République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 décembre 2009 à 17h
57e législature - 1re année - 3e session - 11e séance
M 1817
Débat
Mme Elisabeth Chatelain (S). Mesdames et Messieurs les députés, maintenant que vous nous avez tous annoncé votre souci d'écologie, d'économie d'énergie et du bien de la population, je vous propose une motion pour encourager le covoiturage. (Commentaires. Rires.) Actuellement, le constat qui peut être fait - et à chaque carrefour vous pouvez regarder dans les voitures... (Remarque.) Oui, Monsieur Gros, je parle de voitures ! Pour une fois, ça change !
Généralement, on trouve une personne par voiture, la moyenne étant de 1,1 personne. Je me suis toujours demandée ce que ce 0,1 signifiait, car la plupart du temps on ne le voit pas... Au niveau de la fluidité de nos axes de transports, si par exemple il y avait en moyenne deux personnes par voiture, nous diminuerions drastiquement le nombre de véhicules.
Nous nous trouvons confrontés - et elles sont en commission des transports depuis un certain temps - à des pétitions de différents riverains qui voient leur village traversé par énormément de voitures et où un P+R n'est pas possible, puisqu'il n'y a pas de transports publics performants arrivant dans ces endroits. C'est dans ce sens qu'une réflexion sur le covoiturage pourrait être très intéressante, car on pourrait alors envisager des parkings réservés spécifiquement aux covoitureurs, de façon que les personnes poursuivent ensuite leur route à deux, trois, voire quatre personnes - ce serait encore mieux - par voiture.
Regrouper les trajets pendulaires me semble indispensable. Du reste, il existe déjà un site de la Ville de Genève sur le covoiturage, mais il n'est pas très bien exploité et, à vrai dire, pas très agréable à consulter.
Je souhaite que cette proposition de motion soit renvoyée au Conseil d'Etat pour que celui-ci réalise un test en instaurant quelques parkings réservés aux covoitureurs, et pour que l'on réfléchisse à d'éventuelles conditions préférentielles pour les voitures qui seraient occupées par deux, trois ou quatre personnes, de façon que nous puissions diminuer le nombre de voitures circulant sur nos routes. Pour toutes ces raisons, je vous demande de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il est assez cocasse de noter que, juste avant, nos amis des bancs d'en face se sont opposés à un projet qui allait dans le même sens. Mais vous voyez, nous, au MCG, nous restons cohérents car, pour toute mesure qui peut faciliter et améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, nous serons toujours là pour l'encourager, comme nous l'avons toujours fait.
Alors, oui, cette proposition de motion comporte une bonne idée, le covoiturage, car l'on a vraiment des problèmes avec l'afflux automobile de la zone frontalière, tout le monde le sait. Ce sont 200 000 mouvements de véhicules par jour, et des petits villages comme Soral voient passer 15 000 véhicules chaque matin sur les petites routes de campagne. Mon dieu, si l'on pouvait contraindre, inviter, suggérer à nos amis français de prendre quatre personnes dans une voiture plutôt que de penser qu'une voiture est égale à une personne, je pense que l'ensemble de nos concitoyens seraient satisfaits ! Et c'est vrai que c'est insupportable ce qui se passe tous les matins dans les petits villages qui font frontière.
Et puis, comme vous l'avez tous constaté, le groupe MCG, par le biais de son excellent chef de groupe, Roger Golay, a signé cette proposition de motion, et c'est donc en choeur, avec 17 députés - 9 durant la dernière législature, mais 17 aujourd'hui - que nous soutiendrons le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. N'en déplaise à notre nouvelle conseillère d'Etat ! Vous devrez examiner cela et dépenser des sous pour faire une étude sur la France, puisque c'est la même chose que dans la motion précédente. Là, vous devrez aller regarder en France pour suggérer, inviter, voire contraindre nos amis français à respecter un peu les résidents genevois, parce que les voitures tous les matins, on n'en peut plus !
M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde aujourd'hui se plaint de la saturation des routes genevoises, M. Stauffer vient de le rappeler. Et, une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec lui; c'est vrai, le groupe socialiste aurait pu accepter cette proposition de motion sur les ferries, d'autant que je vous rappelle qu'il est tout à fait possible de faire du covoiturage sur un ferry.
Une voix. Ah !
M. Daniel Zaugg. Les avantages du covoiturage semblent évidents: si l'on met plus de personnes dans un véhicule, il y aura moins de voitures sur les routes, moins de trafic, moins de pollution, moins de bruit. Certes, il y a aussi quelques inconvénients: si vous covoiturez, vous perdez votre indépendance. Il y a des contraintes d'organisation, d'horaire: il faut s'arranger avec son covoitureur, et il n'est pas simple de trouver quelqu'un qui effectue le même trajet que vous en même temps.
C'est une solution qui est en fait adaptée aux personnes qui accomplissent régulièrement des trajets d'une certaine importance. Je ne crois pas tellement au covoiturage entre Soral et le centre-ville, sauf si vraiment on a la chance de trouver quelqu'un qui fait le même trajet que nous.
Lorsqu'on effectue un trajet d'une certaine importance, il y a aussi le partage des frais qui intervient et qui est très intéressant pour les covoitureurs. C'est un dispositif qui est bien adapté aux personnes qui n'ont pas besoin de se déplacer au cours de la journée, puisqu'on est dépendant d'autrui.
En tant que signataire de cette proposition de motion, j'étais prêt à la renvoyer directement au Conseil d'Etat, mais, réflexion faite, je pense quand même que les invites de cette motion méritent d'être retravaillées. En effet, elles demandent au Conseil d'Etat d'étudier ce qui existe en matière d'organisation, chez les voisins, etc. Il s'agit principalement des sites internet, dont certains sont très bien faits, notamment un site français - dont je ne donnerai pas le nom - où, après avoir choisi un point de départ et une destination sur une carte, on peut trouver des personnes qui font le même trajet que soi. Il y a aussi certaines grandes entreprises qui ont des forums internes permettant à leurs employés d'organiser du covoiturage. De nombreux procédés sont donc déjà en place.
La deuxième invite demande au Conseil d'Etat de faire une proposition test et de la mettre en oeuvre rapidement. Je pense qu'il ne s'agit pas de réinventer la roue, car des solutions existent déjà; il s'agit surtout de les faire connaître, de faire leur promotion, pas tant d'en mettre de nouvelles en place.
La dernière invite, qui consiste à envisager des conditions préférentielles pour les covoitureurs, est un tout petit peu problématique. Je ne sais pas à quoi nous avons pensé - puisque je suis aussi signataire de cette motion - en parlant de conditions préférentielles. En effet, il n'est pas simple de pratiquer une défiscalisation, et comment prouver que l'on fait du covoiturage ?
Pour finir, j'ai vu aux Etats-Unis, sur le périphérique de Miami, qu'il existe une voie exclusivement réservée aux véhicules qui transportent plus de deux passagers. Et ça, dans le pays des bagnoles... C'est une solution qui serait transposable chez nous, à condition que nos autoroutes disposent d'au moins trois voies ! Mais, là, j'anticipe peut-être un peu sur la motion suivante. En conclusion, les libéraux soutiendront donc le renvoi de cette motion à la commission des transports.
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, l'Etat fait des dépenses importantes en matière d'infrastructures de transports publics, par exemple en construisant des P+R, mais pour diminuer le trafic pendulaire il existe une solution qui ne coûte rien ou presque: le covoiturage. En effet, aujourd'hui, comme l'a rappelé Elisabeth Chatelain, un grand nombre de voitures circulent avec une seule personne à bord; en moyenne, je crois qu'il y a 1,1 personne par voiture, ce qui est vraiment très peu, donc on pourrait théoriquement diviser le trafic par deux en mettant en oeuvre le covoiturage. La commune de Carouge a récemment organisé un concours de covoiturage pour les entreprises qui se trouvent sur son territoire, et un article de la «Tribune de Genève» relatait des témoignages très positifs de personnes qui ne sont pas forcément obligées d'être voisines et de travailler dans le même bureau, mais qui viennent de la même ville, qui travaillent dans le même quartier à Genève, qui se trouvent des points communs, discutent ensemble et passent ainsi des trajets plus agréables que si elles étaient chacune seules dans leur voiture.
Le covoiturage mérite donc un coup de pouce de l'Etat, par exemple en créant un site pour réunir les covoitureurs potentiels, avec une campagne de communication comme il a pu le faire pour la mobilité douce, et en prenant des mesures du type de celles que citait M. Zaugg, qui consistent à donner des facilités de circulation aux voitures transportant plusieurs passagers.
Nous vous encourageons donc, puisque le thème est assez clair, à renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, qui nous fera rapport et, on l'espère, agira dans notre sens.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais préciser, notamment suite aux propos de M. Stauffer vous lui transmettrez, Monsieur le président ! - quelques conditions-cadres qui favorisent le covoiturage. Pour encourager les automobilistes à voyager à plusieurs dans une même voiture, que ce soit de la France voisine ou d'un village genevois ou vaudois, l'une des mesures les plus élémentaires consiste à faire payer le stationnement, parce qu'évidemment, si l'on n'a pas une petite contrainte financière au bout du trajet, ce n'est pas très motivant et l'on peut se demander pourquoi l'on devrait s'arranger avec ses voisins. Donc, l'une des mesures les plus élémentaires pour favoriser le covoiturage, c'est de rendre le parking payant, et bien entendu de contrôler ce parking afin que les personnes qui ne règleraient pas le montant dû soient sanctionnées. Et ça, ce sont des mesures élémentaires. Jusqu'à ce jour le MCG a exprimé à plusieurs reprises son opposition au contrôle du stationnement, et par là même il encourage le flux de voitures qui submerge les villages genevois. J'aimerais donc simplement vous rendre attentifs au fait qu'une politique cohérente qui vise à inciter le covoiturage doit aussi faire payer les coûts du stationnement, et en priorité, parce que c'est la motivation première des automobilistes pour se mettre ensemble afin d'effectuer un même trajet.
Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical soutiendra le renvoi de cette proposition de motion en commission. En effet, il semble intéressant d'étudier toutes les possibilités de covoiturage, mais pourquoi pas aussi de «comotorage» ou autres «co» possibles. Nous pensons que cela mérite des discussions en commission, raison pour laquelle le parti radical votera le renvoi à la commission des transports.
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je prends pour la première fois la parole dans cette enceinte, et c'est avec plaisir que je le fais sur ce sujet. Vous le savez, à Copenhague on est apparemment assez loin d'un accord. Il me semble donc qu'une mesure telle que celle qui est proposée ici, aussi symbolique soit-elle, donnerait un signe qu'il faut quand même aller de l'avant. A ce titre, le groupe démocrate-chrétien n'est absolument pas en contradiction, en soutenant ce genre de projets, avec ce qu'il a défendu concernant l'affaire des ferries.
Il y a un avantage dans le covoiturage, c'est que l'on ne stigmatise pas la voiture, mais on vise à son utilisation optimale. De toute évidence, et cela a été largement rappelé, cette utilisation est loin d'être optimale. Je relève tout à fait volontiers les positions des communes périphériques, mais aussi de toutes les communes genevoises, s'agissant de ce trafic assez insupportable.
Il nous paraîtrait intéressant d'aller assez vite avec ce genre de proposition, raison pour laquelle il semblerait quand même justifié de la renvoyer directement au Conseil d'Etat, quand bien même un certain nombre d'éléments pourraient être étudiés en commission des transports. Nous serions tout à fait disposés à renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, voilà la position du groupe démocrate-chrétien.
M. Stéphane Florey (UDC). Pour le groupe UDC, il est bien clair que ce n'est pas à l'Etat de s'occuper de cette problématique. A mon sens, il a bien d'autres chats à fouetter ! Pour nous, cela relève de la responsabilité individuelle de chacun et de la liberté de savoir si l'on veut ou pas pratiquer le covoiturage. Nous estimons que la population attend autre chose qu'une étude sur le covoiturage pour améliorer la situation de la circulation dans notre canton. Pour toutes ces raisons, l'UDC refusera cette proposition de motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste une minute.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Je ne peux que regretter la prise de position de l'UDC, parce que cela va dans le même sens que les ferries, et je ne comprends pas ! J'aimerais réagir aux propos de mon collègue Roger Deneys vous lui transmettrez, Monsieur le président: en termes de cohérence politique, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir ! Nous, vous savez, nous aimons bien que nos concitoyens genevois, ceux qui résident à Genève, puissent circuler avec leur voiture si ça leur chante ou prendre les TPG s'ils en ont envie, puisque finalement les TPG sont subventionnés avec les impôts des Genevois. Par contre, ce qui nous dérange, c'est lorsque les résidents genevois - vous savez, ces gens qui habitent Genève, qui ont voté pour nous, qui ont fait que nous sommes au Grand Conseil - ne peuvent plus circuler, parce qu'il y a un tel afflux de voitures frontalières que ça pollue tous les villages proches de la frontière et engorge le centre-ville. Et finalement, vous le verrez, démonstration sera faite dans quelques années
Le président. Il vous reste cinq secondes, Monsieur Stauffer !
M. Eric Stauffer. Eh bien oui, mais vous m'en avez fait perdre dix en m'interrompant, Monsieur le président !
Vous le verrez donc dans quelques années avec le CEVA: les frontaliers ont négocié des places de parking chez leurs employeurs, et par conséquent, le CEVA, ils ne le prendront pas ! Alors nous pensons que le covoiturage est une bonne solution, parce que c'est un transport individuel. Et si, à l'avenir, les socialistes veulent faire du covoiturage pour parler, vous verrez que l'on économisera du temps et donc de l'argent pour les contribuables !
M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Stauffer que lorsqu'on dit que la population attend autre chose, on parle justement de solutions concrètes, comme la possibilité de traverser le lac en ferry. J'ajoute que M. Zaugg a entièrement raison de relever l'existence des sites internet, mais je rappelle aussi qu'il y a d'autres possibilités, comme celle qui a consisté cet été j'en ai suivi une partie - à faire des annonces tous les jours à la radio concernant du covoiturage pour se rendre au Paléo Festival, et cette opération a très bien marché ! Cela démontre donc que l'Etat n'a pas besoin de s'en occuper, car il y a d'autres organismes pour cela.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Cette proposition de motion est accueillie très favorablement par le Conseil d'Etat. Contrairement à ce qu'a dit M. Florey, elle propose une solution extrêmement concrète; il existe plusieurs possibilités - M. Zaugg et d'autres intervenants en ont décrit certaines - par exemple, les sites internet. Il faut qu'on les étudie à Genève et qu'on les mette à disposition, peut-être par l'entremise du département et de la direction de la mobilité, car il y aura là un effort à faire sur l'information, c'est clair. En outre, ce ne sont pas des mesures très coûteuses que celles qui consistent à mettre à disposition un site performant permettant de s'inscrire pour du covoiturage. Enfin, j'aimerais rappeler à M. Stauffer que les voitures polluent quelle que soit la couleur de leur plaque ! En conclusion, nous accueillerons très favorablement cette proposition de motion.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1817 à la commission des transports est rejeté par 61 non contre 28 oui.
Mise aux voix, la motion 1817 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 61 oui contre 17 non et 11 abstentions.