République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 juillet 2010 à 17h
57e législature - 1re année - 10e session - 46e séance
PL 10125-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Ces deux projets de lois étant liés, je précise que le rapport de minorité concernant le PL 9178 sera présenté par M. Dandrès, rapporteur ad interim. M. Stauffer - également rapporteur de minorité, mais pour le PL 10125 - ne désirant pas regagner sa place, je donne la parole à M. Aumeunier.
M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de majorité. Pour commencer, je rappelle en quelques mots ce dont il s'agit. Il s'agit d'une taxe sur la plus-value foncière, qui est une mesure de compensation prévue par la loi sur l'aménagement du territoire au niveau fédéral. Elle touche les augmentations de valeur qui résultent de la création d'une zone à bâtir en lieu et place d'une zone inconstructible. Elle s'applique lorsque le propriétaire des terrains touchés y a un avantage majeur, à savoir un avantage qui, en argent, se résume à 100 000 F de valorisation foncière.
Pourquoi une taxe ? Parce qu'il s'agit d'un fait du prince. Vous aurez bien compris que ce n'est pas une évolution de marché qui fait que les prix des terrains vont passer de 8 F à 450 F, mais c'est bien la propre volonté du Grand Conseil de déclasser qui provoque une forte valorisation de ces terrains. Dès lors, cela peut justifier une taxe à nos yeux.
Le débiteur de la taxe est le propriétaire du bien-fonds au moment de la mesure d'aménagement. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! La taxation intervient par un bordereau au moment de l'adoption de la mesure d'aménagement, tandis que sa perception est différée. C'est important. La perception de la taxe est différée au moment de l'aliénation, c'est-à-dire que, avant toute aliénation, il n'y a pas de perception de taxe; c'est seulement au moment de l'aliénation qu'il y a une perception de taxe, ou, respectivement - et c'est ce qu'a souhaité la commission - 90 jours après l'entrée en force d'une autorisation de construire. Pratiquement, cela permet, le cas échéant, à un agriculteur de monter un projet de valorisation foncière, de construction de logement. Cela lui permet, 90 jours après une autorisation de construire, d'avoir en définitive - et c'est pour cela que ce délai existe - un crédit de construction. Le calcul de la plus-value résulte de la différence entre la valeur du bien-fonds avant la mesure d'aménagement et après la mesure d'aménagement.
L'attribution du produit de la taxe me mène d'emblée, Mesdames et Messieurs les députés, à vous présenter mes excuses, puisqu'il y a une erreur de plume à l'article 30D, page 46 de mon rapport. J'indique ici qu'il s'agit de biffer la lettre a): nous n'avons jamais discuté et jamais il n'a été question de financer la politique du logement par cette taxe. De plus, il convient de réintégrer l'alinéa 2 de l'article 30D - parce qu'il a malheureusement disparu au moment du dépôt du rapport - prévoyant que la répartition du produit de la taxe doit être défini par voie réglementaire et après avoir consulté les milieux concernés.
Au fond, ce produit de taxe doit profiter aux équipements communaux, qui dépassent l'équipement au sens propre du terme tel que prévu par l'article 19 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, à savoir qu'ils dépassent les équipements en eau, en électricité et en voirie. Nous avons pensé là qu'il s'agissait de répondre à une préoccupation très courante des communes en équipements publics tels que des écoles et des centres socioculturels. Vous le savez, les communes sont très réticentes au développement et se plaignent régulièrement d'avoir à assumer ces frais, qui sont importants.
En outre, il est prévu que la taxe - probablement d'une manière prépondérante - doit être affectée au fonds de compensation agricole. Si l'agriculture consent à ce que nous déclassions des terrains et doit faire le sacrifice d'un outil de travail, il est important pour nous que nous puissions offrir à l'agriculture une forme de compensation. Cette compensation ne pourra être effective et les dispositions de la loi sur la promotion de l'agriculture - respectivement les dispositions de l'article 29, qui prévoit un fonds de promotion agricole - ne seront rien si ces fonds ne sont pas alimentés par une taxe sur la plus-value foncière. Il s'agit ici, selon la loi sur la promotion de l'agriculture, d'aider à restructurer les exploitations et à valoriser les produits agricoles, et d'aider à l'installation des agriculteurs.
Par ailleurs, nous avons beaucoup discuté en commission des dispositions transitoires. Après des discussions très longues et reportées dans le temps, la commission a opté pour ce que j'appellerai une «demi-rétroactivité». Ainsi, il n'y a pas de rétroactivité avant l'entrée en vigueur de la loi. C'est-à-dire que tous les propriétaires fonciers touchés par une mesure d'aménagement qui valorise leur terrain à plus de 100 000 F ne seront pas taxés s'ils vendent avant l'entrée en vigueur de cette loi. A défaut, il y a une rétroactivité effective au 1er janvier 2005. Cette disposition, je le disais, a été largement discutée, et elle a même fait l'objet d'un doute d'un député PDC quant à sa validité juridique.
Au fond, forte de ces explications et moyennant les amendements que je vous propose pour corriger les erreurs de plume, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Dandrès, puis à M. Stauffer.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité ad interim. Le groupe socialiste salue la volonté quasi unanime d'instaurer une taxe sur la plus-value foncière. Cette volonté, à notre sens, restaure une certaine équité dans un système où les moins-values subies par les propriétaires lors des mesures d'aménagement étaient indemnisées, tandis que la plus-value était laissée au seul bénéfice des vendeurs. Le système actuel me semblait être une application d'une maxime assez chère à la majorité politique de notre pays, à savoir la privatisation des bénéfices et la collectivisation des pertes.
Il me semble important de rappeler tout d'abord que la taxe sur la plus-value foncière a été proposée par le groupe socialiste en 2004 - c'est le PL 9178 - puis a été soutenue par le chef du DCTI lorsqu'il a décidé en octobre 2007 d'admettre un prix de vente de 450 F par m2 pour les parcelles anciennement en zone agricole. Il s'agissait alors de compenser les plus-values importantes qui étaient accordées aux propriétaires des terrains agricoles notamment. Je précise immédiatement que les terrains agricoles sont actuellement détenus en majorité par des personnes qui ne sont pas des agriculteurs. A mon avis, c'est un élément assez important; il faut le garder en tête lors de ce débat.
Le principe de la taxe sur la plus-value foncière découle, comme l'a indiqué M. Muller, de l'engagement pris par le Conseil d'Etat dans le cadre du protocole d'accord sur le logement de 2006, protocole qui prévoyait que le Conseil d'Etat devait veiller à la modération du prix des terrains déclassés, en particulier pour les terrains issus du déclassement de zones agricoles, pour lesquels le Conseil d'Etat s'était engagé à maintenir un prix - je cite - «modeste». C'est le point V du protocole d'accord.
Le projet de loi socialiste de 2004, le PL 9178, avait pour ambition de faire un pas en faveur des engagements qui avaient été pris par l'Etat en 2006. Le projet avait pour avantage de fixer des principes clairs en faveur d'une politique de compensation des plus-values foncières. C'est pourquoi le groupe socialiste regrette que ces principes aient été omis dans le projet de loi qui a été déposé par la suite, le PL 10125, qui est pourtant une sorte de copier-coller du projet de loi socialiste 9178. Le groupe socialiste va donc vous proposer une série d'amendements nécessaires pour permettre à la taxe sur la plus-value foncière d'atteindre ces objectifs. On y reviendra lors de l'examen article par article.
De manière générale, pour le groupe socialiste, le projet de loi tel qu'il vous est présenté est insuffisant et inadapté au niveau de spéculation que connaît Genève. Le projet était déjà relativement peu étoffé lorsqu'il a été présenté par le Conseil d'Etat, et la taxe a encore perdu de sa substance après être passée à la moulinette de la commission. Ainsi, à notre sens, la taxe telle qu'elle vous est proposée aujourd'hui n'est de loin pas à la mesure des largesses qui ont été octroyées en 2005 et en 2007 par le département aux propriétaires de terrains en zone agricole et en zone villas.
Alors que le département multiplie par quatre les prix admissibles de terrains anciennement situés en zone agricole, par deux les prix admissibles en zone villas, il prévoit un taux de 20% dans le projet initial pour la taxe qui était censée frapper ces bénéfices que l'on peut qualifier, je crois à juste titre, d'indécents. Je dis bien «indécents», parce que, comme l'a relevé le rapporteur de majorité à la page 23 de son rapport, le m2 de terrain agricole vaut à l'acquisition 8 F.
La taxe sur la plus-value prévue par le projet de loi du Conseil d'Etat, tel que sorti de la commission, prélève à peine 15% du bénéfice - on reviendra sur le montant, parce qu'il semblerait qu'il y a un problème - fait par un propriétaire, qui a pourtant multiplié sa mise par 45, ce qui est absolument gigantesque ! Cela semble d'autant plus scandaleux que, à mon sens, le propriétaire qui obtient ce pactole a pour seul mérite d'avoir signé un acte de vente et d'avoir attendu que quelqu'un se présente, un promoteur, pour acheter son terrain. C'est là un élément un peu piquant: j'ai le sentiment que l'on a là un exemple type du fameux modèle libéral, du goût de l'effort et de la récompense du risque !
Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le sentiment que, avec ce projet de loi, la majorité de la commission vous propose d'engager l'Etat dans une politique de dupes. L'Etat accepte le principe de la taxe, ce qui est très bien - on peut même se demander, d'ailleurs, s'il a le choix, vu la décision qui a été prise d'augmenter le prix admissible - mais il va vider la taxe de sa substance et la transformer en une sorte de hochet pour enfants sages. J'ai le sentiment qu'il s'agit d'un discours de façade, dans la mesure où elle permet à la majorité politique, à l'Entente, de se déclarer opposée à la spéculation sans toutefois se donner les moyens de mettre un terme à ce fléau qui frappe les Genevois. J'ai le sentiment, également, que cette démarche n'est pas sans rappeler la mise en oeuvre du protocole d'accord de 2006 de manière générale. Je tiens à rappeler que le Conseil d'Etat avait à l'époque, à grands renforts médiatiques, promis de prendre le taureau par les cornes et de construire des milliers de logements sociaux, avant de s'empresser de ne pas faire grand-chose ou de ne rien faire.
Alors pour rendre la taxe un tant soit peu efficace - parce qu'il faut évidemment arriver avec des propositions - il faudrait commencer par fixer le taux à 25% de la plus-value. Vu les bénéfices dont j'ai parlé tout à l'heure - j'ai dit que la mise de base était multipliée par 45 - la mesure me paraissait parfaitement justifiée. Il faudrait également élargir le champ d'application de la taxe à toutes les mesures d'aménagement qui sont susceptibles d'entraîner une plus-value pour le propriétaire, alors que le projet actuel prévoit de le réserver uniquement pour les zones inconstructibles déclassées, à savoir principalement la zone agricole. Il n'y a strictement aucune raison de limiter la taxe à la seule zone agricole parce, je pense que l'on ne répétera jamais assez, les propriétaires de villas peuvent obtenir un prix de vente admissible de 1000 F par m2 sans compter évidemment la prix de la villa à la valeur résiduelle depuis quelques mois; auparavant, en effet, c'était la valeur vénale, ce qui, à mon sens, n'est tout de même pas une bricole, vous en conviendrez, qui était offerte au propriétaire de villa.
Il faudrait enfin que le bénéfice de la taxe puisse profiter aux principales victimes de la hausse de la spéculation foncière. Or ces victimes sont les locataires, qui, avec un projet de ce type, vont évidemment continuer à souffrir de cette spéculation et vont pour bon nombre continuer à être exclus du marché locatif en loyer libre. Le Conseil d'Etat aurait dû prévoir dans le projet qu'une part prépondérante du fonds de compensation prévu à l'article 30D soit affectée à l'acquisition de terrains par les fondations immobilières de droit public, par exemple, pour construire les LUP qui sont attendus depuis de nombreux mois voire de nombreuses années.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous invite très vivement à accepter les amendements qu'il a déposés et que vous avez sur vos pupitres.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau va clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: Mme et MM. Selleger, Poggia, Leyvraz, Dal Busco, Barrillier, Mahrer, Florey, Béné, Girardet. La parole est à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui, on est en train de vous expliquer que, à Genève, il y a une crise de l'immobilier et que ce projet de loi va régler le problème de la crise immobilière. Nous le voyons de manière très claire, nous sommes ici en présence de deux blocs. Vous avez en face de moi la droite... (L'orateur désigne le rapporteur de majorité.) ...et à côté de moi la gauche. (L'orateur désigne le rapporteur de minorité ad interim.) Vous avez la droite qui... (Remarque.) ...une fois n'est pas coutume, est en train de plébisciter une ponction, soit une taxe ! Vous m'avez bien compris: les libéraux, qui sont contre les taxes, contre les impôts, sont en train de dire: «Il faut taxer les plus-values.» C'est le monde à l'envers ! Et c'est le MCG qui défend cet esprit libéral... Mais, que l'on se rassure, il y a au moins un dernier - le dernier des Mohicans chez les libéraux: le député Gros, qui s'est opposé systématiquement à son parti lors du vote sur ces nouvelles taxes. (Commentaires.)
Des voix. Ouh !
M. Eric Stauffer. Cela étant dit, nous avons de l'autre côté le bloc de gauche, qui dit: «Oui oui, il faut taxer, mais il faut prendre toute la taxe pour le social.» Finalement, entre ces deux blocs qui s'affrontent, j'estime qu'une troisième voie est possible, c'est-à-dire de ne pas être envieux de son voisin ou d'un citoyen qui aurait réalisé une plus-value. Quand j'entends la gauche venir dire: «Le seul mérite de ces propriétaires paysans est d'avoir attendu pour signer un acte de vente...». Non, Monsieur le député ! Ces paysans ont travaillé cette terre et, grâce à leur dur labeur... (Commentaires.) ...ont produit de l'agriculture et préservé les terrains ! Et si, en fin de carrière, ils ont cette chance que l'Etat vienne déclasser leurs terrains, que grand bien leur fasse: créer des richesses n'a jamais été à l'encontre des oeuvres sociales !
Je vous rappelle que, pour le MCG, qui n'est ni à gauche ni à droite, ou de gauche et de droite, il nous faut une économie forte afin de pouvoir faire du social efficace. Or ce n'est pas en taxant, en prenant en otage nos citoyens avec des taxes à tout-va sur tout ce qu'ils pourraient générer qu'on va régler le problème de l'immobilier ou de la crise immobilière à Genève.
Je vous le dis, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, vous allez voter un projet de loi qui va taxer, et de manière, selon nous, scandaleuse, de manière rétroactive, les paysans ou les propriétaires de terrains qui ont été déclassés. Aujourd'hui, avec ces taxes et ces surtaxes, eh bien vous ferez le calcul ! Je ne serai pas aussi technique vous, Monsieur Aumeunier - la population ne comprendrait pas - mais à la fin du processus, on arrive presque à 60% de taxes entre le prélèvement sur la richesse, l'impôt foncier, j'en passe et des meilleures. Ecoutez, je ne veux pas vous renvoyer aux PV de commission, mais vous devriez lire. Vous avez quelques bons paysans au sein de votre parti qui ont été confrontés à ce problème, et je crois qu'ils pourraient encore vous en apprendre, nonobstant le fait que votre profession est de défendre les intérêts immobiliers de Genève. Mais lesquels ?! Je vous le demande, Mesdames et Messieurs. S'agit-il de défendre des logements en certaines quantités pour qu'il y ait un équilibre dans les prix ? Ou s'agit-il de défendre des logements pour que l'on ne puisse plus que les louer aux multinationales qui sont capables de payer des 8000 F ou 10 000 F par mois ?
Cette question-là nous renvoie directement au projet de loi, traité précédemment et renvoyé en commission, sur la transparence des partis politiques. Le vrai problème est bel et bien là ! Aujourd'hui, on se complaît dans un système où l'on fait tout pour avoir des loyers chers et où, finalement, cela arrange une certaine droite qui peut défendre ce lobby de promoteurs immobiliers, de golden boys, qui peuvent facturer des 4000 F ou 5000 F pour des trois-pièces ou des quatre-pièces; et de l'autre côté, on a le spectre de la gauche qui vient dire avec l'Asloca: «Votez pour nous, parce que, comme cela, on fera baisser les loyers.» Mais finalement, vous vous complaisez dans le système. Non, Mesdames et Messieurs ! Moi, j'estime que si ce projet de loi entre en vigueur tel qu'il est conçu aujourd'hui, il n'incitera pas les paysans à vendre leurs terrains, même s'ils sont déclassés, parce qu'ils vont se retrouver avec des taxes, des ennuis. Or aujourd'hui, c'est la simplicité qui doit prévaloir pour la construction de logements. Alors oui, il faut baisser ces taxes, elles ne doivent pas être rétroactives; et surtout, elles ne doivent pas embêter nos concitoyens avec des considérations qui, finalement, n'arrangent que quelques lobbies.
Le MCG vous proposera des amendements, avec plusieurs paliers. D'abord, nous souhaitons - c'est un réel espoir - réduire la taxe à 5%. On verra si cela passe. Si cela ne passe pas, nous vous proposerons 10%. Par ailleurs, chaque fois qu'un terrain est déclassé, c'est l'agriculture, le parc de l'agriculture genevois qui va s'en retrouver prétérité. Alors nous voulons, dans l'ordre des priorités, avec cette taxe minime de 10% - et non de 15% avec tout ce que vous avez mis, Monsieur le rapporteur de majorité, dans votre projet de loi - donc, nous voulons favoriser, développer et aider les agriculteurs, qui n'ont pas toujours eu des jours heureux ! Travailler la terre est quelque chose de dur et d'ingrat: il faut être là, ce sont de durs labeurs à effectuer. Et finalement, lorsqu'on peut, en fin de carrière, vendre des terrains qui ont été déclassés, nous ne devons pas, nous - l'Etat - tels des rapaces, arriver sur le gâteau et dire: «Stop, on prend tout, et on y va comme cela !»
Nous disons donc oui à une taxe de 10%. Mais nous disons non à la rétroactivité. Une loi est faite pour l'avenir et ne doit pas être rétroactive, quand bien même les grands juristes de la couronne sont venus nous expliquer que, par un dévers, on arrivait à contourner cela... et que ce serait plus ou moins légal ou peut-être même légal. Mais en tout cas, l'esprit de la loi et du législateur, qui dit qu'une loi ne doit pas être rétroactive, est violé à tout le moins. Donc pour nous, cette loi devra s'appliquer le jour où elle entre en vigueur, et non pas depuis le 1er janvier 2005, comme vous avez tenté maladroitement de l'expliquer, Monsieur le rapporteur de majorité.
Ensuite, Mesdames et Messieurs, on va vraiment voir l'ouvrier au pied du mur. Vous dites, Monsieur le rapporteur de majorité - comme vous, Monsieur le représentant de la gauche - que Genève doit construire... Eh bien nous allons vous proposer, dans un amendement, des exonérations de cette taxe. Pour tout promoteur, que ce soit une commune, l'Etat, une fondation...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le rapporteur.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. ...et même pour un privé, qui exécuterait 60% - j'ai une erreur de plume dans mon amendement... (Le micro de l'orateur est coupé.)
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur ! La parole est à M. Selleger. (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Une voix. Il n'est pas là !
Le président. Il n'est pas là ? Alors la parole est à M. Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Je serai bref, Monsieur le président. J'emboîte le pas à M. Stauffer: nous demandons que le taux de la taxe soit réduit, précisément pour favoriser les transactions.
J'insiste par ailleurs sur un point qui me semble tout de même important. Comme tout le monde, j'ai lu la «Tribune de Genève» et appris, le 16 janvier dernier, que ce rapport avait été retardé par le rapporteur de majorité dans le but de favoriser les transactions. J'ai trouvé cette réponse particulièrement choquante. Je pense qu'il n'appartient pas aux rapporteurs désignés par les commissions de décider du timing pour faire passer des solutions qui pourraient arranger des petits copains, peut-être, sachant que la dernière séance de commission s'est tout de même tenue le 15 octobre 2008. Donc, déposer un rapport le 12 janvier 2010 me paraissait déjà excessif. De surcroît, dire ouvertement qu'on l'a fait sciemment et volontairement, non pas par surcharge de travail, mais dans le but de favoriser, spéculant sur une non-rétroactivité de l'imposition, me paraît choquant.
Nous, au MCG, quand nous voulons faire quelque chose, nous le faisons ouvertement et nous le disons. Nous ne retardons pas les projets dans l'espoir d'aider les uns et les autres. Nous faisons passer des projets qui vont dans le sens que nous souhaitons, précisément en réduisant ces taxes, comme vous l'a très bien dit mon collègue Stauffer.
M. Eric Leyvraz (UDC). Je me sens très à l'aise pour parler de ce sujet, n'ayant aucun terrain, de près ou de loin, prêt à être déclassé.
Concernant le prix des terrains agricoles en zone à bâtir, il est bon de relever certains faits. D'abord, le prix qui avait été proposé pour Meyrin, qui a mis le feu aux poudres, de 100 F le m2, était tout simplement indécent ! Je vous rappelle qu'en 1970 le prix du terrain agricole était de 6 F à 8 F le m2. Après plusieurs votations, certainement pleines de bonnes intentions, les règles de vente, d'exploitation et de production sont devenues si strictes que les prix n'ont, en fait, tout simplement pas bougé ! On est toujours entre 6 F à 8 F le mètre carré, quarante ans plus tard ! Mais évidemment, ce ne sont plus les mêmes francs. Pour rester à la même valeur, suivant l'inflation, le prix du m2 devrait être environ à 18 F. Donc en quarante ans, les propriétaires terriens, en travaillant pourtant durement, ont perdu les deux tiers de leur capital. Pour la vigne, c'est encore beaucoup mieux: c'est 80% ! En effet, on vendait la vigne à 20 F le m2 en 1970 - c'était justifié - maintenant c'est 10 F. Mais 20 F le m2 de l'époque c'est 50 F d'aujourd'hui, donc on a perdu 80% du capital.
En résumé, sur 11 000 hectares de terres agricoles, soit 110 millions de m2, on a perdu en moyenne, je pense, 1,5 milliard de francs. Voilà ce que l'on a gagné, nous les paysans, en travaillant honnêtement notre terrain pendant 40 ans ! A-t-on entendu des milieux politiques s'élever là contre en disant que c'était un scandale ?! Alors que tous les prix des autres terrains s'envolaient, on n'a jamais entendu un mot ! Dans le fond, c'est bien un signe de notre société, qui est toujours prompte à spéculer des milliards sur du vent, en bourse, et qui montre là son mépris de la terre, pourtant nourricière et indispensable, en la considérant comme un actif pourri, juste bon à servir de réserve de terrains à bâtir. Alors si, après le toilettage de la zone agricole, des terrains peuvent être vendus, et que l'on nous dit que la règle du marché ne doit pas être appliquée, puis que l'on fixe un prix maximal, et qu'on le taxe encore en plus, permettez-moi de dire que c'est scandaleux !
Il a été démontré que le prix du foncier n'a que peu d'influence sur le prix des immeubles. Une fois de plus, c'est le paysan qui sera le dindon de la farce, car le prix du marché va s'imposer de toute façon ! Nous en savons quelque chose ! Regardez le prix de la viande. En dix ans, le prix de la viande a baissé chez le paysan de 25%. Sur les étals de Migros et de la Coop, c'est +10%... Expliquez-moi où cela se passe. Ce sont les intermédiaires qui se graissent la patte une fois de plus, et ce sera la même chose pour cette histoire de terrains.
Je suis donc étonné, tout de même, de l'attitude, heureuse dans l'agriculture, des «radi-libéraux», toujours prompts à défendre les lois du marché, qui se battent pour moins d'impôts... Et qui sont prêts à accepter une taxe supplémentaire sans beaucoup lutter ! Il faut dire aussi qu'ils cherchent à défendre leur conseiller d'Etat, dont le bilan de ces quatre dernières années restera dans les annales comme le plus catastrophique en termes de construction.
L'UDC est opposée à la manière d'aborder le problème de ces terrains déclassés. L'Etat ne doit pas se mêler du débat vendeur-acheteur, ni fixer un prix dans la loi - qui sera fixé pour toujours, parce que ce sera la croix et la bannière pour le changer et l'adapter. L'UDC refuse aussi une taxe supplémentaire injuste pour les paysans ! Il y a d'autres moyens pour inciter les communes à accepter les nouveaux projets et les coûts qui leur sont liés. Donc, l'UDC n'accepte pas l'entrée en matière de ce projet de loi et vous demande de faire de même.
Une voix. Bravo Eric ! (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je prends la parole pour exprimer le soutien du parti démocrate-chrétien à ce projet de loi, qui a été élaboré à la suite de très longues et très nombreuses discussions en commission. Nous le soutenons parce qu'il nous apparaît équilibré; le fait qu'il y a deux rapports de minorité qui prétendent obtenir exactement le contraire montre que, effectivement, nous sommes dans une situation d'équilibre qui nous convient. Je précise que nous ne soutiendrons aucun des amendements qui seront proposés, ni par l'une ni par l'autre des parties, à l'exception des éléments formels dont le rapporteur de majorité nous a entretenus.
Pour nous, il est très important de voter ce projet de loi maintenant, à l'heure où - on le sait, mais on le rappelle chaque fois que l'on parle du sujet - la crise du logement atteint une pointe sans précédent; à l'heure aussi où - c'est plus encourageant - le projet d'agglomération voit le jour, va se concrétiser de manière très claire dans une révision prochaine du plan directeur cantonal; et, enfin, à l'heure enfin où de grands périmètres ont été déclassés - sont en passe de l'être - mais où, il faut le reconnaître très clairement, on a encore de la peine à voir émerger des constructions, donc des logements qui viennent sur le marché.
Ce projet de loi, nous le considérons comme un dispositif... (Brouhaha.) ...un dispositif supplémentaire...
Une voix. Chut ! (Le brouhaha cesse.)
M. Serge Dal Busco. Merci ! ...en complément à cette nouvelle politique du logement que le parlement a voulu au courant de la dernière législature, en traduisant un certain nombre de dispositions dans la législation. Mais il existe aujourd'hui encore un certain nombre de blocages potentiels.
Il y a la question du foncier; j'abonde là dans le sens de notre collègue Leyvraz s'agissant de considérer un prix de 100 F au m2 - c'était le prix il y a peu - comme étant notoirement insuffisant voire injurieux à l'égard des propriétaires agricoles fonciers. Donc la politique actuelle qui valorise le terrain à un niveau supérieur dans les plans financiers des constructions - je précise à ce propos, chacun le sait, que les prix de vente peuvent être supérieurs à cela, mais c'est la valorisation dans les plans financiers qui est limitée - va constituer une incitation certaine, j'en suis absolument convaincu.
Il y a la problématique de l'exploitant, dont on sait qu'il est dans la plupart des cas, 60% des cas, non-propriétaire, et pour lequel il faut trouver des solutions de compensation.
Il y a enfin - j'ai mis cela à la fin, j'aurais pu le mettre au début - la question d'un facteur de blocage potentiel supplémentaire. C'est les communes. Les communes, tout aussi légitimement que le monde agricole, expriment des craintes lorsque l'on déclasse de grands périmètres. Ces craintes sont légitimes; elles sont liées à l'importance des investissements qu'elles sont appelées à faire pour équiper les terrains, en particulier avec des infrastructures scolaires et socioculturelles. C'est quelque chose qui fait peur aux communes, notamment celles qui ont des capacités financières limitées.
Par conséquent, la solution proposée avec cette taxe est juste, parce que la valorisation du terrain se situe à un niveau dont on ne peut pas admettre qu'il s'agisse de spoliation vis-à-vis du propriétaire. Elle est modérée, puisque, entre ceux qui voudraient qu'il n'y en ait pas et ceux qui voudraient qu'elle soit excessive, eh bien, les 15% proposés nous paraissent appropriés. Cela permettra de financer ces équipements communaux et des mesures de compensation au profit de l'agriculture, et cela contribuera - on verra bien dans quelle mesure; tant que la loi n'est pas en vigueur, on ne le saura pas - à débloquer des situations qui doivent être débloquées maintenant avec une certaine urgence.
Nous faisons confiance au Conseil d'Etat, puisque la loi prévoit de régler ces questions d'attribution par voie réglementaire. De toute évidence, les périmètres ne seront peut-être pas toujours affublés des mêmes caractéristiques. On peut imaginer que des périmètres soient entièrement en main de propriétaires qui sont exploitants; donc là, il y a une considération à avoir. Il se peut également que des communes aient les capacités d'assumer les investissements; dans ce cas, on peut imaginer que l'aide à apporter soit adaptée.
Voilà donc de bonnes raisons de soutenir ce projet de loi. Nous vous invitons à entrer en matière et, ensuite, à le voter, en refusant les différents amendements.
S'agissant de la question de la rétroactivité, il convient de préciser, dans le fond, que c'est une rétroactivité - je peux admettre que cela puisse nous choquer d'un point de vue juridique - qui n'en est cependant pas une, puisque ceux qui ont auront vendu leurs terrains ou ceux qui seront au bénéfice d'une autorisation de construire lorsque la loi entrera en vigueur ne seront pas taxés. Ainsi, on élimine cet élément, dont je conviens qu'il pouvait être négatif, et c'est une raison supplémentaire de soutenir ce projet de loi.
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ce soir ou peut-être demain, notre Grand Conseil aura l'occasion de débattre de trois sujets extrêmement importants pour l'intérêt général. Il y a un projet de loi pour la formation professionnelle, un projet de loi de crédit de construction pour une HEG; c'est le volet éducation, formation. Nous avons un autre projet de loi sur la mobilité, avec la problématique du financement des transports publics. Et ce soir, nous avons un débat - très important - qui concerne le prélèvement de la plus-value foncière en fonction de l'aménagement du territoire. C'est un sujet chaud, c'est vrai ! Je comprends très bien la révolte, notamment de notre collègue viticulteur, mais il n'est pas question, dans ce projet de loi, de confisquer quoi que ce soit.
Je rappelle simplement que le prélèvement de la plus-value a fait l'objet de discussions au niveau fédéral. Je me souviens encore, quand j'étais à l'Union suisse des paysans, que la première mouture du projet de loi fédérale sur l'aménagement du territoire avait fait l'objet d'un référendum. Cette loi avait capoté: l'une des raisons en était le prélèvement obligatoire ! Depuis, il y a eu une deuxième mouture qui laisse aux cantons - je ne sais pas si cela a été rappelé par les rapporteurs - la faculté de prévoir le prélèvement. Les cantons de Bâle-Ville et de Neuchâtel, sauf erreur, ont essayé. (Remarque.) C'est du fédéralisme bien compris ! Les zones, les agglomérations qui sont confrontées le plus fortement, de la façon la plus sévère à la problématique de l'espace et de l'utilisation de cet espace - et Dieu sait si Genève et sa région sont confrontés à cette problématique, avec la croissance - sont amenées à se poser cette question du prélèvement de la plus-value.
J'aimerais ici rappeler, cela a été dit, que la valeur du terrain agricole est fonction du rendement de l'agriculture ! Là aussi, je me souviens, chers collègues, de ce que cette valeur de rendement a baissé constamment et que les produits de nos agriculteurs, de nos viticulteurs, on le sait bien, ont diminué. Donc cette valeur, malgré le travail acharné de nos agriculteurs - je n'utiliserai pas les images à la Giono qui ont été utilisées par un rapporteur de minorité, tout à l'heure, pour décrire ce travail inlassable. (Remarque.)
Nous savons bien la difficulté de maintenir des exploitations agricoles. Mais ! Mais il faut tout de même rappeler que ce projet de loi est une addition des concessions des uns et des autres. Le prélèvement de 15% dont il est question, je l'ai dit tout à l'heure, n'est pas confiscatoire. Pourquoi ? Parce que les intéressés au plus haut point sont les gens de la paysannerie. Vous vous rappelez que, à Genève - cela a été dit par mon préopinant - 60% des exploitants sont des fermiers et 40%, des propriétaires. Il n'y a pas de guerre entre les deux catégories, fort heureusement ! Les mesures compensatoires, qui vont être ensuite précisées dans un règlement, pour moi en tout cas et pour le groupe radical, devront, c'est évident, aussi profiter aux fermiers dans des mesures d'assainissement, d'encouragement à la formation, dans toute mesure qui permettra à ces fermiers de s'en sortir ! Je parle en connaissance de cause, puisque mon père était fermier; il l'a été pendant des années et des années.
La deuxième affectation qui me paraît tout à fait positive est précisément de donner un coup de pouce aux collectivités publiques. Dieu sait que, dans les déclassements comme les Vergers, qui ont pris du temps à se réaliser, l'un des grands soucis des communes était qu'elles n'ont plus les moyens de financer les infrastructures ! Donc, là aussi, il y a une source de financement extrêmement importante, qui va permettre également aux projets étudiés d'aller plus vite.
Et puis, en fin de compte, j'aimerais ici dire que, bien entendu, ce sont des opérations extrêmement importantes, mais il faut bien comprendre que chacun a fait un effort. J'insiste: chacun a fait un effort. Et si c'est un effort partagé, avec le taux de 15%... Evidemment qu'il y a eu une discussion d'épiciers ! Les socialistes voulaient 25% - ça approche du confiscatoire ! - et un taux de 10% n'est pas suffisant pour apporter un bol d'air à la paysannerie et aux communes. (Brouhaha.) Pour nous, radicaux, 15% c'est un bon taux. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à entrer en matière et à accepter ce projet de loi.
Des voix. Bravo !
Mme Anne Mahrer (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, tout d'abord, effectivement, les Verts souhaitent rappeler que l'agriculture joue un rôle essentiel dans notre canton, que les exploitations agricoles disparaissent à un rythme soutenu et que, comme l'ont rappelé les deux préopinants, 60% des terres agricoles genevoises ne sont pas propriété de ceux qui les exploitent. Donc il s'agit évidemment, avant toute chose, de préserver leur outil de travail.
Cela dit, les Verts sont favorables à une taxation des plus-values foncières dues à des mesures d'aménagement, telles qu'elles sont exposées dans ce projet de loi. Ces taxes, d'ailleurs, trouvent une base légale dans la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, à l'article 5, alinéa 1, qui requiert donc la création d'un fonds de compensation en cas d'avantage majeur - ce qui sera le cas - résultant de mesures d'aménagement. Et il est vrai - cela a été dit tout à l'heure - au plan cantonal, il y a eu les cantons de Bâle et de Neuchâtel. Neuchâtel a appliqué un taux de 20% pour la taxe; Bâle-Ville est, lui, bien au-dessus des 20%.
Il est vrai que ce sujet a déjà été abordé au plan cantonal genevois à plusieurs reprises: une initiative, une votation populaire et un précédent projet de loi. Par contre, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons que regretter les deux ans qu'il a fallu au rapporteur. Je veux bien qu'il y ait eu onze séances de commission, mais deux ans pour faire un rapport, cela nous paraît tout de même pour le moins exagéré. De plus, nous nous apercevons qu'il y a des erreurs de plume. Nous le regrettons. Je ne pense pas que cela a «boosté» les ventes de terrains qui devaient être vendus. Mais en tout cas, cette attente de deux ans pour un rapport attendu est tout à fait inadmissible.
Nous reviendrons tout à l'heure sur le taux de taxation. Les Verts reprendront leur amendement à l'article 30I, alinéa 1: 20%. (Applaudissements.)
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 10125 peut aisément se résumer de la manière suivante: «A bon prix ton terrain tu vendras, lourdement taxé tu seras.» (Exclamations.) C'est là que réside tout le problème de ce projet de loi, qui consiste à donner d'une main pour mieux reprendre de l'autre.
L'acceptation d'un tel projet de loi risque tout simplement de ruiner à jamais les espoirs de voir les agriculteurs qui pourraient être intéressés de vendre leur terrain pour y construire du logement le faire. En effet, qui serait d'accord d'être lourdement taxé pour avoir accepté la vente de son outil de travail ? De plus, il faut préciser qu'une compensation par du terrain agricole n'est tout simplement pas possible, car aucun terrain agricole n'est actuellement disponible, le marché étant tout simplement saturé. C'est pourquoi cette taxe est confiscatoire et totalement immorale.
L'UDC estime que le taux de la taxe de 15%, qui a fait l'objet de plusieurs modifications, passant de 20% à 10%, pour finalement s'établir à 15% sur une intervention ultime du conseiller d'Etat Mark Muller, est totalement surfait. C'est pourquoi l'UDC vous proposera de revenir au taux plus que raisonnable de 10%. De plus, concernant le nombre de fonds alimentés avec cette taxe, seul le fonds de compensation agricole prévu par la loi sur la promotion de l'agriculture du 21 octobre 2004 devrait être alimenté par la taxe sur la plus-value foncière. Car l'UDC constate année après année que les communes sont globalement en excellente santé financière et que, par conséquent, elles peuvent assumer elles-mêmes les coûts des équipements publiques. Quant aux indemnités prévues à la lettre c), l'UDC estime que ce sont d'autres lois qui se chargent de les verser. Par conséquent, nous vous proposerons un deuxième amendement qui consiste à supprimer les lettres b) et d) et à ne conserver que la lettre c).
En commission, certains partisans de cette taxation confiscatoire sont même allés jusqu'à prétendre que, si ce projet de loi était refusé, cela remettrait en cause l'accord sur le logement accepté par tous les partis, ce qui est totalement faux. Cela a même été confirmé par M. Mark Muller, conseiller d'Etat.
Le groupe UDC aurait pu tout au plus s'abstenir si le taux de taxation avait été maintenu à 10%. Mais lors de notre caucus, nous avons cherché au moins un élément en faveur de cette nouvelle loi. Et comme vous vous en doutez, nous n'en avons trouvé aucun, bien au contraire !
Finalement, l'UDC genevoise a décidé de rester fidèle à sa ligne, qui consiste à refuser toute nouvelle taxe et à refuser l'entrée en matière du PL 10125. Nous vous invitons à faire de même.
Une voix. Bravo Stéphane !
M. Jacques Béné (L). Eh bien oui, M. Stauffer a raison: pour une fois, les libéraux sont d'accord avec une taxe. Pourquoi sont-ils d'accord avec une taxe. Comme l'a dit Mme Mahrer, c'est parce qu'il y a eu une décision politique qui a donné un avantage majeur à certaines personnes. A partir du moment où il y a cet avantage majeur et que c'est une décision politique, il n'y a effectivement pas de raison qu'il n'y ait pas une compensation quelque part, en l'occurrence financière. La décision qui a déterminé quelle était la zone agricole et qu'elle était inconstructible est aussi une décision politique. La décision de la commission foncière agricole de déterminer le prix, de 8 F ou de 15 F pour la viticulture, est aussi une décision politique. Et quand notre Grand Conseil vote un déclassement, c'est aussi une décision politique.
Or dans la mesure où il y a une décision politique, ce n'est pas incohérent, s'il y a effectivement un avantage majeur, à ce que cela génère une rentrée pour l'Etat, ce d'autant moins que cette rentrée ne fait pas simplement partie des impôts, et l'Etat en fera ce qu'il voudra. Elle va être redistribuée, et c'est pour moi le point le plus essentiel. A l'époque, le Conseil d'Etat aurait très bien pu décider: «On met 300 F au lieu de mettre 450 F le m2, et il n'y a pas de taxe - fini terminé ! Et on mettra 300 F dans les plans financiers.» En l'occurrence, vu la manière dont cela a été fait, on va pouvoir aider les communes à mettre en place des infrastructures dont elles ont besoin, qu'elles doivent financer elles-mêmes et qui constituent leur premier argument pour s'opposer à la densification de certains périmètres en zone agricole qui ont été déclassés en zone de développement. Donc c'est un argument qui va en tout cas en partie tomber.
Maintenant, je rappelle tout même - parce que l'on va encore avoir un débat sur le taux, bien évidemment - que, à l'époque, le prix au m2 était de 100 F. C'est ce qui avait été décidé pour les années 2001 à 2006. Résultat: les agriculteurs ne vendaient pas. Alors on aurait effectivement pu mettre 800 F, et puis comme cela, on taxait à 25%. Ou alors on mettait 1000 F ! Et puis on taxait à 50%. Mais le résultat est que l'agriculture vend à ce prix, et c'est ce qui va se retrouver dans les plans financiers et qui va déterminer les loyers des appartements dont les locataires vous sont chers, Mesdames et Messieurs des bancs de gauche. Or le but était justement que le prix soit suffisamment intéressant d'une part pour que les agriculteurs vendent et, d'autre part, pour que, dans les plans financiers, on ait quelque chose de plus intéressant que ce qui se fait dans les lois du marché.
Alors on peut se demander, effectivement, pourquoi une taxe. La problématique - comme je l'ai dit, c'est une décision politique - est que le prix de 450 F ne veut rien dire ! C'est une décision politique. Cela aurait pu être plus, cela aurait pu être moins. Ce qui est sûr est que, si l'on traitait tous les agriculteurs de la même manière, qui représentent 45% de la surface du canton, on déclasserait tout - d'un coup ! Le prix n'est alors plus de 450 F, mais beaucoup plus faible. En effet, si on met 45% de la surface du canton sur le marché, je peux vous dire que les prix vont sacrément baisser.
Donc d'une certaine manière, il n'y a pas de raison que cette plus-value générée par une décision politique ne soit pas taxée. En conclusion, je vous recommande - on aura l'occasion de débattre sur les taux - de voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le Grand Conseil a voté en septembre 2006 deux lois de déclassement de la zone agricole, pour passer de la zone agricole à une zone de développement 3 pour du logement. C'est la loi 9813 concernant les Vergers. Deux lois, parce qu'une autre loi - la loi 9814 - déclassait du terrain agricole pour y construire le Lac-des-Vernes et un établissement d'enseignement postobligatoire. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est que les terrains n'ont toujours pas été réalisés, n'ont toujours pas été achetés. Le terrain pour le Lac-des-Vernes est encore en train d'être négocié, parce que les prix n'ont pas été fixés. Ou plutôt: la commune a fixé le prix d'achat pour le Lac-des-Vernes à 12 F le m2, ce qui est vraiment une insulte encore pire que l'offre qui a été faite par le Conseil d'Etat pour l'achat du terrain du collège à 100 F le m2.
Un propriétaire vient de vendre. Son terrain rectangulaire touchait pour deux tiers le terrain pour le collège et un tiers le terrain dévolu à la construction du Lac-des-Vernes. La tractation s'est faite au prix de 100 F offert par le Conseil d'Etat. A côté, le propriétaire a vendu à la commune 1000 m2 pour un bout de la construction du Lac-des-Vernes à 12 F le m2. Cependant, un autre propriétaire qui reste, pour l'ensemble de la construction du Lac-des-Vernes, n'est pas d'accord de vendre à 12 F le m2 son terrain agricole qui sera à tout jamais perdu pour l'agriculture. Le prix, à 100 F le m2, était aussi éventuellement transposable sur l'autre projet de loi, le 9814, qui concerne le déclassement de terrains agricoles, 15 hectares, pour la construction de logements.
Le MCG a toujours dit que nous étions favorables à une taxe sur la plus-value de ces terrains. Il l'a dit parce que c'est aussi une manière de contrôler les prix. Bien sûr, quand un promoteur immobilier a compris qu'il pouvait éventuellement se faire de l'argent en construisant sur un terrain avec un prix de 560 F le m2... Il a même été offert 580 F le m2 pour un terrain qui traverse tout le projet des Vergers et qui était prêt à être vendu à ce prix. Il s'agissait donc, pour l'Etat, de vraiment mettre le holà à cette augmentation exponentielle des prix à Genève pour la construction de logements.
Si l'on veut maintenir encore des logements attractifs, voire des logements sociaux, il s'agissait effectivement de mettre une limite, comme disait M. Béné, à 450 F. Cela nous paraissait raisonnable: cela arrangeait et encourageait à la fois les propriétaires, qui ne sont pratiquement plus des exploitants. Mais pour les Vergers, deux tiers des terrains appartiennent encore à la commune. Donc il n'y aura certainement pas la taxe proposée par cette loi, à payer. Et l'autre partie est propriété de non-exploitants, qui sont cependant encore attachés à l'agriculture.
Pour le MCG, il est entendu que cette loi peut arranger tout le monde, y compris les communes, qui ont effectivement besoin d'argent pour créer des infrastructures. Nous demandons que cette taxe alimente de façon prépondérante le fonds alloué à l'agriculture pour mettre en oeuvre des projets en faveur de la promotion des produits du terroir, éventuellement pour faire des échanges de terrains, et aussi pour constituer un capital à disposition des agriculteurs qui voudraient acheter des domaines.
C'est pour cette raison que nous soutiendrons une diminution de cette taxe, mais, en même temps, nous faisons une demande, qui sera certainement réglée par un règlement, pour que cette taxe soit dévolue en priorité et de manière prépondérante à l'agriculture.
Le président. Merci, Monsieur le député. Dernière intervention de Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs, dans certains autres cantons et pour certains ouvrages, comme la construction d'autoroutes, on va à la limite de l'expropriation des terres agricoles. Donc pour commencer, je relèverai que, ici à Genève, nous sommes dans un canton visiblement urbain qui a tendance à vouloir encore augmenter cet urbanisme afin de pouvoir loger ses habitants et ses citoyens. Dans un canton urbain et limité, il est vrai que le rôle du foncier, donc des terres agricoles, prend toute son importance. Or malheureusement, on a tout de même encore cette tendance que je comprends, parce que le monde agricole ne m'est pas non plus très lointain: je comprends que certains agriculteurs, et je les soutiens, veulent garder des terres pour l'exploitation et veulent vivre de leurs terres. Avec, à Genève, 60% de terres agricoles qui n'appartiennent pas aux exploitants, on est tout de même dans une autre corrélation, il faut le rappeler.
Par contre, pour ces gens qui veulent vivre sur leurs terres, je crois que Genève, notre Grand Conseil et le département en charge de l'aménagement ne doivent plus uniquement regarder l'agriculture et les terres agricoles en termes uniquement individuels... (Brouhaha.) ...mais bien en termes d'utilité publique, en termes d'aménagement. On parle des Vergers, mais on pourrait parler des jardins genevois, parce que notre territoire n'est pas extensible. Il me semblerait bon - et je pense que le principe de cette taxe introduite ici est justement importante - de commencer à penser le territoire du canton comme un tout, un territoire où des agriculteurs, des gens qui travaillent la terre puissent vivre des produits de la terre. C'est bien là que cette taxe que l'on va introduire est importante, étant donné qu'elle est prévue pour promouvoir l'agriculture, donc les produits de l'agriculture. Elle est également importante, car est là pour promouvoir, précisément, cette construction de l'aménagement cantonal, de manière collective et non plus uniquement du point de vue du propriétaire et de l'individu - avec un rattachement à la terre, en termes de propriété, à 40%.
Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous demanderai d'accorder de l'importance aux amendements que le parti socialiste va présenter.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, depuis plusieurs années, le Conseil d'Etat privilégie la recherche du consensus dans le domaine de la politique du logement. Cela a commencé en 2006 par la signature d'un accord dit «historique» sur le logement. Cela s'est ensuite concrétisé par une loi votée à l'unanimité par le Grand Conseil. Dans un second temps, poursuivant dans cette perspective consensuelle, le Conseil d'Etat a décidé d'une part d'accepter d'augmenter très fortement les prix admis pour les terrains en zone de développement. Mais d'autre part, pour compenser quelque peu cet avantage, ce gain supplémentaire réalisé par des propriétaires, il a décidé de déposer un projet de loi introduisant une taxe sur la plus-value foncière de 20%.
Le projet de loi qui vous est soumis ce soir est donc la concrétisation de cet accord, de ce consensus, intervenu au sein du Conseil d'Etat, je vous l'accorde, qui ne vous lie pas, mais qu'il conviendrait, me semble-t-il, pour respecter le principe de la bonne foi, d'entériner.
J'aimerais réagir sur quelques interventions fustigeant cette ponction fiscale auprès d'agriculteurs qui seraient déjà spoliés d'un point de vue fiscal. J'attirerai l'attention, notamment de M. Leyvraz, sur le fait que cette taxe sur la plus-value foncière va certes réduire le bénéfice réalisé par le propriétaire terrien vendeur; mais si le Conseil d'Etat n'avait pas adopté ce consensus en son sein, nous en serions aujourd'hui à des valeurs de terrains agricoles déclassés de 100 F à 150 F le m2, alors que, aujourd'hui, cette valeur est trois fois plus élevées. Vous conviendrez avec moi, Monsieur Leyvraz, que le «prix à payer» - entre guillemets - c'est-à-dire le versement d'une taxe à la collectivité prélevée sur la plus-value foncière réalisée, est parfaitement raisonnable, qu'il s'agisse d'une taxe de 20% ou de 15%. C'est d'autant plus raisonnable que le produit de la taxe - cela a été relevé à plusieurs reprises - va revenir dans le giron de la profession agricole, en tout cas en grande partie, pour financer un certain nombre de mesures, notamment de promotion des produits du terroir. Il me semble donc, dans cette perspective, que c'est l'ensemble du monde agricole qui est gagnant par l'adoption de cette taxe sur la plus-value foncière.
L'autre grand bénéficiaire de cette taxe - cela a été relevé notamment par M. Dal Busco - sont les communes qui, aujourd'hui, consentent des efforts importants pour répondre aux besoins de surfaces d'activités, aux besoins de surfaces dévolues au logement dans le canton. Il me semble que, de ce point de vue là également, la création de cette nouvelle taxe sur la plus-value foncière se justifie pleinement. Elle va - j'en suis persuadé, et le Conseil d'Etat avec moi - faciliter la réalisation de plusieurs projets d'urbanisation en permettant le financement d'actions en faveur de l'agriculture et le financement d'un certain nombre d'équipements publics à la charge des communes. Par conséquent, cela va permettre d'aller plus vite dans un grand nombre de projets, les Vergers, peut-être, et les Cherpines-Charrotons dont on parlera d'ici à quelques semaines.
Je m'en tiendrai là pour cette première intervention. Je crois qu'en deuxième débat nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre de détails. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter de voter l'entrée en matière de ce projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur l'entrée en matière du projet de loi 10125.
Mis aux voix, le projet de loi 10125 est adopté en premier débat par 61 oui contre 19 non et 3 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs, le premier débat est terminé concernant cet objet. Je vous propose de poursuivre nos discussions sur ce point à 20h30, après l'urgence.
Fin du débat: Session 10 (juillet 2010) - Séance 47 du 01.07.2010