République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 juin 2009 à 17h
56e législature - 4e année - 9e session - 47e séance
PL 10199-A
Suite du deuxième débat
Le président. Hier, nous avions terminé nos travaux à l'article 32, que nous avions amendé. Nous sommes maintenant à l'article 33, page 325 du rapport, et nous poursuivons notre deuxième débat. Article 33... (Remarque.) Je vous en prie, Monsieur Deneys, vous avez la parole.
M. Roger Deneys (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, afin de vous rafraîchir la mémoire et de vous remettre tout de suite dans le bain, je voulais quand même faire un commentaire à propos du vote de l'article 32 que nous avons effectué hier soir, parce que... (Protestations.) Parce que, quand on dit que nous avons réalisé des travaux... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Quand on dit que nous effectuons des travaux sérieux en commission, mais qu'on voit comment s'est déroulé le vote sur l'article 32, avec des dispositions contraires au droit fédéral, eh bien, cela prouve simplement que le travail en commission n'était pas sérieux !
Le président. Merci, Monsieur le député. Je reprends à l'article 33.
Mis aux voix, l'article 33 est adopté, de même que les articles 34 à 38.
Le président. A l'article 39, nous sommes saisis d'un amendement présenté par l'UDC. Il s'agit d'une nouvelle teneur de l'alinéa 1: «Est déduit du revenu net annuel: a) 10 000 F pour chaque charge de famille; b) 5000 F pour chaque demi-charge de famille. Lorsqu'une personne est à charge de plusieurs contribuables, la déduction est répartie entre ceux-ci.» Je donne la parole à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Comme je l'ai expliqué hier, le groupe UDC est quelque peu déçu des résultats des travaux de la commission fiscale, en partie à cause de cet article 39, alinéa 1. Il faut se rappeler que projet de loi initial ciblait une baisse de 12 000 F par charge de famille; ensuite, le département est venu en commission présenter ses arguments, puis la commission a accepté de ramener ce chiffre à 10 000 F, ce qui paraissait encore trop élevé au département. Ce dernier est revenu avec une nouvelle proposition, «Oui, 10 000 F, c'est trop élevé...», et il aurait préféré 8000 F. La commission n'est pas allée jusque-là et elle en est, heureusement, restée à 10 000 F.
Le problème, c'est qu'ensuite le département nous a expliqué qu'il faudrait différer la mesure, pour diverses raisons que je ne vais pas développer ici afin de ne pas refaire le débat de commission. Et là, malheureusement, même l'Entente - en particulier le PDC - s'est aplatie devant ces explications et a accepté la mesure consistant à différer en deux temps la baisse telle que proposée. C'est alors que nous, groupe UDC, avons voté contre cette mesure. Si vous vous référez au rapport, vous verrez que nous avons voté non à cet article: nous n'avons pas voté non à la baisse de la déduction pour charges de famille, mais bel et bien contre le report en deux temps de la mesure ! Chose qui n'est malheureusement pas relatée dans le rapport.
Si le groupe UDC dépose cet amendement, c'est pour revenir à un minimum de bon sens, puisque la commission avait axé ses travaux dans le but d'aider précisément les familles ! Or, par deux fois, le but initial a été revu à la baisse. Nous déposons donc cet amendement, afin que la mesure entre pleinement en vigueur le 1er janvier 2010, et non pas en deux temps comme l'indique le projet de loi.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous allons donc nous prononcer l'amendement, que j'ai lu préalablement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 7 oui et 4 abstentions.
Le président. Au même article 39, nous sommes saisis d'un deuxième amendement UDC concernant l'alinéa 2, lettre c) (nouvelle teneur). Après les mots «[...] incapable de subvenir entièrement à leurs besoins» sont ajoutés les termes: «domiciliés dans le canton». Le reste du paragraphe demeure inchangé. Je donne la parole à M. Bertschy.
M. Antoine Bertschy (UDC). Le groupe UDC tient à apporter une précision concernant cet article de loi. Il faut que cette déduction pour charges de famille puisse apporter de l'aide uniquement aux parents qui sont domiciliés dans le canton. Pourquoi ? Je dirai qu'il y a deux raisons à cela. C'est bien d'aider des parents qui habitent à l'autre bout du monde, néanmoins il y a la question du contrôle: ce dernier ne peut pas être effectué si nous avons affaire à des parents domiciliés à Port-au-Prince ou à Bangkok...
L'autre problème est que les montants inscrits dans la loi ne représentent pas la même valeur à Genève qu'à d'autres endroits dans le monde; si quelqu'un dispose de quelque 1000 F pour vivre à Port-au-Prince, il le peut relativement bien, tandis que cela n'est pas possible à Genève.
C'est pourquoi nous pensons que cette déduction peut avoir lieu uniquement dans un cadre économique semblable au nôtre, c'est-à-dire le canton de Genève.
M. Roger Deneys (S). Tout d'abord, je suis ravi d'apprendre que l'UDC est en faveur du regroupement familial et qu'elle souhaite que les parents de personnes résidant à Genève puissent les rejoindre quand elles sont dans la difficulté, quand elles sont retraitées et qu'il faudrait pouvoir s'en occuper... C'est une mesure sociale que je salue et je suis heureux de savoir que l'UDC souhaite que des familles puissent se réunir ici à Genève... Bien entendu, l'UDC a évoqué des abus qui ont été commis je ne sais où en Afrique et a relevé qu'il fallait lutter contre ces derniers, incertains.
Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ne peuvent évidemment pas accepter cette proposition d'amendement. Les gens qui aident leurs proches méritent un profond respect. Si des personnes choisissent de résider à l'étranger, pour différentes raisons - peut-être parce qu'elles ne peuvent pas venir en Suisse pour le moment ou parce qu'elles préfèrent le climat méditerranéen au brouillard genevois, c'est tout à fait légitime ! Et l'on peut se réjouir que des personnes de Genève se rendent ailleurs, si elles veulent y passer leurs vieux jours. Aussi, pour cette simple raison, cet amendement n'est pas acceptable.
De plus, Monsieur Florey, vos arguments sont particulièrement étranges. Hier soir, nous avons parlé des forfaits fiscaux en disant qu'il s'agissait de personnes qui payaient des impôts à Genève sans y habiter et sans y travailler; or, là, on s'en fiche pas mal, on ne contrôle jamais ce qui se passe ! D'ailleurs, il n'y a pas très longtemps, il y a eu un cas célèbre, c'était le roi d'un état voisin - le roi d'Italie, si je me souviens bien - qui avait des activités commerciales en Suisse et bénéficiait d'un forfait fiscal... Je ne vois alors pas pourquoi, tout à coup, parce qu'il s'agit de personnes qui sont peut-être dans une situation économique plus difficile, on ne serait pas capable de placer tous les contribuables sur un pied d'égalité !
Cette proposition est donc indécente, et je vous demande de la refuser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Bien sûr que nous refuserons cette proposition d'amendement.
Il est vrai que, sans aller jusqu'à Port-au-Prince... Par exemple, tout le monde sait dans ce parlement que j'ai de la famille dans un autre canton que Genève - centre du monde ! Et il serait quand même déplaisant que lorsque j'aide ma maman, quand elle a des soucis durant ses vieux jours, je ne puisse pas faire valoir cela un minimum sur ma déclaration ! D'autant plus qu'on parle du canton. Par ailleurs, nous avons reçu cet amendement un peu tard pour pouvoir contrôler si c'est contraire au droit supérieur... Nous sommes quand même dans une confédération de cantons.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. Cet amendement, lui, a fait l'objet de grandes discussions au sein de la commission. En effet, nous en avons largement débattu ! Nous connaissons les limites de l'octroi de prestations à des gens se trouvant à l'extérieur de notre canton - nous connaissons cela notamment avec le régime des allocations familiales - et nous savons quelle est la difficulté, il faut le relever, de contrôler des prestations ou des frais devant être avérés pour pouvoir bénéficier de déductions. Il n'en demeure pas moins que, étant donné les explications du département et l'analyse des faits, cet amendement doit être refusé.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. J'interviendrai très brièvement. Le département a expliqué en commission - et il le redit - qu'on pouvait toujours inclure cette disposition dans la loi, mais que, à la première procédure, il ne serait évidemment pas possible d'interdire que soient déduites des sommes qui seraient versées à un proche dans un autre canton. Là, il n'y a juste aucun doute ! La même chose est vraie quand c'est à l'étranger, même sur un plan juridique ! Et il ne s'agit là pas de recours abstraits, mais relatifs à des gens qui seraient concernés.
Sur le fond, l'outil le plus puissant de développement des pays pauvres, et notamment des pays européens pauvres, c'est tout de même l'argent versé par la diaspora à ses proches; viennent juste derrière les investissements des entreprises dans ces pays. Ce sont les deux bases, et bien avant l'aide publique ! C'est beaucoup plus efficace.
Or je suis toujours surpris qu'on ne se rende pas compte qu'un pays comme la Suisse, qui vend des produits sophistiqués et généralement chers, de même que des services compliqués et des services financiers, a tout avantage, à tout moment, que les pays pauvres deviennent plus riches ! Et cela en dehors de question de coeur, n'est-ce pas ? C'est une question d'intérêt.
Donc, sur le fond, cette demande d'amendement est particulièrement inappropriée et, sous certains points de vue, cruelle. Par ailleurs, elle est tout simplement illégale.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 7 oui.
Mis aux voix, l'article 39 est adopté, de même que l'article 40.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de la minorité à l'article 41, al. 1 (nouvelle teneur). A la fin du tableau sont ajoutées trois nouvelles tranches: une à 19,00%, une à 20,00% et une à 22,00%.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Durant cette législature et avec la majorité qui siège dans ce Grand Conseil, quasiment aucun appui n'a été octroyé à de nouvelles initiatives venant du monde associatif, qui travaille donc sans but lucratif. Ces mêmes entités subventionnées ont vu leurs finances gelées: aucune augmentation pour maintenir le niveau de vie et de consommation de leurs employés ne leur a été octroyée. Pendant trois ans, la vis a été serrée à tous les niveaux pour permettre le remboursement de la dette et maintenir des budgets effectivement comprimés. En acceptant cette rigueur, nous avons suivi, et voilà que maintenant, sans s'assurer d'un minimum de contrepartie - d'un équilibre par rapport au cadeau aux familles tel qu'il est présenté - cette même droite si prudente tient la théorie qu'il y a trop d'argent...
En ce qui concerne l'imposition sur les revenus, le projet de loi touche 64,74% des contribuables, et sur les 35,26% de contribuables qui ne sont pas touchés, 28,66% se situent en dessous de 113 000 F de revenu brut annuel, soit un salaire mensuel inférieur à 9000 F. Dès lors, il nous a paru opportun de corriger un tant soit peu cet équilibre, installé par la répartition du cadeau dans ce projet de loi.
C'est pourquoi nous vous proposons l'amendement qui consiste à ajouter deux étages sur la magnifique plage du taux d'imposition des hauts revenus.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande de rejeter cet amendement, d'abord pour la raison suivante: le projet de loi initial visait déjà le contraire, soit de limiter à 16% les tranches d'imposition. Nous voyons ici - et cela a été relevé hier soir - que les accords convergents ont amené à demeurer à ce que l'on connaît actuellement, à savoir dans la limite fixée par le présent projet de loi. Et les propositions qui sont arrivées à la dernière minute durant le troisième débat, dans une fièvre soudaine du parti socialiste, doivent être refusées catégoriquement.
M. Christophe Aumeunier (L). On disait hier soir que c'est une vraie révolution, mais il n'empêche que cette dernière, dans certains domaines, va à petits pas. A petits pas dans le domaine des taux, puisque s'il y a un effet positif, c'est que l'on abandonne la formule mathématique pour avoir un barème lisible par le contribuable, ce qui est bien normal.
La progressivité, elle, très forte dans notre courbe d'imposition, est atténuée par le splitting, parce qu'évidemment que chacun des époux se verra imposé à un taux qui sera moindre. Il n'empêche qu'en augmentant le nombre de contribuables cela ne change rien au fait que 10% de ceux-ci paient 85% de l'impôt, et 5%, 50%. Cela n'y change rien !
La révolution se fait à petits pas, parce que les libéraux et l'Entente avaient souhaité, comme cela vient d'être relevé par le rapporteur de majorité, un taux marginal plafonné à 16%, et nous en sommes à 19%. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Pourquoi en sommes-nous à 19% ? Parce que nous avons négocié et parce que nous avons fait les choses d'une manière plus que raisonnable. En définitive, ce qui était en jeu, c'était l'impact sur les finances publiques et sur la capacité que nous avons à contribuer aux recettes de l'Etat.
Dès lors, ce compromis est pour nous acceptable. Et nous, libéraux, vous invitons à refuser fermement cet amendement qui tend à augmenter les taux d'imposition.
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, hier soir notre débat a permis à tous les groupes de s'exprimer en long, en large et en travers sur ce projet de loi. Aujourd'hui, ce n'est que redondance. C'est pourquoi je propose une mesure... Le nom m'échappe... (Remarque.) «Motion d'ordre», voilà ! Afin que l'on puisse voter les amendements sans débat, puisque, si nous n'avons pas terminé le prochain point prévu à l'ordre du jour, nous devrons siéger demain matin. Je rappelle aussi qu'une séance plénière du parlement comme celle d'aujourd'hui coûte 50 000 F aux contribuables.
Etant donné que tous les groupes ont pu s'exprimer hier soir, il me semble qu'on peut adopter une motion d'ordre.
Le président. Nous sommes saisis d'une motion d'ordre proposant de ne plus mettre les amendements en discussion, mais de passer directement aux votes. Pour que cette motion d'ordre soit acceptée, les deux tiers des voix de l'assemblée sont nécessaires.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 34 oui contre 30 non et 1 abstention (majorité des deux tiers non atteinte).
Le président. Ainsi, nous poursuivons nos débats. Je donne la parole à M. Deneys.
M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord dire... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...que je trouve la manoeuvre de M. Stauffer particulièrement désagréable et que c'est un peu l'hôpital qui se moque de la charité ! (Brouhaha.)
Le président. Mesdames et Messieurs, un peu de silence, s'il vous plaît !
M. Roger Deneys. C'est l'hôpital qui se moque de la charité, car, en ce qui concerne l'aspect procédurier tendant à faire traîner les débats, M. Stauffer en connaît un rayon ! En l'occurrence, il reste certainement trois, voire quatre amendements à traiter dans ce débat, et plusieurs d'entre nous n'avons même pas pris la parole lors de l'examen de l'amendement précédent.
Je crois qu'il faut simplement se rendre compte qu'il s'agit d'un débat où nous essayons de développer nos arguments: vous, vous êtes majoritaires, et nous, nous ne faisons pas une bataille d'amendements et de procédure, mais cela nous prend un certain temps. Et, vu l'ampleur financière de ce projet de loi, de l'ordre de 400 à 500 millions en incluant les communes, il me semble que c'est un minimum que de pouvoir s'exprimer, compte tenu des conséquences que ce projet aura sur la vie de tous les Genevois et Genevoises. Il me semble donc élémentaire de prendre un peu de temps pour se poser les bonnes questions... (Remarque.) C'est un peu tard, pour se poser les bonnes questions, c'est vrai ! D'ailleurs, Monsieur le député et rapporteur de majorité Meylan, c'est aussi pour cela que les socialistes ont déposé cet amendement ! Rajouter des tranches supplémentaires pour les revenus au-delà de 600 000 F... (Brouhaha.) ...c'est simplement avec l'idée qu'aujourd'hui la classe moyenne est certes bénéficiaire avec ce projet de loi, mais que, en même temps, les très hauts revenus sont aussi bénéficiaires. On peut encore rappeler qu'il y a le bouclier fiscal pour les très grandes fortunes !
Fondamentalement, ce projet de loi coûte 150 millions de francs de trop. Rien que pour cela, il aurait mérité que quelques séances supplémentaires lui soient consacrées pour savoir s'il n'était pas possible de trouver un compromis, c'est-à-dire d'abaisser le montant global de ce projet de loi à une valeur plus supportable pour l'économie genevoise et l'avenir de nos concitoyens. Or cela n'a pas été le cas ! Donc, les socialistes ont fait des propositions qui revêtaient aussi un caractère symbolique. Si je me souviens bien, le montant de l'amendement est relativement modeste, mais il est vrai que, pour les socialistes, il semblait judicieux de dire: «O.K., favorisons les classes moyennes, les familles des classes moyennes, mais essayons de faire payer davantage les très hauts revenus.»
Et puis, pour terminer, Monsieur Stauffer, je pense que ce débat vous ennuie évidemment, car vous ne savez pas très bien ce qu'est une déclaration d'impôts et payer des impôts ! (Commentaires. Rires.)
Mme Mathilde Captyn (Ve). Vu le fort attachement des Verts à la progressivité de l'impôt et vu la forte disparité qu'il y a dans ce canton entre les revenus des plus pauvres et des plus riches contribuables, nous allons accepter cet amendement et vous invitons à faire de même.
M. Eric Stauffer (MCG). Je constate encore une fois que lorsque l'argumentaire politique est épuisé, il n'y a que les attaques personnelles ! (Rires. Commentaires.) Et je vous rassure - Monsieur le président, vous transmettrez ceci à M. Deneys - car il me semble que j'ai, dans ma vie, payé plus d'impôts que vous ! (Exclamations.) Il se trouve que depuis quelques années je gagne beaucoup moins, donc je paie mes impôts en proportion. Voilà, le sujet est clos !
Puisque vous dites qu'il faut argumenter et puisque vous êtes le seul parti de ce gouvernement, par rapport à ces réductions d'impôts, à vous opposer à venir en aide aux familles de la classe moyenne, eh bien, ayons à chaque amendement, Monsieur le député, un discours sur le fond et sur l'idéologie de ce que doivent être des impôts justes dans un Etat juste ! Et sur ce que doivent être des impôts à la mode nationale-socialiste, comme vous les prônez, puisque, in fine, ce que vous voulez, c'est taxer encore et encore les riches !
Comme je vous l'ai dit - et je me répète: à force de convoiter l'argent du riche, vous finirez par voler celui du pauvre. C'est ce que vous êtes en train de faire, puisque les familles de cette classe moyenne, familles qui nous regardent et que vous fustigez aujourd'hui, eh bien, ces gens-là, vous ne vouliez pas qu'ils bénéficient d'une réduction des impôts ! (Brouhaha.) «Il faut les taxer», «Il faut les tondre... et encore un peu plus», «Et il faut faire un peu plus de social...»! Mais enfin, vous devriez quand même examiner cette question un jour, Mesdames et Messieurs les députés du parti socialiste ! Car beaucoup de nos concitoyens genevois, qui se sont retrouvés sur le carreau parce qu'ils étaient au chômage, se sont vus ensuite finir à l'Hospice général. Parce qu'il y a eu une ouverture bien trop rapide des frontières, que vous avez prônée ! (Protestations.) Eh oui ! Et ça, c'est une réalité ! Finalement, ce que vous voulez, c'est taxer les riches, engager le plus possible de frontaliers et laisser les Genevois aller faire la queue à l'Hospice général ! Eh bien, décidément, c'est une idéologie que nous ne pouvons pas soutenir au Mouvement Citoyens Genevois ! Nous, c'est Genève et les Genevois d'abord !
Mais, puisque vous avez voulu, Monsieur le député, ne pas accepter cette motion d'ordre qui aurait permis d'avancer plus vite dans les débats, eh bien vous allez me réentendre à chaque amendement que le parti socialiste déposera, pour vous expliquer quelle est l'idéologie que le Mouvement Citoyens Genevois veut: c'est une économie forte, pour, justement, permettre de faire du social ! Parce que trop d'impôts tuent l'impôt ! Et peut-être que trop de socialisme tue le socialisme.
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur cet amendement à l'article 41, alinéa 1 (nouvelle teneur).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 26 oui.
Mis aux voix, l'article 41 est adopté, de même que les articles 42 à 46.
Le président. A l'article 47, l'UDC présente un amendement demandant l'abrogation de la lettre h), la lettre i) devenant la lettre h). Je donne la parole à M. Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC dépose cet amendement uniquement pour que nous nous mettions en conformité avec la LHID, puisque, comme il l'est indiqué dans l'exposé des motifs, la loi est bien claire là-dessus. Elle stipule ceci: «Le mobilier de ménage et les objets personnels d'usage courant ne sont pas imposés». Donc, nous vous recommandons d'abroger cette lettre h).
Le président. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 14 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 47 est adopté, de même que les articles 48 à 55.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Je rappellerai brièvement que l'article 55 lettre a) est susceptible de faire l'objet d'un recours de droit abstrait, puisqu'en principe on ne peut pas, dans la LHID, exonérer des collections artistiques et scientifiques. Il est vrai également que l'ancienne loi comprenait la même disposition, raison pour laquelle il n'y a pas d'amendement déposé, mais je vous avais informés que je vous signalerais les points un peu risqué de cette loi.
Mis aux voix, l'article 56 est adopté, de même que l'article 57.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement présenté par l'UDC à l'article 58, alinéa 1 (nouvelle teneur). Il s'agit d'une modification des sommes.
A la lettre a), le montant de 82 200 F est remplacé par 150 000 F; le montant de 164 400 F est remplacé par 300 000 F; à la lettre b), le montant de 41 100 F - mentionné deux fois - est remplacé par 50 000 F. Je donne la parole à M. Bertschy.
M. Antoine Bertschy (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président. J'ai eu la chance d'effectuer quelques remplacements au cours de l'étude de ce projet en commission fiscale et j'ai aussi eu le plaisir d'avoir des discussions assez intéressantes sur ce qu'est la fortune.
A Genève, la «fortune» n'est effectivement pas grand-chose... Nous déposons donc cet amendement, afin que l'on ne considère plus comme étant une fortune, pour un célibataire, un montant à partir de 82 000 F, mais de 150 000 F; et, pour une famille, que le montant pouvant être considéré comme étant une fortune ne soit plus de 164 000 F, mais de 300 000 F.
Au-delà de l'aspect philosophique de ce qu'est la fortune, je crois qu'il faut se baser sur des choses factuelles. Par exemple, on ne trouve pas à Genève une villa pour moins d'un million de francs. Puisque, selon la loi fédérale, il faut pouvoir payer les fameux 20%, soit 200 000 F, peut-on considérer comme étant fortunée une personne qui économise pour s'acheter une maison ? Peut-on taxer, en disant qu'il est fortuné, un citoyen qui a économisé durant vingt ans dans le but d'avoir un toit ? Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la vision que l'UDC a de la fortune ! La fortune, c'est quand on peut vivre de ses biens.
Pourquoi avons-nous fixé cette limite à 300 000 F pour les couples ? Parce que nous avons premièrement pris en considération la maison; ensuite, parce que 200 000 F représentent un apport personnel, plus les frais divers, plus quelques meubles - on ne va pas s'acheter un toit sans vouloir meubler. On arrive ainsi facilement aux 300 000 F, qui nous semblent un montant assez juste.
L'autre raison est l'ancienne loi. Les derniers chiffres qui figuraient dans la loi, 50 000 F, n'ont jamais été indexé depuis 1966... Si vous calculez l'indexation, vous n'arrivez pas très loin du montant que nous proposons. Il est vrai que nous le dépassons un peu, mais je crois que tout n'est pas pris en considération quant au coût de la vie; en particulier, l'achat d'une maison n'est pas pris en considération. Ces chiffres-ci nous semblent donc corrects.
Or, encore une fois, qu'est-ce que la fortune ? Il s'agit-là d'une question importante. Un célibataire qui place 500 à 600 F par mois pendant dix ans sera taxé sur la fortune... On parle de 500 à 600 F par mois, ce n'est pas énorme ! De plus, dire que quelqu'un est fortuné avec 80 000 F... A ce moment-là, quasiment tous les fonctionnaires célibataires pourront dire, lorsqu'on leur demandera quel est leur salaire, qu'ils gagnent une fortune, car c'est à peu près ce montant-ci qu'ils gagnent dans l'année.
Non, Mesdames et Messieurs les députés, restons sérieux ! Je crois que l'UDC propose des chiffres qui sont justes. On ne peut pas imposer une personne qui a mis de l'argent de côté, alors qu'elle gagne 82 000 F par année, ou imposer une famille qui en gagne 160 000, et on ne peut pas dire que ces gens sont fortunés !
M. Roger Deneys (S). Les socialistes sont évidemment opposés à cet amendement. Il est vrai que les montants évoqués ne sont pas énormes en comparaison de qu'il en était auparavant. Evidemment, 50 000 F indexés peuvent bien faire 300 000 F aujourd'hui. Mais, Monsieur le député de l'UDC, je vous rappellerai qu'on prétend que ce projet de loi s'adresse aux classes moyennes et aux familles ! Alors, de là à dire que les classes moyennes et les familles ont toutes des fortunes d'au moins 300 000 F... Je suis désolé de vous le dire, mais vous visez là des personnes ayant des revenus certainement importants, ou ayant fait l'héritage d'un bien immobilier, mais ce n'est pas le cas de la plupart des familles qui n'ont tout simplement pas de fortune et qui n'arrivent même pas à se payer des vacances ou des loisirs. Donc, sur le principe, il est choquant d'augmenter les montants indiqués.
Quant au reste, je voudrais quand même vous rappeler le barème se trouvant à la page 338 du rapport, que vous connaissez certainement. Pour une fortune entre 200 000 et 300 000 F, le montant de l'impôt total s'élève à 750 F: cette somme est modeste. On essaie de dire que tous les contribuables devraient payer, ne serait-ce que symboliquement, un minimum d'impôts - et je suis assez favorable à ce principe - donc on l'applique ici aussi. En déduisant 300 000 F, on est en train de vider de son sens l'impôt sur la fortune concernant les contribuables pour lesquels cela ne changera pas grand-chose. C'est pourquoi je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cet amendement.
M. Eric Stauffer (MCG). Je suis, encore une fois, complètement surpris des propos de mon collègue Roger Deneys. Finalement, on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même... Et peut-être auriez-vous un petit conflit d'intérêts, puisque vous êtes en train de défendre des choses concernant de nombreux socialistes ! J'en veux pour preuve que certains d'entre eux, dans quelques établissements publics autonomes, gagnaient jusqu'à 440 000 F pour des postes à 40% ! C'étaient des socialistes ! Sans parler de tous les socialistes qui ont été, par vos magistrats socialistes, engagés comme hauts-fonctionnaires soit dans les communes soit en Ville de Genève ! Alors, le réseau des petits copains hauts-fonctionnaires, avec des salaires à 180 000 F et j'en passe, on connaît bien !
Vous voyez, c'est en fait tout le débat ! Et c'est toute la contradiction dans laquelle vous vous trouvez, vous autres socialistes, qui êtes devenus ce qu'on appelle la «gauche caviar», lorsque vous prétendez vouloir... (Commentaires.) ...défendre le peuple - qui ne gagne pas beaucoup d'argent ! Finalement, c'est «Faites ce que je dis, et pas ce que je fais !» Si l'on appliquait votre adage, eh bien, je pense que tous les citoyens du canton gagneraient au moins 150 000 F par année, tant il est vrai que ceux qui n'arrivent pas à les gagner, vous les placez dans des associations où vous demandez à «Maman-Etat» de subvenir à vos besoins année après année !
Finalement, l'amendement de l'UDC est un bon amendement, à une différence près qui est que nous ne connaissons pas, à l'heure où l'on en parle, l'incidence financière que cela pourrait représenter. Nous regrettons que cet amendement n'ait pas été travaillé en commission, pour savoir quelle en serait la répercussion sur l'ensemble du canton. Alors, le problème, c'est que l'on serait pour, quant à l'idée, mais puisque nous n'avons pas l'élément qui nous indiquerait la globalité de la mesure induite par cet amendement, eh bien, nous nous abstiendrons sur ce vote ! A moins que notre conseiller d'Etat David Hiler puisse nous chiffrer cela sur l'ensemble du canton.
M. Gilbert Catelain (UDC). Concernant la fortune, elle fait partie de la richesse du canton et d'un pays. D'ailleurs, les instituts économiques, souvent, font une analyse de la situation financière et économique d'un pays en observant la situation de l'Etat, s'il est endetté ou pas, de même que la situation des communes et la santé financières des ménages. Effectivement, un Etat a tout intérêt à ce que ses citoyens aient une fortune... (Brouhaha.) ...et que les institutions financières puissent prêter de l'argent à l'économie. C'est quand même ce que mettent de côté les entreprises, l'Etat, respectivement les ménages, qui permet à une économie de fonctionner.
D'autre part, je vous invite à suivre le débat que nous aurons prochainement à propos des EMS. Toute la problématique des EMS repose aussi sur la capacité financière des futurs résidents à les financer, pour que l'Etat social ne soit pas pris à la gorge et ne puisse pas faire appel, finalement, à la fortune des citoyens qui vont entrer dans ces établissements. Et si vous donnez le message qu'aujourd'hui, dès que vous avez un minimum de fortune, cette dernière est taxée, le citoyen ne voit aucun intérêt à réaliser des économies... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... et à faire preuve d'un minimum d'esprit «d'écureuil» pour faire fonctionner aussi cette économie.
Je trouve assez étonnant que, selon nos débats, on considère qu'il faille indexer, et indexer systématiquement en premier lieu le salaire - et je suis d'accord, c'est tout à fait normal. Or, si l'on partage cet avis-là, on doit aussi le faire pour l'exonération. Il n'est pas normal, quand il y a 360% d'indexation en l'espace de trente-cinq ans, qu'on ne veuille pas en tenir compte dans une révision de la loi fiscale. C'est juste scandaleux, c'est un non-sens ! Et ce parlement se discrédite. (Brouhaha.)
Il y aurait presque un motif pour moi de refuser ce projet de loi si, sur le minimum que vous mettez de côté - en admettant qu'à l'âge de trente ou quarante ans vous achetez, suite à de nombreux sacrifices, un petit appartement et que, au moment d'entrer en EMS vous décidiez de le vendre - l'Etat en prélève une bonne partie par rapport à une imposition fiscale, et que, finalement, ce soit au détriment des EMS ou, aussi, de la transmission du patrimoine ! Parce qu'il faut y penser, à cette transmission du patrimoine !
Aujourd'hui, vous parlez des familles... Mais elles sont prétéritées à double titre ! En effet, elles doivent s'occuper de leurs enfants, ce qui est tout à fait normal - avec, aussi, la révision du code civil qui fait que vous êtes responsables de vos enfants au moins jusqu'à 25 ans. Et en parallèle, quand vos enfants sont aux études, vous devez encore financer le séjour et, éventuellement, la prise en charge de vos grands-parents d'une manière ou d'une autre, en tout cas selon les cantons... Cette surcharge financière qui pèse sur les familles, vous l'alourdissez encore quand ces dernières ont un minimum de fortune en vue de se prémunir contre les accidents de la vie ! C'est totalement immoral !
Alors, que font nos voisins ? Vous prenez la page 15/412 du rapport de majorité - et j'imagine que son auteur devrait soutenir l'amendement, puisque c'est lui qui l'a rédigé, ce n'est pas le rapporteur de minorité. Le rapporteur de majorité a écrit: «Au sujet de l'impôt sur la fortune, à Genève cette fiscalité est assez lourde en comparaison nationale et internationale. A tel point que jusqu'à 3 à 4 millions, le régime français est plus favorable... ». C'est quand même étonnant, on a dit que la France était confiscatoire... Son système est plus favorable que le nôtre, comment cela se fait-il ? Voulons-nous être beaucoup plus confiscatoires que la France ? C'est ça, la révision fiscale que nous propose l'Entente ?! C'est confisquer la fortune ? C'est cela que vous nous proposez ?
Je poursuis: «Ceci étant, ce projet de loi constituerait un effort qui rapprocherait Genève de la concurrence nationale et européenne.» Je m'en réjouis ! «Nombre de personnes réfléchissent à leur lieu de résidence au moment de leur retraite.» Ah bon ? Quand on a de la fortune, on réfléchit à notre lieu de résidence en fonction de la fiscalité sur fortune ? Et vous nous proposez de la taxer ! Sans tenir compte de l'indexation de ces trente-cinq dernières années ? On lit encore: «Ils sont généralement surpris d'apprendre que la franchise sur l'impôt sur la fortune s'élève en France à environ un million de francs suisses.»
Voilà où on en est quant à la comparaison de la fiscalité sur la fortune ! Vous, vous voulez pénaliser Genève, vous voulez pénaliser les Genevois, vous voulez pénaliser l'ensemble des résidents genevois et, aussi, l'Etat de Genève ! Moi je vous invite à voter cet amendement, qui n'est que raisonnable. Il s'agit de remettre les pendules à l'heure: à l'heure de 1964 !
Des voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S). Monsieur Catelain, je n'ai pas l'impression qu'il soit confiscatoire de taxer de 700 F une fortune de 300 000 F ! Ou alors, nous n'avons pas les mêmes notions de mathématiques. J'ai bien compris que vous vouliez revenir quarante-cinq ans en arrière. Mais, en quarante-cinq ans, la fiscalité a changé: les droits de succession ont été supprimés; la TVA a été introduite; l'ICHA a été supprimé; par exemple, vous avez les 12% proposés par les libéraux, qui ont ruiné notre république... Il y a différentes mesures fiscales qui ont changé depuis 1964 !
Le problème, c'est que ce projet de loi ne parle que de l'impôt sur la fortune. Il réforme complètement la fiscalité, il a un objectif avoué - en tout cas de la part du Conseil d'Etat - qui est de baisser les impôts pour la classe moyenne, et puis, il y a un but plus ou moins reconnu de la part de la droite, qui est de baisser les impôts pour les plus riches. Ici, c'est une mesure en tant que telle. Peut-être qu'après cette réforme telle qu'elle sera adoptée par ce Grand Conseil, nous verrons bien, si elle passe en votation populaire, l'effet global sur ces fortunes relativement modestes, et peut-être faudra-t-il encore prendre des mesures. Aujourd'hui, c'est bien trop tôt pour le dire, et c'est bien trop tôt pour affirmer que ces personnes seraient spoliées par l'Etat de Genève. Le montant de cet impôt est bas; la TVA est très basse en Suisse, comparée à la France; donc, vous ne pouvez pas faire des comparaisons aussi simplistes que cela !
Pour le reste - et j'espère que quelqu'un enregistrera cette séance pour la passer au ralenti à M. Stauffer - les socialistes, bien entendu, comptent parmi leurs membres et leurs sympathisants des personnes qui seront soumises à cet impôt. Et c'est bien là qu'on peut voir que les socialistes ne s'intéressent pas qu'à leurs petits comptes personnels: ils s'intéressent à l'avenir de la république. Donc, nous sommes, oui, prêts à payer des impôts, si nous travaillons et si nous avons de la fortune, parce que nous sommes prêts à contribuer au bien-être collectif. Et c'est cela qui différencie les socialistes du MCG: nous, nous pensons aussi aux autres !
M. Jean-Michel Gros (L). Je dirai juste, concernant cet amendement - que je respecte beaucoup, puisque que nous en avons énormément discuté en commission - que les libéraux ont été à la pointe en proposant d'augmenter les déductions sociales sur la fortune, car, effectivement, depuis les 50 000 F instaurés en 1964, nous devrions être à environ 175 000 F de déductions sociales actuellement, et c'est ce qui était proposé dans le projet de l'Entente. Or, je l'ai dit lors du débat d'entrée en matière, ce projet de loi a fait l'objet d'un consensus, d'un compromis entre tous les partis - en tout cas jusqu'aux Verts, je ne veux pas parler des socialistes - pour dire que chacun devrait renoncer à quelque chose. Et nous avons renoncé à cette déduction de 175 000 F, pour se rabattre sur une proposition du département qui est arrivée, sauf erreur, à 82 200 F actuellement. Nous nous sommes ralliés à ceci. C'est vrai que ce n'est pas juste - je suis d'accord avec M. Catelain - mais c'est l'objet du consensus. Ce n'est pas la seule couleuvre que l'Entente a dû avaler par rapport au projet 10199; nous l'avons avalée et, je vous rassure maintenant, nous l'avons relativement bien digérée !
Une voix. Eh bien ça va, alors ! (Commentaires.)
M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous voudrez bien transmettre ceci à mon collègue socialiste: lorsqu'il dit que les socialistes sont prêts à payer aussi des impôts, c'est finalement normal, ce sont eux qui ont fait nommer tous ces hauts-fonctionnaires - réseau des petits copains - dans la république ! (Protestations.)
Je réitère ma motion d'ordre, avec une différence: je souhaiterais qu'il n'y ait plus de débat sur les amendements, mais que chaque parti puisse, pour une durée limitée à sept minutes, s'exprimer à l'issue du vote global du projet de loi. Franchement, nous avons déjà perdu une heure pour trois amendements... Cela me paraît devenir un peu ridicule. (Exclamations. Commentaires.) Eh bien, si vous voulez accepter ma motion d'ordre, vous verrez que je ne reprendrai plus la parole !
Je pense qu'une déclaration par parti au moment du vote final serait amplement suffisante, plutôt que de confronter nos idéologies, surtout qu'il n'y a plus que les socialistes pour se comprendre eux-mêmes dans les amendements qu'ils veulent défendre ou combattre. Car pour eux, en fait, il faut tout prendre pour l'Etat, ne rien laisser au citoyen, et surtout faire fuir les grandes fortunes - les personnes ayant des forfaits fiscaux - pour qu'elles aillent s'établir ailleurs.
Je réitère donc cette motion d'ordre avec, si le règlement le permet, cette différence: une déclaration par parti au moment du vote final.
Le président. Votre proposition de motion d'ordre, c'est de clore le deuxième débat et d'ouvrir le troisième débat en permettant à chaque groupe de s'exprimer durant sept minutes.
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 53 non contre 6 oui et 3 abstentions.
Le président. Je donne la parole à M. Wasmer.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je voudrais juste rappeler à M. Stauffer qu'il n'a aucun sens du débat démocratique. Quand il s'agit de prendre la parole lui-même pour déposer des kyrielles d'amendements, pour bloquer les débats, comme on s'en souvient... (Brouhaha. Remarque de M. Eric Stauffer.) Comme on s'en souvient ! Et M. Stauffer a tout fait pour bloquer le débat aujourd'hui, voyant que ses adversaires ne sont pas d'accord avec lui...
Le président. Si l'on pouvait revenir aux amendements, ce serait très bien !
M. Olivier Wasmer. ...il veut simplement déposer... (Brouhaha.) ...une motion d'ordre.
Je souhaiterais aussi souligner, Monsieur le président, que l'UDC ne fait pas, jusqu'à nouvel avis, partie de l'Entente, et que, contrairement à ce que nous a indiqué M. Gros, l'UDC n'a jamais été d'accord avec les montants fixés pour la fortune. Comme l'a rappelé très justement mon collègue Catelain - même si M. Deneys prétend que c'est 700 F d'impôts pour 100 000 ou 200 000 F - s'il est vrai qu'il ne s'agit pas d'un montant confiscatoire, il est vrai aussi qu'avec 150 000 F pour un célibataire et 300 000 F pour un couple, on ne peut pas vraiment parler de fortune.
Cela étant, nous n'avons fait aucune compromission, contrairement à ce qu'a dit M. Gros, qui nous indique qu'il y a un consensus... L'UDC n'a jamais été d'accord avec ce consensus ! Aujourd'hui, on a un projet de nouvelle loi fiscale concernant les personnes physiques; nous savons tous qu'avec la crise économique qui nous guette nous devons tout faire afin de diminuer les impôts pour relancer l'économie et passer de 80 000 à 150 000 F environ, et à un peu plus du double pour les personnes mariées. Je ne vois pas en quoi cela gênerait quelqu'un dans ce parlement et en quoi l'Etat perdrait beaucoup de revenus par rapport à cet amendement. Ainsi, l'UDC l'appuie pleinement et demandera l'appel nominal.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais juste rappeler que la notion de fortune est bien différenciée s'il s'agit de grandes fortunes ou de l'entrée, par exemple, dans les dispositifs d'assistance, où, là, je le rappelle, la fortune est fixée à 4000 F avant de recevoir... Par contre, elle est déjà fixée à 82 000 F avant de payer...
Il faut tout de même rappeler, en ce qui concerne la fortune, que 50% de la population des contribuables genevois ne disposent pas de plus de 55 000 F. Les autres contribuables genevois ont une fortune qui ne dépasse pas 237 000 F. Donc, il est vrai qu'avec les 50 000 F qui étaient indexés - ce qui était prévu dans le projet de loi du Conseil d'Etat - on était proche de la réalité. On faisait participer, avec un taux très faible au début, toute personne qui avait de la fortune, à part, effectivement, celles qui commençaient à se situer autour des 50 000 F.
Avec la proposition de l'UDC, on exonère quasiment tout le monde... Et quand c'est toute la population qui est concernée, il ne s'agit pas seulement d'un amendement: on touche là le principe de l'abolition de l'impôt sur la fortune, ce que nous trouvons inadmissible.
De la même manière que nous avons rejeté la proposition des 82 000 F - puisque nous voulions en rester aux mesures préconisées dans le projet de loi du Conseil d'Etat - nous voterons, en tant que socialistes, doublement non à cet amendement.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. J'aimerais juste rappeler au groupe UDC qu'en deuxième débat nous n'avions même plus de déductions sociales sur la fortune, nous en étions même à zéro. Une majorité n'ayant pas pu se constituer, nous avons vu cet article être purement et simplement supprimé à la fin dudit débat. C'est dire si le consensus, ce compromis qui a été signalé ici à plusieurs reprises, a dû à nouveau être recherché pour trouver une solution raisonnable en matière de déductions sociales sur la fortune !
Il est vrai, Mesdames et Messieurs, que les 50 000 F que l'on connaissait étaient basés sur une loi de 1964 et que, si l'on reprend mathématiquement l'inflation qui était de l'ordre de 350% sur ces quarante dernières années, on arrive à un montant approchant les 180 000 F, si l'on applique ce taux-là. Mais il est vrai aussi qu'en comparaison cantonale - puisqu'on a quand même eu des documents en main lors des séances de commission... Et vous m'excuserez de n'avoir pas joint toutes les pièces qui nous expliquaient les articles de cette loi, mais j'ai pensé que le rapport aurait alors passé de 400 à 4000 pages, voire à 10 000...
Il n'en demeure pas moins qu'en comparaison cantonale - et le groupe UDC a pris connaissance de ces chiffres - si je prends quelques exemples en me basant sur les célibataires - mais cela reste proportionnel - on constate ceci: à Berne, la déduction sociale est de 17 000 F; à Lucerne, de 50 000 F, à Uri, de 60 000 F; à Schwyz, de 75 000 F; à Bâle, de 75 000 F; dans les Grisons, de 42 000 F; la déduction la plus élevée se trouve en Argovie et en Thurgovie, avec 100 000 F.
Nous voyons que la cible sur laquelle nous sommes tombés d'accord pour poursuivre nos travaux concernant ce projet de loi - qui, je rappelle et le rappellerai encore, est exemplaire avec 82 200 F - permet de trouver une solution raisonnable ! Voilà pourquoi la majorité vous encourage à rejeter l'amendement UDC et à accepter de concrétiser ce qui a été décidé en commission.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Il m'a été demandé combien coûtait cet amendement: il coûte 24 millions sur la version 2006, sur laquelle on s'appuie généralement.
Je remercie M. Meylan d'avoir rappelé que nous sommes, avec les nouveaux chiffres, dans la tranche supérieure, par rapport aux déductions sociales autorisées en Suisse.
La fortune, Monsieur Bertschy, c'est ce que l'on possède, ce n'est pas à partir d'un certain montant. L'adjectif «fortuné» veut dire que l'on a quelques richesses, mais la fortune, au fond, c'est simplement la définition de ce que l'on possède par opposition à ce que l'on gagne, qui est le revenu.
En 1964, vous deviez, au cours de votre vie, vous efforcer d'économiser pour vos vieux jours. Il n'y avait pas de deuxième pilier dans la plupart des branches. D'où l'expression «déductions sociales». C'étaient ces épargnes qui vous permettaient, lorsque vous n'auriez que l'AVS, de vivre sans tomber à l'assistance. Il se trouve que, depuis lors, nous avons le deuxième pilier, que ce dernier - je vous le rappelle quand même - est déjà déductible au niveau du revenu et qu'on ne vous le comptabilise pas pendant votre vie professionnelle comme étant une fortune. Donc, tout ceci est très largement exonéré d'impôts. Ce qui ne l'est pas, c'est ce que vous allez retrouver comme revenu. L'épargne pour ses vieux jours est bel et bien exonérée aujourd'hui. Et c'est la raison pour laquelle personne n'a fixé un taux d'indexation, puisque, dans tous les cantons suisses, tout le monde a compris ce raisonnement.
J'ajoute, pour que le parlement le sache, que nous avons évoqué cette question de l'imposition sur la fortune. Parce qu'au fond, en plus, l'amendement ne résout pas les questions soulevées par l'imposition sur la fortune à la genevoise. En réalité, c'est au-dessus de 5 millions que nous sommes plus durs que tous les cantons suisses. Pour les gens qui ont moins de 1 million de fortune, nous sommes tout à fait dans la norme, et même plus bas pour les petits montants.
Ce qui a été indiqué à cette commission - mais qui l'a aussi été, récemment par votre serviteur, à l'assemblée des propriétaires de Pic-Vert - c'est que nous étions dans une situation où nous ne respections pas la loi fédérale qui demande l'imposition à la valeur vénale - ce que nous ne faisons pas, pour l'heure - et que, par ailleurs, nous avions des taux d'imposition élevés, que nous avions un impôt immobilier complémentaire élevé et des déductions au-dessus de la moyenne.
Il nous faut maintenant étudier sérieusement ces questions et trouver quelque chose de conforme à la loi fédérale, avec une neutralité si possible globale au niveau de l'imposition de la fortune, et qui permette que nous soyons raisonnablement concurrentiels par rapport aux cantons de la Suisse occidentale.
Cela ne s'improvise pas, on n'a d'ailleurs même pas les données pour le faire actuellement, et c'est la raison pour laquelle je vous demande de suivre la voie de la sagesse exprimée par le rapporteur de la majorité.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons donc nous prononcer sur l'amendement présenté par l'UDC à l'article 58, alinéa 1 (nouvelle teneur). (Commentaires.) Monsieur Wasmer, vous demandez l'appel nominal: êtes vous soutenu ? (Des mains se lèvent. Commentaires.) Non, vous ne l'êtes pas, c'est un peu juste.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 8 oui.
Mis aux voix, l'article 58 est adopté.
Le président. Nous passons à la section 5, article 59... (Remarque.)
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Excusez-moi, à l'article 58, alinéa 2 - donc pas celui que nous avons discuté - je dois vous signaler la dernière bizarrerie repérée par l'administration fiscale et ses juristes: la déduction accordée au titre des éléments de fortune investie dans l'exploitation commerciale, artisanale ou industrielle, est évidemment un concept connu en France, mais, hélas, pas par la LHID. Nous verrons ce que donneront les recours de droit abstrait sur cette question.
Le président. Très bien ! L'article 58 n'étant pas modifié, je répète qu'il est adopté. Nous passons à l'article 59: un amendement de la minorité est présenté à l'alinéa 1 (nouvelle teneur). Je donne la parole à Mme Schneider Hausser.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Pour les socialistes, cet amendement se fonde sur la même base que celle de l'amendement qu'ils ont présenté à l'article 41: il s'agit d'une recherche d'équilibre, vu le flot d'arguments de la majorité afin de diminuer l'impôt, soit le revenu de l'Etat.
Il s'agit de la recherche d'une juste proportion entre ceux qui désirent une politique familiale, qui la prônent, qui disent qu'il faut aider les familles et ceux qui disent qu'on ne peut pas aider les familles dans le vide, qu'on doit avoir un minimum de moyens pour le faire et qu'il ne s'agit pas de le faire juste comme ça, sur le dos de la collectivité. Or les familles sont la collectivité, 17% de la collectivité ! Et il y a d'autres contribuables... Il faut ainsi trouver un équilibre en termes de revenu de l'Etat.
Nous avons rajouté, ici également, deux tranches au taux concernant l'impôt sur la fortune, afin de tenter de contrebalancer un tant soit peu le gros appétit de la majorité, qui souhaite et prône moins d'Etat !
Le président. Nous allons nous prononcer sur cet amendement: ajout de deux tranches supplémentaires, avec un taux à 4,5% et à 4,75%.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 29 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 59 est adopté.
Le président. Nous passons ainsi à la section 6, «Charge maximale». Un amendement est présenté par la minorité pour demander son abrogation. Ensuite, la même demande est faite pour le seul article 60 concernant cette charge maximale.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, l'article 60, c'est le fameux bouclier fiscal. C'est une mesure qui s'adresse aux personnes qui disposent d'une fortune considérable - en général de plus d'un million de francs, même de plus de 3 millions de francs. Et des personnes disposant de fortunes de plus de 100 millions de francs vont bénéficier, grâce à cette mesure, de baisses d'impôts de l'ordre de 200 000 F par personne... Cette proposition n'a donc absolument rien à voir avec des dispositions en faveur des familles et de la classe moyenne !
Pour cette simple raison - que l'on évoque d'ailleurs aussi à propos des initiatives, en disant qu'il n'y a pas «unité de matière» - eh bien, ici aussi, il n'y a pas «unité de matière» en ce qui concerne cette proposition, qui aurait dû faire l'objet d'un projet de loi distinct - et, à titre personnel, j'aurais souhaité le déposer - car il n'y a pas de raison que le peuple, lorsqu'il devra voter ce projet de loi, ne puisse pas choisir en connaissance de cause.
Vous allez évidemment faire campagne en disant que ce projet de loi s'adresse aux familles et aux classes moyennes... Mais, dans le même temps, il y aura ici 40 millions qui vont partir pour les grosses fortunes, voire les très grosses fortunes. Pour les fortunes de plus de 100 millions de francs qui se trouvent à Genève, le coût de cette mesure est de 14 millions de francs: c'est particulièrement scandaleux ! Particulièrement choquant ! Parce qu'il y a deux hypothèses: soit nous instaurons des systèmes qui interdisent la possession de telles fortunes et des revenus dépassant certaines limites, soit nous les taxons ! Et si nous les taxons, c'est à des taux corrects, c'est-à-dire équivalents à ceux concernant d'autres citoyens ! Il n'y a pas de raison que des personnes qui gagnent entre 30 000 et 40 000 F par mois paient des impôts plein pot, qu'elles ne bénéficient pas de prestations sociales parce qu'elles ne remplissent pas certaines conditions, et que, ensuite, de très grandes fortunes soient exonérées ! C'est particulièrement scandaleux ! C'est particulièrement choquant, et il aurait été nécessaire que le peuple, lui, puisse se prononcer séparément sur la mesure.
Je pense qu'il faut relever ici deux choses: d'une part, comme l'a dit M. Halpérin hier soir, la droite rêvait d'établir un bouclier fiscal bien plus important, un cadeau pour les plus riches bien plus important, de l'ordre de plusieurs centaines de millions de francs - et heureusement que nous y échappons ! Et l'autre chose, c'est qu'il est vrai que l'idéologie actuelle de droite essaie de faire croire que la justice réside dans le taux d'imposition des grandes fortunes, taux qui serait abusif, tout simplement destructeur. Alors qu'en réalité, ce qu'il y a de choquant, c'est que certaines personnes doivent vivre avec des revenus de 20 000 à 30 000 F par an, et que d'autres le peuvent avec des revenus de plusieurs millions et des fortunes de plusieurs centaines de millions de francs ! Cela, pour les socialistes, ce n'est pas acceptable ! Ces inégalités, ce n'est pas correct, et nous pensons qu'il faut soit interdire ces revenus et ces fortunes, soit les taxer de façon décente.
Mesdames et Messieurs, nous vous demandons donc de refuser cette section 6, qui devrait faire l'objet d'un projet de loi distinct, afin que le peuple puisse se prononcer en connaissance de cause, puisque cela ne s'adresse ni aux familles ni aux classes moyennes !
M. Christophe Aumeunier (L). Il s'agit en définitive, quant au principe, d'éviter une charge d'impôts trop forte par rapport au revenu et compte tenu de l'impôt sur la fortune. Ce principe a été très rapidement admis par l'ensemble de la majorité de la commission, y compris les libéraux. Nous n'avons discuté en définitive que de la méthode, parce qu'il s'agissait de permettre d'avoir - pour les contribuables aisés, il est vrai - une forme de prévisibilité. Cette dernière est pour eux essentielle parce que, somme toute, ces contribuables-là paient des sommes d'impôts astronomiques. Ils paient parfois des impôts par millions, il faut le savoir. Dans ce contexte, il s'agit clairement de ne pas décourager les contribuables qui paient ces impôts, et, donc, de les encourager à augmenter leurs revenus et, par là même, leurs impôts.
Le but de l'amendement, c'est toujours de frapper les contribuables, singulièrement les contribuables les plus aisés, mais, là, M. Hiller nous l'a rappelé, notre canton est hors limite, il est hors concurrence. Eh bien, c'est effectivement tout à fait utile que d'offrir un élément de prévisibilité, pour qu'il y ait une charge maximale.
J'aimerais rappeler aux socialistes qu'ils n'ont effectivement pas de chance vis-à-vis du peuple genevois, s'agissant de frapper les grandes fortunes, parce que leur initiative 130 a été balayée. Cela, très récemment, puisque c'était en décembre 2007 que nous avons très largement voté contre les mesures que vous proposez, qui sont toujours les mêmes, celles d'imposer toujours plus fortement ceux qui contribuent le plus à notre Etat.
Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, les libéraux vous invitent à refuser cet amendement.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Ainsi que l'a exprimé Mme Künzler lors du premier débat, les Verts, sur le principe, sont opposés au bouclier fiscal, qui, par définition, est inique.
Nous allons donc, comme les socialistes, accepter cet amendement. Cependant, nous aurions souhaité qu'il fasse l'objet d'un projet séparé. En revanche, comparé au reste du projet et à l'ampleur de ce dernier, cela ne va pas, si le bouclier fiscal est accepté ce soir, nous empêcher de voter la loi.
M. Michel Halpérin (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'écoutais M. Deneys nous expliquer il y a un instant les raisons profondes de son opposition au bouclier fiscal, j'y reviendrai dans un instant.
Je voudrais rappeler que nous avons eu deux démarches sur le plan des idées - je ne parle pas du plan idéologique, mais seulement des idées. La première démarche est d'une simplicité commerçante: nous nous sommes demandé comment poser les règles de la compétition fiscale. C'est d'ailleurs ce qu'a relevé M. le conseiller d'Etat Hiler lui-même au cours des débats en commission, en rappelant que parler d'impôts sur la fortune, c'est poser un certain nombre de questions qui relèvent de la compétition intercantonale ou internationale. Je crois utile de rappeler à cette assemblée qu'il n'y a que quatre pays au monde dans lesquels il existe un impôt sur la fortune et je crois aussi utile de rappeler à nos collègues députés, parce qu'ils ne le savent pas nécessairement tous, que l'impôt sur la fortune en Suisse est le plus élevé à Genève. Nous avons donc un double problème de concurrence internationale et intercantonale qui méritait qu'on s'y intéresse.
La proposition de bouclier qui a été retenue en dernier lieu par la commission, et qui est adoptée, se situe à un montant de 60% du revenu. C'est le système adopté dans le canton de Vaud, et cela a permis aux commissaires d'adopter un principe de concurrence visant à éviter ce qu'a appelé notre collègue Jean-Michel Gros «l'exil de proximité». Donc, c'est une démarche effectivement comparative et très simple. J'ajoute qu'elle n'est pas aussi simple qu'elle en a l'air en ce sens que notre principe était de dire: «Nous estimons qu'au-delà d'un certain pourcentage du revenu, l'impôt devient confiscatoire». La plupart de nos concitoyens savent qu'il y a un impôt sur la fortune, le trouvent normal dans son principe, comprennent qu'il s'ajoute au revenu, mais la plupart de nos concitoyens ignorent que la combinaison de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur la fortune peut aboutir à un résultat qui fait que la totalité du revenu est quelquefois insuffisante pour payer l'impôt !
Ce qui revient à dire qu'un certain nombre de contribuables, qui ne sont pas malheureux parce qu'ils ont une fortune importante, paient des impôts qui sont égaux ou supérieurs à leur revenu ! Vous hochez la tête, parce que cela vous paraît bizarre, et vous avez raison, c'est une anomalie, puisqu'elle traduit une confiscation par l'Etat de l'entier du revenu. Cela dépend de la composition de la fortune et de la manière dont elle a été gérée: une fortune placée rapporte; mal placée, elle perd ! Et une fortune qui n'est pas placée, parce qu'elle est en lingots d'or, parce qu'elle est en terrains en friche, parce qu'elle est en tableaux, ne rapporte rien, mais elle est comptabilisée.
Notre deuxième idée n'était pas simplement de dire: «On fait de la concurrence intelligente», elle était de dire: «On ne permet pas la confiscation proprement dite du revenu». C'est ce que nous avions à l'esprit, et nous nous sommes contentés d'un bouclier à 60%, comme les Vaudois, parce que nous avons voulu être complaisants et chercher une manière de consensus. Nous estimons pourtant qu'au-delà de 50% du revenu, tout compris, l'impôt est excessif. Voilà pour la différence idéologique.
Je dirai encore que la commission, dans sa recherche de consensus, a ajouté un élément qui complique la donne. Pour une fortune improductive, on compte un revenu théorique de 1% de la fortune, comme s'il avait eu lieu. Il n'a pas eu lieu et on prend la mesure sur ce résultat théorique, ce qui signifie qu'on va au-delà des 60% pour les fortunes improductives. Nous avons consenti à cela aussi.
J'ai été tenté, Monsieur Deneys, en vous voyant venir avec votre assurance habituelle et cet amendement, de déposer un contre-amendement demandant que l'on supprime ce 1% de revenu fictif, parce que je l'estime confiscatoire et dénaturant. Je ne l'ai pas fait, parce que les libéraux ont pris la décision de s'en tenir au rapport de majorité et aux décisions qui ont été prises en commission. La discipline ici nous sied, mais je tiens à vous dire que ce qui m'a frappé dans votre discours de tout à l'heure, ce n'est pas tellement la comparaison entre vos idées et les miennes - cela, après tout, est dans l'ordre des choses - mais c'est le moteur de votre argumentation. Chaque fois que vous parlez des fortunes contre les revenus, vous expliquez qu'il n'y a pas de raison que quelqu'un qui gagne 40 000 F par mois paie le plein pot de ses impôts et que celui qui a une grande fortune n'en fasse pas autant... J'en déduis que, comme hier, les socialistes sont à la défense de certains riches contre certains autres. C'est nouveau et c'est original ! Mais ce qui m'a frappé, parce que beaucoup plus banal, c'est que, quand vous prononcez le mot «riches», une sorte de pulsion, de transe, s'empare de vous et l'on sent que le besoin de la confiscation vous vient ! (Rires.) Les riches sont insupportables parce qu'ils sont riches ! Eh bien, je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui, c'est parce qu'il y a un certain nombre de riches dans ce canton, qu'il y a 5% des contribuables qui paient 50% des impôts, que nous avons la politique sociale la plus libérale de Suisse. Alors, Monsieur Deneys, à force de vouloir à tout prix vous emparer de la poule aux oeufs d'or pour la plumer, vous la ferez disparaître ! Et nous, notre argument fondamental, c'est de dire qu'en conservant un signal de confiance et d'amitié, même envers les plus fortunés, nous appliquons ce vieil adage qui veut qu'on n'attrape pas les mouches avec le vinaigre. Si M. Deneys était seul aux affaires dans cette république, Mesdames et Messieurs, la pauvreté serait à son maximum et ce serait son plus grand triomphe. Alors, je vous demande de rejeter cet amendement, simplement pour que Genève reste ce qu'elle est: autre chose qu'une république confiscatoire, tyrannisée par quelques socialistes de l'époque du diplodocus ou du tyrannosaure... géant et royal ! (Applaudissements.)
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je vais être brève. Je suis particulièrement choquée par le discours socialiste: de quel droit ose-t-on dire publiquement qu'il est intolérable que des gens riches gagnent des millions et en vivent ? Depuis que le monde existe, il y a des riches et des pauvres ! Si les riches ont gagné cet argent, par héritage, par leur travail, par gain, aux jeux, etc., il n'est pas admissible de dire ici que c'est scandaleux... C'est, à mon avis, de la jalousie très mal placée, et bien sûr que tout le monde aimerait avoir de l'argent... Mais, qui se lève le matin et va travailler peut en gagner.
On essaie de faire en sorte de soulager les familles, on le dit depuis hier soir. Or, il est 18h30 et, grâce aux socialistes, on est toujours là, sur le même projet de loi... On n'avance pas ! Alors, arrêtez de toujours taper sur les riches: on essaie d'aider les pauvres ! Et les riches savent très bien s'aider eux-mêmes.
M. Eric Stauffer (MCG). Après la brillante intervention de Me Halpérin, j'aimerais juste compléter une petite chose de manière un peu plus sérieuse.
Monsieur Deneys, ce qui me dérange dans votre idéologie et dans celle de votre parti, c'est que vous n'appelez pas ou vous ne motivez pas les gens à créer de la richesse. Or toute action sociale provient de la richesse ! A vous écouter, il faut être employé dans une certaine fourchette et, surtout, ne pas en sortir, au risque de se voir confisquer ses revenus. Mais alors se pose idéologiquement une autre approche: si quelqu'un devait prendre un risque entrepreneur et, par définition, réussissait dans son plan professionnel, eh bien, il serait taxé et la motivation disparaîtrait, car, finalement, si l'on doit prendre un risque entrepreneur et qu'on se casse la figure, on reste endetté toute sa vie - mais là, éventuellement, on pourra faire appel aux socialistes pour les oeuvres sociales... Et si l'on gagne, on est surtaxé, voire confisqué ! Alors, il y a un problème qui se pose dans ce que vous prônez, Monsieur Deneys, et c'est là où le MCG est en totale opposition avec votre dogmatisme: c'est que, sans richesses, Monsieur le député, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, il n'y a pas de social ! Me Halpérin l'a dit mieux que moi: si vous étiez aux affaires dans ce canton, votre succès serait la pauvreté extrême. Et vous n'auriez plus d'argent pour le social, parce que vous auriez fait fuir tous ceux qui en ont gagné ou pourraient en gagner ! Et ça, ce n'est pas acceptable !
Alors, on peut continuer à débattre - dans une demi-heure, on va cesser pour prendre notre pause, puis on poursuivra - et vous verrez que, par vos interventions, nous serons encore obligés de siéger demain matin. Et l'on aura pris 100 000 F aux contribuables de ce canton, juste parce que vous voulez être dogmatiques et que vous ne respectez pas la majorité de ce département ! On peut continuer comme ça sans aucun problème, mais il faut que les gens sachent que vous aurez coûté aux contribuables 100 000 F pour ce débat, dont je vais, sans prétendre être «Mme Irma», vous donner l'issue: les deux tiers de ce parlement accepteront ce projet de loi et les familles de la classe moyenne bénéficieront de ce rabais d'impôts tant attendu et qu'il était vraiment nécessaire de prévoir aujourd'hui dans la législation. Voilà, le résultat est connu, maintenant on peut continuer à palabrer pendant des heures aux frais du contribuable. (Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S). Chers collègues, je trouve que si M. Stauffer avait l'obligeance d'éviter de parler, on gagnerait beaucoup de temps et, quant à nos oreilles... Eh bien, cela nous éviterait d'entendre autant de conneries dans ce parlement.
Je reviens aux discours de M. Halpérin et du MCG. Il faudrait donc croire que des richesses ne seraient pas créées si les riches n'existaient pas... C'est quand même extraordinaire, ça ! C'est un postulat extraordinaire ! S'il n'y avait pas de riches, il n'y aurait pas création de richesses et, par conséquent, les pauvres, les travailleurs, eh bien, ils seraient dans l'indigence et mourraient d'inanité...
Une voix. «D'inanition» !
M. Alberto Velasco. Oui, «d'inanition», merci de corriger ! Je voudrais quand même relever que si les riches gagnent quelque chose, c'est parce qu'on produit des richesses. Et qui les produit ? Les richesses sont produites parce qu'il y a des projets, notamment parce que les Etats investissent beaucoup d'argent, qu'il s'agisse de recherches scientifiques, de santé ou d'investissements... Par exemple, à Genève, 8 milliards sont investis par l'Etat et, grâce à ces 8 milliards, des entreprises travaillent et font des bénéfices corrects.
Ce que nous remettons en question ici, ce n'est pas le gain que les entreprises réalisent, ou que les petites et moyennes entreprises font, ou qu'un entrepreneur industriel fait ! Moi je ne mets pas cela en cause, loin de là, je trouve que c'est très honorable. Ce que nous remettons en cause, ce sont les gens qui gagnent des sommes incroyables, simplement parce qu'ils disposent d'une fortune... à la manière d'une rente. Eh bien, cela n'est pas normal ! Je vous rappelle que Platon, déjà à son époque, avait estimé qu'un écart de richesse de 4 entre le revenu du pauvre et celui du riche était insupportable dans une société démocratique; et même, par la suite, saint Augustin a réaffirmé ce principe, ô combien piétiné... Franchement, on est bien au-delà aujourd'hui !
Que dit-on, lorsqu'on ne veut pas imposer à plus de 60% ? Excusez-moi de devoir vous le rappeler, Mesdames et Messieurs, mais aux Etats-Unis, après la guerre - si mes lectures sont correctes - on imposait à raison de 80% ! Parce que l'Etat avait besoin de financements, parce qu'il fallait relancer la machine productive et, aussi, toute l'industrie. Et je ne pense pas que les Etats-Unis soient un modèle de pays bolchévique, loin de là.
Je ne vois pas en quoi certains collègues s'offusquent de ce que les socialistes trouvent que ce bouclier fiscal devrait être annulé... Eh bien oui, il faudrait l'annuler ! M. Halpérin dit que, effectivement, il y a des personnes qui possèdent des fortunes en lingots d'or, en immobilier, et qui, malheureusement - les pauvres ! - n'arrivent pas à payer leurs impôts parce qu'ils n'ont pas de cash... Qu'ils réalisent que des lingots d'or peuvent se vendre, tout de même ! Est-ce que les lingots ne se vendent pas ?! Et les immeubles ?! Eh bien, ça se vend... Oui, cela se vend, Monsieur le président ! Voilà, c'est normal. Ensuite, grâce au revenu de l'immeuble, on peut vivre de ses rentes, c'est possible ! Ce qui n'est pas normal, c'est de posséder une fortune, composée par exemple d'immeubles, et, parce qu'on n'en obtient pas les intérêts adéquats, on veuille limiter l'impôt dû à l'Etat, qui, lui, a besoin de revenus ! Je pense qu'au cours du troisième débat nous aurons l'occasion de nous expliquer.
Je vois M. Barrillier, qui, lui, est un entrepreneur... Monsieur Barrillier, vous représentez les entrepreneurs. Vous qui constamment ici sollicitez l'Etat pour des investissements - le CEVA, les grands travaux, etc. - eh bien, je vous rappelle qu'il faut des moyens pour cela et, donc, des impôts ! Il faut que les gens qui gagnent beaucoup d'argent en reversent une partie, une bonne partie, à l'Etat. Et je relèverai que ce n'est pas parce que ces personnes-là paient 80% d'impôts qu'elles vont s'appauvrir... Pas du tout, il doit leur en rester pas mal !
C'est pourquoi je considère que l'amendement que nous avons déposé est tout fait louable et qu'il faut le voter.
M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de mon collègue Velasco, j'aimerais tout d'abord rappeler que jusqu'à ce jour cet impôt sur la fortune existe. Il n'a manifestement pas empêché de faire venir de la terre entière en Suisse et à Genève des personnes fortunées, puisqu'il y en a de plus en plus chaque année. En tout cas, jusqu'à maintenant, cet impôt dit confiscatoire n'a empêché personne de venir s'établir dans notre bienveillante république ! Cela ne semble donc pas poser de problème, y compris aux dinosaures d'une autre époque qui y trouvent manifestement des avantages. Pour les socialistes, ce qu'il y a de particulièrement choquant, et je relève au passage que personne à droite n'a souhaité répondre à cette question, c'est que cela figure dans le même projet de loi que celui concernant les classes moyennes et les familles. Voilà ce qui est particulièrement gênant et inacceptable pour les socialistes ! Car le peuple devrait pouvoir se prononcer en connaissance de cause ! Il y a des raisons objectives, M. Hiler l'avait d'ailleurs très bien expliqué en commission, et je peux partager un bout de son raisonnement: nos voisins vaudois ont introduit des mesures similaires. Il peut sembler rationnel, à défaut d'être intelligent, de procéder de la même manière. Et, simplement, pourquoi cette mesure n'est-elle pas soumise, en tant que telle, à votation populaire ? Pour que les citoyens genevois puissent choisir si oui ou non ils souhaitent accorder des privilèges supplémentaires aux grandes fortunes ! C'est la première chose.
La deuxième, Monsieur Halpérin, c'est quand vous parlez du caractère confiscatoire d'un tel impôt. Je suis désolé... Ce ne sont pas les riches qui posent problème: ce sont les pauvres. Et ce qui est important pour les socialistes, c'est de garantir aux pauvres un revenu correct, des conditions d'existence correctes et un minimum d'égalité des chances, ce que vous êtes en train de remettre en question en adoptant ce genre de mesures. (Brouhaha.)
Parce que ces dizaines de millions qui vont manquer à l'Etat de Genève feront certainement défaut pour mettre en oeuvre des politiques sociales, de la petite enfance, de soutien aux personnes âgées avec des revenus faibles et, aussi, d'appui scolaire aux enfants qui ne sont pas forcément de milieu aisé. Mais peut-être ne connaissez-vous pas ces personnes-là, et vous ne savez pas très bien de quoi on parle... Nous socialistes, nous imaginons les conséquences désastreuses que ce genre de politique peut donner.
Comme je l'ai dit, jusqu'à présent les fortunes n'ont pas cessé de venir s'établir en Suisse... Il n'y a pas de problèmes particuliers jusqu'à ce jour, mais ce que l'on peut relever en examinant cet article, c'est que ce qui pose problème, c'est la concurrence fiscale ! La concurrence fiscale entre les cantons est particulièrement nuisible et mériterait, il faut le relever une fois de plus, d'être complètement supprimée, car elle est inique. Elle fait que des citoyens paient, alors que d'autres ne le font pas et que, en allant s'établir quelques kilomètres plus loin, ils peuvent bénéficier, sans y contribuer, de prestations culturelles, sportives et sociales. Ce n'est pas acceptable.
Mesdames et Messieurs les députés, cet article n'a rien à voir avec la politique en faveur des classes moyennes et des familles ! Mesdames et Messieurs, payer des impôts quand on est riche, c'est normal; cela ne pose pas de problème d'être riche, il s'agit simplement de contribuer de façon courante, régulière, citoyenne, au bien-être de la collectivité ! Il s'agit de contribuer à une certaine égalité des chances et de ne pas accentuer l'écart entre les plus riches et les plus pauvres, écart qui n'a cessé de croître ces trente dernières années. Donc, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à supprimer cet article définitivement.
M. Olivier Wasmer (UDC). Cela me fait plaisir d'avoir entendu M. Deneys dire que cela ne posait pas de problème d'être riche. D'ailleurs, j'ai appris avec les années qu'il fallait respecter les riches, parce qu'on ne sait jamais ce qu'on peut devenir... C'est pourquoi votre langage m'étonne beaucoup. Il y a quarante ans, je parlais un peu comme vous, j'avais dix-sept ans, j'étais marxiste-léniniste, je lisais «Le Capital» de Marx, le «Manifeste du Parti communiste»... (Commentaires.) ...et je me disais que tout le monde devait avoir une baignoire, que nous devions être tous égaux, que tout le monde devait vivre aux crochets de tout le monde... Et vous voyez, en quarante ans, j'ai un peu évolué: je me suis dit que travail mérite salaire, que la fortune est le produit du travail et que, malheureusement, on ne peut pas toujours vivre aux crochets de la société ! (Commentaires.) On ne le peut pas, et heureusement qu'il y a des gens qui travaillent, heureusement qu'il y a des gens qui gagnent beaucoup d'argent et heureusement que ces derniers peuvent constituer des fortunes. Pour parler de grosses fortunes, je mentionnerai Warren Buffett, président de Microsoft, et Elton John. C'est grâce à ces gens que l'on a créé des fondations pour les personnes déshéritées ou atteintes de graves maladies. Et cela, ça compte, Monsieur Deneys ! Vous ne l'avez toujours pas compris - d'ailleurs, M. Velasco non plus - et je crois que vous devriez un peu lire la presse. Votre langage est celui que je tenais il y a quarante ans... Depuis, j'ai un peu compris que, malheureusement, l'économie, ce n'était pas tout à fait ça ! Ce que vous n'avez pas compris se remarque dans votre dogmatisme: vous ne voyez pas la réalité des choses. Concernant cette réalité, Monsieur Velasco et Monsieur Deneys, prenez la presse - «La Tribune», «Le Matin», les journaux d'aujourd'hui - et vous verrez qu'à Zurich, grâce aux socialistes, tous les détenteurs de grandes fortunes, notamment celles qui étaient soumises au forfait fiscal, ont été consultés il y a quelques jours; on a demandé à un avocat vaudois, spécialiste du droit fiscal, dans quel canton ces fortunes pouvaient émigrer, car, à force de vouloir tuer la poule aux oeufs d'or, il n'y aura plus d'oeufs du tout... Et voilà, Mesdames et Messieurs les députés socialistes, vous n'avez pas compris le message !
Comme l'a indiqué Me Halpérin tout à l'heure, 20% ou 30%, je crois, de grosses fortunes et de gros revenus paient à eux seuls 50% des impôts de Genève. Aujourd'hui, à force de vouloir absolument les tondre, et sur leur revenu, et sur leur fortune, ces gens-là émigreront ! Où iront-ils ? Eh bien, ils iront - je peux vous citer les exemples de Schumacher et de Prost... - dans le canton voisin, Vaud, à Coppet, à Nyon, mais ils ne resteront pas à Genève ! Parce que le tourisme fiscal, Mesdames et Messieurs les députés de gauche, ça existe ! La preuve ?! Toute la presse l'évoque aujourd'hui: grâce à l'initiative socialiste pour la suppression des forfaits fiscaux dans le canton de Zurich, les fortunes imposées au forfait vont émigrer, principalement dans les Grisons, voire à Zoug. Voilà à quoi vous arriverez, avec vos amendements qui tentent de ponctionner davantage les gens ayant de la fortune !
Pour toutes ces raisons, l'UDC - qui a toujours été proche des gens et qui est convaincue que c'est grâce aux grosses fortunes qu'on peut entretenir des assistés et qu'on peut payer des frais médicaux - eh bien, l'UDC n'abondera jamais - jamais ! - dans votre sens et rejettera tous vos amendements.
M. Michel Halpérin (L). Pardonnez-moi, mes chers collègues, de revenir à la charge, mais l'appel de M. Deneys était irrésistible. Il a trouvé que je n'avais pas répondu à toutes les questions qu'il posait, alors je ne voulais pas le laisser en manque.
La question était: pourquoi ne pas faire une loi distincte par sujet, plutôt que de faire une loi par matière ? C'est une très bonne proposition que vous faites. D'une manière générale, la systématique de notre parlement gagnerait beaucoup si, au lieu d'avoir une loi par matière, nous avions une loi par article... Cela nous permettrait d'être extrêmement sélectifs en matière référendaire, cela nous permettrait d'éviter de nous poser des questions d'ensemble, cela nous permettrait de compter les arbres au lieu d'apercevoir les forêts, cela nous permettrait d'éviter d'avoir des appréciations globales, cela nous permettrait enfin de nous occuper du détail plutôt que de la collectivité ! Je reconnais là votre sagacité, je reconnais là aussi votre désir d'aller jusqu'au bout et jusqu'au fond des choses.
Seriez-vous allé au fond des choses, cher collègue, que vous n'auriez pas reproché cette proposition à l'Entente. L'Entente l'a acceptée; l'auteur de l'article 60, c'est le Conseil d'Etat, dont la majorité est à vos côtés. Alors, si vous aviez eu envie d'être mécontent, vous auriez pu le dire au Conseil d'Etat, au lieu de vous en prendre à la majorité qui ici s'est ralliée au Conseil d'Etat, de couleur rose-verte, comme vous le savez sans doute.
Hier, le président du Conseil d'Etat nous a dit avec justesse que Genève était peuplée des enfants gâtés de la planète... C'est une très jolie formule, et, de surcroît, elle est vraie. Je ne connais pas une seule collectivité publique qui dispose, pour 450 000 habitants, d'un budget de 7,5 milliards. Sans compter celui des communes ! Et sans compter celui de la Confédération. Mesdames et Messieurs, si vous en trouvez une autre, décrivez-la-moi, elle sera probablement tentante. Eh bien, dans cette république, où les revenus atteignent cette somme par habitant et la moitié de ces revenus proviennent de 5% de la population, cela permet la redistribution la plus généreuse qui se puisse espérer !
Nous ne prétendons pas qu'il n'y a pas de problèmes sociaux, nous disons qu'il y a des problèmes sociaux et qu'il nous faut les résoudre; et nous voulons nous donner les moyens de les résoudre en faisant savoir à ceux grâce à qui nous pouvons les résoudre qu'ils sont les bienvenus. Vous, vos cris d'orfraie visent à les faire partir; nous, nos appels de bienvenue visent à les faire rester. C'est une différence de méthode, c'est une différence de tempérament. Les uns pratiquent l'hospitalité; pour les autres, la chasse aux riches est ouverte. Amusez-vous bien, le dernier mot est à ceux qui auront la majorité dans ce Grand Conseil cette fois-ci. Pourvu qu'elle dure un peu ! (Applaudissements.)
Mme Virginie Keller (S). A propos des riches qui créent des emplois, des très riches qui font vivre les très pauvres, mentionnés par M. Wasmer, il me semble que la crise économique et financière mondiale que nous traversons a permis un certain nombre de constats, partagés aussi bien par des analystes à tendance idéologique de droite que de gauche. On constate qu'aujourd'hui, sur la planète, ceux qui fabriquent de l'argent, de la fortune, ne sont pas forcément ceux qui créent de l'emploi. C'est ce constat-ci qui a conduit les organisations internationales et tous les gouvernements du monde à essayer de réfléchir ensemble au fait qu'il fallait quand même fixer un cadre à l'économie ! Car, Monsieur Wasmer, ce qui est extrêmement respectable, ce sont les gens créatifs, ceux qui créent des emplois et des richesses pouvant ensuite être réparties sur l'ensemble de la population, que ce soit en termes d'emplois ou d'impôts permettant ensuite d'aider les personnes sans emploi ou qui en ont besoin. Quand on parle des grandes fortunes, il est donc très important de faire la différence ! Or, quand on questionne les grandes fortunes, on ne s'adresse pas du tout aux créateurs d'emplois dans notre canton ou dans la région - parce qu'il faut mentionner les frontières et la région. Eh bien, nous pensons qu'il n'y a pas que cela: il y a aussi des gens qui fabriquent beaucoup d'argent, tout simplement parce qu'ils font de l'actionnariat et jouent en bourse. Donc, ils ne créent aucun emploi ! Et vous le savez bien ! D'ailleurs, nous le voyons dans le canton: nous sommes touchés de plein fouet en ce moment. Il y a des gens qui font de l'argent en licenciant du personnel, c'est-à-dire en diminuant l'emploi. C'est aussi une manière de faire de l'argent aujourd'hui... Et je crois qu'au niveau mondial c'est largement critiqué. Quant à la question des riches et des pauvres, ce n'est pas aussi caricatural que ce que l'Entente voudrait nous faire croire, bien au contraire !
Vous savez que, ces dernières années, le nombre de millionnaires a augmenté dans le canton de Genève; vous savez que les derniers comparatifs internationaux américains ont placé Genève en deuxième ou cinquième position parmi les villes du monde ayant les meilleurs paramètres de qualité de vie... (Remarque.) Combien ? Huitième... Il me semble avoir lu que c'était, il y a deux ans, la cinquième position. Donc, quand on analyse la qualité de vie du canton de Genève, il n'y a pas que la question de l'impôt, Mesdames et Messieurs, et c'est bien pour cela qu'autant de gens riches s'installent ici ! Nous sommes dans un site absolument magnifique du point de vue géographique, et au centre de l'Europe. Nous avons des écoles de très bonne qualité, nous sommes un canton sûr, nous avons les montagnes tout près, nous avons une offre culturelle très importante, nous sommes des gens ouverts qui parlons toutes les langues, plus d'autres qualités encore qu'on pourrait citer. Voilà pourquoi les gens fortunés apprécient la qualité de vie du canton de Genève ! Et c'est pour cela que, malgré les impôts et leurs spécificités, ils restent et vivent ici.
Quand on vous entend, on dirait que les socialistes ont proposé une hausse des impôts... Mais ce n'est pas du tout le cas ! Nous vous avons juste dit: «Laissez le peuple se prononcer sur deux objets différents, s'il vous plaît, et laissez le système tel qu'il est actuellement !» Il convient parfaitement, puisque nous n'avons absolument pas, à Genève, assisté à un départ de fortunes - ni même de grosses fortunes - bien au contraire, cela figure d'ailleurs dans les statistiques. Et puis, nous vous avons demandé de nous laisser voter sur les aides aux familles; comme on vous l'a dit, les socialistes soutiendront ces aides.
Ensuite, en ce qui concerne la question du tourisme fiscal, on vous rappelle quand même, Mesdames et Messieurs, qu'il y a beaucoup de gens du canton de Vaud qui travaillent à Genève sans payer leurs impôts ici ! Tout simplement ! Malgré les nombreux essais que Micheline Calmy Rey, ministre des finances socialiste, avait tentés en négociant avec notre voisin le canton de Vaud, vous savez bien qu'il y a une quantité de gens qui profitent de nos infrastructures au niveau de la région et qui ne paient pas pour ces dernières. C'est pour cela que le canton de Genève a un budget extrêmement lourd ! Genève est un tout petit canton qui, à lui seul, répond aux attentes de presque un million d'habitants ! C'est bien un bassin d'un million d'habitants, n'est-ce pas ? Or il n'y a pas un million d'habitants qui paient des impôts à Genève ! En revanche, les infrastructures culturelles, hôtelières, touristiques, sociales, mais aussi hospitalières - vous savez qu'il y a des gens qui viennent se faire soigner chez nous - correspondent et répondent véritablement à un nombre beaucoup plus élevé de personnes que celles qui se trouvent sur le territoire de Genève.
Pour les socialistes, la chose la plus importante maintenant est de rappeler que les baisses d'impôts que nous allons voter... D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'en discuter dans mon milieu professionnel: les gens trouvent qu'il est bien de baisser les impôts pour les familles moyennes, or, quand on leur explique que la moitié de la baisse sera consacrée aux riches, là, ils ne comprennent pas ! (Brouhaha.) En effet, les gens qui ont au-delà de 200 000 F, de 400 000 F, plus le bouclier fiscal... Cela fait quoi, 150 millions ? (Brouhaha.) Et puis, quand on explique aussi qu'on aura en tout cas 100 millions de moins dans les communes... L'autre soir, à la commission de l'enseignement et de l'éducation, nous avons auditionné l'Association des communes genevoises. Des membres sont venus nous dire qu'ils étaient très inquiets pour le financement du parascolaire l'année prochaine, étant donné la baisse de revenu fiscal. Alors, quand on commence à dire aux gens: «Oui, vous allez effectivement économiser 1000 F par an sur vos impôts, si vous en gagnez 80 000 - je ne sais plus très bien quels étaient les chiffres - mais, à côté de cela, les communes vont peut-être devoir augmenter les impôts ou, alors, le coût des prestations, pour contrebalancer...», tout d'un coup cela devient beaucoup moins intéressant, comme calcul !
Et j'espère, Mesdames et Messieurs, que lors de la campagne concernant ces votations-là les socialistes pourront être entendus ! Parce que je crois qu'il est du devoir du parlement d'être honnête envers la population et de dire quelles sont les conséquences de ce que l'Entente et les Verts vont voter ce soir.
Le président. Merci, Madame la députée. Sont encore inscrits pour prendre la parole: M. Velasco, Mme Scheider Hausser, M. Meylan, puis M. le conseiller d'Etat Hiler. Monsieur Velasco, vous pouvez vous exprimer.
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, mes paroles s'adresseront à M. Wasmer: quand vous donnez en exemple ce qui s'est passé à Zurich - c'est vrai, c'est un constat, mais je ne l'ai pas lu - eh bien, qu'est-ce cela signifie ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cela voudrait-il signifier que l'on devrait se plier au diktat des riches ? C'est ce que vous voulez dire ? Que «Ma foi, c'est comme ça, il ne faut pas effrayer les riches... Et puis, si les citoyens décident de baisser les impôts, eh bien, il faut le faire...» ? C'est ce que cela signifie ? Ne pensez-vous pas que le politique a quand même la primauté sur tout ce qui est financier, sur l'aménagement, etc. ? Il me semble que lorsqu'une décision politique s'impose, et qui a été votée démocratiquement - démocratiquement ! - eh bien, la moindre des choses serait de la respecter !
Vous êtes en train de stigmatiser le fait que le peuple zurichois a décidé de gommer une indignité fiscale... Mais enfin, il faudrait au contraire saluer le courage de ces citoyens ! Il faudrait que tous les cantons de ce pays fassent de même ! Et je suis d'accord avec ce que le conseiller d'Etat a dit hier: effectivement, il faudrait une initiative, car ces problèmes-là sont du ressort du Conseil fédéral. Il faudrait une initiative fédérale, afin que tous les cantons aient le même degré de fiscalité ! Oui, c'est vrai ! Mais cela ne nous empêche quand même pas de nous battre et d'approuver ce que d'autres cantons font de juste.
Alors, ne venez pas nous dire que l'attitude des socialistes tendra à appauvrir le canton de Genève ! Ce n'est pas du tout le cas ! Et puis, il y a des pays qui connaissent une fiscalité moindre que celle de la Suisse, n'est-ce pas ? Voyez l'Afrique... Vous n'y payez pratiquement pas d'impôts. (Remarque.) Eh bien, ils ne vont pas là-bas, ces gens-là; ils restent quand même ici !
Si jamais on supprimait ce bouclier fiscal, je ne crois pas qu'on aurait une «érosion» de rentrées fiscales dans notre canton... J'en doute beaucoup, Monsieur Wasmer ! L'érosion fiscale, c'est la diminution de 400 millions dans les caisses de l'Etat. Que vous avez provoquée ! Et ça, c'est une sacrée érosion ! Ce montant s'ajoute aux 3,5 milliards que nous avons déjà perdus depuis dix ans. Voilà ce que cela a donné, et voilà ce qu'est l'érosion fiscale !
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de minorité. Ce que demandent les socialistes, c'est abolir l'idée d'inclure le bouclier fiscal dans ce projet de loi. Pour l'instant, il n'y est pas, il n'existe pas. Nous ne demandons pas une suppression: nous demandons qu'il ne soit pas inclus dans le projet de loi ! Et cela, parce que nous refusons l'objectif principal que la majorité a voulu dans ce projet de loi: faire en sorte que les riches ne s'appauvrissent pas en ces temps de crises, et plutôt, même, qu'ils s'enrichissent sur le dos des pauvres !
Prenons ce bouclier fiscal: 40 millions pour 1288 contribuables, soit 31 000 F de déductions possibles par année, par contribuable. Rappelons juste que les 25% de tous les contribuables de Genève gagnent cela comme revenu annuel pour vivre.
Beaucoup de personnes, durant ce débat sur la fortune, ont aussi parlé de privilégier les familles... Or je peux confirmer, par des chiffres, par des faits, que le mécanisme, c'est le privilège des hauts revenus avant celui des familles. On parle des familles depuis hier 17h, or ce projet de loi c'est l'union de cinq lois sur l'imposition des personnes physiques. Si l'on prend la totalité des personnes physiques - célibataires, personnes âgées, couples sans enfants ou avec enfants - eh bien, 10% de la totalité de ces contribuables, soit 24 466 personnes, ont un revenu annuel brut de moins de 10 000 F. Parmi ceux-là, il n'y aura que 366 contribuables qui seront touchés et, en moyenne, ils connaîtront une diminution de leur imposition de 79 F par année. Ensuite... (L'oratrice est interpellée.) Oui, mais c'est pour prouver qu'il n'y a pas que sur la fortune que se manifeste l'aide aux riches ! Ensuite, pour arriver au quart des contribuables de ce canton, à ces 10% on ajoute 36 669 contribuables qui ont un revenu entre 10 000 et 30 000 F. Parmi ces derniers, il y en a 4621 qui bénéficieront en moyenne d'une diminution de 290 F par année. Pour arriver à la moitié des contribuables des cantons, on ajoute à ce que l'on vient de citer 61 165 contribuables; et parmi ceux-là, on en a 38 653 - soit 63% - qui vont gagner en moyenne 648 F par année. (Remarque.) Excusez-moi, mais je vais continuer jusqu'au bout.
Pour arriver aux 75% des contribuables, on ajoute aux premiers à nouveau 61 164 contribuables qui ont un revenu entre 66 000 et 113 000 F par année. Parmi ces 61 164 contribuables, il y en a 55 570 qui seront touchés et qui, eux, vont gagner une moyenne de 1004 F de diminution par année. Pour arriver aux 90% des contribuables, on rajoute encore à tous ceux que je viens de citer 36 699 contribuables, et parmi ceux-là on a - et là, cela commence à être intéressant en termes de pourcents - 35 563 contribuables qui sont touchés et obtiendront 1879 F de diminution par année. Parmi les 10% restants, 24 446 contribuables, qui ont un revenu supérieur à 188 000 F, il y en aura 96% qui gagneront en moyenne 4028 F de diminution par année. (Remarque.)
C'est long, mais cette démonstration prouve que tant sur le bouclier fiscal que sur l'impôt sur les revenus on a une progression due à l'état des revenus - c'est-à-dire bas revenus, hauts revenus, pas de fortune, grande fortune. Je peux ressortir ces chiffres, je les ai calculés.
Malgré tout ce qui a été relaté hier, le PS ne ment pas autant que certains voudraient le dire, par rapport au fait que cette diminution d'impôt est basée sur le montant du revenu et sur le montant de la fortune. C'est vrai que des gens y gagnent - les familles, en partie - mais pas uniquement, et surtout pas majoritairement.
M. Alain Meylan (L), rapporteur de majorité. Il est peut-être un peu délicat pour un rapporteur de majorité, dont le vote sur ce point-là ne sera probablement pas celui du vote final, de rester sur quelques points factuels, puisque les thèmes idéaux ont déjà été développés par les différents groupes.
Tout d'abord, sur le plan formel. C'est vrai que le projet de loi que l'on vous soumet ce soir concerne le splitting: il n'existe pas dans les lois actuelles. C'est vrai qu'il n'y a plus qu'une seule courbe; la loi actuelle en a deux, avec un barème compliqué, avec un rabais d'impôts. Il n'y a pas de rabais d'impôts dans notre projet loi. Il y a effectivement un certain nombre de nouveautés qui ont été voulues par la majorité de cette commission et par les auteurs de ce projet de loi, nouveautés qui donnent un sens, un équilibre, une transparence, une simplification de notre législation, et le bouclier fiscal en est une partie. Cela, c'est sur le plan formel des travaux de la commission.
Il est vrai qu'au niveau des chiffres le triple bouclier fiscal que voulaient les auteurs avait une portée de 229 millions... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...cela a été calculé par l'administration. Mais le bouclier fiscal qui est proposé - et comme l'un des préopinant l'a relevé - l'a été par le Conseil d'Etat, en fonction des connaissances qu'il avait de la situation fiscale des contribuables concernés, en voulant cibler les contribuables dans une situation particulièrement dangereuse pour les finances cantonales, puisque ceux-ci avaient la possibilité de quitter le canton assez facilement, d'autant plus qu'ils connaissaient une imposition relativement lourde. La commission n'a pas voulu, comme d'autres cantons, commencer à jouer, à faire du dumping au niveau des impositions de cette catégorie, puisqu'on en vient - «seulement», serais-je tenté de dire - au barème vaudois. On a étudié le barème des Valaisans... On a étudié le barème des Bernois: il était beaucoup plus gourmand en termes d'impact fiscal... Et la commission s'est rangée derrière les arguments du Conseil d'Etat, qui a proposé ce bouclier fiscal modeste d'une portée de 37 millions sur les 320 suggérés sur l'ensemble du projet de loi.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, oui, le Conseil d'Etat est l'auteur de cette disposition, c'est parfaitement exact ! Il en est l'auteur, il l'a étudié à plusieurs reprises, puisque la valse-hésitation concernant le modèle - le meilleur modèle de bouclier - nous l'avions aussi eue au Conseil d'Etat, et il a adopté ce modèle à l'unanimité. C'est une première chose.
Deuxième chose - et je veux tout de même donner des chiffres simples, pour que chacun puisse se situer: le bouclier fiscal représente un onzième de la baisse d'impôts. Sur ce qui est distribué en termes de revenu - je vais prendre les chiffres de 2006, puisque ce sont ceux qui ont servi aux simulations - c'est 340 millions, dont 250 pour les gens au barème ordinaire et 90 pour l'imposition à la source. Concernant les célibataires, 90% de l'abaissement fiscal profitent aux gens qui gagnent entre 30 000 et 120 000 F - une infirmière avec 22 annuités gagne 117 000 F à l'Etat de Genève; comme ça, vous avez le groupe. Pour les gens qui sont au barème B, donc les couples et les familles monoparentales, 90% de cette baisse fiscale, en francs, sont attribués au groupe qui se situe entre 40 000 et 400 000 F - c'est inévitable pour les 400 000 F, dès lors que l'on introduit le splitting. On ne peut pas tout avoir dans la vie... Si l'on veut le principe du splitting, évidemment que cela a un effet sur des revenus élevés - ce sont deux cadres de l'Etat en couple. Voilà sur quoi portent 90% de cette baisse fiscale. C'est sur ce périmètre, et c'est bel et bien ce qu'on appelle en principe «les classes moyennes» - que j'ai personnellement toujours définies comme étant des gens qui paient des impôts, bien sûr - c'est-à-dire les 50% de gens qui sont autour de la médiane.
Nous ne pouvions pas baisser les impôts des 27% des contribuables qui ont le moins de revenus. Parce qu'ils n'en paient pas ! Nous avons simplement, par ces mesures, ajouté 6% de gens qui n'en paient pas ! Nous avons, pour les petits revenus, baissé le peu qu'ils payaient, c'est vrai - c'est pour cela que cela fait peu - de 90 à 80%. De l'autre côté, on est effectivement à 10%, et c'est plus intéressant, mais on ne peut pas baisser les impôts des gens au-delà de ce qu'ils paient: ce n'est juste pas possible !
Maintenant, concernant le bouclier fiscal... Moi je comprends parfaitement qu'on soit contre. Le calcul du Conseil d'Etat est le suivant: à terme, nous pensons qu'en prenant cette mesure nous avons la bonne stratégie pour maintenir le rapport de l'impôt sur la fortune. Nous pensons que ces 35 millions sur les 350 - toujours selon les chiffres 2006 - ne sont pas un sacrifice trop fort et que c'est en effet une assurance contre... quoi ? Contre le fait, simplement, que tous les cantons romands ont maintenant ce bouclier ! Et chez nos voisins vaudois, ce bouclier a été plébiscité à 70% en votation populaire. Dans ces conditions, nous avons visé une clientèle à vrai dire particulière. Et les revenus n'ont rien à voir dans cette affaire; c'est la fortune. Ce sont les gens qui ont une grande fortune mais de faibles revenus. Et ce sont eux aujourd'hui, comme nous avons une imposition qui va jusqu'à 1% - 1% de l'imposition de la fortune, c'est assez inhabituel partout dans le monde... Eh bien, nous avons dit: «Ces gens ont un revenu. Ils ont un revenu de la fortune, nous additionnons ce dernier.» Et, comme les Vaudois, nous avons décidé que l'impôt cantonal et communal c'était au maximum 60%. Cela veut dire que, dans les cas les plus élevés, les gens paieront 76% de leur revenu de la fortune et du travail, le cas échéant.
Est-ce vraiment dramatique, pour sauvegarder le potentiel fiscal de ce canton, de faire cela ? Ce sont 76%, Mesdames et Messieurs... Moi je ne suis même pas sûr que, philosophiquement, il n'y ait pas quand même une limite. Alors, elle n'est pas de 50%, et j'en suis désolé pour l'autre partie de ce parlement, mais, là, on est quand même relativement à un niveau élevé. Et en termes de concurrence intercantonale, par rapport à des gens qui veulent vivre dans un environnement français ou anglo-saxon, puisque ce sont les deux langues communément parlées à Genève, eh bien, cela nous suffit pour que les gens restent. Peut-être que ce n'est pas la peine ? Je n'en sais rien ! Et je n'en saurais jamais rien, en réalité, parce que je ne peux pas simuler cela.
Mais je ne comprends toujours pas comment on peut prétendre que cette baisse d'impôts s'adresse majoritairement aux riches, alors que, sur les 340 millions... Là, je vous ai communiqué les chiffres au barème ordinaire, ce sont les seuls que je peux vous donner. Mais si vous prenez l'impôt à la source, cela concerne encore plus de gens qui sont dans des catégories moyennes ! Les gens imposés à la source ne sont, pour la plupart, pas des gens qui gagnent 200 000 F ! Ils gagnent 60 000, 80 000 F, et ce sont eux qui connaissent ces baisses d'impôts ! Et ce sont eux aujourd'hui qui tirent le diable par la queue, parce que, entre les assurances, le loyer, le fait que Genève est quand même une ville chère... On aimerait en principe avoir un disponible. Or, quand on gagne 100 000 F et qu'on a deux enfants, on a très peu de disponible !
Sommes-nous tous sûrs ici que ces 300 millions que nous donnons n'apportent pas plus de satisfaction à nos concitoyens que les mesures diverses et variées auxquelles nous pourrions les attribuer dans le cadre de l'Etat ? Ce qui est certain, c'est qu'ils ne mettent pas en cause les prestations sociales: celles-ci sont fixées par la loi ! Pour démolir des prestations sociales, il faut obtenir l'assentiment du peuple ! La seule chose qui le concerne, c'est le cadre un peu plus contraignant que nous fixons dans la progression future.
Alors, il est vrai - je l'ai dit et je terminerai par là - qu'il y a un pari, et la politique est toujours un pari, puisqu'on travaille pour l'avenir. Nous pensons que Genève va bien rebondir et qu'en 2012, sans avoir fait de coupe claire, nous retrouverons l'équilibre. Le prix à payer, nous l'avons assumé, c'est qu'on va bousiller toute la réserve conjoncturelle ! Il se trouve que c'est la pire crise depuis 1929, paraît-il, alors c'est le moment ou jamais, me semble-t-il, d'utiliser cette réserve conjoncturelle, parce qu'autrement ce n'était pas la peine de la faire. Il y a 780 millions; nous assumons, par nos investissements et par cette baisse fiscale, une politique équilibrée de relance. On peut la contester, mais certainement pas au motif que le paquet est disproportionné sur le plan social.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur ce cinquième amendement de la minorité. Je rappelle qu'il demande l'abrogation de la section 6 et de son article 60. Le vote nominal est demandé: est-il soutenu ? Il l'est très largement.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 51 non contre 29 oui.
Mis aux voix, l'article 60 est adopté, de même que les articles 61 à 66.
Le président. Au chapitre VI, l'amendement présenté par l'UDC à l'article 67 tombe, parce qu'il dépendait de l'acceptation de l'abrogation de la lettre h) de l'article 47.
Mis aux voix, l'article 67 est adopté, de même que les articles 68 à 72.
Mis aux voix, l'article 73 (souligné - Modifications à d'autres lois) est adopté, de même que l'article 74 (souligné - Coordination avec la réforme de l'imposition des entreprises II).
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? Je vois qu'il l'est.
Troisième débat
Le président. Nous allons donc nous prononcer sur l'ensemble de ce projet de loi 10199... (Remarque.) Oui, Monsieur Deneys ? (Protestations. Commentaires.)
M. Roger Deneys (S). Monsieur le président, je vous invite à partager ce qui s'exprime ici. Nous aurions aussi pu ouvrir le troisième débat à la reprise de 20h30... Mais c'est comme vous le souhaitez, Monsieur le président.
Mesdames et Messieurs les députés, pour les socialistes, ce résultat est évidemment décevant. En effet, les socialistes ont été pour toutes le mesures en faveur de la casse moyenne et des familles, en faveur du splitting, en faveur des déductions sociales, en faveur des déductions pour charges de famille, et bien sûr que nous espérions simplement atteindre un résultat financier qui soit supportable durant les années suivantes.
M. David Hiler a dit tout à l'heure que nous avions une réserve conjoncturelle de 780 millions et que c'est le moment où jamais de l'utiliser... C'est vrai, ce projet de loi va mettre à contribution cette réserve conjoncturelle. Compte tenu du montant total de ce projet de loi, la réserve conjoncturelle risque fort de s'épuiser en deux ans. (Brouhaha.) Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, ce pari nous semble extrêmement risqué, compte tenu de la conjoncture dans laquelle nous vivons aujourd'hui ! Pour les socialistes, prétendre baisser les impôts des classes moyennes et des familles, alors qu'en même temps, Monsieur Hiler - et là, je ne suis pas du tout d'accord avec vous sur les chiffres - il y a presque 150 millions qui vont à des revenus au-delà de 200 000 F par an... Alors certes, en pourcentage, presque tout le monde est touché - on arrive à 85% des contribuables dont l'impôt va baisser - mais, en réalité, un montant important sera consacré aux revenus au-delà de 200 000 F. (Brouhaha.)
Des voix. On n'entend rien !
Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît ! Je vous demande, Mesdames et Messieurs, si vous voulez continuer le débat. On peut reprendre à 21h, s'il le faut. Ou, si vous le voulez, on peut faire notre pause après l'intervention de M. Deneys et poursuivre nos travaux ensuite.
M. Roger Deneys. Monsieur le président, un minimum de politesse aurait consisté à traiter le troisième débat en bloc. Alors, on fait tout avant ou tout après, mais on va jusqu'au bout ! Et si l'on commence, à mon avis, on va jusqu'au bout maintenant et l'on assume. (Exclamations.) Il y a un moment où l'on choisit ! (Commentaires. Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence ! Laissez terminer M. Deneys, s'il vous plaît !
M. Roger Deneys. Mesdames et Messieurs les députés, je regrette, mais ce n'est pas moi le président ! Pour les socialistes... (Commentaires. Brouhaha.) Il faut vous décider, Monsieur le président.
Le président. Monsieur le député, nous allons jusqu'à 19h30. Ensuite, nous reprendrons nos travaux à 21h.
Une voix. Arrêtons maintenant ! (Commentaires. Brouhaha.)
M. Roger Deneys. Mais il ne veut pas arrêter !
Le président. C'est une décision du Bureau ! (Commentaires.)
M. Roger Deneys. Eh bien voilà, donc on assume et on ira jusqu'à 19h30. On discutera après de la pertinence de ce découpage.
Mesdames et Messieurs, pour les socialistes, l'ampleur de ce projet de loi va donc... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...au-delà de ce qui est supportable pour l'économie genevoise.
Et, Monsieur Hiler, je ne sais pas si la nuit porte conseil, mais je me suis replongé dans l'exposé des motifs de votre projet de loi à vous, du Conseil d'Etat, le PL 10385, et j'y ai relevé le fait que l'ampleur fiscale que vous évoquiez à l'époque, de 247 millions de francs, vous semblait supportable. Compte tenu des arguments qui motivaient ce projet de loi, qui ne sont pas différents de ceux que vous évoquez aujourd'hui, je ne comprends pas très bien comment - en année de crise, en plus - on peut se dire qu'un projet de loi qui était supportable à 250 millions le serait tout autant à 400 millions. Et c'est bien la réflexion des socialistes: pour nous, il y a un risque excessif... (Brouhaha.) ...qui est financé par les plus bas revenus, parce que leur économie d'impôts, certes réelle, est comptée dans votre pourcentage, mais elle représente des montants modestes en francs et risque fondamentalement de diminuer le revenu disponible de ces personnes. (Brouhaha.)
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vais encore citer un chiffre, car moi je n'aime pas les pourcentages ! Je prends la tranche des familles monoparentales, parce qu'on sait que ces dernières sont particulièrement concernées par la précarité: nous avons entre 20 000 et 50 000 F de revenu; nous avons 600 contribuables dont l'impôt va baisser. Cette baisse est de 538 F. Le montant total pour ces personnes est de 300 000 F. A l'inverse, vous avez pour les salaires entre 200 000 et 400 000 F, le même nombre de contribuables, 600 personnes... Eh bien, le montant de cette baisse, concernant les salaires 200 000 et 400 000 F, est 2 millions de francs ! Où est l'équité ?! Où est la justice sociale ? Je ne vois rien ! Nous socialistes ne voyons rien !
Les 530 F de baisse d'impôts pour la tranche de revenus entre 20 000 et 50 000 F, c'est très clair, elle ne sera simplement pas disponible ! Parce que la conséquence du montant total de ce projet de loi, notamment en raison de l'impact... (Brouhaha. Remarque.) Non, cela ne va pas du tout, mais M. le président du Grand Conseil décide que c'est comme ça. Vous interviendrez après, Mesdames et Messieurs les socialistes !
L'impact pour les personnes ayant un bas revenu sera simplement mangé par des hausses de prix des prestations, par des diminutions de prestations fournies par les communes, qui sont soumises à rude épreuve, et sans consultation, par ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, les socialistes ne peuvent pas accepter qu'avec 250 millions de francs pour les familles, on mette dans le même paquet 150 millions pour les revenus de plus de 200 000 F et qu'on prenne le risque de réduire encore les prestations sociales au cours des années suivantes. Ma collègue Virginie Keller l'a très bien rappelé: ce sont les coûts du parascolaire, les coûts des crèches, les coûts des EMS et les coûts de la santé qui vont prendre l'ascenseur pour les classes moyennes, parce que ces taxes, ces prestations, ne sont pas liées à des revenus !
Mesdames et Messieurs les députés, hier soir nous avons entendu la droite faire l'apologie de ce projet de loi en disant que c'était le projet des dix dernières législatures, ou quelque chose comme ça... Eh bien, moi j'ai trouvé une citation dans la «Tribune de Genève» de cette semaine - citation d'un journaliste, M. Innocent Naki - et je vais vous la donner: «La différence entre l'homme politique et l'homme d'Etat est la suivante: le premier pense à la prochaine élection; le second à la prochaine génération.»
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Monsieur le président, je trouve que ce sont des conditions indécentes pour un parlement. Tout le monde ayant envie de partir, je propose de reprendre nos travaux à 20h45, voilà ! (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Nous reprendrons à 20h50, si vous le voulez bien. Ainsi, vous irez manger tranquillement.
Quatrième partie du débat: Session 09 (juin 2009) - Séance 48 du 12.06.2009