République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 avril 2009 à 17h
56e législature - 4e année - 7e session - 38e séance
M 1711-A
Débat
Le président. Je rappelle que nous sommes en débat de catégorie II: quatre minutes par groupe plus quatre minutes pour le rapporteur.
M. François Gillet (PDC), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a fait l'objet de discussions au sein de la commission, lesquelles ont montré que son texte initial n'avait plus vraiment de raison d'être. Par contre, la réflexion était effectivement importante. Les classes d'accueil au cycle d'orientation ont une fonction essentielle, notamment pour l'intégration des élèves allophones. Cela dit, la motion, qui demandait de pouvoir dispenser d'allemand les élèves non francophones, est apparue en peu en décalage avec la pratique, qui permet déjà aujourd'hui à des enfants non francophones d'être dispensés, à certains moments, de ces cours de langue qui les surchargent alors qu'ils doivent prioritaiement renforcer leurs compétences en français.
Suite aux discussions et aux auditions, il est apparu opportun de modifier les invites de la motion en insistant plutôt sur l'information. Les auditions ont montré que, finalement, dans un certain nombre d'établissements du cycle d'orientation, les possibilités de dispenser des élèves non francophones des cours d'allemand, pour leur permettre de renforcer leurs compétences en français, ne sont pas suffisamment connues.
La majorité de la commission vous invite donc à soutenir la version amendée qui figure en fin de rapport et qui demande d'effectuer une étude de la situation et d'améliorer l'information dans l'ensemble des établissements du cycle d'orientation.
M. Jacques Follonier (R). Mesdames et Messieurs les députés, j'ai de la peine à comprendre le vote du MCG et des libéraux. Pour le MCG... c'est peut-être parce qu'ils ont toujours des problèmes avec le français. Par contre, la position des libéraux me pose tout de même un problème: je n'arrive pas à comprendre que, sur un sujet aussi simple, on ne puisse pas faire parler le bon sens. Finalement, que demande-t-on ? Une classe d'accueil permet à des enfants non francophones d'apprendre le plus rapidement le français pour qu'ils puissent s'intégrer aussi bien dans la classe qu'à Genève. Et à Genève - n'en déplaise à beaucoup - nous parlons encore le français.
La difficulté est que l'on nous dit que cela ne correspond pas à la culture suisse, puisque tout bon Suisse romand doit pouvoir comprendre au moins le français et si possible l'allemand, voire les deux autres langues nationales que sont l'italien et le romanche. Mais il se trouve que, généralement, à notre école genevoise, les élèves qui ont des problèmes en allemand choisissent l'italien simplement parce que cette langue est plus facile, et non pas parce qu'elle fait partie de notre patrimoine helvétique.
Ce que M. Gillet a expliqué n'est pas tout à fait complet. Aujourd'hui, dans les classes d'accueil, c'est à partir de la neuvième que l'on permet aux élèves de ne plus suivre les cours d'allemand lorsqu'ils rencontrent certaines difficultés; en fait, on ne tient pas compte de la septième ni de la huitième. Et c'est un peu ce que cette motion demande: non pas de dispenser simplement de cours d'allemand les élèves qui ont un problème dans cette langue, mais de remplacer ces cours par d'autres, pour lesquels les lèves ont besoin d'un appui; par exemple en mathématiques, mais surtout en français.
Dès lors, cette motion a tout son sens, et nous vous invitons à la voter.
Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, je suis ravie de voir que mon préopinant se fait du souci pour le groupe libéral, donc je vais essayer de lui donner quelques explications. Puisqu'il prend la peine de parler d'abord du groupe libéral avant le groupe radical, eh bien cela signifie qu'il nous honore. Il nous place vraiment en amont.
Nous sommes là, Mesdames et Messieurs les députés, en présence de l'une de ces nombreuses motions qui nous permettent de nous poser la question: «Font-elles avancer la politique de l'enseignement genevois ?» Alors, cette motion a-t-elle une réelle utilité ? Son étude, c'est vrai, nous a permis de faire des auditions fort intéressantes et de répondre aux questions qu'elle posait: Mesdames et Messieurs, oui, la dispense de cours d'allemand est possible; non, l'apprentissage de l'allemand n'entraîne pas d'augmentation des échecs; oui, les enseignants sont attentifs à ces problèmes.
Deux séances de commission pour aboutir à la conclusion - écoutez bien ! - que les heures abandonnées doivent être compensées par d'autres disciplines: belle révélation ! Appuyer cette motion, c'est mettre en doute la parole des représentants de la DGCO. C'est faire preuve de défiance à l'égard de ces fonctionnaires consciencieux qui sont venus nous expliquer leur travail. La commission, pour sauver les meubles, a modifié toutes les invites initiales, invites qui n'ont plus de cohérence avec l'exposé des motifs. Je constate qu'à nouveau le législatif aime avoir des pouvoirs d'organisation sur les services de l'Etat.
Pour terminer, je citerai les propos que M. Gnesa, le responsable de l'Office fédéral de l'immigration, a tenus lorsque nous l'avions auditionné à la commission des Droits de l'Homme: «L'intégration des jeunes, pour être réussie, doit se réaliser dans des structures ordinaires. Le but est de donner aux élèves arrivant d'un pays étranger les moyens de rejoindre les classes ordinaires dans le meilleur délai possible.»
Les responsables des classes d'accueil du CO n'ont vraiment pas besoin de cette motion. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, le groupe libéral vous propose de la refuser.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Weiss, à qui il reste deux minutes.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, ce sera amplement suffisant. Mesdames et Messieurs les députés, il faut simplement mettre en relation deux objets qui sont à l'ordre du jour de notre session. Hier, une excellente proposition de notre collègue Barazzone sur l'introduction de l'enseignement bilingue, qui supposait davantage d'efforts, a été soutenue par une majorité de ce Grand Conseil. Certains s'y opposaient précisément parce qu'ils craignaient que l'effort n'introduisît une école à deux vitesses. Aujourd'hui, une proposition de motion qui vient du côté socialiste de ce Grand Conseil vise à alléger les efforts que certains élèves doivent fournir pour suivre l'école. Pourquoi ceux qui ont proposé la motion n'avancent-ils pas aussi le fait qu'ils souhaitent une école à deux vitesses, l'une à la vitesse ralentie, et l'autre à la vitesse zéro, voire en marche arrière ?!
Non, Mesdames et Messieurs les députés, cette motion est le signe que la valeur de l'effort, la notion de double effort - des enseignants auprès d'une catégorie particulière d'élèves, et des élèves qui sont eux-mêmes dans des situations de difficulté et cherchent à se mettre à niveau - est niée par les motionnaires, raison pour laquelle il convient de refuser cette motion.
M. Eric Ischi (UDC). J'aimerais reprendre certains propos qui veulent nous faire dire que c'est de la défiance, de la méfiance, vis-à-vis des enseignants. Je ne crois que ce soit le cas ! Si vous reprenez les amendements proposés, c'est-à-dire les invites modifiées - la première appelle le Conseil d'Etat «à établir un point de situation...» - vous verrez que ce n'est pas se méfier des enseignants. Avec la deuxième invite - il a aussi été dit en commission qu'il y avait effectivement un déficit d'information ou de communication - on demande simplement que ce soit clairement dit. Quant à la troisième invite, ce n'est pas non plus une façon de se méfier du personnel enseignant.
C'est pourquoi le groupe UDC vous recommande d'adopter cette motion ainsi amendée.
Mme Virginie Keller (S). Je crois que le libéral Weiss a fait il y a un instant la preuve de ce que peut être la différence entre l'arrogance et le pragmatisme. Cette motion, Mesdames et Messieurs les libéraux - vous transmettrez, Monsieur le président - a été proposée par notre collègue François Thion, ex-député socialiste et enseignant, très engagé, comme vous le savez tous ici, dans sa vie professionnelle.
Hier soir, nous avons traité une motion proposant un projet maximaliste, luxueux, hypercher, etc. - d'ailleurs, je ne crois pas qu'elle ait été rédigée par des enseignants - et, aujourd'hui, nous traitons une motion rédigée par quelqu'un venant du terrain, qui s'est confronté à ces questions-là et qui se soucie de la réalité de certains de ces enfants. Je trouve alors dommage que l'on ne puisse pas simplement entrer en matière sur ce que propose la motion.
Du reste, elle a été sagement amendée par la commission, car plusieurs choses sont déjà réalisées. Et si elles le sont, Monsieur Weiss - vous transmettrez, Monsieur le président - ce n'est pas pour tirer les élèves vers le bas ! Mais, simplement, pour permettre à ceux qui ont trop d'apprentissages à effectuer en même temps - lesquels ne leur seront pas forcément nécessaires par la suite - de se concentrer sur les enseignements relatifs à leur future spécialisation. Et vous savez comme moi que l'allemand n'est pas indispensable pour certains métiers à Genève; ce n'est pas une obligation. On a donc simplement proposé que ces élèves-là puissent se concentrer sur ce qui leur est nécessaire, comme les mathématiques et le français, et que l'on puisse mettre entre parenthèses l'apprentissage de l'allemand.
Peut-être savez-vous aussi, Mesdames et Messieurs les libéraux, que, lorsqu'on veut vraiment apprendre une langue, eh bien, après l'obtention de son diplôme, on peut toujours partir durant quelques mois pour apprendre une langue, par exemple dans le cadre d'un échange. Donc, cela ne veut pas dire que les élèves concernés ici ne pourront jamais apprendre l'allemand ! On peut ainsi apprendre l'allemand, comme l'anglais ou toute langue, de manière bien plus efficace qu'à l'école, tout le monde le sait ! Par conséquent, cette motion ne vise qu'à prendre en compte les réalités du terrain, et pas du tout à défavoriser ces élèves.
Je trouve dommage que M. Weiss, en faisant référence à la motion examinée hier, ait voulu amoindrir la conscience professionnelle contenue dans le texte de François Thion. Aussi, je vous remercie de voter la motion telle qu'amendée sagement par la commission de l'enseignement - qui, d'ailleurs, a rassemblé une grande majorité de personnes raisonnables.
M. François Gillet (PDC), rapporteur. Monsieur le président, j'évoquerai rapidement trois points. D'abord, je remercie M. Follonier d'avoir rappelé que cette motion concerne principalement des élèves de neuvième, en fin de cursus au cycle d'orientation et qui sont là depuis peu de temps.
J'aimerais également insister sur un point essentiel. Il est à relever que la commission ne pouvait effectivement pas accepter que la dispense d'allemand soit systématique. A nos yeux, il n'était pas judicieux que des élèves soient pénalisés pour la suite de leur cursus de formation parce qu'ils auraient été empêchés de suivre des cours d'allemand. (Brouhaha.) Dans des cas particuliers, il est vrai qu'aujourd'hui, même des élèves francophones ne sont plus obligés de prendre l'allemand. Au collège, ils peuvent obtenir une maturité avec l'italien à la place de l'allemand. Ainsi, des possibilités existent déjà.
Cette motion, dans sa version amendée permettra d'informer clairement, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. Madame Hagmann, ce n'est pas de la défiance vis-à-vis du département que de le relever: tous les interlocuteurs auditionnés ont reconnu que l'information pouvait être améliorée. Cette motion insiste simplement sur ce point et sur la possibilité offerte à certains élèves, qui arrivent en neuvième pour la plupart, d'être dispensés de l'allemand et de renforcer d'autres compétences durant les heures qu'ils auront à disposition.
Par conséquent, la grande majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter cette motion telle qu'amendée en commission.
Mise aux voix, la motion 1711 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 20 non et 1 abstention.