République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 juin 2009 à 15h
56e législature - 4e année - 10e session - 49e séance
P 1655-A
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse. Je tiens à dire que le contenu des auditions, relativement nombreuses, a été très intéressant et plein d'enseignements pour tous les membres de la commission. Mais comme le Conseil d'Etat venait de décider de renoncer à l'incinération des déchets napolitains, la pétition n'avait plus de sens. De ce fait, la commission a décidé de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, ce que je vous enjoins vivement de faire.
M. Eric Stauffer (MCG). Voilà donc bien la preuve par l'absolu de ce que je disais. On voit très bien Mme la socialiste défendre un autre socialiste et l'Alternative. En effet, je vous rappelle que le président des Services industriels est un socialiste et qu'il ne faut surtout pas désavouer ses propres collègues. Nous nous souviendrons aussi de l'illustre M. Brunier, qui était directeur de la communication aux Services industriels et qui, lui aussi, avait prôné l'importation des déchets napolitains, pour une question de fric. C'est que les bonus de la direction générale et le salaire - mirobolant ! - ou plutôt le dédommagement, de Daniel Mouchet, socialiste, président des Services industriels - je vous le rappelle au cas où vous auriez oublié: 440 000 F pour un poste à 40% - dépendaient évidemment de la manne financière de l'importation de ces déchets à travers l'Europe ! (Brouhaha.)
Ce qui est inique, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le donne en mille, c'est que l'Italie exporte ses déchets en Allemagne, puisque l'Allemagne avait de la capacité. Or l'Allemagne a négocié avec les Services industriels de Genève pour que les Cheneviers brûlent des déchets allemands parce que les moyens leur permettant de le faire en Allemagne sont en sous-capacité. Mais pour finir, qui veut-on prendre pour des imbéciles ?! Il y a des réseaux mafieux ! Des commissions à coups de dizaines de millions sont négociées, puisque l'Italie exporte en Allemagne, que l'Allemagne exporte en Suisse, et que l'on fait ainsi traverser les déchets dans toute l'Europe. C'est un véritable scandale ! Les Services industriels se sont prêtés au jeu et ont été complices de cette situation. Et notre conseiller d'Etat, Robert Cramer, qui brille une fois de plus par son absence, ne nous dira rien sur ces événements tant il a été... (Brouhaha.) ...absent du débat ! Restons courtois et réglementaires dans cette discussion.
Eh bien je vous le dis, Mesdames et Messieurs, tant et aussi longtemps que le MCG siégera dans cette assemblée, il n'y aura plus jamais d'importation de déchets européens ! L'usine des Cheneviers doit incinérer les déchets de la région, c'est largement suffisant. (Brouhaha.) Et si l'usine des Cheneviers est surdimensionnée, il faudra en réduire la voilure, parce qu'une chose n'est pas négociable dans ce canton pour les Genevois: leur santé.
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs, à ne pas voter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, ce qui serait un enterrement de première classe, mais à la renvoyer au Conseil d'Etat, pour remettre ce dernier - une fois de plus - face à ses responsabilités et, surtout, face à ses contradictions ! En effet, au risque de me répéter, on se souviendra que, grâce à la visite du MCG dans la ville de Naples... (Brouhaha.) ...le Conseil d'Etat a fait une volte-face historique le lendemain, le 11 mars 2008, et qu'il s'est plié, à ce moment-là, à l'injonction du Mouvement Citoyens Genevois de ne plus importer de déchets venant de l'autre côté de l'Europe.
Je vous avertis encore que le MCG reviendra très prochainement sur la problématique des déchets allemands - et autrichiens ! En effet, nous avons appris que les SIG - maintenant qu'ils ont réussi, avec la complicité du gouvernement, à me révoquer de mon poste d'administrateur - sont partis du principe que plus personne ne s'opposerait à leurs petites magouilles; ils sont en train de renégocier des contrats avec l'Autriche pour importer des déchets autrichiens, puisque ce pays importe maintenant des déchets d'Allemagne. Et on continue le petit circuit des commissions pour engraisser... C'est ce que l'on appelle de la corruption ! Il faut que l'on se parle franchement: nous sommes en famille et on peut avoir un langage suffisamment franc. (Brouhaha.)
J'attends que le gouvernement vienne s'expliquer sur ce qui s'est passé avec les déchets napolitains. Je souhaiterais que ce gouvernement vienne, devant la population, se justifier d'avoir été aussi loin dans le mensonge... (Brouhaha.) ...puisque nous nous souviendrons que Robert Cramer lui-même a dit: «J'ai donné instruction d'accélérer le processus d'importation des déchets napolitains. Nous sommes en tractations avec les autorités italiennes»... Mensonge que nous avons démasqué ! Il n'y a jamais eu de négociations avec le gouvernement italien ou la Ville de Naples, mais simplement avec des intermédiaires français, qui eux prenaient énormément de commissions. Et nous aimerions, avec la population, connaître le fin mot de cette histoire.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je voulais seulement vous dire ma déception de voir certaines attaques personnelles dans ce parlement et rappeler à celles et ceux qui nous écoutent, et à vous Mesdames et Messieurs les députés, que, au Conseil d'administration des Services industriels, M. Stauffer avait commencé par approuver l'importation des déchets napolitains ! (Exclamations. Applaudissements. Protestations.)
M. Eric Stauffer. C'est un mensonge !
Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Unger.
M. Eric Stauffer. C'est un mensonge ! (Brouhaha.) Vous mentez ! (Commentaires. Le président agite la cloche.)
Le président. Taisez-vous, Monsieur Stauffer !
M. Eric Stauffer. Monsieur le président, je suis mis en cause... (Protestations.)
Le président. Non, pas du tout ! (Protestations de M. Eric Stauffer. Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Vous êtes de piètres députés ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, c'est à vous.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous n'allons pas réécrire ici la saga des déchets napolitains, sur lesquels mon collègue Robert Cramer a pu s'exprimer à plusieurs reprises pour donner les explications nécessaires à la compréhension de ce qui s'était passé. Lorsque quelqu'un demande à un établissement public autonome s'il peut ou non faire un certain nombre de choses, cet établissement public autonome instruit cette demande et doit ensuite référer, pour une décision de cette importance, au Conseil d'Etat. Et lorsque les Services industriels ont, s'agissant des déchets napolitains, référé au Conseil d'Etat, la position de ce dernier, compte tenu des doutes sur l'innocuité de ces déchets - parce qu'il avait été précisé que des importations n'étaient possibles qu'à la démonstration de leur innocuité - celle-ci n'ayant pas été démontrée, le Conseil d'Etat a interdit l'importation de ces déchets.
Pour le reste, je suis un peu surpris. Même si - on l'a entendu - un député dans cette assemblée expliquait à plusieurs reprises que, en tant que citoyen représentant du peuple comme député et en tant que membre d'un conseil d'administration, il pouvait profiter des informations des uns pour nourrir les activités des autres, il oublie de dire qu'il a généré une procédure judiciaire s'agissant de sa révocation. C'est la raison pour laquelle vous n'entendrez pas un conseiller d'Etat s'étendre beaucoup sur ce propos, puisqu'il n'est pas dans la coutume du Conseil d'Etat d'interférer par un jugement - de quelle que nature que ce soit sur qui que ce soit - pendant une procédure judiciaire ! Nous attendrons donc le résultat de la procédure judiciaire pour entendre les commentaires de l'un et, peut-être, les réactions de l'autre. (Commentaires.)
Enfin, il y a des choses que l'on ne peut pas laisser passer, quelle que soit la température qui vous anime et qui ressemble à celle du four des Cheneviers... (Rires.) On ne peut pas entendre, Monsieur le député, traiter un collègue du Conseil d'Etat de quelqu'un de corrompu.
M. Eric Stauffer. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
Une voix. «Incompétent» !
M. Pierre-François Unger. «Incompétent», on a toujours le droit de le dire, c'est le débat politique, je n'ai aucun état d'âme. Vous avez parlé de corruption, j'ai noté ce mot.
M. Eric Stauffer. Les réseaux mafieux, absolument.
Le président. Taisez-vous, Monsieur Stauffer, vous n'avez pas la parole !
M. Pierre-François Unger. Vous avez parlé avec suffisamment de confusion - et c'est aussi politique - vous êtes en règle générale confus, «amalgameur» et désagréable. Cela se vérifie aujourd'hui par l'amalgame du mot de corruption non seulement à des réseaux mafieux, mais aux récipiendaires d'une information qui ont pris la décision d'interdire l'importation de ces déchets. Alors cela, Monsieur le député, excusez-moi, mais je le dis aussi clairement pour celles et ceux qui nous entendent, ce n'est tout simplement pas acceptable !
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer. J'assume !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur la proposition de la commission, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'environnement et de l'agriculture (dépôt de la pétition 1655 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 5 non.