République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 septembre 2010 à 10h
57e législature - 1re année - 10e session - 53e séance
PL 10468-A
Premier débat
Le président. Nous sommes à la première urgence: le PL 10468-A.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de conciliation en matière de baux et loyers est une institution très importante de notre république, puisqu'elle contribue à apaiser les litiges dans un domaine usuellement tendu: le logement. Elle obtient aujourd'hui, dans sa configuration actuelle, de bons résultats, un bon taux de conciliation, supérieur à ce que d'autres institutions obtiennent, notamment la conciliation ordinaire en matière civile. Ces taux de réussite sont toutefois inférieurs à ceux qui sont observés dans d'autres cantons, y compris des cantons urbains, pour des raisons difficiles à analyser et à identifier avec précision.
Aujourd'hui, cette commission a un statut extrêmement hybride. Ce sont des juges qui la président - en tout cas, ce sont des personnes dont la fonction principale est d'être des juges - mais ils sont nommés par le Conseil d'Etat pour aller présider cette commission de conciliation. Ils sont alors censés présider une institution qui n'a pas un caractère fondamentalement judiciaire. Le résultat, vous pouvez l'imaginer, est que l'on a un système hybride dans lequel, à part les gens qui s'engagent pour le fonctionnement de cette institution, à savoir les juges qui la président, personne ne se sent vraiment concerné par le bon fonctionnement de cette institution.
La commission d'experts mise en place par le Conseil d'Etat lors de la législature précédente avait proposé en quelque sorte de supprimer cette institution en tant que telle et de confier la conciliation en matière de baux et loyers au Tribunal de première instance. Le Conseil d'Etat avait estimé qu'il ne fallait pas aller aussi loin, et il avait proposé de maintenir d'une certaine façon le système hybride actuel avec un projet de loi qui était le seul de l'ensemble des projets de lois du train Justice 2011 à ne pas s'intégrer dans la logique de l'organisation judiciaire telle qu'elle était proposée par ailleurs par le Conseil d'Etat.
Notre commission, la commission ad hoc Justice 2011, a consacré des travaux absolument gigantesques à cette affaire que le rapport s'efforce de retracer. Elle a entendu, entendu de nouveau et entendu encore les milieux intéressés, et est parvenue à la conclusion que, parmi toutes les solutions possibles, il y en avait une qu'il fallait éviter à tout prix: le maintien du système actuel, précisément parce qu'il n'était plus d'actualité de maintenir ce produit hybride de l'Histoire. Elle s'est par conséquent demandé s'il lui fallait une solution judiciaire, à savoir que, puisque ce sont des juges, eh bien ce sont des juges d'un pouvoir judiciaire et pas autre chose, ou bien s'il fallait au contraire déjudiciariser l'institution, comme le lui demandait un certain nombre des intervenants, en particulier très clairement la présidence de la commission elle-même et les milieux représentatifs des locataires.
Entre ces deux solutions, la commission aurait pu trouver une majorité pour la solution de la judiciarisation, qui obtenait les faveurs d'une majorité des commissaires. Elle a préféré, pour tenter l'apaisement, l'autre solution, à savoir celle de créer une commission non judiciaire sous la houlette du Conseil d'Etat. C'est le projet de loi tel qu'il figure dans le rapport qui vous a été soumis.
Il se trouve que ce projet de loi, une fois sorti des presses, a été pilonné. Plus personne n'en voulait ! Ni du côté des locataires ni du côté des bailleurs, plus personne ne voulait de cette solution. Pourquoi ? Parce que, forcément, en disant que nous avions une solution non judiciaire, les juges qui font aujourd'hui fonctionner la CCBL sans fonctionner comme juges - je ne sais pas si vous suivez tout le détail, mais il est vrai que, aujourd'hui, une chatte n'y retrouve pas ses petits dans cette affaire - n'auraient plus pu continuer à fonctionner dans la commission extrajudiciaire que nous avions proposée.
C'est la raison pour laquelle une solution alternative a été reprise, en quelque sorte, une de celles qui avaient été débattues comme l'une des variantes, l'une des possibilités, pendant les travaux de la commission. Elle fait l'objet ce soir d'un amendement général qui a été présenté à la commission hier lors de sa dernière séance. C'est donc un projet de loi qui transpose simplement - ce n'est rien de particulièrement extraordinaire - la solution choisie par la commission, mais il la transpose en une solution judiciaire.
Si vous choisissez de suivre ce que vous propose la commission - sans opposition, avec des abstentions néanmoins - ce qui vous est proposé ne changera rien du tout à la façon dont travaillera la commission de conciliation. Ce seront les mêmes juges avec les mêmes juges assesseurs. Cela ne changera rien non plus à l'objectif de cette commission, qui est de résoudre un maximum de litiges avant qu'ils ne se retrouvent devant les tribunaux. Et cela ne changera rien par rapport à l'autonomie d'organisation que nous voulions déjà garantir à la commission de conciliation, une autonomie qui ne sera guère différente de celle dont elle dispose aujourd'hui et qui sera bien plus grande que ce que les experts de la commission de Bernard Bertossa avaient proposé à l'époque.
Ce qui changera: les juges et les juges assesseurs seront élus par le peuple, respectivement par le Grand Conseil, comme les autres magistrats. Ce qui changera: ces juges exerceront ces tâches dans le cadre de leur charge de magistrat, et non pas en supplément. Et ce qui changera certainement: la commission aura enfin un interlocuteur pour obtenir les moyens, notamment logistiques, dont elle ne dispose pas aujourd'hui pour fonctionner correctement.
Alors Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, c'est une démarche un peu inusuelle voire très inusuelle qui vous est proposée aujourd'hui. Elle consiste à reconnaître dans un domaine qui est régi par le référendum obligatoire que l'avis des milieux intéressés a son poids. Nous avons fait la même chose, je vous le rappelle, lorsque nous avons débattu des prud'hommes et que la commission ad hoc Justice 2011 a finalement orienté ses choix très largement en fonction des demandes exprimées par les milieux intéressés, en l'occurrence par les syndicats, lors du débat sur les prud'hommes. De la même manière ici, le référendum obligatoire en matière de logement nous oblige à adapter notre chemin et à proposer, in extremis - c'est le cas de le dire - une solution alternative. Je vous recommande en tout état d'entrer en matière et de trancher cette question aujourd'hui. Nous avons besoin de le faire pour que le peuple puisse voter lors du scrutin prévu en novembre et que cette loi puisse entrer en vigueur avec toutes les autres lois Justice 2011 le 1er janvier 2011.
Mme Loly Bolay (S). En préambule, permettez-moi en tant que présidente de la commission ad hoc Justice 2011 de dire ce qu'elle a vécu pendant cette période. Je rappelle que la commission ad hoc Justice 2011 siège depuis trois années. Elle a travaillé avec l'ancienne législature et avec cette nouvelle législature d'arrache-pied. Nous avons consacré pendant trois années une grande partie de nos vacances pour véritablement être à jour dans nos travaux.
Concernant la commission de conciliation, nous avons entendu tout et son contraire. Nous avons auditionné les partenaires sociaux, parfois à deux reprises. Nous avons entendu tout le mal que beaucoup de gens pensaient du projet de loi du Conseil d'Etat. Ce dernier, comme l'a dit le rapporteur, proposait une solution hybride, mi-figue mi-raisin, un peu comme un jugement «à la Napoléon». Personne n'en voulait.
Qu'avons-nous fait ? Nous avons dit: «Très bien, puisque tout le monde veut une commission indépendante, nous irons au bout de la logique; la logique de l'indépendance ira jusqu'au bout. On fera de cette commission de conciliation une sorte de CODOF précisément pour que tout le monde soit content et qu'elle ait une véritable indépendance.» Nous avons voté cela à la mi-juillet et sommes partis en vacances le coeur très léger ! Mais, à notre retour de vacances, voire même avant, nous avons été submergés d'e-mails, de téléphones, de sms, pour nous dire: «Mais bon Dieu, qu'avez-vous fait de cette commission de conciliation ?!» Je me suis dit: «Mais nous avons fait ce que vous avez voulu, en tout cas ce que vous nous avez dit.» Eh bien non ! Pas du tout, Mesdames et Messieurs les députés. Nous sommes allés trop loin ! Nous avons donné trop d'indépendance à cette commission de conciliation. Alors qu'avons-nous fait ? Mercredi, nous avons remis l'ouvrage sur le métier. Nous nous sommes dit: «Il faudrait tenir compte de tous ces avis, parce qu'on ne veut quand même pas faire la "revolución" avec la commission de conciliation.» (Remarque.)
J'aimerais faire deux remarques au rapporteur. Tout d'abord, M. le rapporteur a dit que la commission de conciliation concilie bien, mais concilie moins que dans les autres cantons. La première remarque est que l'on ne peut pas comparer Genève à d'autres cantons; Genève connaît une situation de pénurie terrible au niveau du logement, donc on ne peut pas demander plus à la commission. Deuxième remarque, Mesdames et Messieurs les députés, cette commission n'a pas les moyens de fonctionner; il faut lui donner plus de moyens pour que, véritablement, elle fasse la conciliation nécessaire pour le canton de Genève. En plus de cela, nous avons besoin, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, d'une conciliation forte. Pourquoi ? On le verra tout à l'heure avec la loi d'application du code civil, le nouveau droit fédéral péjore davantage la situation des locataires, or nous sommes un canton de locataires. Il faut donc mettre les garde-fous là où il faut.
Le projet de loi du Conseil d'Etat, lui, maintenait un peu le cordon ombilical avec le pouvoir judiciaire. Le projet de loi proposé par le rapporteur le veut carrément à l'intérieur; il dit: «Il faut le rattachement au tribunal civil.» Alors nous sommes très circonspects. Pourquoi ? Premièrement, aujourd'hui, on a des magistrats conciliateurs qui connaissent bien leur travail. Ce sont des gens qui ont la culture de la conciliation, et c'est cela qui est important. En revanche, avec les juges du Tribunal civil, on connaît bien les chiffres, et ce ne sont pas les partenaires sociaux qui vont me contredire sur ce point: 3% de conciliation. Donc ils n'ont pas la culture, cette approche de la conciliation. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste - nous reviendrons tout à l'heure dans le débat par rapport à cet amendement général - est très sceptique.
J'ai posé la question de savoir si ces juges qui aujourd'hui concilient vont être les mêmes demain pour la conciliation. J'ai reçu des réponses, mais je n'ai pas été rassurée. Pourquoi ? Parce que ces juges vont dire: «Ecoutez, cela ne m'intéresse plus d'aller faire de la conciliation. Je peux aller aux affaires complexes.» Donc les autres juges, qui n'ont pas la culture, qui n'ont pas la formation de la conciliation, ne vont pas faire le même travail. C'est là que le bât blesse ! C'est la raison pour laquelle le parti socialiste ne votera certainement pas l'amendement général du rapporteur. Je vous remercie de votre attention, et nous reviendrons tout à l'heure sur d'autres questions concernant les amendements.
Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour la clarté des débats, je tiens déjà à dire que le groupe socialiste s'opposera à l'amendement général proposé par M. Jornot. Le code fédéral de procédure civile impose la modification de certaines règles en matière de conciliation au sein de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, bien sûr, ce n'est pas contesté. Mais ces nouvelles règles de procédure pourront et devront entrer en vigueur le 1er janvier 2011, même sans modification d'une quelconque loi genevoise. La commission de conciliation en matière de baux et loyers devra bien entendu s'y soumettre, mais il n'y a aucune raison et aucune urgence de modifier l'organisation et la composition de cette commission de conciliation. Les cantons sont libres d'organiser la commission de conciliation comme ils le souhaitent, à condition de respecter la composition paritaire, à savoir des juges assesseurs bailleurs et des juges assesseurs locataires. Ainsi, l'acharnement du Conseil d'Etat et d'un certain nombre de députés de cette enceinte à vouloir à tout prix modifier son statut actuel est totalement incompréhensible et relève d'obscures raisons politiques difficiles à comprendre.
La commission de conciliation est actuellement régie par une loi datant de 1977. Elle est composée de 5 à 7 magistrats ou anciens magistrats du pouvoir judiciaire, ainsi que de plus de 60 assesseurs locataires et bailleurs. Contrairement à ce que prétendent certains, cette commission fonctionne bien dans son organisation actuelle, en particulier grâce à la compétence, l'engagement et la motivation des magistrats et anciens magistrats qui la président aujourd'hui. Les juges assesseurs bailleurs et locataires, dont la présence et la participation active aux audiences est un apport indispensable au bon déroulement des audiences, sont également essentiels au bon fonctionnement de la commission. Il faut relever, également, qu'elle réalise un taux de conciliation de 50%, ce qui est remarquable si l'on prend en considération les actuelles tensions, extrêmes, sur le marché du logement genevois. Et ce taux, n'en déplaise à certains, est plus de 5 fois supérieur à celui qui est obtenu dans les juridictions ordinaires civiles.
Bien sûr, rien n'est parfait. Il est vrai qu'il est régulièrement reproché à la commission d'avoir des délais de convocation trop longs et d'accumuler du retard dans le traitement des dossiers. Cela étant, ce n'est dû qu'à une carence chronique de personnel au sein du greffe. Il est facile de remédier à ce problème. Il n'y a pas besoin de changer l'organisation, la composition et la loi pour remédier à ce problème. Donc pourquoi changer ce qui fonctionne ? Au nom de quel principe abstrait ou juridiquement cohérent faudrait-il casser un système qui a fait ses preuves depuis des années ?
Le statut hybride de la commission de conciliation en fait effectivement une juridiction à part. (Brouhaha.) Mais qui cela gêne-t-il à part certains juristes ou administrateurs ? Il faut garder à l'esprit que la principale mission de la commission de conciliation est de maintenir la paix du logement, autant que possible, en aidant les locataires et les bailleurs à trouver des solutions amiables à leurs litiges. Ces derniers sont nombreux et souvent particulièrement graves à Genève, du fait de cette sévère pénurie de logements que nous n'arrivons pas à éradiquer et des abus qui en résultent de la part des bailleurs. Alors vouloir à tout prix modifier de fond en comble la composition et l'organisation de la commission de conciliation n'apporterait aucune amélioration. Bien au contraire, cela présenterait le danger considérable de casser purement et simplement son fonctionnement et de l'empêcher de remplir sa mission.
J'ai trouvé particulièrement choquant et incompréhensible de voir comment le processus législatif s'est déroulé s'agissant de cette loi. A ce jour, aucun des projets successifs proposés n'a emporté l'adhésion des milieux intéressés, soit les milieux immobiliers, les représentants des locataires et la juridiction elle-même. Il est vrai qu'il y a eu des accords partiels; parfois, c'étaient les milieux des locataires, parfois les milieux immobiliers qui étaient d'accord. Mais il n'y a jamais eu d'accord complet de tous les milieux intéressés sur cette question.
Donc, après une première tentative de rattachement au Tribunal civil, qui avait été décriée par tous les milieux intéressés, le Conseil d'Etat a finalement déposé un projet de loi, qui n'était pas parfait et nécessitait encore des modifications. Il a toutefois été brusquement abandonné par la commission ad hoc Justice 2011 en plein été, sans aucune concertation des milieux intéressés, au profit d'un projet de loi faisant de la commission de conciliation une commission officielle. Ce projet a fait l'unanimité contre lui, du côté de tous les milieux. Cela aurait eu pour effet de vider la commission de conciliation de ses forces vives, puisqu'elle aurait perdu l'apport précieux de magistrats de carrière expérimentés et aguerris à la commission de conciliation. Cela poserait par ailleurs d'insolubles problèmes de récusation en raison de conflits d'intérêts. Donc cela poserait des problèmes d'organisation. Si l'on voulait empêcher la commission de conciliation de fonctionner correctement ou la voir disparaître, on ne s'y prendrait pas autrement. Donc ce projet - qui n'est aujourd'hui plus à l'ordre du jour, mais qui a quand même existé jusqu'à il y a peu de temps, soit hier soir - est inacceptable.
En ce qui concerne l'amendement général proposé aujourd'hui, il n'est pas davantage acceptable ni applicable. L'intégration de la commission de conciliation dans le Tribunal civil lui enlèverait toute l'indépendance dont elle a besoin pour faire son travail. Cela constituerait une solution tout aussi mauvaise que la précédente; cette solution provoquerait également une perte des forces vives de la commission, puisque la plupart des magistrats de carrière qui siègent actuellement dans la commission de conciliation... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...ne pourraient plus le faire pour des raisons d'organisation interne du Tribunal civil. Le danger est ainsi réel que la commission de conciliation se retrouve le 1er janvier 2011 sans les moyens de faire face aux nombreux litiges dont elle est saisie et que cela rallonge encore les délais de traitement des dossiers, ce qui lui est reproché.
Le projet proposé aujourd'hui, sous forme d'amendement général, n'a pas le soutien des représentants des locataires, ainsi que les milieux intéressés l'ont déjà exprimé en dehors de cette enceinte. Il n'a pas non plus le soutien de la juridiction concernée et des juges impliqués...
Le président. Merci, Madame la députée. Vous êtes arrivée au terme de vos sept minutes. Mais vous pourrez reprendre, puisque c'est un débat libre. (Remarque.) La parole est à M. Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, en tant que membre de la commission ad hoc Justice 2011, je dois vous faire part de mon étonnement - et le terme est faible - concernant la manière dont les choses se passent. J'ai non seulement le sentiment, mais la conviction, que l'on tente de nous mener ici par le bout du nez. Mme Bolay nous l'a dit, nous nous sommes quittés la première semaine de juillet, après un travail assidu et des auditions soutenues, avec un projet censé répondre, tant bien que mal, aux attentes de chacun. Si tout le monde était mécontent, c'est que le projet était bon et que, finalement, il avait trouvé des compromis sur la plupart des points !
Nous nous retrouvons hier à 17h, et c'est à ce moment que M. le rapporteur nous présente un amendement général et nous explique que, durant l'été - puisqu'il est apparemment le seul à n'avoir pas pris de pause estivale - il a été harcelé par les milieux intéressés, comme on dit - comprenez «intéressés» dans tous les sens du terme... (Remarque.) - pour que ce projet soit modifié puisqu'il ne satisfaisait personne. Pour ma part, je n'ai entendu personne, je n'ai vu aucun courrier de doléances... (Brouhaha.) ...et je devrais me satisfaire des propos de certains qui viennent nous dire que ce projet ne satisfait personne ?
Entre hier soir et ce matin, je me suis renseigné, parce que, évidemment, on ne peut pas considérer à priori que la démarche qui nous est proposée est inadmissible. Sans doute M. Jornot est-il animé d'une bonne volonté. Sans doute veut-il faire avancer les choses plus rapidement seul que collégialement dans une commission, puisque nous le savons particulièrement efficace. Or il se trouve que les critiques de la gauche sur ce projet qui avait été présenté par la commission ne portaient que sur des points de détail, que je qualifierai de cosmétiques, qui pouvaient parfaitement être corrigés par des amendements. D'ailleurs, je le fais aujourd'hui. Je vous ai soumis un amendement général pour la facilité de lecture, mais il ne comporte que des améliorations de présentation et de compréhension pour qu'il n'y ait décidément aucun malentendu sur la volonté de ce parlement. Cependant, on saisit ces critiques du côté des milieux immobiliers - dont M. Jornot est aujourd'hui le porte-parole, je dois le dire - pour remettre sur le métier le fondement même de cette commission de conciliation, sur lequel les débats ont été les plus assidus, et se demander si cette commission devait être rattachée au pouvoir judiciaire ou rester, comme elle l'est aujourd'hui, soumise au pouvoir politique.
On essaye de vous faire croire que le seul moyen de faire passer quelque chose pour le 1er janvier 2011 est ce que l'on vous présente: c'est cela pour trouver l'unanimité, sinon tout va capoter, il n'y aura que des mécontents ! Je n'en crois pas un mot. Je pense que l'on peut faire, avec le projet de la commission, un travail tout à fait convenable avec les quelques amendements qui vous seront proposés tout à l'heure.
Voici un bref historique. Cette commission de conciliation a été instaurée en 1936, par le pouvoir politique; elle était initialement présidée par un conseiller d'Etat. Son rôle était d'assurer la paix du logement et de rechercher des solutions entre bailleurs et locataires avant qu'ils n'en débattent et pour éviter si possible qu'ils n'en débattent devant les tribunaux. Depuis 1936, cette commission a fait un travail remarquable. En tant que praticien du côté des bailleurs, parfois, mais aussi du côté des locataires, je peux vous dire que ce travail est efficace, parfois lent, certes, mais c'est par manque de moyens, et il ne tient qu'à nous de lui en donner.
Son travail est efficace, j'insiste, avec un taux de conciliation de 50%. Cela signifie qu'une affaire sur deux ne finit pas devant la justice et n'est donc pas à charge du budget des contribuables parce qu'elle s'est arrêtée au niveau de la conciliation. C'est remarquable ! C'est remarquable si l'on considère par comparaison le taux de réussite du Tribunal de première instance, qui est, Mme Bolay l'a rappelé, à peine de 3%. En effet, la conciliation devant le Tribunal de première instance est une imposture ! C'est un passage obligé dans lequel, en trois minutes - même pas - on obtient un coup de tampon. On peut envoyer un stagiaire qui ne connaît rien au dossier devant le Tribunal de première instance simplement en lui demandant de dire: «Il n'y a pas de conciliation possible.» Et on répond: «Très bien, Maître, on vous met un tampon, allez introduire.» En revanche, on ne peut pas le faire devant la commission de conciliation.
Devant la commission de conciliation en matière de baux et loyers, celui qui s'y présente doit savoir de quoi il parle. Souvent, les parties sont à côté de lui et l'on travaille efficacement avec le temps nécessaire. Or ce résultat - efficace - on voudrait, parce qu'il dérange certains, le jeter aux orties pour le remplacer par une intégration de la commission de conciliation au pouvoir judiciaire, dont on sait par expérience, puisqu'il fonctionne depuis deux cents ans dans cette république, que, précisément, il ne fonctionne pas dans le domaine de la conciliation et de la médiation.
Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas à entrer dans une guerre des chefs, si j'ose dire, parce que sachez que, demain - c'est officiel - il y a une réunion du plénum du Tribunal de première instance. Et, à l'ordre du jour, il est déjà prévu de parler de la commission de conciliation, c'est-à-dire de la manière dont on va se répartir le travail au sein de cette commission. On s'en fiche pas mal de ce que l'on va décider ici, puisque le pouvoir judiciaire a déjà décidé de manger la commission de conciliation. Eh bien non, cela ne fonctionne pas ainsi !
Une commission a travaillé et est arrivée à un résultat, qui est le produit d'un consensus. Tous les partis étaient d'accord de maintenir la commission de conciliation comme elle est actuellement parce qu'elle est efficace. Il faut absolument maintenir ce système. Alors nous allons voter l'entrée en matière pour que l'on puisse faire passer le projet de la commission avec les amendements que nous vous proposerons, qui seront, je le répète, des amendements purement esthétiques, pour que l'on comprenne de quoi l'on parle. Ainsi, on permettra à cette commission de continuer à fonctionner.
Encore un mot, et je terminerai là pour l'instant. On vous dit: «Finalement, cela ne changera rien, ce sera exactement la même chose. On prend les mêmes et on recommence.» Pourtant, il y a un président actuellement, qui déplaît peut-être à certain, notamment aux représentants du parti libéral. C'est M. Mirimanoff, président de la commission de conciliation, qui a certainement des défauts, mais également d'excellentes qualités, et qui du moins sait de quoi il parle...
Le président. Merci, Monsieur le député: vous êtes à sept minutes et dix secondes !
M. Mauro Poggia. Eh bien M. Mirimanoff dérange; et il serait, dans le nouveau système - je termine, Monsieur le président - juge suppléant, c'est-à-dire que l'on ne ferait plus jamais appel à lui.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Maitre.
M. Vincent Maitre (PDC). Beaucoup de choses ont été dites. Je suis un peu interloqué par les propos tenus par Mme Buche, qui, rappelons-le, ne siège pas à la commission ad hoc Justice 2011, et qui a un discours sur le fond relativement différent de celui de sa collègue de parti Mme Bolay, qui, elle, siège et préside même la commission ad hoc Justice 2011. Mme Buche dit que, notamment pendant l'été, les milieux concernés n'ont pas été sollicités, n'ont pas été auditionnés, n'ont pas été entendus. Eh bien force est de constater que c'est totalement faux voire mensonger, puisque tous les milieux, aussi bien le pouvoir judiciaire que les locataires et les milieux immobiliers, ont été - cela a été répété - entendus à maintes et maintes reprises et que leurs avis ont non seulement été entendus, mais ont en plus été écoutés et appliqués pour constituer le projet de loi et déterminer la position de la commission.
C'est précisément, au final, le point avec lequel j'étais le plus mal à l'aise, personnellement: pour ne rien vous cacher, à priori, je ne comprenais pas très bien le sens de cette commission de conciliation, quasiment schizophrène, en tout cas totalement hybride, comme le rapporteur l'a expliqué, dont les membres souhaitaient rester en dehors du pouvoir judiciaire tout en en ayant les avantages et pas les inconvénients auxquels la commission aurait été astreinte si elle y avait fait partie intégrante. J'étais plutôt d'avis de dire qu'une judiciarisation de cette commission aurait été préférable. Pourtant, à force d'auditionner et d'écouter tous les milieux concernés, la commission a préféré entendre et appliquer ces points de vue et maintenir une déjudiciarisation de la commission, mais tout en coupant un peu la tête à ce serpent à deux têtes, précisément, à cette schizophrénie consistant à dire que cette commission de conciliation est en dehors du pouvoir judiciaire, mais que les juges qui la composent, eux, sont des magistrats à part entière.
Je crois que, à un moment donné, il faut choisir. Soit on décide que cette commission fait partie intégrante du pouvoir judiciaire, et, alors, elle a un vrai organe de contrôle parce qu'elle fait partie du Tribunal civil, et les juges qui la composent sont des «juges judiciaires» - pardonnez-moi l'expression - des magistrats à part entière; soit l'on décide que cette commission est extrajudiciaire, et alors toutes ces exigences n'ont pas lieu d'être appliquées.
Il semble que, au final - cela a été très clairement dit et répété - le projet de loi qui a été élaboré tient totalement compte de l'avis et même des voeux des milieux concernés. Mais lorsqu'il était concrètement et physiquement rédigé, très bizarrement, ces milieux n'en voulaient plus, c'était l'échec assuré en cas de votation populaire, comme nous l'impose la loi par le biais du référendum obligatoire. Résultat des courses - et c'est dans ce sens que je crois que l'on peut une fois de plus remercier le rapporteur, qui a ardemment travaillé, et dans l'urgence - il a réussi à nous pondre un amendement général susceptible de passer la rampe de la votation populaire et qui satisfait le plus de monde.
Dire que les milieux concernés ne sont pas prêts à soutenir cet amendement général est une fois de plus erroné; c'est Mme Buche qui le dit. Et pour cause: les seuls milieux effectivement concernés qui ne sont pas prêts à soutenir ce projet de loi amendé par le rapporteur sont précisément ceux de l'ASLOCA. Donc, au final, on ne peut évidemment que regretter la façon dont la procédure s'est passée et la méthode de travail. Mais elle n'est en tout cas pas imputable aux commissaires, elle n'est en tout cas pas imputable à la commission ad hoc Justice 2011, mais bien aux milieux concernés qui, tout à coup, en cours d'été, se sont réveillés, ma foi un brin tard, pour réaliser, en faisant une lecture approfondie du projet de loi, que cela ne leur convenait finalement pas tout à fait ou plus du tout, ce contrairement à tout ce qu'ils avaient pu nous dire lors des auditions effectuées par la commission.
Au final, sur l'urgence de voter ce projet de loi tel qu'amendé aujourd'hui, contrairement de nouveau à ce que disent notamment Mme Buche et M. Poggia, nous avons des impératifs qui nous sont imposés par le droit fédéral, à savoir que la réforme judiciaire doit entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2011. On ne voit pas très bien ce qu'il adviendrait de toute cette réforme du pouvoir judiciaire si, à compter du 1er janvier 2011, de nouveau - Genferei ultime ! - le seul canton à ne pas avoir pu faire le travail requis pour la mise en application de cette réforme continue à fonctionner dans le flou sans avoir achevé son travail.
C'est la raison pour laquelle, si nous ne votons pas ce projet de loi tel qu'il est amendé aujourd'hui, tout simplement, nous ne pourrons respecter le délai référendaire qui, je le rappelle, doit tomber autour du mois de novembre. Donc je vous recommande évidemment de voter ce projet de loi, avec son amendement général, qui une fois de plus me paraît et paraît à la majorité de la commission la meilleure solution pour effectivement mettre en vigueur cette réforme de procédure judiciaire.
Mme Céline Amaudruz (UDC). Aujourd'hui, vous l'aurez compris, le débat est simple. Décide-t-on de rattacher la commission de conciliation à un milieu judiciaire, ou non ? J'aimerais tout d'abord féliciter M. Jornot. En effet, on se plaint toujours que la politique est trop lente; eh bien lui a réussi, cet été, à présenter quelque chose de concret et bon. Pour une fois que l'on arrive à avoir une réponse rapide, c'est excellent.
Les milieux concernés sont satisfaits à la majorité de cette solution. Alors j'ai entendu les arguments de la gauche et ceux de M. Poggia qui dit que, finalement, si nous rattachons cette commission au TPI, nous aurons un moins grand succès. Si M. Poggia décide d'envoyer des stagiaires non préparés au TPI pour défendre ses dossiers, c'est son choix. A priori, on ne l'a pas appelé peut-être pour ces raisons. M. Jornot a été appelé, il doit préparer ses dossiers quand il va au TPI.
Donc, pour toutes ces raisons, il me semble très important que nous rattachions cette commission au TPI, ce d'autant que l'enjeu est de défendre les justiciables, les citoyens. Et je ne vois pas comment nous pourrions leur garantir plus de sécurité qu'en structurant cette commission de conciliation.
Je tiens à vous préciser que, aujourd'hui, ceux qui sont un peu moins contents, ce sont certains présidents et juges de la commission de conciliation en matière de baux et loyers. Mais pourquoi ? Evidemment, ils vont devoir se soumettre à certaines conditions et exigences. Mais c'est normal pour le citoyen genevois d'avoir une sécurité de la justice.
Alors bien entendu, le groupe UDC va voter l'entrée en matière et l'amendement proposé par M. Jornot.
Le président. Merci, Madame la députée. Le Bureau propose de clore la liste des intervenants: sont encore inscrits: Mmes et MM. Captyn, Hohl, Béné, Aumeunier, Buche, Stauffer et le rapporteur de majorité. La parole est à Mme Captyn.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, voulons-nous une commission de conciliation en matière de baux et loyers judiciaire ou non judiciaire ? Telle est la question, on l'aura bien compris. Le projet initial proposait la judiciarisation la plus poussée; un deuxième projet du Conseil d'Etat prévoyait un système mixte entre judiciaire et administratif; puis le projet de la commission ad hoc Justice 2011 a voulu une solution totalement administrative. Mais le plus intéressant, vous l'avez déjà dit, est que, à chaque étape du projet, il y a de magnifiques levées de boucliers.
Dans tout cela, que veulent les Verts ? Nous n'avons pas de dogme particulier. Nous voulons avant tout un système qui marche. C'est effectivement ce qui nous semble le plus important, surtout en pleine pénurie de logements, surtout quand les loyers sont aussi chers et qu'il n'y a pas de contrôle de la LDTR par l'Etat. Il revient donc au citoyen de faire valoir ses droits; il est par conséquent primordial que ces domaines de la justice soient bien accessibles. Et là, il faut dire que, entre les projets pour une commission administrative ou judiciaire, il nous semble que c'est le projet judiciaire qui l'emporte.
Plus particulièrement, il nous a tenu à coeur de maintenir un greffe spécifique à la commission de conciliation - on va en reparler - pour que la population puisse bénéficier d'un guichet spécifique aux questions de logement. Il nous a semblé aussi important de rappeler que la médiation est un moyen qui nous tient à coeur par un article spécifique sur cette question également. Nous vous engageons donc, Mesdames et Messieurs, à accepter l'amendement général qui vous est présenté au projet de loi 10468.
M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, la commission de conciliation actuelle semble bien fonctionner. La conciliation est l'avenir de la justice. Or le parti radical a peur de perdre les bienfaits de la conciliation. Le but de chacun - cela a été exprimé par de nombreux députés - est de résoudre un maximum de recours avant les tribunaux.
Alors le parti radical n'est pas opposé aux changements. Mais on l'a bien compris, ce dossier est extrêmement complexe. Vous en avez parlé. Or je ne siège pas à la commission. Et notre collègue de parti, qui siège à la commission, n'est pas là aujourd'hui. C'est agréable de faire parler plutôt ceux qui siègent à la commission. Mais on a bien compris que c'était extrêmement compliqué. De plus, hier soir, vous vous êtes réunis et vous venez avec un amendement qui, pour nous, est un peu difficile à comprendre en quelques minutes.
Le bon sens nous dicterait de renvoyer immédiatement tout cela en commission. Mais on sait que l'on ne peut pas. Si vous, qui siégez à la commission, vous trouvez le moyen de renvoyer cet objet en commission pour que l'on puisse honnêtement se mettre autour de la table et comprendre un peu mieux, tant mieux, faites-le. Je ne vais pas demander le renvoi en commission. Simplement, pour toutes ces raisons, le groupe radical va s'abstenir, et sur le projet, et sur la loi, parce que nous n'avons pas le temps de la réflexion.
M. Jacques Béné (L). C'est un débat éminemment politique. Je vais commencer par remercier M. Jornot, qui n'a évidemment pas passé le même été que nous. En effet, non seulement il a dû émettre les deux rapports qui nous sont soumis aujourd'hui, avec la LaCC, mais il a également eu des contacts avec les milieux intéressés, comme on dit, durant l'été, pour arriver à un projet qui, sur la méthode - je crois que nous sommes tous d'accord - présente des inconvénients. Maintenant, je pense qu'il faut aussi faire confiance au travail de la commission et aux commissaires. M. Hohl dit que l'on n'a pas le temps de s'y plonger. Personne n'a eu le temps de s'y plonger, à part les milieux intéressés et M. Jornot.
J'aimerais tout de même relever quelques éléments, notamment par rapport au taux de conciliation actuel. On compare des choses qui ne sont pas comparables. On dit que le taux de conciliation est de 50%. C'est vrai si l'on retire toutes les causes diverses pour lesquelles il n'y a pas d'entrée en matière, qui sont sans objet, qui sont renvoyées au Tribunal arbitral ou à un autre tribunal, ou qui sont retirées suite à une conciliation éventuelle hors de la commission. Et si l'on compare ces chiffres avec les autres cantons, Mesdames et Messieurs, c'est catastrophique, puisque le canton de Genève a le taux de conciliation le plus faible ! On parle de 33% de conciliation et de 33% de non-conciliation, en fait; et 33% des causes sont retirés, qui sont des autres cas. Or dans tous les autres cantons, Mesdames et Messieurs, je prends par exemple le canton de Zurich, le taux de conciliation est de 46% et il n'y a que 8% de cas où il n'y a pas d'entente et qui sont renvoyés au tribunal. Alors oui, il y a un taux de vacance important, mais je pense qu'il y a encore un effort à faire.
Pourquoi dis-je cela ? Parce que - c'est vrai que la commission fonctionne bien - je pense que l'on peut faire encore mieux. Il y a une grande différence avec ce qui s'est fait ou ce qui se fera jusqu'au 31 décembre: la loi fédérale, aujourd'hui, institue la conciliation comme l'un des éléments fondamentaux, je crois qu'il faut le relever ! Cela a été relevé aussi lors des auditions du pouvoir judiciaire, on va devoir concilier ! Pourquoi y a-t-il 3% de conciliation au TPI ? Ils ont cinq cas, sauf erreur, par quart d'heure: cela fait trois minutes par cas. Vous ne pouvez pas concilier avec trois minutes par cas ! Cela va changer. Il y aura des juges supplémentaires pour arriver à concilier beaucoup plus.
Mesdames et Messieurs, la conciliation ne consiste pas seulement à dire: «On va concilier.» Il faut des gens capables de concilier. Or le meilleur moyen pour avoir des gens capables de concilier, c'est qu'il y ait un contrôle politique. Ce contrôle politique, on va l'avoir, et d'autant plus si la commission de conciliation dépend du pouvoir judiciaire, puisque ce sont nous qui allons nommer les juges. A nous de nommer des gens qui ont effectivement la capacité de concilier !
Jusqu'à aujourd'hui, personne n'a remis en cause la capacité de concilier des juges qui sont actuellement à la commission de conciliation. Il n'a jamais été dit que ces juges ne seront plus dans la future commission de conciliation qui dépendra du pouvoir judiciaire ! On a parlé hier de quelques cas. Je crois que l'on a cité un cas qui pourrait effectivement poser problème. Tous les autres peuvent rester. Donc cela prouve bien, Mesdames et Messieurs... (Remarque.) Y compris M. Mirimanoff, me souffle-t-on à l'oreille. Donc il n'y a pas de problème.
La question est de savoir si l'on veut que ce soit judiciaire ou pas. Je vous pose la question ici, Mesdames et Messieurs: quels sont les justiciables qui savent aujourd'hui que la commission de conciliation dépend du Conseil d'Etat. A mon avis, c'est moins que le taux de conciliation du TPI, Mesdames et Messieurs. Personne ne sait, quand il se retrouve devant la commission, si le juge dépend du Conseil d'Etat ou du pouvoir judiciaire.
En revanche, Mesdames et Messieurs, il est sûr que, aujourd'hui, le greffe de la commission est déjà judiciarisé. C'est le greffe du tribunal qui aujourd'hui s'occupe de la commission de conciliation. La commission de conciliation est dans des locaux qui sont prêtés ou loués, je ne sais pas, par le pouvoir judiciaire. Trouvez-vous cela normal ? Aujourd'hui, le pouvoir judiciaire a décidé lui-même - j'imagine avec l'accord du Conseil d'Etat - que la commission de conciliation allait déménager. Trouvez-vous cela crédible ? On a en fait deux autorités au-dessus de la commission de conciliation, aujourd'hui. Il doit y avoir un contact quasi permanent entre le Conseil d'Etat et le pouvoir judiciaire pour savoir ce que l'on fait avec cette commission de conciliation, qui dépend pour finir un peu des deux.
Alors, Mesdames et Messieurs, il faut être clair. Si l'on veut quelque chose de simple, de concis, et qui satisfait effectivement toutes les parties, avec la garantie que l'on continuera à concilier autant qu'aujourd'hui - si ce n'est plus, parce que le pouvoir politique aura toujours le loisir de revenir en arrière s'il constate que cela ne fonctionne pas - c'est à nous de contrôler que la conciliation continue à se faire, que le juges qui sont nommés dans cette commission le soient avec des vraies compétences de conciliateur. Et je suis sûr que la situation sera meilleure que celle d'aujourd'hui. Je vous invite donc, au nom du groupe libéral, à voter l'entrée en matière et surtout les amendements qui vous seront présentés tout à l'heure par M. Jornot.
Mme Irène Buche (S). J'aimerais souligner encore une fois que le rattachement de la commission de conciliation au Tribunal civil va forcément entraîner la perte des forces vives de la commission à très court terme, puisqu'il est certain, dans la réalité, que les juges qui aujourd'hui font le travail à la commission, et qui le font bien, ne resteront pas, parce que le statut de la commission ne le leur permettra pas. Donc le danger est réel que la commission ne puisse plus fonctionner correctement à partir du 1er janvier 2011.
Je répète également qu'il n'y a pas d'urgence. La commission de conciliation va appliquer les nouvelles règles du code de procédure civile à partir du 1er janvier - elle devra le faire - mais il n'y a pas besoin de changer l'organisation de la commission pour cela !
Je rappelle aussi que ce projet, comme les précédents, n'a pas le soutien de tous les milieux intéressés. Aujourd'hui, c'est clairement non pas seulement pour l'ASLOCA, d'après ce qui a été dit, mais aussi pour le Rassemblement pour une politique sociale du logement et d'autres organisations, qui ne sont pas d'accord avec le rattachement au Tribunal civil. Donc il n'y a pas d'adhésion de tous les milieux à ce projet, et cela ne peut pas fonctionner comme cela. (Brouhaha.)
Nous vous invitons donc à refuser cet amendement général, à renvoyer le tout aux milieux intéressés pour qu'ils proposent une solution, qui peut-être trouvera l'adhésion de tout le monde, et évidemment à renvoyer le projet en commission pour que le travail puisse être fait. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je suis convaincue que l'on peut repartir de la loi de 1977, la modifier simplement dans la mesure nécessaire aux exigences du code de procédure civile et donner à la commission de conciliation, par ailleurs, les moyens de fonctionner correctement avec suffisamment de personnel.
Selon le rapport de M. Jornot, à la page 28, un député libéral cité dit que «d'un point de vue politique, il ne serait pas raisonnable de s'opposer tant à la juridiction concernée qu'aux milieux intéressés, dans un contexte aussi délicat que celui du logement.» C'est une citation. Pourtant, c'est exactement ce que certains sont en train de faire aujourd'hui: vouloir imposer une solution à laquelle sont opposés les milieux intéressés, en tout cas deux des milieux intéressés - effectivement il y a les locataires et la juridiction mais aussi les bailleurs - en l'occurrence, les locataires et la juridiction y sont opposés. Cette parole est sage et il faut la mettre en pratique. Par conséquent, je vous invite à faire preuve de sagesse et de raison et à refuser cet amendement général.
Le président. Comme nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission, la parole est au rapporteur et éventuellement au Conseil d'Etat.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, il y a, en dépit des apparences, un fait, plus exactement un objectif, sur lequel tout le monde est d'accord: la conciliation doit fonctionner, et le mieux possible. Il n'y a donc pas d'obscurs motifs politiques qui peuvent présider aux positions des uns et des autres; et voyez, en disant cela, je suis très généreux avec certains de mes contradicteurs.
La commission - Mme Bolay l'a dit en tant que présidente - a exploré toutes les solutions. Elle a entendu les différents acteurs, certains à plusieurs reprises, ce qui présente d'ailleurs un inconvénient. En effet, il y en a, plus vous les auditionnez, plus ils vous présentent des positions différentes à chaque audition. Mais enfin, grosso modo, on a fait ce travail. On a choisi une solution; elle n'est pas agréée. Et maintenant, il faut trancher, Mesdames et Messieurs. Cette juridiction appartient constitutionnellement au peuple genevois. Elle n'appartient pas aux milieux intéressés ni à la juridiction elle-même; ce n'est pas encore un collectif autogéré qui s'occupe de la conciliation. Cela signifie que c'est notre responsabilité, Mesdames et Messieurs, de trouver une solution, et la meilleure possible.
Aujourd'hui, la solution qui vous est proposée par la majorité de la commission n'a pas encore l'aval de tout le monde, c'est vrai, mais «pas encore». Lorsque tout le reste du mécanisme se mettra progressivement en place - je pense à l'article constitutionnel sur le référendum obligatoire et aux dispositions sur la gratuité qui sont sur le balan maintenant que nous nous parlons, puisque nous devons en discuter tout à l'heure - lorsque tout cela sera mis en place, que le tribunal aura mis en place les solutions adéquates aussi, que les milieux de locataires et de bailleurs, qui connaissent ce projet de loi depuis avril 2009, auront continué ou repris leurs discussions, je suis convaincu que, au final, cette solution aura une large majorité en votation populaire, une large majorité qui convient à un projet largement satisfaisant.
Il ne sert à rien, Mesdames et Messieurs, de renvoyer l'objet en commission. On se retrouverait confronté à la même situation. De surcroît, on mettrait en péril l'objectif qui a été celui de tout le parlement depuis trois ans: faire en sorte que l'on ne soit pas obligé de légiférer par décret pour mettre en oeuvre la réforme Justice 2011, mais que l'on soit capable, en tant que canton de la Confédération, de mettre en place, dans les délais, des institutions qui respectent le droit fédéral. Je vous recommande, Mesdames et Messieurs, de refuser cette demande de renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Madame Rochat, souhaitez-vous vous exprimer sur le renvoi en commission ? Je vous donne la parole.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, je crois que, encore une fois, il s'agit d'être pragmatique. Je vous encourage et vous appelle à prendre vos responsabilités. Les milieux concernés ont été auditionnés. En l'occurrence, je crois, comme cela a été dit, que ce n'est en tout cas pas la voie la plus simple. A part prendre le politique en otage, je ne vois pas vraiment l'intérêt de renvoyer cet amendement en commission. Il a plusieurs avantages.
Il conserve cette liberté de fonction. Contrairement à ce qui a été dit, il ne décapite pas les juges, mais leur permet de fonctionner. Il maintient le système actuel. Il garde l'indépendance - capitale - de cette juridiction. De plus, il permet à des fonctions extrajudiciaires de travailler, dans la mesure où la conciliation est prévue dans cet amendement général. Donc je crois que le système actuel est préservé.
Il n'y a aucune raison de s'opposer. Il s'agit, Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois, de mettre fin à des abus, comme cela a été rappelé. Il n'y a aucun élément concret, à vous avoir entendu, qui permettrait de donner une raison de renvoyer cet objet en commission. Par conséquent, le Conseil d'Etat vous encourage à voter cet amendement général.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons maintenant voter sur le principe du renvoi en commission de ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10468 à la commission ad hoc Justice 2011 est rejeté par 47 non contre 35 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous poursuivons notre débat. Je rappelle que la liste était close, Monsieur Girardet ! Je passe maintenant la parole à M. Aumeunier.
M. Christophe Aumeunier (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le code des obligations veut une procédure simple, rapide et accessible. Or le fonctionnement actuel de la commission de conciliation, ce sont des lenteurs, c'est une convocation des dossiers de juin pour octobre, ce sont des taux de conciliation qui sont à 33%, alors qu'en Suisse, en général, on est au-dessus de 50%, et dire que tout cela fonctionne est très étonnant du côté socialiste, parce que 80% des demandes sont des demandes locataires. Je n'en crois pas mes oreilles ! Je n'en crois pas mes oreilles, parce que la commission de conciliation fonctionne de manière tripartite. Il y a des séances et des réunions entre les représentants des locataires, les représentants des bailleurs et la juridiction. Cela fait une dizaine, voire une quinzaine d'années que, dans ces séances, les deux parties intéressées - les locataires et les bailleurs - demandent des moyens, demandent que cela fonctionne. Et, en définitive, cela aboutit à quoi ? Eh bien cela aboutit à des échanges de lettres absolument... épistolaires ! Il suffit d'en lire deux - l'une de M. Mahler, l'autre de M. Moutinot - pour bien comprendre ce qu'il en était. L'un renvoyait la balle à l'autre, de sorte que rien ne s'est passé et que la situation actuelle perdure.
Alors c'est une bonne chose que la députation ait longuement travaillé sur cette question de la commission de conciliation, qui est une commission importante. C'est une bonne chose que vous ayez entendu les milieux intéressés, mais je vous le dis clairement: si le MCG n'a rien entendu pendant l'été, eh bien moi, ce que je sais, c'est que pendant l'été les milieux intéressés ont catégoriquement refusé le projet qui ressortait de commission, en disant qu'ils se prononceraient en votation populaire tout simplement contre. Donc la députation, dès ce moment-là, s'agissant de commission tripartite et d'endroits dans lesquels effectivement il faut compter sur les milieux intéressés... Et non pas intéressés ironiquement, comme vous le disait tout à l'heure l'avocat praticien du MCG, qui encense les magistrats en place - qui est intéressé à ce niveau-là ? Il faut se poser la question ! - mais dans le sens, effectivement, d'obtenir un meilleur fonctionnement.
Ce qui a été proposé ne sort pas d'un chapeau. Ce qui a été proposé est le fruit d'une discussion entre les milieux intéressés et le rapporteur de majorité. On peut trouver ce fonctionnement étrange, on peut le trouver déplorable ou inefficace, mais il n'empêche que ce sont les gens qui pratiquent au quotidien, ce sont les gens qui représentent les bailleurs et les locataires qui, avec le rapporteur de majorité, ont choisi et proposé une solution. Cela ne sort pas d'un chapeau.
Cette solution est de notre point de vue la meilleure solution possible. Aujourd'hui, on vous dit que certains milieux sont opposés, mais ils sont opposés sur des détails, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous étions à deux doigts d'un accord formel, il ne reste que des détails, et ces détails peuvent très bien venir dans un projet de loi successif. Ce qui nous importe, à nous, c'est que cette commission fonctionne, c'est qu'elle soit rattachée au pouvoir judiciaire, afin qu'elle ait - comme on nous l'a garanti - un vice-président répondant, qu'elle ait un greffe, qu'elle ait des moyens. Et, en définitive, qu'elle puisse parler avec les juridictions et se sentir responsable, parce que la situation actuelle, c'est quoi ? C'est deux entités qui ne se parlent pas, c'est éventuellement une commission de conciliation qui ne concilie pas, et un Tribunal des baux engorgé. Demain, ce ne pourra pas être le cas de mon point de vue, parce que les juges siégeant ensemble au Tribunal civil ne pourront pas se tirer dans les pattes et devront au contraire favoriser la conciliation. C'est la raison pour laquelle je vous engage, Mesdames et Messieurs, à accepter l'amendement général.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes choqués au MCG. Ici, dans ce parlement, il y a des maîtres-chanteurs... (Remarque.) ...et j'en veux pour preuve, Mesdames et Messieurs, que ces gens font un chantage odieux, en disant: «Si vous ne votez pas l'amendement des milieux immobiliers...» Parce qu'il faut appeler un chat un chat: mon préopinant est juste le patron de la Chambre genevoise immobilière, donc on se doute bien qu'il ne défend pas les locataires, mais plutôt les propriétaires d'appartements ou d'immeubles. Et si l'on pouvait expulser tous les locataires un peu plus vite, pour augmenter les loyers et retrouver des 4 ou 5 pièces à 5000-6000 F par mois, eh bien ces milieux-là auraient encore un peu plus de sous de sponsors pour leur parti, et tout se passerait bien pour les milieux soi-disant économiques. Sauf que vous êtes en train de détruire la Genève d'en bas par votre attitude. Ça, c'est l'odieux chantage qui est fait aujourd'hui, et malheureusement les Verts cèdent à ce chantage, puisqu'ils vont voter l'amendement général Jornot - et non du parti libéral - un autre éminent représentant des milieux immobiliers genevois... (Exclamations. Commentaires.) Et finalement, c'est: «Si vous ne votez pas l'amendement Jornot, eh bien nous ne voterons pas la gratuité pour cette chambre de conciliation.» Eh bien moi j'aimerais vous lancer un défi, Mesdames et Messieurs: ne votons pas l'amendement Jornot, parce que les socialistes ne vont pas le voter et, les Verts, vous cédez uniquement au chantage. On verra s'ils ont le courage de mettre un prix sur cette chambre de conciliation, et lorsqu'on aura une révolution populaire, où l'on viendra leur dire que les Genevois souhaitent des logements bon marché et ne veulent pas se faire expulser pour des augmentations de loyer, de sorte que certains gagnent encore un peu plus de fric... Voilà le défi que moi je vous lance ce matin.
M. Aumeunier a dit: «Oui, les délais sont longs; on dépose en juin pour que cela soit traité en octobre.» Excusez-moi, mais le pouvoir judiciaire, qui est légèrement à majorité de droite, sur le procès de la BCGe, c'est dix ans ! Alors j'estime que la chambre de conciliation est extrêmement rapide quand elle traite de juin à octobre des dossiers.
Maintenant, évidemment, on s'attendait peut-être à un relent un peu plus citoyen de la part de l'UDC en train de ressusciter de ses cendres. Malheureusement, on s'aperçoit que l'UDC est encore divisée, parce qu'un député UDC soutient l'amendement MCG, alors que la nouvelle présidente est favorable à l'amendement libéral. Est-ce à dire que, finalement, l'UDC a pris un virage libéral et ne représente plus l'intérêt des citoyens ?!
Aujourd'hui, nous avons une chambre de conciliation qui fonctionne, qui a fait ses preuves. La chambre de conciliation au Tribunal de première instance, vous avez démontré qu'elle ne fonctionne pas, Mesdames et Messieurs de l'Entente, puisqu'elle a un taux de conciliation de 3%. Alors pourquoi est-ce que vous vous évertuez à changer une équipe qui gagne ? Parce que vous voulez avoir la maîtrise pour aller plus vite dans les procédures et pouvoir expulser les locataires afin d'augmenter les loyers. Parce que la réalité, elle est là ! Et quand vous dites que vous avez consulté les milieux intéressés, vous avez discuté entre vous ? Parce que si l'on regarde l'ASLOCA, eux, ils ne sont pas tout à fait pour ça, mais évidemment vous avez fait le chantage suivant: «Si vous n'acceptez pas cela, on ne mettra pas la gratuité.» Eh bien moi, je vous lance un défi, Mesdames et Messieurs: ne soutenez pas la gratuité...
Le président. Monsieur le député, vous devez vous adresser à la présidence !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, vous transmettrez à mes éminents collègues qui, finalement, n'en ont que faire de la population genevoise ! Il ne s'agit que de leurs intérêts, et ce parlement est contraint aujourd'hui d'obtempérer par chantage à cause de l'argent. Et c'est inadmissible ! Vous n'avez pas le droit de vous comporter comme ça. La priorité, c'est la qualité de vie des citoyens, c'est d'avoir des logements bon marché et d'avoir une gratuité sur une chambre de conciliation qui est indépendante du pouvoir judiciaire. Et c'est ça qui vous dérange, parce que vous n'avez pas le contrôle.
Et je conclurai - Monsieur le président, vous transmettrez - en disant que l'arrogance qu'affiche le parti libéral dans cette fameuse commission judiciaire interpartis qui place les magistrats, qui est une commission illégale... Votre arrogance face au MCG - et ça, c'est la parole d'Eric Stauffer, président du MCG... (Exclamations.) Vous paierez cette arrogance que vous êtes en train d'afficher ! Vous êtes en train de véroler le pouvoir...
Le président. On revient au sujet, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Non, on n'est pas hors sujet, Monsieur le président ! On parle du pouvoir judiciaire...
Le président. On parle de Justice 2011 !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, je ne suis pas hors sujet et vous ne parlez pas à ma place; j'ai la liberté d'expression dans cet hémicycle !
Donc, l'arrogance que vous affichez, en voulant véroler et placer vos petits pions libéraux dans toutes les magistratures, vous la paierez très cher dans peu de temps, parce que le MCG va se réveiller et faire une campagne de recrutement. Nous sommes la deuxième force politique du canton, ex aequo avec les Verts...
Des voix. Non !
M. Eric Stauffer. Nous avons le droit à nos magistrats, et cette arrogance, vous la paierez très très cher, et je vous en donne ma parole.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir l'amendement général du MCG, pour que l'indépendance de cette chambre de conciliation soit assurée.
Mme Loly Bolay (S). J'ajouterai une note plutôt légère par rapport aux propos que l'on vient d'entendre. Tout à l'heure, je crois que ma langue a fourché: vous savez, je viens d'Espagne ! Je voulais parler d'un jugement «à la Salomon», et apparemment j'ai dit «à la Napoléon»... (Rires. Exclamations.) Vous comprenez pourquoi: après trois semaines où j'ai parlé espagnol et galicien, ma langue a fourché !
Cela étant dit, Monsieur Stauffer, vous parlez de conciliation gratuite, mais de toute façon elle est gratuite ! Et si vous regardez l'amendement de M. Jornot, il dit que les audiences de conciliation sont gratuites, facultatives et confidentielles. Donc vous ne parlez pas de choses que vous connaissez, et vous n'avez même pas lu le projet de loi ! (Commentaires.)
Je reviens maintenant sur deux critiques. Premièrement, je ne peux pas entendre que l'on nous dise que la commission a voté un projet à la mi-juillet et que l'on n'a pas reconvoqué les milieux intéressés. Mesdames et Messieurs les députés, il y a deux raisons à cela: d'abord, nous sommes allés dans le sens que voulaient les milieux intéressés, en pensant qu'effectivement c'était cela qu'ils souhaitaient. Et ensuite, Mesdames et Messieurs les députés, qu'est-ce que vous vouliez ? Que la commission ad hoc travaille en juillet et en août et que l'on vienne ici avec un projet - vous, frais et dispos, et nous, en train de travailler tous les mercredis jusqu'à 22h pour présenter un projet ? Eh bien non, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous étions persuadés que notre projet était le bon et que les milieux intéressés étaient satisfaits.
Monsieur Aumeunier, vous dites que les milieux intéressés sont d'accord avec l'amendement de M. Jornot, mais je vais quand même vous lire ce que disait la Chambre genevoise immobilière à la page 5 du rapport de M. Jornot. Elle indiquait «qu'elle ne souhaite pas que la CCBL - la commission de conciliation en matière de baux et loyers - soit rattachée au Tribunal civil. Elle doit conserver son indépendance, au vu de son rôle particulier et des contacts étroits qu'elle entretient avec les milieux concernés, qu'il s'agisse des bailleurs ou des locataires.» Or, justement, l'amendement de M. Jornot à l'article 83, alinéa 1, la lie précisément au Tribunal civil. Alors voilà, vous voyez, on est confronté là à plusieurs discours. On a entendu plusieurs discours, et aujourd'hui je vais vous dire, c'est vrai, que M. Jornot a reçu ces téléphones et a peut-être voulu essayer de trouver un consensus. Du reste, il ne fait pas que des mauvaises suggestions, puisqu'il propose à l'article 3 un vrai greffe pour la commission de conciliation. Et dans un autre article, il augmente même le nombre de juges, chose que nous voulons, parce que vous faites une critique, Monsieur Aumeunier, sur la conciliation, mais je l'ai dit tout à l'heure: il faut donner à cette commission les instruments pour travailler en mettant à sa disposition les moyens en force, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, comme ma collègue l'a dit tout à l'heure, le groupe socialiste ne votera pas l'amendement de M. Jornot pour les raisons que nous avons exprimées, mais que je veux répéter au cas où quelqu'un n'aurait pas bien entendu ou que ma langue aurait fourché. Nous ne voulons pas que le Tribunal civil s'occupe des conciliations, parce qu'il n'a pas la culture de cette conciliation et qu'il faut laisser cette commission telle qu'elle est aujourd'hui - avec quelques aménagements qui vont peut-être être proposés tout à l'heure et que le groupe socialiste votera - pour que cette commission de conciliation continue son travail, voire fasse mieux qu'actuellement.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est au rapporteur M. Jornot. Je rappelle que la liste était close et qu'on pourra reprendre le débat après le vote d'entrée en matière.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques instants, on a beaucoup criaillé dans mon dos. Je ne vais pas répondre à tout, parce que c'est tellement à côté du sujet que ça ne le mérite pas. J'aimerais juste rappeler à cette assemblée qu'il ne peut pas y avoir de chantage sur la gratuité de la conciliation, parce qu'elle est prévue par le droit fédéral, et qu'il ne peut pas non plus y avoir de volonté des milieux immobiliers d'accélérer les évacuations par ce rattachement judiciaire, parce qu'avec le nouveau droit fédéral les évacuations ne seront plus traitées par la commission de conciliation. Et voilà ! (Rires. Applaudissements. Commentaires.)
Maintenant, si l'on en revient au sujet et que l'on décrypte les discours des représentants des milieux de locataires qu'on a entendus tout à l'heure, c'est-à-dire ceux de Mme Buche, on constate que la préoccupation principale, c'est que ce soient les mêmes personnes qui aujourd'hui font du bon travail qui continuent à le faire demain. Et j'entends aussi cela chez Mme Bolay, qui nous dit qu'au Tribunal de première instance ils n'ont pas la culture de la conciliation et que donc cela ne va pas le faire.
Mesdames et Messieurs, sur ce point-là, il ne faut pas vous laisser abuser: ces personnes qui le font aujourd'hui pourront toutes continuer à le faire demain.
Madame Buche, vous avez tort, je ne suis pas d'accord avec vous, mais vous savez aussi que vous avez tort, j'en suis convaincu, j'ai vu une étincelle dans votre regard tout à l'heure ! (Rires.) Vous ne pouvez pas dire que ceux qui font aujourd'hui la conciliation ne pourront pas la faire demain !
Et Madame Bolay, vous dites que les juges du Tribunal civil n'ont pas la culture de la conciliation, mais ils y sont tous, ceux que vous voulez maintenant ! Je ne vais pas donner la liste des noms, mais ce sont tous des juges du Tribunal civil qui vont faire de la conciliation en supplément. Ils pourront continuer demain à le faire exactement de la même manière ! Sur ce point-là, on est tous d'accord sur le fait, et c'est le but de cet amendement général, parce qu'autrement, avec le projet de la commission, c'est vrai que c'était totalement impossible. Alors, en effet, cela continuera demain avec ces mêmes personnes compétentes, mais qui un jour vont peut-être prendre leur retraite, ce qui signifie qu'il faudra quand même assurer une relève. On ne va donc pas mettre les noms de ces juges dans la loi.
La conciliation civile, aujourd'hui, c'est évidemment la conciliation tampon, tout le monde en est conscient. Demain, cela change complètement. Dire aujourd'hui que la conciliation civile demain ne marchera pas, c'est faire un procès d'intention qu'il n'y a pas de raison de faire. Ce qu'il n'aurait pas fallu faire, en effet, Mesdames et Messieurs, parce que cela, ç'aurait été vraiment casser le système, aurait été de suivre la proposition formulée par M. Bernard Bertossa - dont je ne crois pas qu'il soit au comité de la Chambre genevoise immobilière, du moins pas la dernière fois que l'on s'est parlé... M. Bernard Bertossa, à la tête des experts civils, a proposé de supprimer la commission et de confier véritablement la conciliation aux juges civils ordinaires. Ça, ce n'aurait pas été une bonne idée, et ce n'est pas ce que vous propose cet amendement, qui érige la commission de conciliation au même niveau que le Tribunal de première instance et que le Tribunal des baux et loyers. C'est le mieux que l'on puisse faire avec, en outre, l'indépendance organisationnelle dont on a parlé tout à l'heure. Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à entrer en matière puis, ensuite, à voter l'amendement général sans vous laisser impressionner.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Nous allons donc nous prononcer sur l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10468 est adopté en premier débat par 80 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Le président. Nous sommes en deuxième débat, et là nous sommes saisis de deux amendements généraux. Je passe la parole à l'auteur de l'amendement le plus éloigné, c'est-à-dire à M. Jornot.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Nous avons déjà beaucoup parlé de cet amendement général, raison pour laquelle je ne vais pas en commenter tous les détails. Simplement, le fonctionnement principal de cet amendement, c'est qu'il modifie passablement la loi sur l'organisation judiciaire, en faisant de la commission de conciliation en matière de baux et loyers, comme je l'ai dit il y a un instant, l'équivalent légal du Tribunal de première instance et du Tribunal des baux et loyers. Lorsque les milieux de locataires demandent que la CCBL ait une autonomie en termes d'organisation et qu'elle ne soit pas fondue dans une masse, eh bien, il y a deux réponses à cette demande, qui figurent dans l'amendement général. C'est, d'une part, le fait que l'existence d'un greffe est spécifiquement mentionnée, c'est la seule juridiction pour laquelle ce sera spécifiquement mentionné. Cela se justifie parce qu'il faut permettre au justiciable d'avoir un accès facile à des interlocuteurs qualifiés. Et puis, le deuxième moyen, c'est le fait que ces trois sections du Tribunal civil auront chacune un vice-président, contrairement à l'organisation judiciaire générale.
J'ai la conviction qu'avec ce système-là on peut avoir quelque chose qui fonctionne extrêmement bien, comme je l'ai dit tout à l'heure. Comme nous l'avions dit en commission - cela figurait dans le rapport parce que c'est valable pour n'importe quel projet - aucune règle d'organisation judiciaire n'est gravée dans le marbre pour l'éternité, et il appartiendra aux milieux intéressés et au parlement de faire, dans quelques années, le bilan de cette «expérience» - si je puis dire ça comme ça - et, le cas échéant, de corriger s'il est nécessaire de le faire.
Je vous recommande donc d'entrer en matière sur cet amendement général. L'amendement général déposé par M. Poggia est en fait le texte sorti de commission avec quelques petites nuances. En réalité, il n'y a que deux variantes réelles qui vous sont proposées aujourd'hui.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Je passe la parole à M. Poggia, auteur du deuxième amendement général.
M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. On a déjà beaucoup parlé, je ne vais pas me répéter. Pourquoi faut-il refuser l'amendement général présenté par M. le député Jornot ? On vous l'a dit: le point essentiel vers lequel nous devons tous tendre est le bon fonctionnement de la justice. Pour qu'elle fonctionne bien, il faut que les tribunaux ne soient pas surchargés, il faut donner la possibilité à une alternative de fonctionner. Cette alternative, c'est la médiation. Nous le savons depuis des années, c'est dans les objectifs exprimés par le Conseil fédéral. Il ne s'agit pas impérativement pour les plaideurs de finir devant des tribunaux pour «se battre», comme l'on dit, dans l'arène judiciaire. Il s'agit de rechercher des solutions. On connaît tous l'adage: «Mieux vaut un mauvais arrangement qu'un bon procès.» Alors il faut des commissions de conciliation qui fonctionnent, et le Tribunal de première instance le sait, ceux qui sont à la tête de ce tribunal le savent. Et qu'ont-ils fait ces dernières années pour que la conciliation devant le Tribunal fonctionne ? Rien ! Ils viennent vous dire aujourd'hui que cela va être mieux - parce que, précisément, on les compare à ce qui se fait devant la commission de conciliation. Doit-on les croire sur parole ? Pas en ce qui me concerne ! En effet, faire de la conciliation, ce n'est pas simplement prendre un quart d'heure plutôt que trois minutes, c'est avoir la culture de la conciliation, c'est d'abord travailler sur le dossier, parce qu'il ne s'agit pas de l'ouvrir quand les plaideurs sont devant vous. Et il s'agit d'être suffisamment imaginatif pour trouver des solutions. Il faut aussi pouvoir, parfois, «tordre le bras» aux plaideurs - d'une manière imaginée, ou imagée - pour que ceux-ci soient forcés à un arrangement qui est finalement dans leur intérêt et dont ils seront plus tard reconnaissants.
Eh bien, la commission de conciliation en matière de baux et loyers sait faire cela. Elle le fait depuis des décennies avec efficacité. Et l'on vient vous dire qu'il faudrait changer tout cela. Pourquoi faut-il le changer ? Encore une fois, on ne change pas une équipe qui gagne ! Quel est le but sous-jacent de cette modification ? J'aimerais bien qu'on nous l'explique ! En effet, que je sache, l'ASLOCA et les milieux immobiliers ne peuvent en tout cas pas avoir adhéré à cette proposition, j'en veux pour preuve le résultat de leur audition qui est rapportée en page 4 du rapport de M. Jornot. L'ASLOCA est contre, elle considère que l'efficacité de cette commission dépend précisément de son indépendance. Mme Bolay vous a parlé de la position des milieux immobiliers qui, eux aussi, considèrent que cela fonctionne. La seule chose qu'ils veulent, c'est pouvoir se prononcer sur la nomination des membres de cette commission. La consultation des milieux est donc intéressée.
Alors, que s'est-il passé entre le 14 juillet et le 1er septembre pour que, tout d'un coup, on vienne vous présenter quelque chose qui serait, nous dit-on, accepté par toutes les parties ? Mme Céline Amaudruz vous dit: «Bravo, Monsieur Jornot, c'est bien d'avoir des gens comme vous qui travaillent en solitaire de manière efficace !» Personnellement, je trouve que cette manière de procéder n'est pas adéquate. En tant que démocrate, je trouve que, lorsqu'une commission se voit déléguer des tâches, il lui appartient de les accomplir. Personnellement, je n'ai rien délégué à M. Jornot. Et je souhaiterais faire ma propre opinion sur ce que critiquent ces milieux intéressés. J'ai dû le faire en l'espace de quelques heures, pendant la nuit, pour essayer de savoir - je n'ai pas les rapports qu'a certainement M. Jornot avec les milieux immobiliers, ni M. Aumeunier qui se parle sans doute à lui-même lorsqu'il consulte les milieux intéressés... (Rires.) Néanmoins, si j'ai bien compris, ce qui était critiqué dans ce projet émanant de la commission - commission composée par tous les partis présents dans cet auditoire... Eh bien, cette proposition avait l'heur de satisfaire les personnes que nous avions entendues, sous réserve de quelques détails. Et c'est pour cela que j'ai déposé un amendement général avec le soutien de M. Marc Falquet - je l'en remercie, il y a des gens de bon sens. Merci ! Cet amendement précise simplement certains points. En particulier, la commission ad hoc Justice 2011 avait exclu que les membres de la commission en matière de baux et loyers, dont ses présidents, puissent émaner du pouvoir judiciaire. Je pense qu'effectivement c'est un problème. Il faut qu'ils puissent aussi, le cas échéant, venir du pouvoir judiciaire, raison pour laquelle l'article 2, alinéa 2, lettre f a été modifié en biffant cette clause d'exclusion. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, on a parlé de magistrats dans ce texte: «magistrats conciliateurs» et «conciliateurs-assesseurs». Et seuls les magistrats conciliateurs doivent être titulaires d'un brevet d'avocat, car, si j'ai bien compris ce qui s'est dit hier, on s'est demandé si tout le monde devait avoir un brevet d'avocat pour siéger dans la commission de conciliation - évidemment non. Enfin, on a prévu dans cet amendement que la commission dispose de son propre greffe, qu'elle fonctionne de manière indépendante, donc avec son propre budget, et, de manière générale, qu'elle renseigne évidemment les gens et leur remette les formules qui ne sont toutefois pas obligatoires.
C'est vrai que ce ne sont que quelques modifications de détail - M. Jornot vous l'a dit. Le fondement du texte est le même, c'est-à-dire l'indépendance de cette commission. Une erreur s'est glissée dans un copier-coller: le titre de l'article 1 de mon amendement devra être supprimé, on ne parle évidemment plus de «commission officielle». La commission de conciliation resterait avec son statut actuel.
Mais il est impératif, et Mme Amaudruz, en tant que cavalière, le sait très bien... (Commentaire.) Lorsqu'elle dit qu'il faut aller vite, il ne s'agit pas d'aller plus vite que le cheval, sinon, évidemment, on passe au-delà de la barrière. Lorsque le cheval reste en deçà, il s'agit d'aller vite, mais il s'agit aussi d'aller bien et, si possible, d'aller tous ensemble à l'objectif, et pas le cavalier sans son cheval. (Commentaire.) Hier soir, on nous a présenté ici un texte en nous disant que, finalement, c'est la panacée et qu'il faut l'accepter. Moi, je ne fonctionne pas comme ça. Je ne sais pas si vous fonctionnez comme ça dans ce parlement, si vous aimez le prêt-à-porter... Moi, je trouve que la justice en général et la justice sociale ne s'accommodent que de sur mesure. C'est pour cela que nous avions soutenu le renvoi en commission. En effet, personnellement, je suis tout à fait à même d'entendre - je ne suis pas complètement sourd ! - les milieux intéressés, même les milieux très intéressés, pour qu'ils viennent nous dire ce qui leur déplaît dans le projet que la commission a présenté. Et je n'ai pas à me satisfaire de ce qui m'est rapporté par d'aucuns dans ce parlement sur des échos qui auraient été critiques à l'égard de ce texte.
Il est important de rejeter cet amendement général de M. Jornot pour revenir au texte de base, approuvé à l'unanimité par l'ensemble des députés. Je m'étonne que les radicaux considèrent devoir s'abstenir. En tout cas, hier, M. le député Conne, qui représentait... (Remarques.) Pardon ?
Des voix. Il s'est abstenu.
M. Mauro Poggia. Il s'est abstenu, mais il a dit clairement que son parti n'allait pas soutenir l'amendement général de M. Jornot. M. Conne était aussi choqué que moi. Je pense qu'il a aussi passablement de bon sens et que vous devriez lui emboîter le pas ! Je pense qu'il n'y a pas lieu, ici, d'accepter un texte qui nous est présenté «tout prêt». L'alternative consiste pour nous soit à prendre le texte de la commission avec les quelques amendement qu'on vous propose - qui sont des amendements cosmétiques, de compréhension, Mme Bolay pourra en témoigner - soit, alors, à renvoyer le tout en commission; je reviendrai sur ce sujet tout à l'heure. Mais il n'est pas question d'accepter, sur un sujet aussi délicat, aussi important, qui touche la paix du logement dans ce canton - et on sait à quel point le peuple genevois est un peuple de locataires, qui tient précisément à ce que ses droits soient sauvegardés... Cette loi va être soumise au peuple, c'est le référendum obligatoire, elle touche le domaine du logement. Est-ce que vous voulez véritablement qu'il y ait une bataille rangée en vue de cette votation ? Non ! Nous devons absolument trouver un texte qui satisfasse tout le monde ! Et la gauche est aujourd'hui sous la pression de ce chantage, en termes généraux, exercé par la droite qui dit: «La gratuité - évidemment pas de la commission, c'était un lapsus de mon collègue Stauffer, mais du Tribunal des baux et loyers - ne vous est accordée qu'à la condition que vous rattachiez cette commission au pouvoir judiciaire.» Eh bien, cette gauche-là, lorsqu'il s'agira de partir en campagne pour ce texte, n'acceptera évidemment pas celui qui vous est proposé par M. Jornot, si d'aventure il devait trouver une majorité dans ce parlement.
Une voix. Bien, bravo !
M. Jacques Béné (L). Mesdames et Messieurs les députés, je comprends bien que des gens soient vexés. Alors, vexés parce que la procédure qui a été utilisée n'est peut-être pas celle qu'on aurait souhaitée... On est tous désolés de cela. Je pense que M. Poggia est effectivement vexé parce que ce n'est pas vers lui que les milieux intéressés se sont tournés... (Commentaires.) Mais je trouve assez logique qu'ils se tournent vers le rapporteur... (Commentaire.) ...puisque c'est quand même lui qui a oeuvré pour faire avancer ce dossier. Je pense même que, si on avait présenté ce projet-là au début du mois de juillet avec les explications qui ont été données par M. Jornot, et s'il y avait déjà eu ces discussions avec les milieux intéressés, ça serait passé sans problème au niveau de la commission, parce que la procédure aurait été respectée, on aurait tous pu en discuter, faire des grands caucus, des grandes discussions... Oui, effectivement, ça aurait pu...
Maintenant, Mesdames et Messieurs, je pense qu'il y a un signal politique très important, celui de dire qu'on fait d'un «machin» - parce que c'est un peu comme ça qu'on l'appelle aussi, justement, dans les milieux intéressés... Le «machin», on va en faire une véritable institution, puisque dans l'amendement proposé par M. Jornot, la commission de conciliation devient une véritable juridiction, une véritable section du Tribunal civil au même titre que le Tribunal des baux et loyers et le Tribunal de première instance. Cela me paraît essentiel. On institue une commission de conciliation qui en est vraiment une et qui est une véritable juridiction, pas juste un machin où on met un peu qui on veut et dont on ne sait plus de qui il dépend vraiment. Ça, moi, ça me paraît très important.
Deuxièmement, Mesdames et Messieurs, on rajoute deux juges - puisque c'est ce qui a été demandé par le pouvoir judiciaire - justement pour pouvoir avoir un taux de conciliation meilleur et y consacrer plus de temps. Cela me paraît aussi quelque chose qui n'existait pas avant. Il y aura donc deux juges supplémentaires pour la conciliation, sachant que - comme l'a relevé M. Jornot, il faut peut-être juste souligner cela - la majorité des cas présentés devant la commission de conciliation portent sur des augmentations de loyer et des résiliations pour défaut de paiement. Est-ce que vous savez aussi, Mesdames et Messieurs, que la majorité des conciliations portent sur des augmentations de loyer et des défauts de paiement ? Mais la conciliation pour les défauts de paiement ou pour la résiliation à cause de ce défaut de paiement ne passera plus devant la commission de conciliation, c'est une procédure sommaire qui est instaurée par le droit fédéral. Je suis désolé, Monsieur Poggia. Le jour où vous serez au Conseil national, vous pourrez peut-être vous opposer à ce genre de modifications, mais voilà, la Confédération et le Parlement fédéral ont décidé que les procédures sommaires passeraient dorénavant directement devant le Tribunal. Il va bien falloir que ce dernier concilie, puisque c'est non seulement instauré par la loi fédérale, mais qu'ils n'ont pas le choix. En effet, tout le monde est intéressé à la conciliation dans le cadre des défauts de paiement, car c'est là où on trouve justement le plus d'arrangements. Ces arrangements, Mesdames et Messieurs, ils ne vont plus se faire devant la commission, ils vont se faire devant le Tribunal. C'est une évidence qu'il va y avoir des vrais conciliateurs au niveau du Tribunal. Contrairement à ce que dit M. Poggia, les juges ne vont plus pouvoir siéger dans la commission si l'amendement du MCG est accepté. Or, c'est justement ces derniers qui ont le plus la faculté de concilier puisque c'est eux qui ont le plus d'expérience. En plus, c'est nous qui allons les nommer. C'est donc à nous de faire notre travail et de choisir des juges qui ont les compétences pour accomplir les tâches qu'on leur confie.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs, dans un élan de bon sens, avec peut-être la même allégresse - parce qu'il n'y a pas vraiment eu d'allégresse, au mois de juillet, quand on a voté le premier projet de loi... Ça a été fait à l'unanimité, mais bon, on n'était pas tous très satisfaits, ça changeait tellement du projet initial. Et, pour tous ceux qui ont pu avoir des contacts avec ces milieux intéressés, je ne suis même pas sûr que ces derniers savent, pour certains, qu'un amendement général a été proposé. Et quand ils disent: «Faites attention, ne votez pas ce truc de la commission !» Ils parlent du projet du mois de juillet. Je vous rends juste attentifs à cela, je suis convaincu que des gens n'ont encore pas compris qu'il y avait cet amendement général. Et je suis certain que, d'ici la votation du mois de novembre, on arrivera à mettre tout le monde d'accord sur un processus qui soit conforme à ce qu'on attend, c'est-à-dire un taux maximum de conciliation. Je répète encore une fois que la toute grande majorité des juges qui sont actuellement en commission de conciliation va pouvoir rester. Je ne vois donc vraiment pas où est le problème, et je vous demande, s'il vous plaît, pour éviter une contestation devant le peuple, que l'amendement de M. Jornot soit accepté.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau clôt la liste, sont inscrits: Mme Buche, M. Poggia et Mme Schneider Hausser. La parole est à Mme Buche.
Mme Irène Buche (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je répète encore une fois que le système actuel fonctionne. Pourquoi le changer ? En réalité, comme l'a très bien dit M. Aumeunier, il s'agit d'un fonctionnement tripartite: les milieux immobiliers, les milieux représentants les locataires et la commission de conciliation. Comment cela pourrait-il continuer à fonctionner de cette manière-là au sein d'un tribunal civil qui travaille sur la base d'autres règles et qui a une autre culture ? Ce n'est absolument pas la même chose. En réalité, moi, je vois cet amendement général - donc le rattachement au Tribunal civil - comme une volonté de mettre au pas la commission de conciliation, qui dérange et irrite - effectivement, on l'entend de part et d'autre. Mais c'est faux, enfin, «c'est faux»... Qu'elle énerve et irrite, on le sait, mais c'est certainement aussi parce qu'elle fait un excellent travail.
Encore une fois, je ne peux que vous inviter à refuser l'amendement général de M. Jornot. Il n'y a aucun intérêt à avoir une véritable juridiction, le problème n'est pas là. Le problème est de faire en sorte que ça fonctionne et que les locataires et les bailleurs puissent trouver des terrains d'entente acceptables pour tout le monde, afin qu'on puisse - on ne va pas arriver à la paix du logement, malheureusement, parce que les problèmes sont très nombreux - mais qu'on puisse au moins essayer de réduire les tensions actuelles.
A part cela, j'aimerais aussi dire que nous n'avons aucune crainte devant le peuple. Les locataires sauront très bien ce qui leur est favorable, or, comme vous le savez, la population est à 85% locataire. La votation ne nous fait donc absolument pas peur, et s'il faut y aller, nous le ferons. Bon, on ira de toute de façon à la votation, mais s'il faut faire la campagne, il n'y a aucun problème pour nous. Voilà, je vous invite donc à refuser cet amendement et...
Le président. Très bien...
Mme Irène Buche. ...à trouver la voie de la sagesse ! (Rire de l'oratrice.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Vous direz à mon collègue, M. Béné, que mon intervention n'est pas le fruit d'une vexation personnelle de n'avoir pas été consulté par les milieux intéressés. Au contraire, je trouve plutôt respectable de ne pas être contacté par les milieux intéressés, cela prouve une certaine indépendance. Certains dans cette enceinte ne peuvent pas en dire autant. Pour ma part, je considère que, lorsque les milieux intéressés ont quelque chose à dire, ils s'adressent à la présidence de la commission concernée qui, elle, en fait part à ses membres qui se réunissent et en discutent. Les milieux intéressés n'ont pas à prendre contact avec l'un des membres de la commission, à moins qu'ils ne sachent préalablement qu'ils auront une oreille complaisante de la part du membre en question - voilà pour répondre à l'intervention de M. Béné.
En ce qui concerne ce projet présenté par M. Jornot, je voudrais quand même vous rappeler quelque chose qui est évident: il y a des fonctionnements qui doivent être respectés dans ce parlement. Voilà le Conseil d'Etat, qui change aussi de casaque sur le sujet. Il prépare avec ses juristes un projet de loi qui est présenté à la commission, commission qui entend tous les milieux intéressés. Parce que nous les avons entendus, Monsieur Béné ! Il ne faut pas dire que, si nous avions entendu les milieux intéressés, nous n'aurions pas voté ce que nous avons voté le 14 juillet. Nous les avons entendus, même deux fois pour certains. Donc, nous entendons ces milieux intéressés et adoptons à l'unanimité le projet qui vous est présenté - et qui se retrouve dans l'amendement général que je vous propose avec le MCG et un membre de l'UDC. Et voilà qu'après l'été ces milieux intéressés - que certains ont entendus, personnellement, heureusement, ce n'est pas le cas ! - ne seraient pas satisfaits. Puis on vient nous présenter autre chose dont on ne nous garantit d'ailleurs pas du tout que les milieux intéressés l'acceptent puisque, si j'en crois les milieux des locataires, cet amendement général ne les satisfait pas. Alors, il satisfait qui, cet amendement général, si ce n'est son rédacteur et certains milieux très intéressés qui l'entourent ?
Mesdames et Messieurs, nous sommes en démocratie - d'ailleurs, deux des partis qui siègent dans ce parlement ont le terme «démocratique» dans leur dénomination. Ce n'est pas comme ça que cela fonctionne ! Non ! Quand on travaille sur un texte, on l'accepte et on le présente. On ne vient pas ensuite, sous prétexte que l'on est le rapporteur, remanier ce texte intégralement soi-même et vous le présenter comme le travail final qu'il faut accepter. Les choses ne fonctionnent pas comme ça ! Il faut que l'on accepte le texte qui a été adopté par la commission à l'unanimité, avec les quelques modifications dont je vous ai parlé tout à l'heure et qui sont purement cosmétiques. Surtout, il faut laisser le point essentiel qui est précisément l'indépendance de cette commission de conciliation dont on veut la mort sur le plan immobilier. En effet, les tribunaux civils n'ont pas la culture de la conciliation, ils n'ont aucun intérêt à concilier. On vous dit qu'on veut vous faire faire des économies... Absolument pas ! On vous demande, du même coup, de voter deux postes supplémentaires pour pouvoir satisfaire à ces commissions de conciliation, c'est blanc bonnet et bonnet blanc. On veut faire autrement pour soi-disant obtenir la même chose, alors qu'on sait que ce que l'on veut obtenir, on l'a déjà maintenant ! Je me pose des questions: où va-t-on ? Et que cherche-t-on ? Je vous invite dès lors à refuser cet amendement général. Je vous remercie.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, quand on parle de la nécessité de plus de moyens dans une organisation, ce Grand Conseil aime souvent introduire des modifications structurelles. Ici, on veut nettoyer, comme l'a dit un précédent orateur, le «machin» pour en faire une juridiction. Mais la commission de conciliation - j'aimerais apporter un témoignage - c'est une poche d'oxygène pour des centaines, pour des milliers de personnes qui vivent à Genève et qui sont locataires, en particulier pour ceux qui n'ont pas trop de moyens. Monsieur Aumeunier, quand vous dites qu'il y a des retards, que ça devient inacceptable, je relèverai ici que ces retards à la commission de conciliation n'empêchent pas les régies d'introduire des procédures aux poursuites. Par contre, jusqu'à maintenant, ça évitait, voire ça reportait un peu, un petit moment, les décisions d'évacuation. Et là, je comprends que ça soit difficile pour vous et les milieux que vous représentez, parce que, si l'évacuation va plus rapidement qu'actuellement, c'est un appartement vide, donc un surplus de gain possible très vite, qui prend le dessus sur le fait de concilier, d'avoir une paix sociale. J'aimerais relever que ce temps peut-être un peu plus long que prend la commission de conciliation par rapport à d'autres tribunaux permet aussi souvent à des gens, qui n'ont justement pas les moyens ou qui connaissent des difficultés sur le long terme ou passagères, de s'organiser, de se ressaisir pour trouver des solutions. Celles-ci passent souvent par des recherches financières, des recherches d'argent pour pouvoir subvenir à la dette qu'ils ont envers le régisseur.
Mesdames et Messieurs, ce système de la commission de conciliation fonctionne. Il fonctionne même très bien, peut-être pas pour cet hémicycle, peut-être pas pour les professions qui sont fortement représentées dans cet hémicycle, mais, pour la population et les locataires, je peux vous prouver, je peux vous affirmer que ce système fonctionne.
Le président. Merci, Madame la députée. Je rappelle que la liste est close. Je passe néanmoins la parole à M. Stauffer, juste pour une demande de renvoi en commission et seulement sur ce point.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi en commission pour un vice de procédure, parce qu'on a un rapporteur qui a fait un amendement général et qui ne représente plus forcément la majorité de la commission. Il y a donc un problème, et je demande à ce titre le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons voter le renvoi en commission, puis on passera directement au vote sur les amendements généraux. M. Jornot demande la parole.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il y a une demande de renvoi en commission sur laquelle je souhaite dire un mot, Monsieur le président. La commission, lors de sa dernière séance, a examiné ces textes; elle a pris connaissance des derniers développements. Et, sous la présidence de Mme Loly Bolay, elle les a examinés en détail, elle a procédé à des vote indicatifs - indicatifs puisque, évidemment, l'objet était déjà prêt à être soumis, à être ajouté, le cas échéant, à l'ordre du jour du Grand Conseil. Ces votes indicatifs ont donné à chaque fois lieu à des résultats exclusivement positifs, sans aucune opposition, avec trois abstentions, celles du commissaire socialiste, du commissaire MCG et du commissaire radical. Il est donc totalement faux de prétendre qu'il n'y aurait peut-être pas une majorité en commission. La commission a voté dans ce sens-là, et je vous recommande par conséquent - parce que, là encore, c'est une manoeuvre dilatoire qui n'a pas de sens - de refuser le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. (Remarque.) Le vote nominal est demandé. Etes-vous soutenu ? (Appuyé.) D'accord. Nous allons donc voter le renvoi de ce projet de loi en commission.
Mis aux voix à l'appel nominal, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10468 à la commission ad hoc Justice 2011 est rejeté par 45 non contre 35 oui et 1 abstention.
Le président. Nous passons maintenant au vote sur le premier amendement général, proposé par M. Jornot, qui est la proposition la plus éloignée. Si cet amendement général est accepté, la proposition de M. Poggia tombe à l'eau.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 28 non et 6 abstentions.
Le président. Nous sommes toujours en deuxième débat et allons maintenant travailler sur le texte résultant de l'amendement général qui vous a été distribué et qui vient d'être adopté.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 9.
Le président. Mme Schneider Hausser demande la parole.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Monsieur le président. J'ai peut-être un peu d'avance, mais je demanderai l'appel nominal pour le vote sur cette loi.
Le président. Etes-vous soutenue, Madame Schneider Hausser ? Oui, largement.
Mis aux voix, l'article 10 (souligné) est adopté.
Le président. Nous en avons terminé avec le deuxième débat. Le troisième débat est-il demandé ? Madame la conseillère d'Etat ? (Remarque.) Oui, merci. Nous allons donc voter ce projet de loi en troisième débat, à l'appel nominal.
Troisième débat
La loi 10468 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10468 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 28 non et 9 abstentions.