République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 mars 2009 à 14h
56e législature - 4e année - 6e session - 34e séance
PL 6909-A
Premier débat
M. Eric Ischi (UDC), rapporteur ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, permettez-moi de dire: «Incroyable, mais vrai !» Effectivement, à la lecture de ce rapport, vous avez toutes et tous pu constater qu'il aura fallu seize ans - seize années ! - pour que ce projet de loi soit traité par une commission de notre parlement. Il vrai que, en seize ans, beaucoup de choses peuvent changer, s'adapter, évoluer, et des solutions peuvent même être trouvées. Et toujours à la lecture de ce rapport, force est de constater que les objectifs visés par ce projet de loi ont été réalisés. C'est pourquoi la majorité de la commission des finances vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). Tout comme le rapporteur du projet de loi, j'estime qu'il est tout à fait inadmissible que l'on mette seize ans pour rendre le rapport d'un objet - surtout d'un projet de loi. Ce Grand Conseil devrait introduire une loi stipulant qu'il y a une date limite pour traiter les projets de lois, au-delà de laquelle ils doivent immédiatement revenir au Grand Conseil. Effectivement, il est inadmissible qu'une commission ait mis seize ans pour traiter ce type de projet de loi, qui est tout de même important, puisqu'il traitait à l'époque de la consultation du personnel de l'administration cantonale et des établissements publics cantonaux.
Pourquoi, nous les socialistes, avons-nous voté en faveur de l'entrée en matière ? Simplement parce que nous considérons qu'il y avait peut-être de quoi examiner les différences entre ce que les auteurs du projet de loi voulaient à l'époque et ce qui avait été fait à l'administration. Il y avait peut-être des éléments à étudier et à améliorer, et un bilan à tirer de ce qui s'était effectué entre-temps. Je veux dire qu'un projet de loi est toujours l'occasion de voir ce qui a été accompli, d'en comprendre le fonctionnement, d'améliorer le système de gestion de l'administration... Mais non ! Dans ce parlement, on travaille en mode digital: c'est oui ou non.
Une voix. En mode binaire !
M. Alberto Velasco. En mode binaire, c'est digital: oui ou non. Pourtant, on devrait fonctionner en mode analogique, c'est-à-dire que l'on devrait être ouverts et dire: «C'est un projet venant de la gauche, mais on peut examiner sa teneur.» De même quand le projet est de droite. Mais non ! Dès que l'on s'aperçoit que l'auteur est de gauche, on met d'entrée le logiciel sur «non», puis tout le monde appuie sur «non» ! Et si l'on demande à quelqu'un: «Pourquoi avez-vous voté non ?» Il répond: «Eh bien, parce qu'il fallait voter non.» «Mais y a-t-il une raison ?» «Parce qu'il fallait voter non.» «Pourquoi ?» «Mais parce qu'on m'a dit de voter non !» Voilà ce que l'on appelle des députés réfléchis, ouverts... (Brouhaha.) ...au travail, prêts étudier ce que les autres font, qui échangent et qui enrichissent le débat... Le travail de notre parlement doit être enrichissant ! Cependant, quelle que soit la qualité du projet de loi qui nous est soumis, s'il vient d'un côté qui n'est pas le nôtre, on dit: «Non ! C'est mauvais !»
Donc, Monsieur le rapporteur de majorité, ce n'est pas à cause du nombre d'années qui nous sépare du dépôt de ce projet de loi qu'il faut le rejeter. Non ! Il faut le rejeter parce que le contenu n'est pas de mise, qu'il n'est plus d'actualité, ou parce que la majorité, après l'avoir étudié, considère qu'il n'est pas conforme à sa politique. (Commentaires.) J'aurais aimé que, dans le rapport, une fois entrée en matière, la majorité de droite dise: «Oui, nous avons étudié ce projet de loi et nous disons non à cause de tel et tel points, parce que l'article X ou Y ne nous convient pas.» Mais non, là il n'y a absolument rien ! Et je suis sûr, Mesdames et Messieurs les députés, que le travail d'entrée en matière a dû - comme toujours, parce qu'il y en a eu d'autres - durer dans les cinq ou sept minutes avant que l'affaire soit liquidée ! C'est inadmissible.
L'alinéa 2 de l'article 9 «Droit d'être consulté», par exemple, comporte toute une série d'aspects au sujet desquels je ne sais pas si l'on agit de la sorte. Ainsi, quand il y a privatisation d'un service, je trouve qu'il est important de donner le droit aux travailleurs de cette unité d'être consultés. Ce sont des éléments qui, ma foi, font partie de ce que l'on appelle le concordat dans le travail entre administration et fonctionnaires.
Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Je conclus, Monsieur le président. Sur tout cela, il a été passé comme chat sur braises - bien sûr, Monsieur Ischi, ce n'est pas vous que j'incrimine - et il n'y a pas un élément dans le rapport ! Rien du tout ! C'est une non-entrée en matière, et fini ! Les Verts et les socialistes avons dit oui parce que cette façon d'agir est inadmissible.
Voilà, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la position du parti socialiste. Nous voterons évidemment l'entrée en matière et pourrons ainsi étudier ce projet. Car aujourd'hui, vu ce qui se passe au grand magasin Manor - ce n'est certes pas l'Etat - par les temps qui courent, ce projet de loi est vraiment de mise !
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Les Verts ont pensé entrer en matière sur ce sujet pour une simple et bonne raison. Nous aurions voulu pouvoir vérifier que ces commissions fonctionnaient bel et bien partout et que les droits syndicaux, le droit de se réunir, puisse être assuré sur le temps de travail, étant donné que c'est une amélioration de la vie des services. Néanmoins, nous n'avons pas cru utile de rédiger un rapport de minorité, donc je ne ferai pas de plus amples commentaires. Nous vous invitons à voter malgré tout l'entrée en matière.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il existe un principe, dans le système américain, qui consiste à faire des lois du crépuscule: la «Sunset Legislation». Il en existe un autre que je découvre maintenant dans le principe législatif genevois, qui consiste à ne pas faire des lois: la «Sunset Non Legislation». C'est un excellent principe, appliqué à des projets de lois qui ont perdu toute pertinence, raison pour laquelle il s'agit aujourd'hui de ne pas voter en faveur de ce projet.
Au surplus, je relève que l'un des aspects, à savoir le droit d'être représenté, existe; les commissions de personnel existent dans les départements. D'autre part, en ce qui concerne le tribunal arbitral, les récentes modifications en matière de législation que nous avons apportées pour la fonction publique genevoise rendent cet article aussi superflu.
Voilà deux petite raisons et un grand principe qui font que ce projet de loi, aujourd'hui, a perdu toute pertinence.
M. David Hiler, président du Conseil d'Etat. Ce projet de loi est effectivement très ancien et une partie assez importante - la quasi-totalité - des buts visés a été atteinte, mais pas exactement de la manière que prévoyait ce projet de loi. Pourquoi ? Parce que si, à l'exception d'un département, faute de combattants à vrai dire, il y a des commissions du personnel partout, ces dernières se sont en quelque sorte spécialisées en un certain nombre d'éléments concrets. Il y a, par exemple: le stationnement du véhicule, qu'il s'agisse d'un vélo ou d'une voiture; l'état des locaux; des problèmes de communication à l'interne; parfois même, ces commissions se mobilisent pour organiser des prises de sang à l'intérieur de l'unité en faveur de l'hôpital. Tel est le cercle très concret - d'ailleurs très utile - de ces commissions. Celle du département des finances a une légitimité assez forte, puisque le taux de participation de l'élection de ses membres est de 40%, c'est-à-dire supérieur, si je peux me permettre, au vôtre ! Donc ce sont vraiment des interlocuteurs utiles, et c'est dans ce but qu'ils sont venus dans la commission.
De l'autre côté, une partie des fonctions que ce projet de loi prévoyait de donner à des commissions est restée du côté des associations représentatives du personnel, comme on les appelle. C'est-à-dire le cartel, mais aussi différents syndicats, de gendarmerie, de gardiens de prison... Et c'est là que se discute une bonne partie des points de ce projet de loi. Effectivement, nous aurions pu prendre deux heures pour vous montrer, Monsieur Velasco, que, dans le fonctionnement d'aujourd'hui, tous ces points sont mis en oeuvre. C'est-à-dire que nous avons pris des engagements d'information à l'égard des associations représentatives du personnel, que nous voyons, quoi qu'il en soit, même quand nous n'avons pas de négociations. En effet, nous les voyons de toute façon une fois par mois; et quand il se passe quelque chose, une fois par semaine. Le dialogue qui était voulu par ce projet a lieu, mais de manière différente. A mon avis, c'est bien normal, puisque les syndicats ont une place dans notre société et qu'il y avait peut-être un petit danger de dérive corporatiste dans la simple constitution de commissions du personnel, qui auraient une sorte de monopole syndical.
Voilà la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'a pas cherché à influencer la commission pour un examen attentif. Maintenant, si l'un ou l'autre point, Monsieur Velasco, vous paraissait digne d'être remis sur la scène, il suffirait de déposer un projet de loi sur ce qui vous paraît ne pas convenir par rapport à cette longue liste.
Quoi qu'il en soit, voici ce qui est important, et je conclurai par là. Lors du dépôt de ce projet de loi, je vous rappelle que l'on était dans une période assez tendue entre les employés de l'Etat et les autorités politiques ! C'était la plus grande manifestation, celle du rattrapage - cela paraît bien ancien - avec tout de même douze mille personnes. Ce n'était pas tout à fait rien ! Aujourd'hui, selon les statistiques de mon collègue Longchamp, on doit toujours en être à une manifestation de trente-neuf personnes au maximum, ce qui indique tout de même que le climat a profondément changé. Cela a pris du temps. Or nous allons être à l'épreuve d'une crise. Nous verrons ce qui restera du dialogue, plus difficile - on le sait - quand il y a moins à partager. Mais pour l'heure, je crois que vous pouvez, en toute quiétude, laisser ce projet de loi aller où il doit, c'est-à-dire qu'il va être rejeté. Pas parce qu'il est mauvais, mais parce qu'il n'a pas été traité quand il aurait convenu qu'il le soit. Et le temps perdu ne se rattrape jamais !
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc nous prononcer sur la prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 6909 est rejeté en premier débat par 42 non contre 22 oui et 2 abstentions.
Le président. Le point 82 ayant été traité aux extraits, nous passons au point 83 de notre ordre du jour.