République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1907
Proposition de motion de MM. Guy Mettan, Mario Cavaleri, Didier Bonny, Fabiano Forte, Pascal Pétroz, Michel Forni demandant la création d'un Service de législation

Débat

Le président. La parole, j'imagine, va être demandée par le PDC qui a déposé cette proposition de motion. (Commentaires.) Je vous avoue que l'on trouve mon nom dans la liste des signataires, mais je peux difficilement intervenir ! M. Forte... Non, c'est M. Jornot qui a demandé la parole en premier... (Remarque.) Oui, d'accord, ce sera M. Forte, puisqu'il est cosignataire.

M. Fabiano Forte (PDC). Merci, Monsieur le président; je prends la balle au bond. Il s'agit, avec cette proposition de motion, de faire en sorte que notre canton se dote d'un service de législation, au même titre que le canton de Fribourg, qui permette de dépoussiérer un peu les choses. En effet, notre parlement légifère - parfois beaucoup trop - mais à aucun moment il n'y a un contrôle, un véritable contrôle, de ce que fait ce parlement. On ne contrôle pas si les lois que nous votons annulent une autre disposition déjà existante ou si elles servent à quelque chose. Car oui, il nous arrive de voter des textes qui ne servent à rien, Mesdames et Messieurs les députés ! Il s'agit de se doter d'un véritable instrument, afin que, comme dans d'autres cantons - Fribourg est exemplaire en la matière - nous puissions légiférer, voter des lois qui tiennent la route. Il nous arrive en effet de voter des textes un peu bringuebalants, parce que nous sommes un parlement de milice - nous représentons le peuple - ce qui a ses avantages, mais aussi ses défauts.

Donc il s'agit là de doter notre administration, mais surtout notre parlement, d'un instrument important de législation qui contrôle les textes que nous déposons, qui appuie le parlement et fasse en sorte que, à un moment donné, lorsque nous déposons un projet de loi, nous puissions vérifier que ce dernier annule une autre loi. Le système britannique le prévoit. Le parlement britannique, quand il vote une loi, s'assure que la loi votée annule d'autres dispositions précédentes. C'est un instrument qui nous permettra d'être beaucoup plus efficaces et surtout efficients.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'imagine, Monsieur Forte, que vous demandez le renvoi à la commission des droits politiques...

M. Fabiano Forte. Monsieur le président, je demande le renvoi à la commission législative.

Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste soutient cette proposition de motion. Nous pourrions examiner cet objet à la commission législative. On se rappelle les couacs qu'il y a eu dans cette république, par rapport à la fumée et à des textes relatifs à des initiatives, où effectivement des erreurs ont été faites. Il est vrai aussi que l'on a pléthore de textes, que ce soient des initiatives ou d'autres textes législatifs. Donc le groupe socialiste appuie le renvoi de cette proposition de motion à la commission législative.

M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, la qualité de la législation est un objectif qu'il est bon de rechercher, non pas pour faire de l'art pour l'art, mais pour, au final, avoir des lois qui retranscrivent en effet la volonté politique de ce parlement, respectivement du peuple. Le groupe libéral partage l'objectif poursuivi par le parti démocrate-chrétien au travers de cette proposition de motion. Il est également prêt à réfléchir sur le principe de la création de ce service de législation tel qu'il est demandé dans cette motion. Mais d'ores et déjà, nous aimerions attirer l'attention de ce parlement sur quelques difficultés.

Premièrement, il ne faudrait pas que la création d'un service de législation rattaché à la chancellerie, comme le demande la motion, aboutisse de fait à une subordination de notre parlement, en particulier du Secrétariat général du Grand Conseil. Ce dernier se retrouverait dans la situation qui était la sienne il y a quelques années, c'est-à-dire celle de supplétif de la chancellerie. Or nous avons réformé cela précisément pour que notre parlement, en tant que pouvoir, retrouve son indépendance et puisse édicter ses lois sans être soumis dans les faits au pouvoir des autres.

Il conviendra aussi de se souvenir - c'est le deuxième point auquel il faudra réfléchir - que même si nous sommes favorables à avoir de belles lois, même si nous partageons ce que les Vaudois appellent «l'amour des lois» dans leur hymne, il ne faut pas pour autant oublier que le principal est la volonté politique. Et il ne faudra pas aliéner la liberté de ce parlement d'adopter les lois qu'il souhaite adopter, puisque nous avons cette particularité, en regard des autres parlements de la Suisse, de traduire à peu près toutes nos décisions sous la forme de lois.

Ce sont les deux points auxquels il faudra être prudent lors de l'examen de cette motion. Et je crois en effet, comme le suggère avec beaucoup d'à-propos M. Forte, que la commission législative est la mieux à même de se pencher sur cette problématique.

Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soulignent le souci de clarté du PDC, mais ne sont pas convaincus que cette motion apportera les bonnes solutions. Nous sommes, comme l'a dit M. Jornot, effectivement un parlement ayant le privilège de détenir le pouvoir législatif complet, puisque nous votons nos propres lois. Nous avons donc, à ce titre, cette possibilité qui nous est accordée, et nous devons l'assumer en tant que telle. Or nous ne sommes pas du tout certains qu'un service de législation qui serait rattaché, soit à la chancellerie, soit à un autre service de l'Etat, serait utile, puisqu'il en viendrait finalement à effectuer le travail des députés.

En conséquence, nous pensons que renvoyer cette motion à la commission législative ne sert à rien, car elle va se perdre dans l'ordre du jour. S'il y a quelque chose à faire, il faut précisément profiter de cette nouvelle législature. Et renvoyer cette motion à la commission législative, c'est en fait l'enterrer. Par conséquent, nous pensons qu'il est préférable que nous la refusions tout simplement et que chacun s'efforce de produire des textes corrects en s'adressant aux bonnes personnes, qui sont au courant, chacune dans son département, des points juridiques précis.

M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG estime que la situation actuelle convient. Nous ne voyons pas le but, ou en tout cas l'intérêt, d'instituer un nouveau service de législation, qui va surtout créer de nouveaux postes à charge du budget. Donc nous refuserons cette motion et le renvoi en commission.

M. Fabiano Forte (PDC). J'aimerais préciser un certain nombre de menus éléments. On a parlé du privilège qui est le nôtre de déposer des projets de lois. Il est vrai que nous sommes le seul parlement dans cette Confédération, d'après ce que je sais, où les députés peuvent déposer des projets de lois. Mais à aucun moment, dans cette motion, Madame Baud... Où est-elle, a-t-elle quitté la salle ? Ah, vous êtes là ! (Remarque.) Alors, Monsieur le président, vous transmettrez à votre voisine de gauche, Mme Baud, qu'à aucun moment dans notre motion il n'est écrit que nous souhaitons supprimer ce privilège ! Bien au contraire, ce que nous souhaitons, c'est que ce privilège soit un peu plus cohérent.

Quant au fait que cette motion, si nous la renvoyons à la commission législative, se perdrait dans les méandres de l'ordre du jour, qui compte 155 points, et serait oubliée... J'aimerais simplement vous rappeler, Monsieur le président, et chère collègue Madame Baud, qu'il n'y a plus rien à l'ordre du jour de la commission législative. Donc cette commission pourra traiter avec la véhémence et la rapidité requises ce sujet important. Et nous nous réjouissons de pouvoir en rediscuter par-devant ce parlement.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de rappeler aux motionnaires qu'il existe aujourd'hui un service de législation rattaché à la chancellerie et dont le Conseil d'Etat est enchanté des prestations. Permettez-moi aussi de vous rappeler que la création d'un service, autrement dit l'organisation de l'administration, est de la seule compétence du Conseil d'Etat. Toutefois, nous sommes sensibles au fait que les motionnaires souhaitent améliorer la qualité légistique de leurs travaux.

Nous sommes particulièrement sensibles au fait qu'ils souhaitent éviter quelques couacs fâcheux tels que ceux qui ont pu se produire. Par conséquent, rien n'empêche le Grand Conseil, s'il le désire, de se doter, parmi son personnel propre, de quelques spécialistes de cette question et de l'organiser en service dans le cadre du Grand Conseil. Car à défaut, la remarque de M. le député Jornot pourrait être fort pertinente. Il faudrait également éviter, Mesdames et Messieurs les députés, que les deux services de légistique en viennent à avoir des avis divergents qui puissent, par exemple, regrettablement compliquer la situation.

Je crois dès lors qu'il est légitime, compte tenu de notre but commun - l'amélioration de la production des lois, de même qu'un travail en harmonie et en cohérence entre le Conseil d'Etat et le Grand Conseil - que cette motion soit effectivement renvoyée à la commission législative et que nous examinions soigneusement comment parvenir à ce but commun, sans si possible créer une usine à gaz.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1907 à la commission législative est adopté par 63 oui contre 22 non.