République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 mai 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 8e session - 40e séance
R 620 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Je précise, Mesdames et Messieurs les députés, que trois minutes par groupe sont imparties, amendements compris. Je passe la parole à M. Hiltpold, auteur de la première résolution.
M. Serge Hiltpold (L). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution est au coeur de l'actualité: elle a suscité passablement de débats, de fausses informations, de déceptions. Elle alimente l'actualité quotidienne de nos entreprises. J'aimerais tout d'abord vous dire, dans un cadre général, que j'espère que nos débats sur ce sujet seront empreints de dignité et de correction. Après ce que nous avons entendu, il serait souhaitable que le parlement ait des débats sereins et constructifs, «promotion constructive» étant les termes de cette résolution.
Vous savez que le CEVA - qui représente un maillon indispensable au développement structurel de la région, projet RER largement soutenu lors de la votation du 29 novembre dernier - commence à être sur les rails, malgré les quelque 20 recours dont il fait l'objet - recours d'ailleurs soutenus par un député MCG présent. C'est inévitable lorsqu'on se lance, à Genève, canton bien connu pour son côté frondeur, dans des travaux d'une telle envergure !
Quelques informations. Des projets tels que l'extension de l'aéroport en 1968, la construction de l'aérogare de Cointrin en 1985, ne se sont pas réalisés sans difficultés... On ne fait pas d'omelette sans casser d'oeufs ! Il y a toujours des contestations, il y a toujours un climat difficile.
Encore un exemple de ces constructions: l'autoroute de contournement, inaugurée en juin 1993, après sept ans de travaux, a permis un développement structurel important du canton, complété par la nouvelle ligne de tram du TCOB en cours de réalisation, desservant les communes d'Onex et de Bernex.
Acteur de ces développements, le secteur de la construction - dans son sens large - a permis une amélioration de la qualité de la vie des Genevois - je vous le concède: une fois que les travaux ont été terminés. La première campagne d'adjudication des travaux du CEVA pour les ouvrages de génie civil et de gros-oeuvre est maintenant achevée et nous constatons que, sur les 80 millions adjugés, les entreprises et les consortiums genevois et régionaux n'ont pas été mandatés à la hauteur de leurs espérances. En effet, il s'agit de grands groupes plus spécialisés dans ce genre d'ouvrages spéciaux extrêmement techniques - et ça, c'est un élément important - car ces premiers travaux étaient véritablement spéciaux: des tunnels, des tranchées couvertes, que toutes les entreprises n'étaient pas forcément capables d'assumer.
Je précise également que différents facteurs entrent en jeu dans les adjudications AIMP: le prix, la capacité de l'entreprise à assumer certains travaux, la capacité de jugement sur la formation professionnelle et sur l'emploi local. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, le but...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Serge Hiltpold. ...c'est de soutenir véritablement cette résolution, pour aider le Conseil d'Etat dans ses négociations AIMP avec les CFF !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant passer la parole à Mme Schneider Hausser, qui est la première signataire de la deuxième résolution.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Plusieurs socialistes ont signé la résolution 620 dont on vient de parler, qui met en lumière la nécessité pour le canton d'établir des critères d'adjudication permettant aux entreprises locales d'obtenir des lots de travaux, selon des critères d'apprentissage, de proximité. Cette résolution veut donner un signal au Conseil d'Etat.
Nous avons déposé aujourd'hui une seconde résolution, la R 623, qui a également la prétention de donner un signal pour assurer des conditions de travail adéquates aux personnes qui oeuvreront sur le chantier du CEVA.
Nous savons qu'une cellule d'accompagnement, composée du Conseil d'Etat, des représentants syndicaux et patronaux, a commencé à se réunir. Il faut maintenant que cette cellule puisse travailler et obtenir des mandats. La résolution 623 demande que la notion de responsabilité solidaire soit introduite dans les contrats de sous-traitance, à savoir que le paiement des salaires soit garanti par les entreprises soumissionnaires, donc qui ont reçu le contrat de l'Etat. En cas de non-paiement ou de faillite des sous-traitants, ce sont eux qui garantissent le salaire.
Il est également indispensable que les dispositifs de contrôle soient accrus, cela en termes de conditions de travail et d'exécution.
Si nous déposons cette résolution et que nous soulevons certains points, c'est aussi parce que nous venons de recevoir une réponse à l'interpellation urgente écrite 980... Nous nous posons des questions et nous sommes, disons, un peu déçus. Le DCTI a en effet décidé de modifier l'inspectorat des chantiers, qui était un exemple ou qui est un exemple parfait de partenariat des secteurs de l'industrie du bâtiment. Alors que la construction du CEVA commence et que les investissements de l'Etat ont augmenté, toute la partie concernant la sécurité des travailleurs serait, dans un proche avenir, transférée à la Suva.
La résolution 623 a l'ambition de rappeler à tous que, si le chantier du CEVA veut avoir une renommée et être un grand chantier, il doit aussi l'être pour ceux qui oeuvreront - et qui oeuvrent déjà - et, donc, leur assurer des conditions de travail adéquates et satisfaisantes.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, il semble que les illusions de certains soient en train de s'évanouir... Une fois de plus, le parlement, comme pour l'extension de la prison, réagit plutôt qu'il n'agit et qu'il ne prévoit. Et la gauche et la droite, dans cette même alliance de l'absurde, se réveille enfin !
Vous qui tous en choeur avez soutenu ce CEVA, vous vous rendez compte aujourd'hui qu'il y a des problèmes... 800 millions ont été adjugés à un grand groupe français, le groupe Vinci. Sur 1,5 milliard, il resterait, pour reprendre les chiffres du Conseil d'Etat - que le MCG considère d'ailleurs largement sous-estimés - 700 millions. Les socialistes craignent un risque de pression sur les salaires, alors que les radicaux, eux, craignent - ce qui est d'ores et déjà réalisé - que la manne que représentent ces travaux échappe aux entreprises genevoises.
Je ne résisterai donc pas à la tentation de vous lire quelques passages des résolutions qui vous sont soumises. D'abord celle des radicaux. C'est intéressant lorsque l'on sait quelle fut l'argumentation soutenue par le MCG pour s'opposer à ce train fantôme par rapport à l'argumentation de la droite. On nous dit ceci: «Il n'existe aucun exemple à ce jour d'infrastructures publiques importantes mises en soumission par des entités françaises qui n'aient été adjugée à des entreprises suisses.» Tiens ! «C'est en particulier le cas de la construction et de la rénovation de la ligne dite des Carpates (Genève-Mâcon), financée à près de 50% par la Confédération, pour laquelle l'offre d'un grand groupe suisse avait été tout simplement écartée sans autre forme de procès...». On se rend compte que, finalement, la collaboration franco-suisse n'est pas ce que l'on espérait !
Passons maintenant à la résolution du parti socialiste, signée également par certains Verts. On nous dit ceci: «L'attribution des lots aux "moins-disants" - on nous expliquera ce que veulent dire les "moins-disants" ! - majoritairement situés en dehors du canton de Genève, engendrera non seulement la prolongation des heures de déplacement pour les ouvriers venant travailler sur les chantiers du CEVA - évidemment, ils ne peuvent pas encore prendre le CEVA ! - mais aussi une pression sur les prix des sous-traitants.»
Alors, maintenant, tout le monde considère que, finalement, on n'a pas fait ce qu'il fallait et on demande instamment au Conseil d'Etat de bien vouloir - je cite: « ...se montrer beaucoup plus incisif et combatif pour défendre les intérêts de l'économie locale...». Mais qui a défendu l'intérêt de l'économie locale, il y a quelques mois, si ce n'est le MCG ? (Commentaires.)
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Mauro Poggia. Messieurs, de deux choses l'une: ou vous connaissiez les risques qui se réalisent aujourd'hui - qui étaient prévisibles, puisque le MCG les avait annoncés - et vous avez trompé les électeurs, ou alors...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Mauro Poggia. ...vous n'avez tout simplement rien vu, et vous êtes incompétents ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Le parjure - et c'est heureux ! - n'étant pas le fait de la droite libérale radicale ni celui de la gauche, nous venons d'entendre un bel exemple de contorsionnisme verbal, pour éviter de tomber dans l'ornière dite du «protectionnisme».
Mais quittons nos vocables et dogmes partisans... Un sage ne nous a-t-il pas enseigné qu'il ne fallait pas assimiler les mots à des idées ? Ne vivons-nous pas l'effet pervers d'une situation que tous, sauf l'Union démocratique du centre, ont soutenue ? L'ouverture des marchés, dont ceux de l'Etat, où les fonds proviennent de l'impôt, qui assumera aussi les dettes que devront payer les contribuables de notre canton et nos enfants. Même les subsides fédéraux proviennent aussi de l'impôt, donc de l'argent des contribuables suisses.
La vraie question est bien de se déterminer sur l'articulation de la redistribution de la fiscalité: doit-elle favoriser l'essor de ceux qui l'assument ou doit-elle être redistribuée à d'autres dont on sait que cette manne ne servira plus à la consommation locale ?
Chers collègues des bancs opposés, il y a quelques semaines vous interveniez pour demander des places d'apprentissage pour les enfants de sans-papiers... Un magistrat vaudois a même prononcé ces mots pour soutenir ce projet contraire à nos lois: «Nous faisons le pari de l'illégalité !» Ne sommes-nous pas dans le même cas de figure ? Plus d'entreprise, plus d'embauche, plus d'emploi, mais pas pour tout le monde ! Par éthique, je ne peux prendre le pari de l'illégalité... Mais j'aimerais vous inciter à entrer en résistance en faveur de notre économie locale et l'emploi, qui sont aussi vos préoccupations. Je vous invite donc, chers collègues, à soutenir la résolution 620.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Ivanov, à qui il reste une minute.
M. Christo Ivanov (UDC). J'essayerai d'être bref... Merci, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs les députés, le groupe UDC souhaite une promotion constructive et efficace des intérêts de Genève. Cette résolution sur les travaux du CEVA soulève la problématique des adjudications et de la part qui auraient dû revenir aux entreprises genevoises ou suisses. Relevons que le groupe français Vinci s'est octroyé près de 40% du gâteau CEVA.
Il faut relever aussi la réponse du Conseil d'Etat à l'IUE 969 déposée par notre collègue Serge Hiltpold, relative à ce problème. Je lis: «A la fin d'avril 2010, après une longue procédure d'appels d'offres et des analyses multicritères à la base des évaluations des offres, les travaux de gros-oeuvre, représentant un total de près de 780 millions de francs de travaux, ont été adjugés, sans faire l'objet de recours en matière d'adjudication de la part des entreprises soumissionnaires.» Néanmoins, il n'y a pas de fumée sans feu...
Les invites de cette résolution - la R 620 - demandent au Conseil d'Etat d'être plus incisif et combatif pour défendre les intérêts de nos entreprises, car il reste 700 millions de travaux à adjuger pour le second oeuvre et les équipements.
C'est pourquoi le groupe UDC a signé la résolution 620 et la votera.
M. François Gillet (PDC). Nous, démocrates-chrétiens, sommes parfaitement conscients qu'il ne serait pas opportun de revenir au temps du protectionnisme et que les accords AIMP imposent de respecter des critères stricts lors des adjudications. Cela dit, nous savons aussi qu'un certain nombre de facteurs, dont la pondération, peuvent faire l'objet d'un certain nombre d'appréciations.
Nous souhaitons envoyer, à travers le soutien que nous allons apporter à la résolution 620, le message suivant au Conseil d'Etat. Nous pensons au futur, à savoir aux 700 millions - cela vient d'être évoqué - qui restent à adjuger pour les travaux du CEVA, et nous souhaitons que toute la marge de manoeuvre, aussi faible soit-elle, que le Conseil d'Etat a entre les mains lors de l'adjudication de ces travaux, que les CFF auront entre leurs mains, soit utilisée pour soutenir les entreprises de ce canton. Il est important que ce message soit clairement envoyé au Conseil d'Etat ce soir, et c'est la raison pour laquelle nous soutenons la résolution 620. Quant à nos collègues du MCG, ils peuvent bien ironiser sur l'attitude de nos groupes ! Si nous avions suivi le MCG, qui s'est opposé au CEVA, nous ne serions pas en train d'expliquer que l'adjudication est insuffisante: nous dirions qu'elle est nulle, puisqu'il n'y aurait pas de travaux du tout sur cette ligne... Par conséquent, la question de savoir ce qu'il conviendrait d'adjuger aux entreprises genevoises ne se poserait pas.
En revanche, les démocrates-chrétiens refuseront de soutenir la résolution 623. Nous considérons que le dispositif paritaire en vigueur aujourd'hui à Genève dans le secteur de la construction est susceptible de garantir des conditions de travail et des conditions salariales correctes pour les chantiers qui vont s'ouvrir prochainement, nous l'espérons, dans notre canton.
M. Roger Deneys (S). Une fois de plus, nous avons assisté ce soir à un «déraillement» de la part du MCG, de M. Lussi aussi... Je ne sais d'ailleurs pas très bien s'il est UDC ou MCG... (Exclamations.) Quoi qu'il en soit, cela n'a absolument aucun lien avec le débat sur le projet du CEVA lui-même, parce que l'infrastructure de transports publics est indispensable pour la République et canton de Genève, ne serait-ce que pour limiter le trafic frontalier.
Par contre, il est clair que lorsque des travaux portent sur des montants pareils, les mandats sont évidemment très importants pour les entreprises: ils peuvent garantir la survie de ces dernières ou la péjorer. Et, ne serait-ce que pour cela, le cas particulier du CEVA pose la question - quand même, Monsieur Gillet ! - du protectionnisme et de la nécessité de maintenir l'emploi local. Les entreprises locales et l'emploi local ! (Exclamations.)
Certains partis, qui se trouvent en face de moi, ont tendance à se focaliser sur les étrangers, les Roms, les frontaliers... Pour ma part, je pense plutôt que c'est fondamentalement une question de philosophie de notre société: sommes-nous favorables à des marchés ouverts, globalisés, où la logique du moins cher - toujours le moins cher - prédomine ? Et si l'on vit en Suisse, pays relativement aisé par rapport au reste du monde, cela se fait forcément au détriment de la Suisse. Cela se fait forcément au détriment des salariés suisses, cela se fait forcément au détriment des entreprises suisses. Il n'y a pas de miracle ! Tant que nous sommes pour des marchés ouverts, libéralisés, où la seule loi qui règne est celle du marché, eh bien, les entreprises et les salariés suisses seront pénalisés !
Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs les députés, il est fondamental de contrôler les travaux du CEVA ! Parce que l'une des tactiques utilisées par les entreprises pour garantir leurs bénéfices, c'est évidemment de recourir à des sous-traitants. Et cela, avec l'Union européenne, peut vouloir dire embaucher des employés qui viennent de l'Est, qui viennent des pays du Sud, qui sont illégaux aussi dans les pays voisins et qui ne reçoivent pas des salaires décents, des salaires corrects !
Mesdames et Messieurs les députés, il est fondamental, avec la résolution socialiste 623... (M. Eric Stauffer présente la page d'un journal à la caméra de Léman Bleu.) ...de garantir que les chantiers du CEVA seront contrôlés et que les travailleurs de ces chantiers seront payés aux conditions locales ! Si tel n'est pas le cas, l'Etat cautionnerait le démantèlement de l'Etat suisse, ce qui n'est pas acceptable pour les socialistes !
Nous vous demandons, par conséquent, d'accepter la résolution 623, pour garantir des conditions de travail décentes sur les chantiers du CEVA et, tout simplement, pour garantir la survie de l'économie genevoise à long terme.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Et les questions globales sur le protectionnisme doivent être abordées à part ! C'est d'abord pour les entreprises et les salariés que nous devons contrôler les chantiers. D'ailleurs, hier, vous auriez aussi pu...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. ...contrôler les chantiers de Sovalp ! Parce qu'il n'y aura pas de contrôle !
Le président. Merci, Monsieur le député !
M. Roger Deneys. Donc, oui à la résolution 623 pour des chantiers contrôlés ! (M. Eric Stauffer présente à nouveau la page d'un journal à la caméra de Léman Bleu.)
Le président. Monsieur Stauffer, nous ne sommes pas au cirque: pas d'exploit d'exhibitionnisme. Je passe la parole à M. Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Pour commencer, je m'étonne des propos tenus par un député du dernier petit parti entré dans ce parlement, parti qui veut donner des leçons sur le CEVA, alors qu'il a toujours été opposé à ce projet.
S'agissant du fond de la question, je tiens à réaffirmer la position du groupe radical en faveur de l'application des accords internationaux qui lient la Suisse, notamment ceux relatifs à l'ouverture des marchés publics. Ils posent un cadre ainsi que des principes généraux, mais laissent une marge de manoeuvre au demeurant nécessaire aux autorités adjudicatrices.
S'agissant plus particulièrement du CEVA, c'est - avec la future traversée du lac - le chantier du siècle, qui non seulement va dessiner l'aménagement régional de ces prochaines décennies, dont il constitue la colonne vertébrale, mais va surtout générer, grâce à l'effet multiplicateur des activités de construction, plusieurs centaines de millions de retombées économiques pour le canton.
Si les premiers travaux adjugés ont en grande partie échappé aux entreprises genevoises, voire aux entreprises suisses, il n'y a pas de soupçon à avoir quant à des irrégularités ou une inégalité de traitement qui auraient désavantagé les prestataires locaux, quand bien même la déception bien légitime de ceux-ci est compréhensible. Il s'agit, au demeurant, de travaux lourds, pour lesquels les entreprises qui détiennent le savoir-faire ne sont pas très nombreuses et pas toujours «genevo-genevoises». Je pense, par exemple, aux tunneliers... Les CFF ont mené le bal, et le canton s'est contenté - ou a été contraint - de suivre !
En revanche, pour les 700 millions qui restent, qui concernent les travaux de second oeuvre, l'impact sera différent car les spécificités ne sont pas les mêmes. Ce sont des centaines d'entreprises et d'artisans locaux qui sont concernés. Il importe donc, aujourd'hui déjà, d'apporter un soutien au Conseil d'Etat pour que celui-ci se sente légitimé à introduire des éléments de politique économique dans la mise en soumission des travaux à venir, dans l'appréciation des offres et les décisions d'adjudication.
Cela signifie notamment de tenir compte de l'emploi, de la formation, du développement durable, de la proximité, etc., conformément d'ailleurs au contenu du discours de Saint-Pierre.
Genève apporte 43% du financement à ce projet. Genève a donc son mot à dire, même vis-à-vis des CFF, qui ne peuvent pas faire comme ils veulent sans tenir compte de ces points.
En ce sens, le Conseil d'Etat - il faut le souligner - a déjà franchi un premier pas en acceptant la constitution d'une cellule d'accompagnement tripartite des travaux du CEVA. Cette cellule doit se voir investie de larges pouvoirs non seulement pour le suivi des travaux, mais, également, pour le balisage de la procédure d'adjudication des travaux à venir.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jacques Jeannerat. Je conclus, Monsieur le président ! La résolution 620 arrive à point nommé pour ancrer un changement de perspective en matière de marchés publics. Le moins-disant, encore trop systématiquement choisi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Jacques Jeannerat. ...doit clairement céder sa place au mieux-disant.
Le président. Je vous remercie !
M. Jacques Jeannerat. J'en ai pour dix secondes, Monsieur le président !
Le président. Non, c'est dix secondes de trop !
M. Jacques Jeannerat. C'est en amont des procédures que l'on peut agir. Il appartient au politique d'en prendre conscience et de faire valoir ses vues en la matière.
Le président. Merci ! Je vous coupe la parole !
M. Jacques Jeannerat (hors micro). Le Conseil d'Etat a besoin de l'appui du Grand Conseil pour concrétiser cette approche.
Le président. Je passe la parole à M. Norer ! (Remarque de M. Jacques Jeannerat.) Vous n'avez plus la parole, Monsieur Jeannerat ! (Commentaires. Exclamations.) Monsieur Jeannerat, vous devez respecter la règle, qui est valable pour tout le monde ! Je profite d'ailleurs de l'occasion pour demander aux opérateurs de Léman Bleu de filmer les orateurs et non pas les clowneries de certains députés ! (Exclamation de M. Eric Stauffer.) Je passe maintenant la parole à M. Norer.
M. Olivier Norer (Ve). Le groupe des Verts est assez cohérent avec son programme politique: nous avons toujours soutenu le développement des transports publics dans notre région, c'est pour cela que nous avons voté pour le CEVA; nous soutenons toujours l'emploi local, c'est pour cela que nous avons signé ces deux résolutions. En ce sens, nous continuons à soutenir le développement des transports publics, et c'est pourquoi nous ne contesterons pas les adjudications qui ont été faites.
Toutefois, nous souhaitons garantir que toutes les considérations légales en la matière soient considérées par l'Etat, par les CFF. Et ces deux résolutions permettront d'avoir des garanties en termes d'emploi local. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. M. Meylan a droit... Désolé, Monsieur Meylan, le temps des libéraux... (Commentaires.) Non, excusez-moi ! Il s'agissait de M. Hiltpold, qui a parlé comme premier signataire... (Un oiseau entre dans la salle. Exclamations. Le président quitte sa place, recueille l'oiseau et le laisse s'envoler par l'une des fenêtres. Exclamations. Applaudissements. Commentaires.) Monsieur Meylan, vous avez toujours droit à trois minutes !
M. Alain Meylan (L). Merci, Monsieur le président. Au nom du groupe libéral, j'interviendrai sur cette résolution, en partie issue du premier intervenant, résolution dont le but est d'introduire une vision positive du développement de Genève.
Vous connaissez les discussions qu'il y a eu sur le CEVA: il s'agit maintenant de réaliser ce projet dans le cadre défini par les accords internationaux - par notre droit national, également - de façon qu'il respecte toutes les normes, mais aussi, et je le dis très clairement, nos entreprises. Ces dernières auront - et ont - la possibilité de réaliser le CEVA dans la mesure de leurs compétences et de leurs possibilités d'action, et je suis persuadé qu'elles sauront relever ce défi.
Cette résolution veut se tourner résolument vers l'avenir. Tout ce qui a été expliqué et fait jusqu'à maintenant - cela a déjà été évoqué - a porté sur des travaux très spécifiques. Nous sommes toutes et tous enclins à dire que nos entreprises sauront - j'en suis personnellement intimement persuadé - répondre à ce défi à l'avenir. L'avenir, c'est aussi - puisque nous respectons les accords internationaux, nos accords nationaux - que les entreprises qui viendront chez nous respectent nos accords ! Nos conventions, notre système de régulation du marché, nos acquis sociaux. Et c'est moi qui le dis ! Nous proposons quelque chose de positif: nous voulons aller de l'avant, contrairement au MCG qui s'oppose à tout, qui décrie tout et son contraire, qui ne propose rien, qui ne construit rien, qui démolit systématiquement ce que nous voulons construire tous ensemble dans ce parlement et sans trop de recours ! J'imagine que la personne qui a pris la parole ce soir sera probablement l'une des dernières à présenter un recours sur le projet du CEVA, pour faire en sorte - mais j'espère que ce ne sera pas le cas - qu'il ne puisse pas être réalisé dans les délais souhaités !
Je suis persuadé... (L'orateur est interpellé.) Vous ne voulez rien, alors c'est normal ! (Exclamations.) Vous ne voulez pas que Genève se construise ! Je le sais, on le sait, nous l'avons entendu ce soir ! Arrêtez vos gesticulations, nous ne les connaissons que trop, et elles nous fatiguent à longueur de soirées ! (Exclamations.)
Maintenant, c'est le moment de construire ! C'est le moment de réaliser ! C'est le moment de réaliser des lieux, des lieux pour les prisons, des infrastructures, et c'est le moment d'aller de l'avant !
Mesdames et Messieurs, je le répète, cette résolution se veut positive. Je regrette, quant à la résolution socialiste...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Alain Meylan. La résolution socialiste enfonce des portes ouvertes, dans la mesure où tout ce qu'elle indique est en cours. Et c'est dommage !
Le président. Merci, Monsieur Meylan !
M. Alain Meylan. Le groupe libéral soutient cette résolution et soutient la construction du CEVA !
Le président. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mark Muller.
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Lorsque le Conseil d'Etat a pris connaissance des adjudications des travaux pour le CEVA, il n'a pas été moins déçu que vous. Il espérait également qu'une large majorité des travaux de génie civil et de gros oeuvre reviendrait à des entreprises genevoises ou de la région romande. Malheureusement, tel n'a pas été le cas ! Quand nous avons fait ce constat, nous avons décidé de regarder de près comment les choses s'étaient passées, et j'aimerais vous donner quelques informations à ce sujet.
La première information importante - je pense - est de vous expliquer comment se font les adjudications. Il existe un comité d'adjudication, composé paritairement de représentants de l'Etat de Genève et des CFF. Ce comité d'adjudication examine les offres effectuées et, sur la base de critères préétablis, très rigides, adjuge les travaux.
La procédure que nous avions mise en place faisait en sorte, en cas de désaccord entre les représentants des CFF et les représentants de l'Etat de Genève, que le marché en question remonte et soit soumis aux instances politiques compétentes aussi bien au niveau de la direction des CFF qu'à celui du Conseil d'Etat. Eh bien, à aucun moment, le Conseil d'Etat n'a été saisi, pour la simple et bonne raison que le résultat des offres était extrêmement clair ! Pour la plupart des marchés en question - et vous devez entendre cela, Mesdames et Messieurs ! - la différence entre l'offre de l'entreprise française Vinci et la meilleure offre suisse était de 10% ! L'entreprise française était régulièrement 10% meilleur marché que la meilleure entreprise genevoise. Dans ces circonstances, nous n'avions évidemment pas d'autre choix que d'adjuger à l'entreprise Vinci.
Autre chose importante relevée au cours de ce débat: aucun recours n'a été déposé contre les adjudications. C'est le signe clair que la procédure a été parfaitement respectée, que les adjudications sont correctes et que personne n'a rien à y redire, qu'aucun concurrent évincé ne considère avoir été maltraité. C'est bien le signe que tout s'est passé de façon parfaitement correcte.
Ce que je souhaite, Mesdames et Messieurs - et ce que souhaite le Conseil d'Etat - c'est que, pour la deuxième phase des adjudications, qui porteront sur des travaux de second oeuvre, les entreprises genevoises soient concurrentielles ! Qu'elles soient compétitives, qu'elles fassent, chacune de son côté et pas forcément après s'être entretenue avec ses concurrents, la meilleure offre possible, afin de remporter ces marchés. C'est le voeu le plus cher du Conseil d'Etat ! Et je lance ce message à ces entreprises: «Faites votre meilleure offre, et vous serez désignées pour réaliser ces travaux», c'est mon voeu le plus cher !
Autre élément - et je m'adresse-là aux auteurs de la seconde résolution - vous l'avez reconnu, et je vous en remercie: le Conseil d'Etat a décidé d'accéder à la demande des syndicats... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et de créer une cellule de suivi des travaux: suivi paritaire, maître d'ouvrage, patronat, syndicats. Cette cellule fera son travail de suivi et de vérification du respect des règles applicables à Genève, du respect des conventions collectives, du respect des contrats, bref, du respect de l'ensemble des règles qui s'appliquent à Genève. Nous ferons ce travail, et nous le ferons très consciencieusement. Nous serons impitoyables avec les entreprises qui ne respecteront pas ces règles, le Conseil d'Etat vous l'assure !
J'en viens à la clause de solidarité que vous appelez de vos voeux. Je crois que vous l'interprétez à l'envers, Madame Schneider Hausser ! Vous dites qu'en raison de cette clause de solidarité l'entreprise va devoir s'engager à payer les salaires aux ouvriers d'éventuelles entreprises sous-traitantes... Ce n'est pas cela, la clause de solidarité que nous allons tenter de faire inscrire dans les contrats d'entreprises ! Au contraire, cette clause engagera l'entreprise soumissionnaire vis-à-vis du Conseil d'Etat à faire en sorte que les travaux soient réalisés selon les spécifications et selon le contrat. Ce n'est pas tout à fait la même chose, mais je tenais quand même à clarifier ce point-là. Ce que nous souhaitons, c'est faire en sorte que les entreprises sous-traitantes respectent les mêmes conditions contractuelles vis-à-vis du Conseil d'Etat - puisque ces entreprises s'engagent vis-à-vis du maître d'ouvrage: le canton de Genève et les CFF - et c'est cela que nous allons tenter d'obtenir de la part des entreprises adjudicataires, dans le cadre des négociations contractuelles en cours actuellement.
Voilà ce que je souhaitais vous dire ce soir sur ce processus du CEVA ! Le Conseil d'Etat est extrêmement engagé dans ce dossier, mais il l'est surtout pour que les travaux démarrent ! Et pour que le CEVA se réalise ! Après tout, c'est l'objectif numéro un ! Par ailleurs, il incombe aux entreprises genevoises de se montrer plus compétitives, et elles obtiendront une part plus importante des travaux. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'en profite pour saluer à la tribune notre ancienne collègue, Mme Caroline Bartl. (Applaudissements.)
Nous allons nous prononcer sur ces deux résolutions. Je vous soumets tout d'abord la première, proposition de résolution 620.
Mise aux voix, la résolution 620 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 85 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous nous prononçons sur la deuxième résolution.
Mise aux voix, la résolution 623 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 42 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous passons au point 58 de notre ordre du jour: proposition de résolution 615.