République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 6 mai 2010 à 17h
57e législature - 1re année - 7e session - 31e séance
M 1811-A et objet(s) lié(s)
Débat
M. Jean-Louis Fazio (S), rapporteur ad interim. Monsieur le président, je remplace M. Garcia, auteur de ces quatre rapports et cosignataire de la motion 1890. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelques mois, la question de l'importation de déchets ménagers par l'usine d'incinération des Cheneviers a fait débat à Genève. L'Entente et les groupes UDC, Verts et socialistes ont chacun déposé une motion traitant de ce sujet. (Commentaires.) Lors de l'étude de ces motions, la commission de l'environnement et de l'agriculture a pris à l'unanimité la décision pertinente de les classer et de créer une nouvelle motion de commission, puisqu'il y avait convergence et proximité des points de vue.
Cette nouvelle motion, M 1890, propose quatre points principaux. Premier point: mettre à disposition de la population toutes les informations dont dispose le Conseil d'Etat en matière de taux de polluants dans l'air, l'eau et le sol, ainsi que de dépassements des normes en vigueur. Deuxième point: renforcer les efforts pour encourager le tri des déchets pour les particuliers, les entreprises et les entités publiques. Troisième point: construire un four qui permettra la valorisation des déchets de bois usagés pour la production d'énergie. Quatrième et dernier point: préciser les conditions nécessaires pour le traitement éventuel de déchets ayant un grand potentiel en termes de politique environnementale.
C'est donc avec une unanimité réelle que les membres de la commission de l'environnement et de l'agriculture vous invitent à voter les conclusions de ce rapport et à accepter le renvoi au Conseil d'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le problème, la polémique, le scandale des déchets, notamment napolitains, avait fait couler beaucoup d'encre à l'époque. Je vous rappelle que, dans votre grande mansuétude, vous aviez balayé le texte parlementaire du MCG, qui avait été le premier document déposé sur la problématique des déchets napolitains. Mais ici, comme tout le monde le sait, nous sommes au jardin d'enfants... Chaque groupe s'était engouffré derrière le MCG pour, quand vous aviez vu l'importance du problème dénoncé par le MCG, déposer des textes parlementaires ! Vous vous êtes passé les uns aux autres vos textes parlementaires. Aujourd'hui, dans le rapport, il n'y a plus le texte initial du MCG sur l'histoire des déchets napolitains, puisque vous l'aviez balayé. Mais encore une fois, ce n'est pas très grave. La population sera témoin de la manière dont vous vous comportez envers un groupe parlementaire, qui est devenu depuis, je vous l'accorde, la deuxième force politique du canton, ex-aequo avec les Verts, avec dix-sept députés. (Brouhaha.)
Cela étant dit, Mesdames et Messieurs, on se souviendra de la problématique des Services industriels. On se souviendra aussi de la lâcheté du gouvernement, qui a évincé l'administrateur que j'étais au motif qu'il n'avait pas respecté son devoir de loyauté et de fidélité envers une entreprise qui voulait porter atteinte à la santé des Genevois. Ne vous en déplaise, Mesdames et Messieurs du gouvernement, le MCG continue à tenir la rampe; le MCG continuera à dénoncer ce qui ne correspondra pas à une qualité de vie correcte de nos concitoyens.
J'aimerais ici dire publiquement que lorsque nous, MCG, sommes allés dans la ville de Naples dénoncer le scandale des importations des déchets napolitains, il s'est avéré - oh grand scandale ! - que les autorités italiennes n'avaient jamais négocié avec le gouvernement genevois. On comprend alors toute la problématique mafieuse des déchets en Europe: les Services industriels et le gouvernement avaient négocié avec des intermédiaires que je qualifierai de douteux, puisque le gouvernement italien, de manière officielle, avait communiqué qu'il ne connaissait pas Genève, les Services industriels et encore moins les personnes qui constituaient à l'époque le gouvernement genevois. Honte à vous ! Honte à vous, car c'était vraiment une question d'argent ! Or le MCG - et je le dis haut et fort - a fait sauter ce contrat pour préserver la santé des Genevois, d'où un manque à gagner - vous comprendrez tout le problème - de 80 millions de francs pour les Services industriels. Ces derniers, pour une question d'argent, ne voulaient absolument pas prendre en considération le problème de la santé publique, puisqu'ils étaient prêts à polluer toute une région.
Je vous rappellerai aussi que, suite aux agissements du MCG, les déchets napolitains sont partis en Allemagne où ils ont été bloqués - trois fois - parce qu'ils étaient radioactifs en raison de déchets médicaux qui étaient mélangés aux déchets usuels et ménagers.
Cela étant, pour remettre ce gouvernement face à ses responsabilités, rappelons qu'un recours est pendant au Tribunal fédéral, qui cassera peut-être l'arrêt du Conseil d'Etat, arrêt qui m'a éjecté du conseil d'administration des Services industriels. Eh bien je vous le dis, Mesdames et Messieurs du gouvernement: non, je n'ai pas de devoir de fidélité envers les Services industriels ! J'ai un devoir de fidélité vis-à-vis du peuple qui m'a élu ! Et j'ai exercé mon contrôle, de par ma fonction...
Le président. On revient à la politique des déchets, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, c'est moi qui parle; vous ne parlez pas à ma place !
Le président. On revient au sujet !
M. Eric Stauffer. Je vous prierai de respecter l'élu que je suis ! Que cela vous énerve, c'est votre problème, mais pas le mien. Et j'aimerais dire que je continuerai à défendre les citoyens genevois. Les magouilles de contrat pour des dizaines de millions ne nous intéressent pas. C'est la qualité de vie...
Le président. Très bien, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Je vais conclure en vous disant ceci. Nous avons appris que, malheureusement, à la société TRIDEL à Lausanne, des camions en provenance d'Italie...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. ...déversent chaque semaine des déchets en provenance d'Italie et qu'ils polluent aussi toute la région. Il faudrait peut-être un jour commencer à penser «Suisse romande» et arrêter de faire ces petites magouilles chacun dans son petit coin. Je dénonce ici publiquement TRIDEL ! Que cette société vienne démontrer le contraire ! J'ai les photos des camions italiens qui, chaque semaine, déversent ces déchets sur la Suisse romande ! (Applaudissements.)
M. Antoine Bertschy (UDC). Mon préopinant a fait sa publicité personnelle. Moi, je vais faire la publicité d'autres personnes. J'ai eu le plaisir de présider les séances de la commission sur ce sujet ô combien sensible et je dois souligner l'excellente tenue des débats. Je veux remercier l'ensemble de la commission pour son travail, et particulièrement un député qui a réalisé une tâche remarquable: M. Garcia. Non seulement il s'est occupé des rapports, mais il nous a aussi beaucoup aidés dans la rédaction de la motion 1890. (Brouhaha.) Nous avons vu le résultat: une motion votée par l'ensemble des groupes, y compris par le MCG.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je pense que ce sujet, qui concerne toutes les personnes et tous les députés en présence dans ce parlement, n'a pas besoin de publicité et, surtout, n'a pas besoin de polémique, puisque nous avons effectivement voté à l'unanimité une motion de commission. Le canton de Genève n'a pas encore atteint ses objectifs, qui sont de recycler 50% de déchets urbains et de rejoindre la moyenne nationale, soit recycler 70% des déchets urbains des entreprises, entre autres le papier et les déchets verts. Une politique respectueuse de l'environnement concerne bien évidemment la gestion des déchets, mais aussi, plus en amont, consiste en une politique de non-production ou de production minimale des déchets. Cela implique aussi les émanations de CO2, bien entendu.
Les motions 1811, 1812 et 1813 ont effectivement été déposées dans une période polémique - c'est ce que je vous disais tout à l'heure - et je ne reviendrai pas là-dessus.
Plusieurs centres de récupération ont été créés, à la Praille particulièrement, très bien utilisés par ailleurs par les usagers, les citoyens de ce canton, de même que les déchetteries communales. Malheureusement, j'ai pu remarquer, en tout cas dans ma commune, que beaucoup de personnes n'étaient pas encore au courant de ce qu'il fallait mettre à quel endroit. Dans ce cas-là, une politique d'information et une politique volontariste en ce qui concerne la gestion des déchets doit continuer. Il est important que l'Etat poursuive le travail commencé ces dernières années. Notre société n'est pas un exemple parfait, et peut-être que notre esprit latin fait que nous ne sommes pas irréprochables dans le tri de nos déchets.
Par rapport à la motion, je ne vais pas répéter ce qui a été dit par le rapporteur. En revanche, je rajouterai que, pour nous les Verts, non seulement il faut toujours trier les déchets, mais il y a aussi un problème dans la production de ces derniers. Une possibilité, qui a déjà été suivie par une grande «multicantonale» et peut-être multinationale, est d'interdire les sacs en plastique. Nous avions rédigé une motion dans ce sens et nous maintenons que ce sujet est toujours d'actualité.
Je pense avoir tout dit. Je vous demande de voter toutes les motions, et surtout de renvoyer la motion 1890 au Conseil d'Etat.
M. Fabiano Forte (PDC). On a assisté à un épisode de «Retour vers le passé» ! On connaît les films «Retour vers le futur» 1, 2 et 3... Il est vrai que le débat avait «enflammé» la république, c'est le moins que l'on puisse dire lorsque l'on parle d'incinération des déchets.
Le mérite des travaux de la commission, présidée en son temps par notre collègue Antoine Bertschy, a été de dépassionner ce débat, de poser les vraies questions, en dehors de tout acte politique ou polémique. Et, comme l'a dit notre collègue Bertschy, l'ensemble de ces motions qui nous sont soumises ce soir ont été votées à l'unanimité de la commission de l'environnement et de l'agriculture. Mais peut-être que le commissaire MCG qui participait au débat de manière active était, lui, un tout petit plus assidu, un tout petit plus assis sur chaise, et un tout petit plus participatif dans les débats. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à suivre les conclusions du rapport.
M. Eric Leyvraz (UDC). Nous rappelons aussi que ce rapport de la commission a été accepté de façon unanime. Du reste, j'ai une pensée émue pour mon collègue MCG, qui était présent et a fait du bon travail.
Plusieurs motions exprimant l'inquiétude des députés sur la politique du Conseil d'Etat concernant le fonctionnement des Cheneviers avaient vu le jour. Depuis cette période, des réponses satisfaisantes ont été données. La diminution du volume des déchets genevois entraîne la fermeture d'un four dans la centrale d'incinération. C'est plus logique que de combler ce déficit d'alimentation par une augmentation des arrivées d'ordures de l'extérieur, ce qui n'était pas très incitatif pour encourager nos concitoyens à trier leurs poubelles.
Maintenant, nous sommes franchement devant la mise en place d'une politique réaliste et correcte de la gestion des déchets. Certains points dans cette motion sont importants et méritent des éclaircissements et des réponses du Conseil d'Etat, raison pour laquelle nous vous convions, chers collègues, à la lui renvoyer.
Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup des invites des motions 1811, 1812, 1813 et 1820 sont en cours d'accomplissement ou déjà réalisées. Afin d'éviter de nombreux, longs et fastidieux débats houleux et populistes - on en a eu une petit échantillon tout à l'heure - la sagesse de tous les commissaires, y compris le commissaire MCG, de la commission de l'environnement a permis d'aboutir à cette motion 1890.
Cette motion donne un signal fort de la volonté d'agir pour un traitement des déchets efficace, réfléchi, avec un souci d'économie d'énergie mais aussi de production d'énergie écologique, avec une information régulière à la population sur les émissions et une incitation au tri des déchets plus importante.
Le parti radical vous demande donc de rejeter les motions 1811, 1812, 1813 et 1820, et de renvoyer avec enthousiasme la motion 1890 au Conseil d'Etat.
Des voix. Bravo !
M. René Desbaillets (L). Mesdames et Messieurs les députés, la bombe «thermo-Stauffer» qui devait éclater avec les déchets napolitains, en définitive, a fini en pet de lapin... (Rires.) ...une fois que l'on a eu écouté et auditionné les responsables, notamment M. Chambaz, de la direction générale de l'environnement. Après cet allumage de mèche, la commission a eu la sagesse de ne pas polémiquer, de ne pas politiser le problème des déchets et de se mettre d'accord sur la motion qui vous est présentée, la M 1890.
Je ne veux pas revenir sur toutes les invites, mais je pense personnellement qu'une invite importante est de diminuer des déchets. A ce sujet, je vous rappelle la fameuse histoire de l'artichaut de notre ami Coluche, dans laquelle, quand vous avez fini de manger l'artichaut, vous en avez plus dans l'assiette qu'au départ. Et à l'heure actuelle, quand vous faites vos achats, que ce soit des produits alimentaires, des jouets ou du matériel électronique, vous avez plus de déchets que de matière de l'article que vous avez choisi. Il faut absolument faire en sorte de diminuer ces déchets. Parce que les déchets les moins chers et les plus faciles à éliminer, rappelons-le, sont ceux que nous n'avons pas produits !
Je ne veux pas prolonger mon intervention. Eliminons toutes les motions et réunissons-nous tous ensemble autour de la M 1890, que je vous recommande de renvoyer au Conseil d'Etat.
Mme Marie Salima Moyard (S). Je vais me joindre à ce concert de louanges et d'encouragements à voter cette motion pour la renvoyer directement au Conseil d'Etat. Je mettrai néanmoins l'accent sur deux éléments importants pour le groupe socialiste. Si l'on reprend les invites, bien entendu, la première et la deuxième sont logiques. L'information à la population paraît une évidence. C'est en cours de réalisation et cela paraît simplement normal. En ce qui concerne le tri des déchets, on est sur la bonne voie, mais on peut faire encore mieux.
Au sujet de la limitation de la production des déchets, on peut même faire largement mieux. Et le PS aurait bien voulu conserver une invite quelque peu plus forte. Un problème de relation avec le droit supérieur a été évoqué. On peut le comprendre, mais une motion reste un postulat politique qui doit donner une impulsion importante au Conseil d'Etat.
La quatrième invite reviendra rapidement sur la table, notamment avec le travail que la commission de l'énergie mène actuellement concernant les différents moyens de produire une énergie propre, ou du moins plus propre, pour ce canton.
J'aimerais revenir ensuite sur le regret du parti socialiste que l'invite concernant l'impact social et économique sur le personnel des Cheneviers, dû à la fermeture du four 3, n'ait pas été conservée. Bien sûr, il y avait unité nécessaire de la matière. Mais, encore une fois, une motion est une posture, particulièrement en ces temps de crise. Le PS est néanmoins rassuré, parce qu'il semblerait que les différentes personnes concernées aient été replacées relativement correctement.
Enfin, la dernière invite, concernant la pensée globale, également en matière de déchets de la région franco-valdo-genevoise, nous paraît une évidence.
Donc malgré ces quelques réserves, le parti socialiste vous appelle au refus des différentes motions dont ce rapport faisait rapport - précisément - et au renvoi unanime de la motion 1890 au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole n'est plus demandée... M. Stauffer la réclame, mais son temps de parole a été largement dépassé. Nous allons donc nous prononcer sur ces motions. La proposition du rapporteur est de refuser les quatre premières propositions de motions et d'accepter de renvoyer la dernière au Conseil d'Etat. Nous procédons au vote de chaque motion, une par une.
Mise aux voix, la proposition de motion 1811 est rejetée par 71 non contre 14 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1812 est rejetée par 56 non contre 14 oui et 12 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1813 est rejetée par 63 non contre 15 oui et 8 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1820 est rejetée par 56 non contre 31 oui.
Mise aux voix, la motion 1890 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui et 1 abstention.