durée pour leur permettre plus facilement de rejoindre le monde du travail ordinaire. Je déplore qu'on n'ait pas pu en parler en même temps que le projet de loi de ce soir, le rapport de majorité n'ayant pas été déposé dans les délais demandés.

Ce projet de loi que nous avons étudié ce soir impose une vision culpabilisante des personnes en recherche d'emploi. Il leur faut porter la charge et la responsabilité du chômage, ce qui est irréaliste ou mensonger quand on sait que le chômage est avant tout lié aux conditions du marché. Il faut plus d'emplois, et des emplois adaptés aux compétences de chacun, pour que tout le monde puisse travailler. En clair, Mesdames et Messieurs, cela dépasse la responsabilité de l'individu que, ce soir, nous appelons à être à l'aide sociale.

Ce projet de loi classe les demandeurs d'emploi en deux catégories: ceux qui peuvent prétendre à ce qui reste au chômage et les autres. Alors que le monde du travail demande des travailleurs qualifiés, et à Genève encore plus, on verra avec cette loi un grand nombre de personnes rejoindre les rangs de l'aide sociale.

Quelles que soient les mesures de réinsertion, il ne faut pas oublier que, déjà, une période de chômage durant laquelle le demandeur d'emploi ne trouve pas de travail est décourageante. Ces conditions de vie sont difficiles. Et comme stimulation, vous voudriez envoyer ces gens dans le dernier filet aux mailles de plus en plus lâches de l'aide sociale ?! (Brouhaha.) Une aide sociale a toute sa raison d'être pour les personnes qui sont en période de profonde difficulté de vie... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...si elle permet d'octroyer du temps à une reconstruction. Mais l'aide sociale que vous préconisez dans ce projet de loi est une mesure imposée à des personnes qui n'en ont pas le profil, souvent, ni le besoin.

Non, nous devons garder, selon nous socialistes, un pilier intermédiaire, qu'il s'appelle RMCAS ou «mesures d'activation professionnelle», peu importe le nom. Mais nous devons garder un système qui permet aux personnes d'évoluer, de se reconstruire. C'est seulement en proposant des mesures variées qu'il sera possible de répondre au processus de vie professionnelle des demandeurs d'emploi et aux besoins des entreprises.

Votre majorité est satisfaite en faisant des économies, en faisant sortir un maximum de personnes des chiffres du chômage et en demandant aux chômeurs d'accepter des emplois de solidarité, un camouflage grossier du dumping salarial, qui commence à faire renaître un lumpenprolétariat. Effectivement, la majorité de ce parlement se fiche en fin de compte du coût structurel, du coût de société que cette proposition impose à la société genevoise.

Mesdames et Messieurs, la loi qui nous est proposée est inacceptable pour les socialistes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous ne résoudrons pas le chômage en tentant de forcer les gens à prendre des emplois sous-payés. Quitte à me répéter une dernière fois, pour qu'un processus d'insertion fonctionne il faut la capacité et la volonté de la personne. Pour ce faire, elle doit bénéficier de soutien et dignité.

En résumé, des prestations sociales hautes permettent une égalité de traitement face à l'emploi, alors que des prestations basses produisent de l'inégalité. La nouvelle loi sur le chômage, que l'on va appliquer au 1er avril, diminue le nombre de chômeurs et augmente celui de personnes assistées. La suppression du RMCAS fait disparaître les assistés et produit davantage de mendiants ! Et la répression des mendiants implique plus de gens dans les prisons !

Les socialistes sont persuadés que les jeunes et les personnes en demande d'emploi doivent bénéficier d'un système qui les tire vers le haut et qui leur permette d'intégrer le marché du travail. En conséquence, nous vous recommandons de rejeter ce mauvais projet de loi. Et, bien que nous l'ayons amendé, qu'il se soit amélioré, sur le fond nous enlevons un pilier que toutes les sociétés dites développées essaient, tentent par tous les moyens de garder voire d'introduire dans leur système social. Or là, nous l'avons et nous le détruisons. Donc nous refuserons cette loi sur le fond.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). J'interviens très brièvement, simplement pour souligner l'incohérence d'un parti, qui fait le forcing pour faire passer un amendement - lequel passe - et qui s'oppose au projet de loi. Bravo ! Les plus défavorisés à Genève apprécieront votre attitude !

Mme Prunella Carrard (S). Je dirai rapidement ceci, Monsieur le président. Il semble... (Protestations.) ... il semble que notre position soit mal comprise. Mais en réalité... (Commentaires. Brouhaha.) Mais en réalité - si vous pouvez me laisser m'exprimer ! - notre position est éminemment responsable. A savoir que, certes, nous ne sommes pas en faveur de ce projet de loi, mais nous avons fait le choix d'y travailler, et nous avons d'ailleurs été le seul parti à y travailler, pour améliorer les conditions sociales et financières des gens qui vont devoir subir ce projet de loi prochainement à l'aide sociale ! Donc notre position n'est pas incohérente, elle est responsable ! C'est la raison pour laquelle nous vous avons proposé, tant en commission qu'en plénière, tous ces amendements, mais c'est aussi la raison pour laquelle nous avons décidé de refuser ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'avoue que je suis tenté de suivre le groupe socialiste et de refuser ce projet de loi. Si nous le refusons, ce sont 18 millions que nous donnons en moins aux personnes qui en ont besoin. Voilà, me semble-t-il, une excellente raison d'approuver le parti socialiste, d'aller dans la direction du refus de ce projet de loi, de démanteler, comme il l'entend, ou plus exactement de ne pas améliorer la protection sociale dans ce canton ! Voilà ce que les socialistes proposent aujourd'hui aux Genevois ! Voilà ce qui les amène progressivement hors de l'histoire, et d'abord hors de ce parlement ! Je vous remercie. Mais en fin de compte, nous le voterons quand même. (Rires et exclamations.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, le Bureau a décidé que la liste était close. Ont encore droit à la parole M. le député Eric Stauffer, Mme le rapporteur Anne Emery-Torracinta et M. le rapporteur Philippe Schaller. Monsieur Stauffer, vous avez la parole.

M. Eric Stauffer (MCG). Je souhaite simplement souligner ceci. Attention, Mesdames et Messieurs les socialistes, vous avez fâché le député Weiss ! Alors ensuite, si le groupe libéral vote non, ce sera votre responsabilité !

Non, tout cela pour dire que, évidemment, il faut soutenir ce projet de loi et que, une fois n'est pas coutume, j'adhère totalement aux propos de M. Pierre Weiss. Le projet de loi découle du bon sens, va améliorer la qualité de vie des plus démunis. Et franchement, Mesdames et Messieurs, vous savez que nous comme vous autres, tous autour de ce parlement, nous sommes là pour réagir avec rapidité dans certains cas, si nous constatons que l'on peut faire mieux certaines actions, que ce soit dans le social ou ailleurs.

Finalement, je pense que c'est le bon sens qui doit dicter aujourd'hui notre conduite. Beaucoup de gens vont souffrir à partir du 1er avril, vous le savez tous. Nous le savons ! C'est pour cela que, franchement, refuser ce projet de loi n'est absolument pas concevable. Mais chacun assumera ses responsabilités face à la population genevoise. Je demande le vote nominal, Monsieur le président.

Le président. Vous êtes, j'imagine, suivi. (Appuyé.) Par quelques voix.

Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Je crois que M. Weiss prend ses désirs pour des réalités, mais le parti socialiste est encore bien présent au parlement, et sans doute encore pour fort longtemps, parce que je crois que la société que vous nous préparez, si l'on suivait votre avis, ne pourrait qu'amener à terme les gens à nous rejoindre.

Mesdames et Messieurs les députés, je l'ai dit d'emblée, dès ma première intervention, le problème que j'ai avec ce projet de loi, c'est que c'est un paquet ficelé ! Ce que nous faisons pour les bénéficiaires de l'aide sociale, ce que nous avons fait en commission, ce que nous avons amélioré encore ce soir, c'est bien; c'est mieux que ce qu'il y a ! C'est ce que nous aurions dû faire en 2006 ou 2007, lorsque nous avons travaillé sur le projet de loi sur l'aide sociale individuelle.

Mais la problématique réelle qui nous était posée, celle qui figure dans l'exposé des motifs du Conseil d'Etat, je vous l'ai dit, c'est la problématique du chômage de longue durée. Va-t-on réellement résoudre, ou en tout cas résoudre partiellement, la problématique du chômage de longue durée ? Je n'en suis pas sûre, parce que ce projet de loi pèche par deux manques: d'une part nous n'agissons pas assez rapidement, pas assez rapidement pendant la période d'indemnisation fédérale, et d'autre part il n'y a pas d'articulation entre les mesures prises pendant la période d'indemnisation fédérale et les mesures prises par la suite à l'aide sociale. C'est bien ce que réclamait le professeur Flückiger et ce que réclame le groupe socialiste.

Voici ce qui m'inquiète. Tout à l'heure, j'ai demandé à M. Longchamp de nous expliquer ce qu'il souhaitait faire comme réforme de la loi en matière de chômage. Il ne nous a rien dit ! Je lui ai demandé ce qui allait en être de la suppression du service des mesures cantonales. Est-ce que cela sous-entendait que, dorénavant, tous les chômeurs en fin de droit seraient automatiquement envoyés à l'Hospice général ? Et que va-t-il se passer pour les chômeurs en fin de droit qui n'ont pas le droit à l'aide sociale ? En effet, on oublie que vous pouvez être chômeur en fin de droit... Avant d'être en fin de droit, vous avez vos indemnités fédérales. Vous êtes pris en compte par l'office cantonal de l'emploi. Puis vous arrivez en fin de droit et allez à l'aide sociale. Mais si vous avez par exemple un conjoint qui travaille et que vous êtes hors barème, où irez-vous ? Qui s'occupera de vous réinsérer ? C'est une vraie question !

Donc le problème que le groupe socialiste a aujourd'hui, ce n'est pas de refuser la partie aide sociale ! C'est de ne pas avoir eu la première partie du projet. Logiquement, on aurait dû d'abord réformer la loi en matière de chômage, et ensuite intervenir sur l'aide sociale, ou à tout le moins déposer les deux projets de lois en même temps. Or que se passe-t-il ? On nous a dit que, au 15 octobre, un rapport du professeur Flückiger était arrivé comme évaluation de la loi en matière de chômage. Nous ne l'avons pas vu ! M. le conseiller d'Etat ne nous a pas dit ce qu'il allait faire, mais j'ai appris, par exemple, qu'il demandait à la commission de l'économie de suspendre ses travaux sur un projet socialiste qui concerne la loi en matière de chômage, sous prétexte qu'il allait bientôt déposer son propre projet de loi. Mais, Monsieur le conseiller d'Etat, pourquoi ne pas avoir attendu pour déposer le projet que vous nous avez présenté il y a quelques mois en commission pour réformer l'aide sociale ? Il est là, le problème du groupe socialiste aujourd'hui.

Enfin, quand j'entends M. Weiss, je m'inquiète, et je préfère dans ces cas dire non, en rappelant que, en définitive, il est question aujourd'hui de chômeurs, de dignité des chômeurs, et que la population genevoise jugera très certainement, puisqu'il y aura sans doute un référendum. (Applaudissements.)

M. Philippe Schaller (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, même si, avec cette loi, nous ne pouvons pas résoudre toute la problématique du chômage de longue durée et les réalités, les dures réalités du marché du travail, même si nous n'avons pas encore les autres éléments de la réforme de la loi sur le chômage, cette loi est une bonne loi. Elle répondra aux besoins des bénéficiaires de l'aide sociale en fonction de leurs ressources personnelles, relationnelles et sociales, ce pour maximaliser leurs chances de réinsertion professionnelle et sociale.

Ce soir, nous avons donné à l'Hospice général les moyens pour des suivis spécialisés sur les questions de réinsertion professionnelle. Les collaborateurs de l'Hospice auront les outils nécessaires et un dispositif dont nous espérons qu'il sera le plus dynamique possible. Il s'agit d'un système souple, adapté à chaque bénéficiaire. Cette réforme est respectueuse et équitable pour les bénéficiaires actuels et futurs.

Comme l'a dit le conseiller d'Etat Longchamp, les bénéficiaires du RMCAS, au moment de l'entrée en vigueur, ne seront en aucune manière prétérités; ils ne verront pas leurs prestations diminuer durant trente-six mois. M. Longchamp s'est aussi engagé pour relever les plafonds des loyers. Nous pouvons donc voter avec conviction cette loi modifiant l'insertion et l'aide sociale individuelle.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10599 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 71 oui contre 18 non et 6 abstentions.

Loi 10599 Appel nominal

R 652
Proposition de résolution de Mme et MM. Florian Gander, Pascal Spuhler, Marie-Thérèse Engelberts, Henry Rappaz, Fabien Delaloye Intégration pour tous

Débat

M. Florian Gander (MCG). Quand on entend les discours que l'on tient par ici, des fois, on se demande pourquoi les sourds voudraient y participer ! Mais enfin... (Brouhaha.)

L'intérêt est quand même grand pour notre canton. Les sourds ont le droit de comprendre ce qui se passe ici. J'ai eu pas plus tard qu'aujourd'hui à midi le plaisir de manger avec une famille sourde, qui me demandait ce qui s'était dit hier soir au Grand Conseil. Elle n'avait pas pu suivre la discussion sur le salaire minimum à 4000 F, etc. Donc il y a un intérêt. Maintenant, on sait que le Grand Conseil va entreprendre des travaux. Dans ces travaux, on sait qu'il y aura l'installation d'une boucle magnétique, certainement pour les personnes qui voudront assister aux débats du Grand Conseil.

Je vais essayer d'être bref, je vais seulement mettre un accent sur le point qui nous intéresse, qui m'intéresse en tout cas personnellement ainsi que le MCG: la possibilité de suivre les débats à la télévision avec un interprète en écran incrusté. Voilà un point qui est très important.

Evidemment, quand on parle d'intégration pour tous, il y a aussi tout le problème du handicap ou de la mobilité réduite pour accéder au Grand Conseil; on sait très bien que des travaux vont être faits dans ce sens-là. Cette résolution demande simplement au Conseil d'Etat de vraiment tenir compte de tous les points, en particulier pour les sourds et malentendants, au niveau du Grand Conseil, de sorte qu'ils puissent suivre ces débats. C'est vraiment quelque chose qui nous tient à coeur. Donc, j'espère et je pense que la majorité d'entre vous allez soutenir cette proposition de résolution et la renvoyer au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous procédons au vote.

Mise aux voix, la résolution 652 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 73 oui et 3 abstentions.

Résolution 652

PL 10600-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité (LPCC) (J 7 15)
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (L)
Rapport de minorité de M. Eric Bertinat (UDC)

Premier débat

Le président. C'est un débat de catégorie II: quarante minutes. J'entends que nous respections ce délai. La parole est à M. le rapporteur de majorité Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales s'est réunie lors de dix séances afin d'étudier ce projet de loi modifiant la loi sur les prestations complémentaires, dit projet des travailleurs pauvres ou des working poors. Couplé au précédent projet, le PL 10599, que nous venons de voter, il représente le deuxième volet de la politique sociale du Conseil d'Etat, ciblée et pragmatique. Ce nouveau projet de loi des travailleurs pauvres ne tombe pas dans le travers d'une politique dite de l'arrosoir, comme le préconisait hier le concept d'un salaire minimum cantonal pour tous. (Brouhaha.)

S'agissant des causes de ces situations, nous avons pu noter, dans le cadre des travaux de commission, que de nombreuses personnes étaient dans la spirale du surendettement, et plus particulièrement la classe des moins de 25 ans. Cette problématique est d'ailleurs débattue aux Chambres fédérales et mérite une réflexion particulière dans un sens politique plus large.

Avec les mesures envisagées dans ce projet, l'esprit est différent. C'est celui de la valorisation du travail, avec un effet de levier, et l'introduction du coefficient multiplicateur. Les taux minimums d'activité pour bénéficier de ces prestations complémentaires sont définis de la manière suivante dans les grandes lignes: 40% d'activité pour les familles monoparentales et 90% pour les couples ou familles dites maintenant biparentales.

Concernant les mesures concrètes, ce projet de loi propose entre autres la prise en charge de frais de garde effectifs et de soutien scolaire, avec un plafonnement de 6300 F par an pour les enfants de moins de 13 ans, et ne fait pas de distinction entre les couples mariés et non mariés. Il vise principalement les objectifs suivants: encourager le maintien ou la reprise d'un emploi, ou l'augmentation du taux d'activité, par la prise en compte d'un revenu hypothétique dans le calcul des prestations complémentaires. Il vise à couvrir le déficit de revenu de toute la famille, en prenant en compte le loyer et les primes d'assurance-maladie, deux postes très importants des dépenses des ménages. Et il s'aligne sur le concept des prestations complémentaires AVS-AI, parce qu'il s'agit des prestations liées au besoin.

Un autre élément qu'il est important de soulever est le fait que, dans le fonctionnement de ces prestations, les démarches visent à une certaine autonomie de ces familles, qui pourront toutefois, si elles le désirent, bénéficier d'un soutien social si elles l'estiment, elles, nécessaire. Un gain de temps leur sera épargné car elles sont en emploi et n'éprouvent pas le besoin fondamental de rencontrer un assistant social, étant socialement intégrées et ne devant pas justifier de leur condition.

Les modalités d'octroi ont suscité quelques inquiétudes en commission, et j'ai pris note de celles du rapporteur de minorité. Il est important de préciser que le cadre est extrêmement clair. Sont concernées les personnes ayant leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève depuis cinq ans, au moins, au moment du dépôt de la demande de prestations. Ces garanties semblent suffisantes pour empêcher le tourisme social décrit dans le rapport de minorité. Il serait en effet dommage de péjorer ces familles pour quelques cas isolés, si tant est qu'il y en ait.

Concernant les précisions techniques, les scénarios financiers, tout est présent dans le rapport. Je vous invite à consulter les annexes et divers tableaux qui ont été établis par le département. C'est extrêmement précis. Nous avons étudié cela en commission, avec moult scénarios possibles et imaginables, par exemple une famille avec plusieurs enfants, ou des couples séparés ou unis.

En conclusion, pour le moment, ce projet répond de manière efficace à ces 1700 familles pauvres. Le coût de ce projet est de 20 millions - ce n'est pas négligeable - mais ce dernier est ciblé: il valorise le travail et prend en compte les réalités sociales et économiques de cette catégorie de population, qui mérite notre soutien par le fruit de son travail et non de l'indigence.

Nous avons parlé tout à l'heure de la dignité des chômeurs. Maintenant, je pense que, en amont, nous devons aussi parler de la dignité des gens qui travaillent, qui se lèvent le matin, mais qui n'arrivent pas forcément à tourner de manière correcte. Hormis le débat et le concept politique sur les conditions de salaire, je pense, au niveau de la majorité de cette commission, que ce projet est pragmatique. Il est social et prend la bonne direction. Je vous invite à le soutenir. Je reviendrai plus tard sur les différents amendements proposés.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, à 22h15, il me faut un peu de courage pour être seul contre tous, puisque tous les partis soutiennent ce projet de loi. Et il faut être encore un peu plus courageux pour venir discuter - pas foncièrement contester le projet de loi - mais discuter de certains de ses aspects, alors que tout le monde semble conquis par la proposition de M. Longchamp.

Parmi les points que nous soulevons, il y a le salaire minimum. Il est assez amusant que l'ordonnance des points attribue à l'ordre du jour de ce mois à la fois l'initiative pour instaurer un salaire minimum et cette nouvelle loi sur les prestations cantonales complémentaires pour les familles. Pourquoi ? Parce que, hier - et le groupe UDC en était - nous avons contesté l'introduction d'un salaire minimum. En effet, à l'examen, à l'analyse des différentes études qui ont été fournies par des experts, nous nous sommes à une large majorité rendu compte que le salaire minimum avait plutôt tendance à appauvrir les gens et à poser d'infinis problèmes en raison de tout ce tissu d'aide sociale qui est aujourd'hui proposé par l'Etat.

Or, avec les prestations cantonales complémentaires pour des familles, on introduit de fait un salaire minimum. Ce même salaire que nous avons contesté hier, nous l'introduisons aujourd'hui par le biais de cette loi. En effet, cette loi vous montre que, sans le revenu minimum qui est décidé aujourd'hui, il est impossible de vivre à Genève. Le calque qui est fait sur la loi sur des prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité touche des gens qui ne sont pas sur le secteur de l'emploi. Or, avec le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui, ce sont bel et bien des gens qui sont sur le marché de l'emploi, qui travaillent, et dont les revenus sont jugés ce soir par l'Etat et certainement par ce parlement comme n'étant pas suffisants pour vivre à Genève. Cette approche est juste. Nous ne la contestons pas. Aujourd'hui, quand on a des enfants, il est très difficile de vivre décemment à Genève sans avoir un revenu relativement aisé.

Mais de fait, aussi, nous expliquons aux citoyens genevois que, hier, nous avons refusé la proposition d'un salaire minimum et que, aujourd'hui, nous l'acceptons pour les familles. On peut même penser qu'il y a une certaine injustice. En effet, si vous avez des enfants, l'Etat juge que vous avez besoin d'un certain niveau salarial, un seuil sous lequel il n'est plus possible de vivre. Par conséquent, les gens qui n'ont pas charge de famille sont dans une classe différente et, à ce moment-là, peuvent gagner moins. Voilà l'un des premiers aspects qui nous a posé problème avec cette loi.

Le deuxième problème, c'est l'élargissement de la couverture sociale à l'Union européenne. En effet, en instaurant ce qui est un salaire minimum pour les familles, Genève assure évidemment un filet social plus que confortable et très attractif. Or il suffit d'avoir séjourné dans l'Union européenne cinq ans, de venir ici à Genève et d'avoir un salaire qui n'est pas suffisant pour vivre dans notre canton pour déclencher automatiquement l'aide du canton en la matière. Je note qu'il ne suffit pas d'être simplement européen. Quiconque sur cette planète a vécu dans un pays de l'Union européenne...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Eric Bertinat. ...et vient s'installer à Genève sera au bénéfice de cette loi. Les commissaires en ont pris conscience, puisqu'ils ont introduit dans la loi cette période de cinq ans qui, finalement, ne sert pas à grand-chose.

Voilà les deux principaux problèmes que nous pose cette loi, qui nous font aujourd'hui la rejeter. Il y a encore d'autres aspects que je voudrai mentionner, mais je n'ai pas le temps. Je reprendrai la parole à la fin, et j'y reviendrai dans ma conclusion.

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, la loi que nous allons aborder maintenant est une loi extrêmement importante, malgré l'heure tardive. C'est une loi nécessaire. C'est même une loi indispensable, puisqu'elle vient combler une lacune de notre filet social. On parle ici des working poors - il est vrai que la souffrance d'autrui est toujours plus supportable lorsqu'elle est décrite en langue étrangère. En d'autres termes, nous parlons de ces personnes qui travaillent et qui, malgré cette activité, n'arrivent pas à subvenir aux besoins minimums de notre société.

Nous allons évidemment, le groupe MCG, soutenir cette loi. Nous remercions d'ailleurs le Conseil d'Etat, et en particulier M. Longchamp, de la proposition qu'il a faite d'un projet de loi bien présenté, bien réfléchi. Certaines modifications y ont été apportées, mais rien de fondamental, parce que la préoccupation du Conseil d'Etat était aussi la nôtre. Et comment peut-il en aller autrement lorsque l'on gouverne à Genève et que l'on constate que, malheureusement, la paupérisation gagne constamment du terrain ?

Tout le monde est d'accord que cette loi doit être soutenue. La seule réserve, qui est émise par le groupe UDC, n'est pas absurde, je le dis d'entrée de cause, mais elle est... (Remarque.) UDC, j'ai dit, oui, tout à fait. Je reprends. Cette réserve n'est pas absurde, mais elle est incontournable. Que voulez-vous, la Suisse a accepté des conventions internationales qui l'obligent à placer sur un pied d'égalité ses ressortissants et les ressortissants des pays de l'Union européenne et de l'AELE. Cela signifie que, théoriquement - c'est vrai, théoriquement - une personne qui a résidé quatre ans et demi dans un pays de l'Union européenne et qui vient six mois à Genève pourrait demander que l'on comptabilise sa durée de résidence dans l'Union européenne pour atteindre les cinq ans en question. Est-ce une raison pour pénaliser ceux qui, aujourd'hui, à Genève, ont indiscutablement besoin de cette loi ? Evidemment pas !

Nous allons bien entendu réfléchir, si la situation est aussi dramatique que le présage ou le craint l'UDC, à des moyens pour tenter de faire en sorte que Genève ne devienne pas l'Eldorado des sans-emploi européens. Mais nous ne pouvons pas rester sans rien faire par rapport à ceux qui sont nos voisins et qui se trouvent dans le besoin.

Alors oui, Monsieur le rapporteur de minorité, votre préoccupation est juste. Elle est aussi la nôtre. Mais nous ne pouvons pas pénaliser ceux qui nous sont chers et pour qui nous sommes là aujourd'hui, sous prétexte que d'autres, des pique-assiette, pourraient venir bénéficier de ce plat qui leur est offert.

Une voix. Bravo !

M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC est très favorable à ce projet de loi. Nous tenons à remercier d'une part le rapporteur de majorité pour la qualité de son travail, et d'autre part le conseiller d'Etat Longchamp de nous avoir présenté ce projet de loi. Il faut relever que, dans le canton de Vaud, M. Maillard a proposé un projet similaire. Il y a référendum en raison du mode de financement.

Comme le soulignent les chiffres de l'Office fédéral de la statistique et ceux de l'excellent rapport Ramirez, il existe dans ce canton une frange de la population précarisée qui est à l'aide sociale; elle est constituée de familles socialement et professionnellement insérées. C'est inacceptable. Ce projet de loi corrigera cet effet.

Nous n'avons pas la même inquiétude que le député Poggia ou que le rapporteur de minorité concernant l'appel que pourrait produire ce projet de loi vis-à-vis des personnes de l'Union européenne. Le cas échéant, nous pourrions intervenir si, effectivement, il y avait un afflux massif d'Européens qui viendraient en profiter.

Nous sommes aussi sensibles, et nous l'avons dit et exprimé également hier, au fait qu'il est nécessaire de mettre en place de tels dispositifs. Nous regrettons que le revenu du travail ne permet pas de vivre décemment. Nous voterons avec conviction ce projet de loi et nous vous remercions.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Les Verts sont ce soir très heureux de pouvoir se prononcer sur cette loi, parce qu'elle fait partie du puzzle dont on s'apprête à voter la troisième pièce ce soir, la deuxième étant la loi que nous venons d'accepter. Si l'on adopte une loi pour permettre aux personnes qui ont de la peine à retrouver un emploi de pouvoir se former, ce que l'on vient de voter tout à l'heure, eh bien, il est normal que nous adoptions aussi un texte pour que les personnes sans emploi ou les personnes qui sont à l'aide sociale aient un revenu décent, et c'est ce que nous nous apprêtons à faire.

Nous les Verts avons voté hier l'initiative pour le salaire minimum. Il est vrai que, à ce moment-là, au moment où cette initiative a été lancée, cette loi n'était pas encore votée. Mais il n'empêche que, dans la logique des choses, nous avons voté hier, oui. Et bien entendu, nous voterons aujourd'hui aussi, oui.

M. Pierre Conne (R). Ce projet de loi vise à améliorer la situation économique des familles pauvres qui travaillent, donc évidemment le groupe radical soutiendra sans réserve ce projet de loi. Nous souhaitons également remercier le conseiller d'Etat Longchamp de nous avoir présenté ce projet, qui vient effectivement combler une lacune dans notre système de sécurité sociale.

L'un des premiers mérites de ce projet, déjà, est de reconnaître et de nommer un problème. D'une part, il reconnaît que les écarts croissants entre les charges et les revenus de certaines familles sont réellement inquiétants; d'autre part, il nomme un problème qui est celui des travailleurs pauvres, qui était peut-être dans notre culture et dans notre région quelque chose d'encore relativement tabou à ce jour. Il convient également de relever que les principales familles touchées sont les familles monoparentales ou les familles nombreuses et que, de ce fait, la situation des familles pauvres qui travaillent représente effectivement une véritable menace pour leur équilibre et pour le développement éducatif, scolaire, de leurs enfants, et la formation professionnelle des jeunes de ces familles. Voilà le problème.

La réponse proposée est une approche pragmatique, tournée vers ceux qui ont réellement besoin d'une aide financière, qui vise à maintenir la cohésion sociale et à favoriser le meilleur développement pour chacun. Ce projet propose de valoriser le travail et l'autonomie des familles qui se trouvent dans une situation qui le nécessite, en évitant, dans la technique qui est proposée, des effets de seuil. Par conséquent, c'est également un encouragement pour ces familles d'améliorer leurs revenus par le travail.

Les moyens utilisés sont essentiellement ceux de mobiliser les ressources collectives de la façon la plus efficace possible, et ce projet est la démonstration d'une politique sociale moderne.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à accepter ce projet sans réserve.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Une fois n'est pas coutume - en tout cas pas coutume peut-être par rapport au débat que l'on a eu précédemment - j'aimerais remercier le conseiller d'Etat François Longchamp... (Remarque.) ...pour ce projet de loi... (Commentaires.) ...auquel le groupe socialiste adhérera presque sans réserve.

J'ai une toute petite réserve... (Exclamations.) ...qui ne concerne pas le Conseil d'Etat, mais qui concerne quand même le fond du problème. Si l'Etat doit offrir des compléments à des familles qui travaillent, c'est parce que - cela a été dit par plusieurs d'entre vous - les salaires sont trop bas ! Le vrai scandale, Mesdames et Messieurs les députés, est là ! Le scandale, c'est celui des working poors ! C'est celui des gens qui se lèvent le matin, qui travaillent quarante, quarante-quatre heures par semaine, et qui, au bout du compte, n'ont pas assez pour vivre eux-mêmes et surtout pour faire vivre leur famille. C'est la seule réserve que nous aurons. Au fond, si l'on était logique, on aurait dû voter le principe du salaire minimum plutôt que d'en arriver à un projet de loi comme celui-ci.

Cela dit, j'aimerais juste peut-être faire deux réflexions par rapport à ce qu'a dit M. Bertinat. Vous nous dites, Monsieur Bertinat: «Au fond, ce projet de loi, c'est comme si l'on instaurait non pas un salaire, mais un revenu minimum pour les familles.» C'est vrai, Monsieur Bertinat, mais c'est vrai pour à peu près, d'après les chiffres donnés par le département, 1700 familles. Savez-vous, Monsieur Bertinat, combien il y a de familles qui ont des enfants à Genève ? Non ? A peu près 60 000. Cela veut dire que, pour plus de 58 000 familles, la notion de revenu minimum n'existe pas ! Soit elles ont un revenu suffisant, soit elles ne l'ont pas mais sont en dehors des barèmes. Donc cela ne va pas régler les difficultés que connaissent de nombreuses familles. Cela va régler le problème des familles les plus précarisées, notamment les familles monoparentales - et c'est bien que nous le fassions, c'est bien que nous votions ce projet aujourd'hui - mais cela ne va pas régler les difficultés que connaissent de nombreuses familles aujourd'hui qui sont notamment les familles de la classe moyenne.

Voici une deuxième remarque pour M. Bertinat. Vous nous dites, au fond, ou vous sous-entendez, que ce projet de loi pourrait induire une sorte de tourisme social. Autrement dit, des gens pourraient venir à Genève parce que Genève offre plus que d'autres régions, soit d'autres cantons suisses soit d'autres régions d'Europe. Alors j'aimerais vous dire, Monsieur Bertinat, que le tourisme social est un mythe. C'est un mythe parce que, pour faire du tourisme social, d'abord, il faudrait être un excellent juriste. Il faudrait connaître les dédales de toutes les législations, non seulement celles de son propre pays, mais aussi les législations européennes. Il faudrait pouvoir en plus comparer et se dire: «Oui, alors là, effectivement, peut-être que dans telle situation, parce que ma situation est celle d'une famille monoparentale avec tant d'enfants et que je gagne moins que telle somme, alors oui, peut-être que Genève est plus intéressant.» Mais cette même famille, franchement, aurait largement avantage à vivre dans un autre canton suisse ou dans un autre pays d'Europe où peut-être que le logement sera moins cher et la fiscalité différente.

Donc, faire du tourisme social, c'est connaître parfaitement la législation, que ni l'un ni l'autre dans ce parlement, ni même M. le conseiller d'Etat Longchamp, ne connaît probablement. D'ailleurs, une étude très intéressante avait été faite par Mme Véréna Keller, qui travaille à la HES. Elle avait fait une étude sur le tourisme social en Suisse et avait montré que, en réalité, il n'y a pas de tourisme social, que le tourisme social est un mythe.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ces quelques remarques étant faites, nous vous encourageons, au nom du groupe socialiste, à soutenir ce projet de loi.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a plusieurs vertus, et les critiques qui lui ont été faites ont un certain nombre de vices. Je commencerai par les vertus.

La première vertu de ce projet de loi, c'est de valoriser le travail et de montrer que l'on ne pratique pas une politique de l'arrosoir. C'est de montrer, au fond, la responsabilité que l'on prend envers ceux qui, dans notre société, sont dans une condition difficile. (Brouhaha.) Que faut-il en déduire ? Il faut en déduire que ce projet de loi est une preuve par l'acte que ceux qui parlent constamment de démantèlement de l'Etat social soit ne connaissent pas ce dont ils parlent, soit disent des contrevérités - pour être aimable. Il y a, de ce point de vue là, ce soir, si ce projet de loi est adopté, un montant de près de 20 millions, de 15 millions en l'occurrence, net, qui s'ajoutent à la vingtaine de millions non précisée que l'on a votée tout à l'heure. Autrement dit, depuis 17h cet après-midi, nous avons ajouté 35 millions aux dépenses de l'Etat social genevois. Si ajouter 35 millions, c'est démanteler l'Etat social, je me demande ce que serait diminuer de 35 millions les dépenses de l'Etat social. Ce serait peut-être le fortifier ! Mais en matière d'utilisation du langage, certains sont aussi bons que d'autres en matière d'utilisation du bonneteau.

La deuxième remarque que je voulais faire concerne les travailleurs pauvres. M. Poggia a parfaitement raison non seulement de dire le terme en français, mais qui plus est d'utiliser le français sans y être obligé, comme certains qui croient qu'il faut légiférer pour se comporter correctement. S'agissant des travailleurs pauvres, il y a effectivement raison de regretter que certains salaires soient insuffisants. Mais pourquoi sont-ils insuffisants ? Ils sont insuffisants, certes, parce qu'il y a un épouvantable marché du travail ! Nous ne sommes pas dans une économie collectiviste dirigée, où chacun aurait un travail avec évidemment les revenus qui s'y attachent. Mais là ce ne seraient pas des travailleurs pauvres, ce seraient des travailleurs très pauvres dont il s'agirait. Il y a un marché du travail et il y a surtout, pour certaines professions ou pour certaines personnes, une valeur ajoutée qui est trop faible. Et il est de notre responsabilité d'aider ces personnes-là ! Ou alors, à ce moment, il ne faut pas aider les entreprises de l'économie sociale et solidaire qui, précisément, ne pourraient pas offrir des salaires suffisants s'il n'y avait pas l'aide de l'Etat. (Brouhaha.) Il n'y a pas d'un côté les entreprises que nous subventionnons et dont il faut louer l'existence, et de l'autre côté des travailleurs pauvres dont certains critiquent l'existence parce qu'elle démontrerait une faille du système capitaliste. Le système capitaliste permet aux uns d'avoir les subventions par l'entreprise et aux autres par l'individu. Voilà en quoi il est bon.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Pierre Weiss. Je conclurai en disant juste une chose. S'il est vrai que le tourisme social est largement un mythe, il ne faut pas non plus exclure qu'il y a un certain nombre d'abus, raison pour laquelle, par exemple, l'Hospice général a développé un service des enquêtes, raison pour laquelle l'Etat doit aussi éviter que des abus délégitiment l'aide sociale qui est accordée à ceux qui, pour la majorité d'entre eux, ont un comportement tout à fait honnête et demandent des prestations de façon justifiée. Je vous remercie. Le groupe libéral votera ce projet de loi.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, le vote de cette loi est un moment qui, n'ayons pas peur des mots, est assez historique. Nous serons le premier canton romand à avoir proposé une loi sur les prestations complémentaires familiales. Deux cantons aujourd'hui la connaissent: Soleure et le Tessin. C'est un débat qui est relativement consensuel, puisqu'une large majorité s'est exprimée en commission. Le projet vaudois, qui a été un copié-collé de celui que nous avons proposé à Genève, mais avec un mode de financement différent, est en train de tourner en pugilat politique. Cela démontre - je le dis à l'intention des médias, mais ils ne sont malheureusement plus là - que, quand on parle à longueur de journée de genevoiseries et de complexité du débat politique, il y a parfois des choses à Genève qui sont surprenantes et beaucoup plus surprenantes que dans d'autres cantons.

Cette loi est une reconnaissance de deux choses, d'une part de la nécessité et de l'urgence d'agir pour un certain nombre de familles pauvres, d'autre part de la vertu et de la valeur du travail. Il y a, dans notre canton, des familles modestes qui travaillent, qui ont fait le choix de travailler là où elles auraient pu avoir d'autres possibilités, celle de ne pas travailler, parce qu'il y a des situations dans lesquelles il est plus commode et parfois plus rentable de ne pas travailler que de travailler.

Cette loi encourage le travail pour 1700 familles, les 1700 familles les plus modestes de notre canton, des familles avec enfants. C'est une loi moderne, comme cela a été dit, qui va permettre, aujourd'hui, d'affronter ce qui est actuellement la plus grande urgence sociale dans notre canton. Ce ne sont pas les autres catégories sociales - une loi sociale et une politique sociale n'ont pas pour but de monter des catégories les unes contre les autres - mais il s'agit de constater aujourd'hui que c'est la situation des familles modestes qui travaillent qui est la plus délicate.

Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez soulevé un problème qui n'est pas anodin, et je ne peux pas l'exclure totalement. Cela étant, j'aimerais porter à votre connaissance le fait que je suis allé représenter la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales avec mon collègue M. Peter Gomm, conseiller d'Etat du canton de Soleure, devant la Commission du Conseil national il y a quinze jours. Cette commission est aujourd'hui saisie d'un projet visant à instaurer une loi-cadre fédérale pour les prestations complémentaires familiales. Trois cantons les auront introduites, lorsque vous les aurez votées tout à l'heure. Mais il y a une nécessité de coordonner tout cela, parce que nous sommes en train, comme c'est parfois le cas en Suisse, de construire de manière disparate une chose qui, si elle était prise à temps, aurait pu être plus logique. La Confédération, à notre grande surprise, a cette fois compris qu'il était nécessaire de faire une loi-cadre et a précisément prévu une réponse aux interrogations que vous soulevez.

Cela étant, même si l'on ne peut pas en théorie exclure les situations que vous avez imaginées, il faut quand même rappeler deux choses. Il faut travailler à Genève et y être logé dans les conditions du barème. J'ai peine à comprendre comment une personne venant d'un pays étranger, qui travaille, puisqu'il faut avoir travaillé, qui a une obligation de domicile dans le canton durant un certain nombre de mois et qui y trouverait un logement entrant dans les normes de prise en compte des loyers pourrait faire le choix de se déplacer pour venir pour cette seule raison dans notre canton. Cela paraît relativement théorique. Je prends ici l'engagement de prendre d'autres dispositions - je l'ai dit devant la commission - si, par hypothèse, ces situations venaient à être nombreuses et que la loi fédérale ne pouvait pas les empêcher à temps. Nous aurions, dans cette hypothèse, quelques plans B pour éviter cela, si par extraordinaire la situation venait à se produire.

Mesdames et Messieurs, le vote de ce soir placera le canton de Genève face à une nouvelle réalité, face à une nouvelle volonté, qui s'inscrit parfaitement dans les débats qui ont eu lieu tout à l'heure et hier, celle d'aider de manière ciblée des gens qui en ont besoin et de pratiquer, dans notre canton, une politique qui soit une politique moderne. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur l'entrée en matière du PL 10600.

Mis aux voix, le projet de loi 10600 est adopté en premier débat par 78 oui contre 8 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le préambule est adopté.

Le président. Nous sommes à l'article 1, souligné. La première des modifications de la LPCC concerne son nouvel intitulé: «Loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC)».

Mis aux voix, le titre (nouvel intitulé) est adopté.

Le président. Madame la députée Carrard, au sujet de l'article 1, je vous passe la parole.

Mme Prunella Carrard (S). Veuillez m'excuser; c'était au sujet de l'amendement à l'article 36A.

Le président. Il n'y a donc pas d'opposition.

Mis aux voix, l'article 1 (nouvelle teneur, sans modification la note) est adopté, de même que les articles 1A (nouvelle teneur, sans modification de la note) et 2 (nouvel intitulé, la teneur de l'article 2 restant inchangée).

Le président. Nous sommes à l'article 36A. Je passe la parole à Mme la députée Carrard.

Mme Prunella Carrard (S). Je dirai rapidement que cet amendement que nous vous avons proposé a été déposé sur vos tables, je pense aujourd'hui. Voici quelques précisions. La loi telle que nous allons la voter donne droit à des prestations complémentaires familiales aux familles qui ont des enfants à charge jusqu'à 18 ans, respectivement jusqu'à 20 ans si les enfants suivent une formation. Or lorsque que nous avons auditionné le Centre social protestant, Caritas ou encore l'Association des familles monoparentales, ces institutions nous ont fait une remarque à ce propos, basée sur leurs pratiques professionnelles. D'une part, l'apprentissage peut commencer vers 17 ans ou 18 ans et, en raison des difficultés de trouver une place rapidement, il n'est pas toujours terminé à 20 ans; l'apprentissage se termine parfois plus tard. D'autre part, les pensions alimentaires doivent être versées jusqu'à 25 ans pour les enfants qui sont en études. Il y a donc une certaine logique à mentionner l'âge de 25 ans dans cet alinéa, pour les jeunes qui poursuivent une formation.

Sur le principe, nous venons de longuement parler de la question du chômage, et surtout de l'importance d'avoir une bonne formation qualifiante. C'est extrêmement important bien entendu pour les jeunes, et il nous semble qu'il faut donc laisser un maximum de chances aux jeunes de bien se former pour leur donner les meilleures chances dans la vie. Ainsi, en nous appuyant sur l'expérience professionnelle des institutions que je viens de citer, nous vous proposons la modification de l'âge fixé dans la loi afin d'assurer aux familles ayant peu de moyens financiers la possibilité de soutenir leurs jeunes dans la construction de leur avenir.

Je précise enfin, et c'est noté dans le rapport de majorité, que l'obtention d'une éventuelle bourse d'études pour un jeune en formation serait bien évidemment prise en compte et intégrée dans le revenu du groupe familial donnant droit, ou non si le revenu est trop élevé, à des prestations complémentaires familiales.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. L'UDC ne va pas voter favorablement cet amendement, tout simplement parce que, comme je l'ai dit, nous sommes opposés à l'entretien étatique des foyers. Or c'est bien ce qui se passe avec cette loi. L'UDC aurait plutôt préféré que l'Etat investisse dans une aide qui réponde réellement aux difficultés quotidiennes, à savoir payer le loyer et les assurances-maladie, ce qui, littéralement, tue financièrement les familles. C'est là que l'on aurait aimé voir intervenir l'Etat.

Je rappellerai que l'UDC a déposé un texte parlementaire qui demandait une aide précise de l'Etat pour toutes les familles ayant des difficultés financières, afin de les aider par rapport aux dépenses de l'assurance-maladie. (Brouhaha. Le président agite la cloche.). On nous propose maintenant une loi qui est beaucoup plus globale, qui certes ne touche pas un nombre important de familles. Mais il n'en reste quand même pas moins que cette aide va dans le sens d'un entretien public des familles qui ne gagnent pas assez, sans réellement tenir compte de l'importance que représentent pour toutes les familles des dépenses telles que loyer et assurance-maladie.

Finalement, on échappe quand même au débat - et c'est dommage. On voit maintenant l'Etat compenser de faibles revenus sans remettre en question ces revenus. Mme Emery-Torracinta a soulevé ce problème, ce qui ne l'empêchera évidemment pas de voter cette loi. Mais voici ce qui ce qui passe à Genève: il y a des secteurs professionnels qui ne payent pas assez; il y a des loyers qui nous tuent, parce que la situation du logement est inacceptable à Genève; et puis il y a les assurances-maladie, qui frisent l'escroquerie et qui mettent littéralement à genoux les familles.

Alors on nous propose cette solution. Les socialistes veulent l'améliorer en incluant maintenant les enfants en études jusqu'à 25 ans. Nous ne les suivrons pas. Et nous rappellerons que, suite au débat que nous avons eu hier... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...sur le salaire minimum, on se trouve vraiment devant un parlement schizophrénique, qui suit une route que nous, nous ne suivrons pas.

M. Philippe Schaller (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PDC est sensible à cette argumentation et à cet amendement. Effectivement, la structure des familles... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...aujourd'hui a bien changé, et il n'est pas rare que des enfants poursuivent leurs études. C'est d'ailleurs un avantage; nous avons vu précédemment que faire des études permet d'éviter d'être... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...au chômage ou en difficulté sociale. Donc nous soutiendrons cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Anne Emery-Torracinta...

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je vous sens las, Monsieur le président, mais il ne reste que dix minutes; nous irons très rapidement.

J'aimerais juste préciser que tout le système, tout le dispositif social en Suisse, met 25 ans comme limite. Si vous prenez le cas des allocations familiales, pour les jeunes en formation, cela va jusqu'à 25 ans. Si vous prenez les rentes d'orphelins, s'ils sont en formation, c'est aussi 25 ans. Donc il y aurait une logique et une cohérence à inscrire la limite de 25 ans dans ce projet de loi.

M. Serge Hiltpold (L), rapporteur de majorité. Je me contenterai de parler uniquement de l'amendement... (Brouhaha.) ...dans le relatif bruit. Concernant l'amendement, cela a été longuement débattu dans la commission, avec un aspect assez constructif. Il convient tout d'abord de préciser que, au départ, cet âge était à 18 ans. Il a ensuite été relevé 20 ans. D'un point de vue extrêmement pragmatique, il faut savoir que nous avons voté un nouveau système de bourses d'études en décembre 2009. Et à partir 20 ans - je le dis pour les personnes qui auraient un doute sur le financement éventuel de ces formations - les bourses d'études et cette loi permettent d'assurer le relais entre 20 et 25 ans. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Donc de manière totalement cohérente par rapport à la loi que nous avons votée en décembre 2009, la majorité vous recommande de rejeter cet amendement.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes en procédure de vote sur l'amendement à l'article 36A (nouveau), alinéa 1, lettre b, nouvelle teneur: «vivent en ménage commun avec des enfants de moins de 18 ans, respectivement 25 ans si l'enfant poursuit une formation donnant droit à une allocation de formation professionnelle au sens de l'article 3, alinéa 1, lettre b, de la loi sur les allocations familiales du 24 mars 2006 (ci-après: loi sur les allocations familiales);».

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 54 oui contre 34 non et 2 abstentions.

Mis aux voix, l'article 36A (nouveau) ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article 36B (nouveau) est adopté, de même que les articles 36C (nouveau) à 39B (nouveau). (Brouhaha pendant la procédure de vote. Le président agite la cloche.)

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

La loi 10600 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10600 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 11 non et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 10600

Le président. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

La séance est levée à 22h55.