République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 mai 2009 à 17h
56e législature - 4e année - 8e session - 40e séance
PL 9800-A
Premier débat
Mme Béatrice Hirsch (PDC), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi radical, déposé en février 2006, faisait partie d'un train de projets de lois radicaux ayant pour but d'améliorer l'organisation et l'efficience de notre Grand Conseil. But certainement louable ! La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est donc plongée lors de longues séances dans l'étude de ce projet de loi sur les commissions permanentes.
Sur le fond, beaucoup d'entre nous estimaient que ce projet de loi avait de bonnes intentions, mais qu'il était très difficile à réaliser. L'idée de diminuer le nombre des commissions était ancienne et avait d'ailleurs déjà été largement traitée en 2003 dans l'étude de M. Sciarini, qui à l'époque déjà disait qu'aucune majorité claire au sein des députés siégeant à ce moment-là n'avait réussi à se dessiner pour ou contre ce projet, seuls les radicaux étant tous favorables à diminuer le nombre de commissions.
Pour la majorité de la commission des droits politiques, le problème n'est pas le nombre de commissions, mais le nombre d'objets traités. En dehors du fait que Genève, semble-t-il, a une législation un peu différente et que, dans certains cantons, on ne vote pas des projets de lois pour toutes les modifications car plus de choses se font sur un mode réglementaire, Genève traite, même si l'on s'arrête simplement à ce type d'objet-ci, beaucoup plus de projets de lois que les autres cantons. Et ce, même si l'on ne prend en compte que les projets de lois déposés par le Conseil d'Etat - en effet, Genève est le seul canton suisse où les députés peuvent déposer des projets de lois.
Toujours dans cette étude de M. Sciarini, on peut voir le nombre d'objets traités en séances. Durant l'année que M. Sciarini a étudiée - je crois qu'il s'agissait de 2001 ou de 2002 - Genève a traité 200 projets de lois en séances plénières, alors que la moyenne des autres cantons se situait autour de 15. Quant aux autres pays, la moyenne serait de 71 par année. Si l'on s'amuse à compter le nombre d'heures nécessaires au traitement de chaque projet de loi en commission, on s'aperçoit qu'à Genève on est plutôt meilleurs que dans les autres cantons, parce que l'on consacre en moyenne 3,3 heures par projet de loi alors que, dans les autres cantons, c'est 4,7. Quoi qu'il en soit, on ne siégera pas moins s'il y a moins de commissions: on siégera tout autant, mais il y aura plus d'heures de séances pour chaque commission. Plusieurs députés ont également déploré le fait que, si l'on réduisait le nombre de commissions, on deviendrait de petits spécialistes dans un seul domaine, mais qu'on ne pourrait plus siéger en commission en touchant à différents sujets - environnement et législative, enseignement et santé, etc., et que chacun serait en quelque sorte confiné à un domaine.
Après deux années de travaux en tout - bien entendu entrecoupées de périodes où l'on a arrêté d'étudier ce projet, notamment parce que l'on parlait d'autres projets de lois traitant de l'organisation du Grand Conseil - lors desquelles ce texte a été abordé durant dix séances, la majorité de la commission a décidé de ne pas entrer en matière, parce que l'on n'arrivait même pas à trouver une méthode de travail pour commencer à diminuer ce nombre de commissions. Nous avons estimé que cette solution n'était absolument pas la bonne, que ce qu'il fallait c'était réduire notre ordre du jour de séance plénière, mais qu'au niveau des commissions cela fonctionnait plutôt bien. En conclusion, la grande majorité de la commission des droits politiques vous propose de rejeter l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Charles Selleger (R), rapporteur de minorité. Comme l'a bien relevé Mme Hirsch, le parti radical est très soucieux du bon fonctionnement des institutions et, à ce titre, il s'est préoccupé du retard endémique des objets traités par notre Grand Conseil. Tous les objets ne sont pas aussi exemplaires que celui que l'on a examiné il y a quelques semaines - le PL 6909 déposé en 1992 et traité dix-sept ans plus tard - mais des retards de plusieurs années sont pratiquement la règle. Le groupe radical a donc déposé depuis la fin de la législature précédente toute une série de projets de lois qui visent à améliorer la fluidité du travail du Grand Conseil. Celui qui fait l'objet de notre discussion de ce soir concerne le nombre de commissions. Ce nombre atteint à Genève un record absolu pour la Suisse: alors que les autres parlements cantonaux ont en moyenne moins de 7 commissions, nous en avons 24. En réalité, il y en a tellement que j'ai de la peine à les compter; j'en ai dénombré 25, mais si l'on soustrait celles qui concernent Justice 2011 et la fondation de valorisation, j'en compte 23. C'est vous dire à quel point c'est touffu et difficile !
Ce projet de loi, bien sûr, n'est pas la solution qui va régler la quadrature du cercle et permettre du jour au lendemain de faire avancer plus vite nos travaux. Il a en revanche pour but d'y contribuer dans une modeste mesure, mais cette mesure-là, on pourra la prendre lorsque nous aurons discuté de ce projet de loi, que nous l'aurons amendé et que nous aurons peut-être trouvé des solutions meilleures encore que celles que propose ce texte. En refusant l'entrée en matière, on refuse donc simplement de considérer le problème !
J'ai entendu de nombreuses choses lors des quelques séances où j'ai siégé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. En effet, je n'y suis pas entré au début de la législature et je ne peux pas vous rapporter tout ce qui s'est dit dans cette commission, mais j'ai entendu dire que, bien entendu, comme l'a indiqué Mme Hirsch, c'est le nombre d'objets à traiter et pas le nombre de commissions qui est en cause dans la lenteur; mais c'est négliger le fait que d'avoir des commissions plus efficaces, parce que réunissant des sujets voisins, avec des personnes compétentes dans des domaines proches, pourrait améliorer la vitesse de traitement des objets. J'ai même entendu dire qu'il faudrait peut-être augmenter le nombre de commissions pour aller plus vite; mais si c'est l'idée de certains, pourquoi ne nous proposent-ils pas un projet de loi visant à augmenter encore le nombre de commissions ? C'est vraiment n'importe quoi.
Ce projet de loi est modeste. Il vise simplement à atteindre une quinzaine de commissions, plutôt que 24, en réunissant des commissions comme transports et mobilité, enseignement et enseignement supérieur - enfin, vous avez tous lu le texte. Pour ma part, il m'est apparu que l'on pourrait encore imaginer d'autres réunions. Par exemple, je ne vois pas pourquoi on ne réunirait pas la commission des visiteurs officiels avec celle des droits de l'Homme, mais ce sont des sujets à discuter.
Ce projet de loi, comme cela été relevé par le rapport de majorité, a suscité beaucoup de discussions. Je pense qu'il faut avoir le courage d'entrer en matière et d'examiner les choses vraiment en détail, c'est pourquoi je vous propose de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai siégé dans cette commission pendant plus d'une année en 2006 et j'avais déjà refusé l'entrée en matière. D'ailleurs, si l'on regarde les votes, il y a eu 10 voix contre l'entrée en matière pour 2 oui et 3 abstentions. Le message était déjà clair alors. Pour ma part, je considère que si nous avons beaucoup de commissions, c'est surtout pour pouvoir traiter les sujets en profondeur. Je ne suis donc absolument pas d'accord de réunir plusieurs commissions en une seule, car soit cela donnera du travail bâclé, soit il faudra d'innombrables séances pour traiter correctement les sujets. En clair, il n'y aura aucune économie financière ni aucune économie de temps, puisque ce qui n'aura pas été dit en commission le sera en plénière. Nous voyons déjà malheureusement depuis trois ans que tous les débats en commission se refont systématiquement en plénière. Par conséquent, toutes les personnes qui se sentiront frustrées de ne pas avoir pu s'exprimer en commission le feront ici, et nous ne traiterons alors plus qu'un seul sujet par séance, ce qui n'est absolument pas possible. (Brouhaha.) Il est clair... Excusez-moi, Monsieur le président, mais on ne s'entend plus !
Le président. Il n'y a pas plus de bruit qu'avant, Madame, continuez tranquillement ! Vous avez trois minutes trente.
Mme Sandra Borgeaud. Oui, mais j'aimerais bien pouvoir me concentrer quand je parle, c'est une question de respect.
Je vous enjoins donc de voter contre ce projet de loi qui, malheureusement, ne donne aucune piste valable. Et si d'autres cantons ne travaillent pas de la même manière que nous, ce n'est pas forcément un bien. Ils ont des horaires différents, la plupart siègent toute la journée, ce qui n'est pas notre cas. Nous avons la possibilité de siéger le soir, ce qui permet à la plupart d'entre nous d'exercer une activité professionnelle car, vous le savez tous, être député n'est pas un métier en soi; nous sommes un parlement de milice, et nous n'avons pas tous le temps de sacrifier des journées entières, car aujourd'hui les patrons ne l'accepteraient pas et cela pourrait mettre en danger la place de travail de certains d'entre nous. Pour terminer, Monsieur le président, je maintiendrai ma position de 2006 et refuserai donc l'entrée en matière de ce projet de loi qui, malheureusement, ne réglera absolument pas les problèmes, comme je viens de vous le dire.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Selleger, je suis désolé mais je n'ai pas entendu que vous aviez demandé le renvoi en commission. A quelle commission voulez-vous renvoyer ce projet de loi ?
M. Charles Selleger. Monsieur le président, à la fin de mon intervention j'ai demandé le renvoi de ce texte à la commission des droits politiques, pour que l'on puisse entrer en matière et discuter de ce projet sur le fond.
Le président. Très bien, nous allons donc voter sur cette demande. J'appuie juste sur la sonnette pour laisser les députés revenir à leur place. Les deux rapporteurs peuvent prendre la parole, ainsi que le conseiller d'Etat. S'ils ne désirent pas s'exprimer sur ce renvoi en commission, nous allons procéder au vote.
M. Charles Selleger (R), rapporteur de minorité. Monsieur le président, à la fin de mon intervention j'ai demandé le renvoi de ce texte à la commission des droits politiques, pour que l'on puisse entrer en matière et discuter de ce projet sur le fond.
Le président. Très bien, nous allons donc voter sur cette demande. J'appuie juste sur la sonnette pour laisser les députés revenir à leur place. Les deux rapporteurs peuvent prendre la parole, ainsi que le conseiller d'Etat. S'ils ne désirent pas s'exprimer sur ce renvoi en commission, nous allons procéder au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9800 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 33 non contre 21 oui et 3 abstentions.
Le président. Vous voudrez bien m'excuser, Monsieur le député, je ne vous avais pas entendu: je vous donne la parole.
M. Olivier Jornot (L). Lorsque la législature a commencé - celle qui, dans quelque temps, va s'achever - c'était le premier projet de loi que j'ai eu l'occasion de traiter en commission. A l'époque, avec l'enthousiasme de la jeunesse politique, j'imaginais qu'il serait relativement aisé pour une commission parlementaire de résoudre une question simple, celle du nombre de commissions, à laquelle tous les experts reconnaissent unanimement un lien de causalité dans certains dysfonctionnements de notre parlement. Un député, également jeune mais politiquement plus expérimenté, puisqu'il s'agissait de Pascal Pétroz, nous a expliqué en commission que c'était peine perdue et que, expérience faite, jamais ce parlement n'arriverait par lui-même à réformer la question du nombre de ses commissions. J'imaginais qu'il était pessimiste, je constate qu'il était réaliste.
Tout le monde admet, Mesdames et Messieurs, qu'il y a trop de commissions et que l'abondance de ces commissions crée un phénomène de génération spontanée d'activité, ce qui contribue à la surcharge de notre parlement. Le professeur Sciarini l'a dit, tout le monde l'a dit, et nous avons de surcroît de magnifiques doublons dans la définition des compétences.
Je ne veux pas m'étendre trop longuement sur le sujet; je relève simplement qu'il est un peu déprimant de constater que, à cette question simple, nous n'avons réussi en quatre ans qu'à donner réponse sous la forme d'un vote, au lieu de confronter des variantes et d'élaborer des possibilités de résoudre cette question. Chacun a en tête au moins deux commissions qu'il pourrait imaginer de fusionner, parce qu'il siège dans les deux et constate qu'elles font à peu près la même chose, et je regrette que la commission des droits politiques ne soit pas parvenue à nous proposer à tout le moins un modèle que nous aurions pu examiner et sur lequel nous aurions pu nous prononcer ce soir.
Tout à l'heure, le plénum a refusé le renvoi en commission; pour éviter que l'on vote six fois, je suggère à l'avant-dernier orateur qui serait favorable à ce projet de loi de demander derechef ce renvoi, parce que c'est en effet la seule et unique solution pour que ce parlement réfléchisse.
Mesdames et Messieurs les députés, on ne va pas créer une constituante parlementaire pour réfléchir à la manière de résoudre notre problème de travail dans les commissions. Soyons capables de le faire nous-mêmes - le cas échéant avec l'aide du Secrétariat général du Grand Conseil, du professeur Sciarini, s'il y a lieu, ou de quelque autre mandataire - et faisons l'effort de réfléchir à cette question, qui pourrait contribuer à améliorer la qualité du travail de ce parlement.
M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, je vais être plus sévère que mon préopinant qui a siégé dans cette commission des droits politiques - il l'a d'ailleurs dit en reconnaissant qu'il était jeune député et qu'il n'avait peut-être pas eu conscience de l'importance de ces propositions. J'aimerais vous dire que notre groupe, le parti radical, a fait plusieurs suggestions pour améliorer le fonctionnement de ce parlement. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous en avons fait plusieurs, notamment mon collègue Odier qui est assis à côté de moi.
Si l'on regarde la façon dont a travaillé cette commission, Madame la rapporteuse de majorité, moi j'utiliserais les termes suivants: «Vous nous avez snobés.» Oui, l'ensemble des partis a snobé la proposition du parti radical, et vous avez bâclé votre travail. Du reste, quatre ans de travaux pour quatre pages de rapport... En outre, les partis qui ont refusé ce texte n'apportent aucune proposition. Le rapport indique ceci: «Pour les Verts, ce projet de loi ne permettra ni de gagner du temps, ni d'améliorer le fonctionnement des commissions.» Mais font-ils une proposition ? Que nenni ! On trouve également dans le rapport que «pour le groupe PDC, l'idée de diminuer le nombre de commissions paraît plutôt bonne», mais pas comme ça ! Et plus loin: «Le MCG estime que ce projet de loi n'amène aucune amélioration [...]», opinion partagée par les socialistes et l'UDC. Alors, chers collègues, je suis vraiment navré de vous dire que ce n'est pas comme ça que l'on doit saisir cette problématique de l'amélioration du fonctionnement de notre parlement ! Et ce n'est pas en attendant, comme l'a dit mon collègue, les travaux de la Constituante que l'on va s'en sortir ! Des contacts réguliers que quelques-uns d'entre nous ont eus avec nos collègues d'autres parlements romands au sein du Forum Interparlementaire Romand - le FIR - nous avons retiré l'impression et la conviction que les autres parlements comptent moins de commissions et que, surtout, ils ne sont pas en retard comme nous. Je n'ai jamais entendu... (Commentaires.) Douze à Berne ! Lors de nos séances communes, je n'ai jamais entendu un de nos collègues d'autres parlements romands ou du canton de Berne se plaindre de retard dans l'avancement de leurs travaux. Nous avons donc un véritable problème, mais nous n'avons pas la volonté d'aboutir, nous n'avons pas la volonté de nous réformer ! C'est la raison pour laquelle je vous invite à entrer en matière et à remettre l'ouvrage sur le métier.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau décide de clore la liste. Doivent encore prendre la parole: Mme Baud, MM. Garcia, Guénat, Stauffer, Pétroz et Deneys, les rapporteurs Mme Hirsch et M. Selleger, ainsi que le conseiller d'Etat Moutinot.
Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce PL 9800 aura finalement occupé de manière ponctuelle la commission des droits politiques pendant deux ans et demi, mais nous en resterons malgré cela probablement au statu quo puisque, comme l'a souhaité la majorité de la commission, je pense que nous n'entrerons pas en matière ce soir sur ce projet-là en tout cas. En effet, nous avons été mis devant un miracle, un miracle radical. Il s'agit tout simplement de diminuer le nombre des commissions et, effectivement, par un coup de baguette magique, on se retrouve avec moins d'objets. Mais c'est quand même curieux ! C'est comme si les commissions déposaient elles-mêmes les textes. Or il n'en est rien. Le système du canton de Genève fait que l'on peut déposer des projets de lois et, finalement, cette augmentation des projets de lois par rapport aux autres cantons fait notamment la différence.
Quant au reste, c'est vrai que certains partis déposent beaucoup de propositions de motions et que cela prend du temps. Toutefois, je pense que cela ne changerait strictement rien qu'il y ait moins de commissions; celles-ci seraient simplement plus engorgées. Alors ce n'est pas faute d'avoir essayé de comprendre ce miracle, mais je crois qu'aucun des commissaires n'a réussi à être convaincu et à faire de ce principe miraculeux une réorganisation concrète. Comme l'a dit si joliment le rapporteur de minorité, il s'agissait pour ce projet de loi de «susciter une réflexion». Alors, effectivement, nous avons réfléchi, et nous avons considéré que les miracles n'existaient pas. Il faut peut-être reprendre la réflexion, mais en tout cas d'une autre manière. Les Verts avaient proposé il y a quelques années un projet de loi visant à créer une commission des investissements qui a été balayé, c'est regrettable, mais je pense que l'on doit pouvoir réfléchir d'une manière plus réaliste à une modification des répartitions des tâches des commissions. En tous les cas, ce projet de loi tel que présenté n'apporte absolument aucun avantage, et nous n'entrerons donc pas en matière.
M. Pablo Garcia (S). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec plaisir que nous voyons les radicaux remonter aux barricades pour défendre un nouveau projet de loi sur la réforme du travail parlementaire. Cette proposition de redécoupage en sept commissions permanentes est louable, dans le sens où elle rappelle un constat partagé par tous, de législature en législature: celui des difficultés croissantes de notre assemblée à répondre à la charge de travail toujours plus importante, et des limites inhérentes au parlement de milice. Un constat rappelé de législature en législature, mais des solutions sans cesse repoussées à la prochaine occasion. Ce n'est jamais le bon projet, jamais le bon moment. Un projet des Verts sur les horaires du Grand Conseil vient d'ailleurs à son tour d'en faire les frais ! Mais il faudra bien finir par trancher et savoir ce que nous voulons, car la véritable question que devrait se poser ce projet de loi n'est pas de savoir si, avec moins de commissions, on traiterait mieux les objets parlementaires... Le coeur du problème est là, Mesdames et Messieurs les députés: si l'on admet que le parlement de milice est une activité extraprofessionnelle et extrafamiliale, il ne faut pas s'étonner que l'on n'offre au parlement que le temps qui reste.
On peut aussi soutenir que le problème n'est pas le manque de temps, mais le nombre d'objets parlementaires. Moins de commissions signifie-t-il moins de projets de lois ? Bien sûr que non ! La complexité croissante d'une société génère elle-même ses propres problématiques des sujets nouveaux que les élus du peuple ne sauraient ignorer. Si l'on ne veut pas s'atteler à une réforme profonde sur le mandat de député, sur le temps mis à disposition et sur la charge de l'élu de milice, si les réformes des structures institutionnelles ne répondent plus aux problèmes de l'accroissement des objets parlementaires, il reste une seule piste à explorer: celle de limiter les prérogatives du parlement en matière de production législative, mais ce serait alors aller à l'encontre de la volonté affichée par les signataires, soit les radicaux, qui veulent dans ce projet de loi renforcer un pouvoir législatif face à un pouvoir exécutif fort. Le remède serait donc pire que le mal.
Les différentes pistes, épuisées par les oppositions des uns et des autres, nous permettent de mieux comprendre pourquoi notre parlement aura du mal à se réformer durablement. Les socialistes appellent de leurs voeux une véritable discussion sur le statut de l'élu et sur les aménagements concrets à amener au parlement de milice, mais en regardant la réalité en face, et non pas à travers des placebos réducteurs, inefficaces et minimalistes, comme nous le proposent aujourd'hui les radicaux. Voilà pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière. (Applaudissements.)
M. Philippe Guénat (UDC). Monsieur le président, j'aimerais dire à M. Barrillier et au groupe radical que, ma foi, si un jour nous ne trouvons pas un intérêt particulier dans leur projet de loi, qu'on le leur dise et qu'ils arrêtent de faire les jeunes vierges effarouchées. (Exclamations.) Oui ! J'aimerais aussi rappeler à mon cher collègue Olivier Jornot, avec lequel j'ai commencé à siéger il y a quatre ans dans cette commission et qui trouve que le temps a passé vite, que nous avons eu dix séances et avons épuisé trois présidentes de commission: la première était radicale, la deuxième Verte et la troisième libérale. Or si sur dix séances de deux heures M. Jornot n'a pas réussi à se concentrer, je lui conseille de faire du yoga le matin afin de canaliser toute son attention quand il le faut !
Certes, Monsieur le président, cette idée de réorganiser les commissions pouvait être tentante, et c'est pour cela que nous avons commencé à étudier ce texte d'une manière unanime et enthousiaste. Toutefois, après plusieurs auditions et plusieurs essais de simulation, nous avons vu que nous ne pouvions pas y arriver et que toute solution n'était qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Par conséquent - et malgré le coup dans les tibias de M. Jornot, qui me proposait de demander le renvoi en commission, mais je ne le ferai pas ! - le groupe UDC a décidé de garder le statu quo et de refuser ce projet de loi.
Monsieur le président, je profite d'avoir la parole, parce qu'ensuite je ne l'aurai plus pour le reste de la soirée, pour donner au Grand Conseil quelques informations concernant la plainte pénale qui avait été déposée contre moi par l'ensemble du MCG: cette plainte pénale a été classée par le procureur général. Cependant, je ne vous donnerai pas la teneur de la lettre, parce qu'elle n'est pas à l'avantage du MCG.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais déjà rebondir sur les propos de mon collègue. C'est vrai que la plainte a été classée et que le MCG, par gain de paix, a décidé de ne pas recourir, mais on peut toujours se raviser dans d'autres circonstances, si tel est le cas.
Pour revenir à notre sujet, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG va refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi parce que, en réalité, on connaît bien la méthode libérale qui consiste à réduire les conseils d'administration, à réduire les commissions, comme ça on agit en vase clos et on fait finalement à peu près ce que l'on veut - on paie par exemple dans certains établissements publics autonomes des salaires de 410 000 F pour des postes à 40% ! Evidemment, le parti libéral dispose aussi d'éminents représentants dans ces conseils d'administration, mais ils n'ont jamais pipé mot; c'est normal, il faut cacher tout cela à la population... En conclusion, nous sommes contre la réduction du nombre des commissions parlementaires, nous sommes contre les fusions, et nous refuserons donc l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je vois que l'on s'égare quelque peu puisque, sur un objet particulier, on discute de plaintes pénales, etc. - je pourrais vous parler de la couleur de la poussette de ma fille, du fait que cette enfant est magnifique et qu'elle évolue bien... Mais là n'est pas l'objet, bien évidemment, chers amis et collègues ! La question est de savoir comment faire pour réduire le nombre de commissions dans ce Grand Conseil - là est bien l'objet du débat ! - et force est de constater que, si l'idée est excellente sur le papier... Parce que, très sincèrement, sur un plan théorique, si l'on demande à quelqu'un s'il veut réduire le nombre de commissions, eh bien sa réponse ne peut être que positive ! Si l'on demande à des gens s'ils veulent que l'ordre du jour du Grand Conseil soit traité plus rapidement ou que le Grand Conseil fasse mieux son travail, leur réponse sera à l'évidence affirmative ! Le problème est que nous sommes toutes et tous des êtres humains et que ce qui est beau sur le papier est un peu différent lorsqu'on le met en pratique. Très sincèrement, notre intime conviction est que cette très belle idée sur le papier - et je remercie le groupe radical d'avoir fait cette proposition - est totalement impraticable. Et à l'occasion des discussions que nous avons eues au sujet de ce projet de loi, c'était exactement comme en matière de construction: à Genève, on dit tout le temps que l'on veut construire... Mais pas chez nous ! Chez les autres ! Avec les commissions, c'est pareil ! Lorsque, sur un plan théorique, on demande aux gens s'ils veulent réduire le nombre de commissions, ils disent oui, mais lorsqu'on leur annonce que ce sera leur commission qui sera supprimée, eh bien ils disent non, que cela ne va pas du tout et que ce sera celle du voisin ! Et c'est bien cela le problème de ce projet de loi ! Parce que l'être humain est ce qu'il est, nous n'y arriverons jamais ! Et un projet de loi qui vise un objectif que nous n'atteindrons jamais ne mérite pas notre soutien, raison pour laquelle il convient de refuser son entrée en matière.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, ma voisine Virginie Keller - qui a disparu de la salle - m'a soufflé que ce n'est pas parce que l'on avait moins de nourriture qu'on avait moins faim, et je pense qu'ici le raisonnement s'applique de la même façon. Ce n'est pas forcément parce que nous aurions moins de commissions que ce Grand Conseil serait soulagé d'un ordre du jour pléthorique selon certains, ou simplement conforme à la réalité de la démocratie et des aspirations diverses et variées de nos concitoyens - que nous relayons, à tort ou à raison, en urgence ou non, en fonction d'échéances électorales ou autres - et qui fait que, tout à coup, la priorité de la traversée de la rade revient quatre fois en urgence et qu'un certain parti rédige de nombreuses propositions de motions sur tous les sujets, à défaut de faire passer le moindre projet de loi ! C'est la réalité politique de notre société, et je ne m'en offusque pas, cela ne me pose pas de problème particulier. Je pense qu'on aurait plutôt intérêt à essayer de mettre les vraies urgences en avant et d'être parfois un peu plus patients, mais fondamentalement ce n'est pas la question du nombre de commissions qui pose problème.
Pour le reste, on pourrait d'ailleurs dire que l'une des seules réformes essentielles que nous pourrions envisager - et qui serait une sorte de hara-kiri du Grand Conseil genevois - serait de nous priver, nous, députés, de la possibilité de déposer des projets de lois. Ce serait en tout cas une manière de diminuer la pléthore de documents qui nous sont soumis. C'est à discuter !
Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés, je vois fondamentalement un défaut majeur dans ce projet de loi radical - et c'est en réalité l'un des défauts majeurs de nombreuses propositions radicales: il propose déjà non seulement le diagnostic, mais aussi la réponse et la solution dans le projet lui-même, en indiquant que l'on supprime telle commission, que l'on en garde telle autre, que l'on y ajoute telle ou telle prérogative, etc. Et voilà, il faudrait faire comme les radicaux le disent ! Il en va du reste de même de l'initiative radicale sur l'accueil continu et le parascolaire: on dit que l'on accueille les enfants, mais on ne parle pas du financement; on fait des propositions qui peuvent être intéressantes, mais en disant à l'avance ce qu'il faut faire... Or, Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'un projet de loi ou une proposition de motion sur un sujet comme celui-là devrait donner le principe d'une réforme des commissions, mais sans indiquer à l'avance lesquelles doivent fusionner ou non. Du reste, à la lecture de la proposition de fusionner la commission des finances, qui dépense l'argent public, avec la commission fiscale, qui essaie de le récolter, les bras m'en sont tombés, parce que cette proposition est tout simplement surréaliste, ne serait-ce qu'à cause de l'emploi du temps des commissions respectives ! Par conséquent, ces propositions ne sont simplement pas de nature à faire avancer le débat, et cela donne de très bons arguments pour s'y opposer par principe, parce qu'elles sont à côté de la plaque.
M. Charles Selleger (R), rapporteur de minorité. Je ne vais pas reprendre tout le débat, Monsieur le président, mais il y a quand même des contrevérités et des raccourcis qui sont incroyables ! On nous accuse de présenter un projet miraculeux. Mais si nous, radicaux, avions le projet miraculeux, nous n'en aurions pas proposé plusieurs ! Nous n'aurions déposé que celui-là, en disant: «Voilà, c'est l'oeuf de Colomb, il n'y a qu'à faire comme on dit, et tous les problèmes de fonctionnement du Grand Conseil seront résolus.» Mais non ! Nous avons proposé ce projet de loi parmi d'autres pour qu'on y réfléchisse et non pas pour amener une solution toute cuite.
A entendre M. Deneys, il faut scotomiser complètement, oublier le travail qui se fait en commission. Mais en commission, on amende les projets, on en discute, et ce n'est pas en refusant l'entrée en matière qu'on peut entamer une discussion. Du reste, les discussions de couloir qui ont dû se passer au sujet de ce projet de loi ne sont pas sérieuses.
Suite aux propos de M. Pétroz, je constate qu'il renonce complètement à défendre les intérêts du fonctionnement de ce Grand Conseil. Il dit que cela tombe sous le sens qu'il faudrait avoir des commissions moins nombreuses et plus efficaces, mais, pour des intérêts particuliers, il y renonce. Alors là, vraiment, je ne comprends pas ! Ce n'est pas très courageux de sa part. Nous ne faisons pas partie des autosatisfaits de ce parlement qui disent que tout va bien et qu'il faut continuer comme ça. Nous sommes en train de réfléchir à des solutions, et c'est pourquoi je vous propose encore une fois - et j'espère que la majorité va changer après avoir entendu des exposés aussi nets et convaincants que ceux de MM. Jornot et Barrillier - de renvoyer à nouveau ce projet de loi à la commission des droits politiques.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc saisis une nouvelle fois de la demande de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. Peuvent prendre la parole sur ce renvoi les deux rapporteurs et le conseiller d'Etat. S'ils ne désirent pas s'exprimer, nous allons voter.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9800 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 36 non contre 23 oui et 2 abstentions.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dès lors que ce projet de loi traite de votre organisation et de l'organisation de vos travaux, le Conseil d'Etat s'impose bien naturellement une grande retenue. Vous me permettrez cependant quelques remarques. Lors de la législature où le Conseil d'Etat était monocolore, les débats étaient d'une vigueur considérable, avec des débattaires assez bavards - M. Christian Grobet, M. René Koechlin, etc. - et les ordres du jour étaient bien nourris. Or, pendant toute cette législature, l'ordre du jour était systématiquement épuisé à l'issue des séances du vendredi soir, et l'on se souviendra aussi que, à cette époque-là, il n'y avait pratiquement pas de limitation du temps de parole des députés, il n'y avait pas les débats par catégorie et il y avait même encore le débat de préconsultation, qui permettait aux députés de s'exprimer avant le renvoi des projets de lois en commission. Vous avez fortement serré la vis, et il se trouve que l'on a aujourd'hui 160 points à l'ordre du jour. Cela me donne à penser que ce ne sont pas tellement les règles de fonctionnement, pas forcément non plus le nombre de commissions, mais plutôt une certaine culture politique qui aboutit à ce résultat. En effet, à l'époque le débat se faisait gauche-droite sur un ou deux projets symboliques, et tout le reste passait sans trop de débats ni trop de complications. Or aujourd'hui qu'observe-t-on ? Sur chaque point, sur chaque alinéa et sur chaque virgule, chaque groupe et même chaque député entend exprimer son avis. Il en résulte deux choses: la première, c'est que votre Grand Conseil a pris un pouvoir, un poids considérable, dès lors qu'aucune virgule ne peut être soumise par le Conseil d'Etat à votre assemblée sans qu'elle ne fasse l'objet d'un débat ! Car il faut bien voir que la manière que vous avez de travailler depuis quelques années - soit de prendre tout, systématiquement, dans les moindres détails - vous donne, il n'y a pas l'ombre d'un doute, un pouvoir considérable. En revanche, il est évident que, n'ayant pas le temps pour cette nouvelle méthode - que vous avez adoptée consciemment ou non, je ne le sais - vous vous retrouvez forcément avec un ordre du jour de 160 points, et il n'est pas très compliqué de prédire qu'on en sera à 240 à fin octobre.
Dès lors, la question, au-delà de ce projet de loi en particulier, est la suivante: voulez-vous que votre Grand Conseil s'occupe de tout dans le détail - ce qui une fois encore est un choix politique qu'il peut faire, mais à ce moment-là il faut qu'il s'en donne les moyens - ou bien votre Conseil entend-il prendre les grandes décisions de la République en termes d'acceptation du budget ou d'orientation politique, et cesser de passer cas échéant trois heures sur la quatrième virgule du deuxième paragraphe d'un rapport sur une pétition signée par trois personnes ?! Le problème se pose ainsi, et il vous appartient d'en débattre.
Le nombre de commissions fait accessoirement partie du problème parce qu'il est vrai que, dans certains dossiers particulièrement croustillants, le conseiller d'Etat en charge du dossier doit aller l'expliquer dans au moins trois ou quatre commissions, mais cela, c'est une question qui nous regarde plus que vous, parce que finalement, si vous souhaitez que l'on fasse cet exercice, on le fait.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés - avec une certaine prudence, puisqu'une fois encore c'est de vous qu'il s'agit - quelques remarques que mon expérience de député dans une période assez vive ainsi que de conseiller d'Etat me commande de vous communiquer.
Mis aux voix, le projet de loi 9800 est rejeté en premier débat par 51 non contre 11 oui et 8 abstentions.