République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 janvier 2009 à 20h30
56e législature - 4e année - 4e session - 18e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.
Assistent à la séance: MM. François Longchamp, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et M. Esther Alder, Victoria Curzon Price et Jean Rossiaud, députés.
Le président. Mme Geneviève Guinand Maitre et M. Roberto Broggini sont assermentés. (Applaudissements.)
Le président. Est tirée au sort: Mme Esther Alder (Ve). Comme elle n'est pas là, je vous remercie de lui transmettre cette information.
Annonces et dépôts
Le président. Les auteurs de la proposition de résolution 556 concernant le Tibet, point 74 de l'ordre du jour, nous informent qu'ils retirent cet objet. Il en est pris acte.
Nous poursuivons le débat que nous avons commencé tout à l'heure concernant le PL 10375-A, point 119 de l'ordre du jour.
Suite du premier débat
M. Claude Marcet (Ind.). L'article 178B constitutionnel adopté suite au plébiscite de l'initiative «Fumée passive et santé» s'inspire directement de l'article 8 de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé - OMS - pour la lutte anti-tabac. Les 161 pays, dont tous nos voisins - tous nos voisins ! - ayant ratifié la convention-cadre de l'OMS précitée ont adopté en 2007, à Bangkok, des directives sur la protection contre l'exposition à la fumée du tabac. Ces directives qui recensent les mesures nécessaires pour mettre en place une protection efficace contre les dangers de la fumée secondaire sont sans ambiguïté et préconisent une interdiction totale de fumer dans les espace intérieurs ou fermés, et ces directives excluent les fumoirs. Je dis bien qu'elles excluent les fumoirs ! Beaucoup de pays ont déjà anticipé la mise en application de ces mesures, dont nombre de pays européens.
Pour mémoire, dans son expertise de 2006 requise par le Grand Conseil, le professeur Martenet a indiqué un certain nombre de principes fondamentaux directement liés aux dispositions internationales précitées. Il apparaît clairement que trois principes ne sont pas respectés par la présente loi. Il s'agit, d'abord, des locaux destinés aux fumeurs dans les cellules de détention, les chambres d'établissements hospitaliers et les chambres d'hôtel qui ne doivent pas seulement être séparées et ventilées, mais doivent impérativement être entièrement cloisonnées par des matériaux isolants, pour que la fumée ne se diffuse pas dans le reste des bâtiments en cause. Les exceptions doivent porter sur des personnes et non sur des locaux. Je le précise bien: sur des personnes et non sur des locaux, sauf en ce qui concerne les chambres d'hôtel. La majorité des chambres d'hôtel doivent être non-fumeurs et indiquées comme telles.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un certain nombre d'amendements: pour que la loi soit en conformité avec ce que je viens d'exposer, c'est-à-dire les dispositions internationales.
Toutefois, tenant compte de l'impérieuse nécessité de faire adopter une loi minimum ce soir, je renonce au débat sur ces amendements, mais, en tant qu'ils figurent au Mémorial pour mémoire en fin de la présente intervention, je m'abstiendrai de les relire ici, puisque vous les avez sous les yeux; or j'admets qu'ils font désormais partie de mon présent texte.
J'aimerais maintenant revenir sur certains propos entendus ce soir. On parle de la nécessité d'avoir des fumoirs à l'aéroport. Que l'on me dise pourquoi il n'y a pas de fumoir à Heathrow et à Charles-de-Gaulle, pour ne citer que deux des aéroports internationaux que je connais ! Je ne parle même pas ici des Etats-Unis !
La fumée passive fait 250 morts par jour en Europe et 1000 par an en Suisse. Tous les rapports confirment ces chiffres. J'ai demandé à des personnes du groupe qui nous attendait devant le Grand Conseil ce soir ce qu'elles pensaient de cela. Leur réponse est que c'est tolérable et que cela ne les choque pas. Je leur ai dit que ce qu'elles demandaient donc, c'était avant tout un permis de tuer ! Je suis parti, car il est inutile de parler davantage avec de telles personnes quand on entend ce genre de propos, et ces derniers me confirment fermement dans ma présente action.
Il paraît que la fumée rapporte de l'or à l'Etat. Elle rapporte, c'est vrai ! Mais pour information - à la dame qui n'est malheureusement pas là et ne peut donc m'écouter - je relève quand même que le gouvernement américain a, par exemple, réclamé des milliards de dollars aux principales compagnies américaines du tabac pour couvrir les coûts de santé à la charge de l'Etat américain, mais liés au tabac.
J'ai entendu parler des locaux du Grand Conseil par l'un de nos députés. Il est vrai que lorsqu'on voit des députés qui continuent à fumer dans les salles du Grand Conseil - y compris à la buvette - malgré les interdictions, on peut réellement se poser des questions sur la volonté de certains députés de faire adopter ce soir une loi sur la santé publique !
J'entends dire que les restaurateurs veulent que l'on n'interdise pas la fumée ou, au pire, que l'on crée des fumoirs. Je précise qu'à titre personnel j'ai plusieurs clients dans le monde de l'hôtellerie et de la restauration, dont un groupe international, et je peux vous dire que la seule question que les responsables desdits établissements me posent, c'est de savoir quand est-ce que nous allons nous bouger pour que la loi soit à nouveau applicable ! Ce n'est donc pas tout à fait ce que j'ai entendu ce soir !
Alors que 80% des votants ont accepté une initiative visant à garantir la santé publique, j'avoue honnêtement que l'argumentation entendue me paraît assez crasse, notamment les arguments qui mettent en avant les avantages d'une minorité, alors que nous parlons de santé publique, dans l'intérêt de tous, et rien d'autre !
Finalement, la liberté des uns commence où finit celle des autres. Et, comme je l'ai déjà dit une fois ici, dans cet hémicycle, ma liberté à moi c'est de ne pas respirer la saloperie mortelle que d'aucuns vous jettent parfois sans vergogne à la figure ! (Applaudissements.)
Le président. Je salue à la tribune nos anciens collègues M. Antoine Droin, ainsi que Mme Ariane Blum Brunier et M. Christian Brunier. (Applaudissements.) La parole est à M. Alain Charbonnier.
M. Alain Charbonnier (S). Mesdames et Messieurs les députés, beaucoup de choses ont été dites, mais certaines méritent quand même d'être reprises.
D'abord, les travaux en commission: des gens - la minorité évidemment - se plaignent que la majorité de la commission ait refusé des auditions. C'est un bien grand mot, parce que je rappelle quand même que la fin des travaux sur l'initiative date d'il y a moins d'un an. Donc, en l'absence de changement important et sans faits nouveaux préalables, il semblait absurde de se relancer dans un nombre incalculable d'auditions, demandées par certains avec pour seul objectif de bloquer les travaux de la commission !
On a finalement quand même procédé à des auditions, mais par écrit. Ça ne satisfait pas certains, mais il est quand même intéressant de relever que le président de la Société des cafetiers-restaurateurs nous écrit qu'«il est inexact de prétendre que la population, dans sa grande majorité, ait souhaité faire interdire la fumée de façon absolue dans les lieux publics. La question ne lui a pas été posée en ces termes-là.» Quand même ! Je veux bien qu'on prenne les gens pour des imbéciles, que le peuple n'est pas à la hauteur, qu'il n'est pas toujours capable de lire nos textes parce qu'on est beaucoup trop compliqués dans nos formulations, mais l'article de loi constitutionnelle qui a été accepté en votation par le peuple avec une majorité de plus de 80% de voix est extrêmement clair !
Alors, j'en viens à ce qui concerne M. le président de la Société des cafetiers-restaurateurs, lorsqu'il dit que le peuple ne s'est pas prononcé en faveur d'une interdiction absolue. Je lirai quand même l'alinéa 3, lettre c, de l'article constitutionnel 178B qui stipule que l'interdiction de fumer concerne «tous les établissements publics au sens de la législation sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement». Alors, si certaines personnes ne savent pas lire, la très grande majorité, dans ce canton, me semble en être capable ! Pour une fois, les arguments figurant dans la brochure électorale étaient bien clairs; d'ailleurs, il n'y a pas eu de réclamations, ni de la Société des cafetiers-restaurateurs, ni des hôteliers, ni d'autres opposants à cette initiative. Et le peuple a pu juger sur pièce du texte qui lui a été présenté. Il est donc faux de dire aujourd'hui que le peuple a été trompé et qu'il ne savait pas sur quoi il votait !
Par ailleurs, M. Jean-Michel Gros et M. Ivan Slatkine disent aussi que notre géométrie est variable, que nous acceptons parfois les votes et les refusons d'autres fois... M. Slatkine nous donne l'exemple de la traversée de la rade. Excusez-moi, mais, pour la traversée de la rade, c'est bien différent: si le peuple a dit oui dans un premier temps, il a dit non à la traversée dans un deuxième temps ! Ma foi, nous ne faisons qu'appliquer la volonté du peuple qui a dit non à la traversée de la rade en deuxième lieu !
Ensuite, là, on ne donne pas un avis sur l'initiative, on doit donner notre avis sur une loi d'application d'une initiative qui vient d'être votée par le peuple à 80%. Cela n'a donc juste rien à voir avec l'exemple de la traversée de la rade !
Vous mentionnez les fumoirs... On en reparlera certainement plus tard, lors de l'examen des amendements. Tout à l'heure, M. Marcet a cité des chiffres importants émanant de l'OMS - chiffres que l'on nous a aussi donnés en commission, lorsqu'on travaillait sur l'initiative et qu'on a auditionné les personnes. Il suffisait de reprendre les procès-verbaux pour cela, mais j'ai l'impression que certaines personnes trouvent pénible de se procurer les procès-verbaux - que nous avons pourtant obtenus en tant que membres de la commission, n'est ce pas, Madame Fontanet ?
Concernant les fumoirs, une étude canadienne nous a été fournie et il faut relever que le Canada - qui se calque souvent sur les Etats-Unis, M. Bertschy citait les Etats-Unis qui ont vingt ans d'avance sur nous - vient de fermer les fumoirs, de les interdire, alors qu'ils avaient été autorisés dans un premier temps. Pourquoi ? Parce que les fumoirs, lorsque vous les fermez, il n'y a plus de fumeurs à l'intérieur ! Et il y a encore vingt-sept fois plus de particules fines à l'intérieur de ces fumoirs que dans les pièces à côté qui sont non-fumeurs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que, même si, dans votre idée, le personnel n'accède pas aux fumoirs quand les fumeurs les utilisent, il faut bien, à un moment ou un autre, nettoyer ces fumoirs et les entretenir ! Du personnel devra donc pénétrer dans les fumoirs et sera exposé à des particules fines vingt-sept fois plus nombreuses que dans les lieux sans fumée. Je ne parle même pas des moments où il y a des fumeurs dans les fumoirs, parce que les chiffres qu'on nous a donnés sont effarants: les fumeurs ingurgitent ensemble, dans ces fumoirs, deux-cent quarante-cinq fois plus de particules fines, et cela même dans les fumoirs les mieux ventilés ! Et en termes de santé publique, avec la loi qui ne donne pas l'autorisation d'installer des fumoirs aujourd'hui, vous protégez même les fumeurs !
Pour toutes ces raisons, nous vous encourageons vraiment à voter ce projet de loi maintenant, tel qu'il est proposé par le Conseil d'Etat, pour aller de l'avant. C'est une question de santé publique ! Et il y a des personnes qui semblent oublier qu'on ne parle pas de la vie de tous les jours des fumeurs: on ne parle pas ici du domicile personnel des gens, on ne parle pas de l'extérieur, on parle du temps que les gens vont passer dans des établissements publics. Cela ne concerne quand même pas toute la journée ! Tout à l'heure, on nous parlait de problèmes sociaux, de gens qui n'iraient plus dans les restaurants et dans les cafés, à cause de l'interdiction d'y fumer... Mais je rêve ! Je connais ici des fumeurs qui vont au restaurant, qui vont boire des verres, et ils ne fument pas pour autant 24h/24, sans arrêt ! Ils sont capables d'entrer dans des établissements publics et de s'abstenir de fumer, de façon à ne pas incommoder les gens avec qui ils sont. Moi le premier, je suis un fumeur occasionnel, mais jamais je n'irai fumer dans un restaurant, dans un café. C'est complètement incongru d'incommoder les autres avec quelque chose dont on sait que cela dérange ! (Commentaires.) Mais oui, Monsieur Ischi ! Même la pipe ! Je fume de temps en temps la pipe, mais je ne vais jamais avec une pipe dans un lieu public. Je m'abstiens de fumer en public ainsi que devant les enfants. Si je fume, c'est si possible à l'extérieur. Ce n'est donc pas difficile, en tant que fumeur de sortir un petit moment et ça ne va pas réveiller toute la république !
Le meilleur argument est relatif à l'absence de nouvelles auditions. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de faits nouveaux ? Parce que, pendant les trois mois durant lesquels l'interdiction était en vigueur à Genève, il n'y a pas eu de révolution ! Personne n'est venu se plaindre auprès de la police ou ailleurs ! Ni même les cafetiers et restaurateurs, Monsieur Gros ! Il n'y avait donc pas de faits nouveaux, pas de raison d'auditionner une armada de personnes différentes, de retarder les travaux et la résolution d'un problème de santé publique, question que nous devons trancher ce soir.
Bien sûr, vous ferez recours, nous en avons l'habitude ! D'ailleurs, c'est assez étrange, parce que vous nous reprochez de soutenir de temps à autres des référendums... Je signalerai quand même que les deux personnes qui ont fait recours ici, à propos de cette initiative votée par ce Grand Conseil, ce sont deux députés de ce parlement, et je trouve ça misérable ! (Applaudissements.)
Mme Fabienne Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit contre ce projet de loi vraiment trop restrictif, j'aimerais simplement faire un témoignage. Je fais partie du conseil d'une fondation qui gère des EMS; j'ai donc l'occasion de me rendre très souvent dans ces derniers, même deux fois par semaine. Il s'agit d'EMS qui ont appliqué le règlement lorsque celui-ci était en vigueur et qui n'ont pas changé leur méthode depuis lors: on n'a pas créé de fumoirs, on a simplement demandé aux personnes âgées qui fument de le faire à l'extérieur. Alors c'était très joli, cet été, en arrivant dans un EMS, de voir ces personnes âgées qui étaient dehors et de pouvoir parler avec elles... Mais ce sont exactement les mêmes que l'on voit actuellement à l'extérieur, par une température de moins dix degrés !
Je vous le rappelle, les résidents de ces établissements pour personnes âgées ont plus de 80 ans; il s'agit d'une génération qui a eu l'habitude de fumer, qui n'a pas cessé de fumer, qui a du plaisir à fumer. On ne peut pas reprocher cela à une personne de cet âge et qui a vécu ainsi, et lui demander tout d'un coup d'arrêter de fumer ! Je pense que c'est un manque de respect envers les personnes en fin de vie que de vouloir les obliger à fumer dans leur chambre - où, comme il l'a été relevé, cela peut comporter des dangers, parce que la personne âgée s'y trouve seule. Cependant, par une température de moins dix degrés, rencontrer des personnes âgées assises à l'extérieur pour le plaisir de fumer leur cigarette est totalement inadmissible ! Monsieur Charbonnier, vous devriez le savoir, puisque vous travaillez dans les EMS ! Par ailleurs, vous venez de dire au sujet des fumoirs qu'il faudra les nettoyer... Ne faut-il pas aussi nettoyer les chambres des résidents dans les EMS ? Il y aura certainement du personnel pour cela.
Concernant ce qui a été dit à propos des auditions, je vous rappelle que celles qui étaient menées par la commission de la santé ont eu lieu avant l'essai de l'interdiction de fumé qui a duré trois mois. Après cette période, vous avez refusé d'auditionner des personnes ayant vécu cette expérience ! C'est inadmissible, c'est un non-respect de la démocratie ! Et je répéterai ce qui s'est dit ce soir, parce que je n'admets pas qu'on refuse d'auditionner des gens dans les commissions, c'est vraiment un déni total de démocratie ! D'autant plus que des personnes ont vécu une certaine expérience au cours de ces trois mois. Et cette expérience - je vous le dis, pour avoir constaté cela à la commission des pétitions - c'est qu'on se plaint du bruit qu'il y a dehors, soit hors des établissements publics. En effet, on a vu affluer un bon nombre de pétitions de la part d'habitants qui se plaignent du bruit. Eh bien, lorsque les gens fument dehors, cela fait du bruit dehors ! Et l'on recevra encore des pétitions, puisque des gens qui fument dehors, cela engendre du bruit ! On l'a vécu, et d'autres pays le vivent - comme la France - mais ils sont un peu plus larges d'esprit que nous.
Donc, autoriser les fumoirs, c'est être large d'esprit. Personnellement, je voterai cette loi si elle est amendée pour prévoir des fumoirs, autrement je refuserai ce projet de loi !
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, c'est vrai qu'il y a une certaine redondance dans les interventions, mais on doit quand même s'élever contre certains propos ! Tout à l'heure, je vous ai parlé de respect. Mais je n'ai entendu dans votre bouche, Mesdames et Messieurs de la gauche - élargie - aucun mot de respect ! Je n'ai entendu parler que d'irrespect, de totalitarisme, d'intégrisme, et tout cela accompagné du sacro-saint leitmotiv de la santé !
Alors laissez-moi vous dire quelque chose, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche élargie ! Vous, qui voulez prôner une société stérile, une société complètement aseptisée, eh bien, il faudrait vous en prendre tout de suite à la nourriture, vu les chiffres fournis par l'OMS: moins 18% de maladies cardio-vasculaires en Ecosse, moins 11% en Italie. Eh bien, à quand un projet de loi socialiste pour interdire les hamburgers et les huiles grasses ?! Vous allez nous dire comment on doit manger, comment on doit s'habiller ?! Eh bien ça, c'est l'ancien régime communiste que nous avons vécu en URSS et ça va contre les libertés qui constituent la base d'une bonne démocratie ! Vous êtes des intégristes, et ceci n'est pas acceptable ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Ensuite, Mesdames et Messieurs, vous dites que les 80% de la population se sont exprimés en faveur d'une interdiction totale de la fumée... Vous êtes des menteurs ! Parce que moi aussi j'ai voté cette initiative, et sans être pour l'interdiction totale de fumer ! Je suis pour le respect des gens qui ne fument pas et pour qu'ils n'aient pas à subir la fumée passive. Voilà pourquoi j'ai voté l'initiative ! Donc, venir dire que la population s'est clairement exprimée... A mon avis, vous êtes des menteurs et vos propos sont fallacieux !
Mesdames et Messieurs, vous voulez jouer aux intégristes, vous en voulez toujours plus ! Pour des gens qui prônent la légalisation des drogues, vous êtes sacrément culottés de vouloir vous occuper aujourd'hui de santé publique concernant les citoyens de ce canton ! Alors laissez-moi vous dire une chose: ce sera votre responsabilité exclusivement si, dans deux semaines, la loi n'est pas appliquée. A cause de votre intégrisme, il y aura un référendum et une initiative, et cette loi n'entrera pas en application avant au moins une année ! Et cela, parce que vous voulez vous ingérer dans la vie des gens et leur dire comment ils doivent vivre !
Combien d'entre vous fument des joints et sont hors la loi ? Ayez le courage de le dire ! (Huées.) Ayez le courage de le dire, vous qui prônez la légalisation des drogues douces ! Vous vous moquez du monde, et nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi tel qu'il a été proposé ce soir par le Conseil d'Etat. Je vous le dis sans ambiguïté: un référendum et une initiative seront lancés dès la semaine prochaine si vous n'acceptez pas les amendements, soit ceux de l'UDC, soit ceux du MCG ! J'ai terminé pour l'instant.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'essaierai d'apporter un tout petit peu d'apaisement, du moins avec cette première prise de parole. Cela fait deux heures que vous vous exprimez et je n'ai pas encore pu le faire.
On parle aujourd'hui de santé publique, et ce n'est pas si fréquent que ça dans ce parlement d'avoir des débats sur des sujets de santé publique. J'observe qu'à chaque fois on accepte en général sans débats les rapports d'intention - souvent rédigés par le Conseil d'Etat, j'en conviens - énonçant les futurs grands axes de travail: retarder la première consommation d'alcool chez les adolescents, retarder la première consommation de cigarette chez les mêmes adolescents, lutter contre la dépression ou inciter à manger mieux et à faire de la marche pour faire diminuer les risques et augmenter le confort de vie. Ces rapports sont en général acceptés sans débats, c'est-à-dire sans susciter le moindre intérêt, pour être tout à fait clair !
Quand il s'agit par la suite de passer à la mise en pratique de ces axes de travail, j'observe alors que les débats sont très nourris et se terminent très régulièrement - c'est d'ailleurs souhaitable ainsi - devant le peuple, celui-là même qui in fine arbitre les discussions qui sont les vôtres, que ce soit sur vos propositions ou sur celles du Conseil d'Etat.
J'en veux pour preuve que nous avions, avec Mme Micheline Spoerri, essayé, avec succès, de convaincre votre parlement d'agir au sujet d'une forme particulière d'alcoolisme, l'alcoolisme compulsif, très présent notamment chez les adolescents ou les postadolescents. Il convenait d'interdire la vente de l'alcool après 21h, respectivement d'en prohiber la vente dans les stations-service, là où un alcoolisme compulsif pouvait de toute évidence entraîner des accidents considérables dans les minutes suivant une consommation d'alcool. Une première évaluation de cette mesure a été faite: elle n'est pas enthousiasmante parce qu'il y a mille autres raisons qui peuvent pousser à un alcoolisme compulsif que la simple facilité d'accès à la substance. Toujours est-il que, pour quelque chose d'aussi anodin que cela - alors que tout le monde était d'accord - on avait dû aller devant le peuple parce qu'il y avait eu un référendum, organisé à l'époque par les stations-service.
Tout le monde a accepté les programmes prioritaires de prévention du département pour la législature, s'agissant de la prévention d'un certain nombre d'addictions, dont les addictions dites légales, le tabac et l'alcool.
Une initiative populaire avait devancé les propositions que nous vous aurions faites, dotée de 20 000 signatures et qui est une initiative populaire dont le cercle dur, reconnu par le Tribunal fédéral dans son arrêt de 2007, reconnu par le professeur Martenet que votre commission législative avait pris comme expert pour discuter de la recevabilité de l'initiative, eh bien, ces deux instances avaient confirmé qu'il fallait une interdiction totale.
Cette interdiction totale était assortie, tant dans l'avis de droit du professeur Martenet que dans le rendu du Tribunal fédéral, d'un certain nombre d'exceptions qui faisaient état de deux priorités sur lesquelles il convenait à tout le moins de prévoir des exceptions.
Tout d'abord, des priorités quant à la proportionnalité d'une mesure qui s'applique aux lieux publics fermés ou accessibles au public et fermés, mais qui ne peuvent pas, bien entendu, s'appliquer à des lieux publics ou accessibles au public dans lesquels les gens se retrouvent dans une situation de vie privée. C'est le cas pour les personnes privées de liberté, privées d'espoir de vivre, privées d'espoir de mobilité. Notamment, les personnes qui, louant une chambre dans un hôtel, certes accessibles au public, la louent comme domicile privé temporaire. On l'avait dit, d'ailleurs, avant que le Tribunal fédéral ne rende son jugement. Et c'est donc en toute proportionnalité que de cette interdiction totale voulue par l'initiative populaire a été plébiscitée par notre population, et par une population qui a beaucoup voté, je vous le rappelle: plus de 63% de participation, ce qui est tout de même rare !
Eh bien, malgré cela, nous avons tout de même introduit dans notre projet de loi cette notion de proportionnalité en dénommant un certain nombre d'exceptions pour les lieux à caractère privé, bien qu'accessibles au public.
Le deuxième élément qui est fondamental, c'est de ne pas entraver la libre entreprise et de ne pas mettre en péril sur le plan économique des acteurs qui devraient pouvoir bénéficier d'un lieu où l'on puisse fumer. Là aussi, tant le professeur Martenet que le Tribunal fédéral sont très clairs. Je fais un clin d'oeil à M. Catelain, dont je salue l'arrivée et que je remercie de venir assister à la partie pour vous la plus importante des débats, puisque c'est celle dans laquelle vous aurez l'occasion de présenter vos amendements. Non, Monsieur Catelain, il n'y a pas de droit régalien à boire un cognac en fumant un cigare dans un lieu public ! (Commentaires.) Ce n'est pas un droit ! Le Tribunal fédéral le dit, l'écrit et le répète ! Le droit de fumer, la liberté du fumeur n'est pas à ce point-là importante qu'elle impose qu'il puisse fumer en tout temps et partout ! Ce sont les deux qualificatifs que le Tribunal fédéral utilise.
Alors, à partir de là, nous avons conçu deux exceptions. Une exception est prévue pour les commerçants qui ne vivent que de ça: un vendeur de cigares qui ne pourrait pas faire déguster des cigares quelque part, on l'assassinerait sur le plan économique ! Dans ce cas-là, l'exception est prévue.
Il en va de même pour les cercles qui sont mentionnés dans la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, la fameuse LRDBH dont on a déjà tant parlé. Les cercles sont des clubs privés tels qu'ils sont signalés, là aussi, par le Tribunal fédéral. Il se trouve que la notion de club privé n'a pas de définition légale, mais on entend par club privé ce que nous avons défini comme étant un cercle dans notre loi genevoise de 1987. Il s'agit d'associations à but idéal et non lucratif - dont l'idéal est peut-être de fumer le cigare, fumer la «chicha», avec ou sans cognac, avec ou sans autres plaisirs de la chair - et de l'âme ! Ce sont des plaisirs dont personne ne parvient à se passer complètement. Voilà ce que sont les cercles: des associations dont il faut être membre. Il faut être en possession d'une carte de membre et il y a un but idéal. Comme l'Etat n'est pas là pour juger des buts idéaux des uns et des autres, c'est la raison pour laquelle cette exception figure également dans la loi.
Au-delà de ça, Mesdames et Messieurs les députés, nous pourrons en reparler rapidement lorsque la seule discussion résiduelle viendra sur le tapis, concernant l'introduction ou non de fumoirs. L'initiative telle qu'adoptée par votre parlement puis plébiscitée par le peuple ne laisse pas un millimètre pour imaginer que l'on puisse implanter des fumoirs. Pas un millimètre ! Ces éléments sont donnés, on les rappellera tout à l'heure, aussi bien dans les textes du professeur Martenet que dans celui du Tribunal fédéral, bien plus important, puisque c'est lui qui juge in fine ce que l'on peut faire ou ce que l'on ne peut pas, et je l'ai appris à mes dépens - en toute sérénité heureusement. Le Tribunal fédéral a dit très clairement qu'il s'agit ici d'une interdiction absolue et je pense que nous devons nous en tenir là ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc voter la prise en considération de ce projet de loi 10375. J'appuie sur la sonnette pour les gens qui seraient encore à la buvette et leur laisse quelques secondes pour arriver... Voilà.
Mis aux voix, le projet de loi 10375 est adopté en premier débat par 70 oui contre 17 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Chapitre I. A l'article 1, alinéa 1, nous sommes saisis d'une demande d'amendement par M. Marcet... (Remarque.) On m'apprend qu'il retire cet amendement. (Commentaires.) De même que ses autres amendements.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que l'article 2.
Le président. Nous sommes à l'article 3. M. Borloz demande la parole.
M. Marcel Borloz (L). Avant d'aller plus loin, je signale déjà que je suis non-fumeur. Les fumeurs ne m'embêtent pas, les non-fumeurs non plus ! A l'écoute de toutes les interventions de ce soir, j'ai été quelque peu surpris d'apprendre que la commission avait refusé d'auditionner à nouveau la Société des cafetiers-restaurateurs...
Le président. Là, vous n'êtes pas dans le sujet !
M. Marcel Borloz. Je veux demander le renvoi en commission de ce projet de loi, s'il vous plaît ! (Quelques applaudissements. Remarque.)
Le président. Peuvent s'exprimer sur cette demande de renvoi en commission les rapporteurs et le conseiller d'Etat. Monsieur Borloz, c'est à la commission de l'économie que vous voulez renvoyer ce projet de loi ?
M. Marcel Borloz. Oui, à l'économie !
Le président. Bien ! Les rapporteurs et les conseillers d'Etat peuvent s'exprimer durant trois minutes. M. le rapporteur Stauffer a demandé la parole.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement. Je rends hommage au parti libéral qui, dans son incohérence, garde une certaine ligne de conduite quand il laisse la liberté de vote à ses membres. Ce soir, il vient de le confirmer, puisque nous avons eu droit successivement à une déclaration favorable aux amendements puis à une déclaration contre les amendements ! Je m'empresse de le dire parce que, dans certains autres partis beaucoup plus dictatoriaux, la liberté de vote n'a pas été laissée et certains députés s'en sont ouverts à moi. (Exclamations.) Il est assez regrettable qu'on impose une obligation de vote dans certains partis !
Le renvoi en commission peut effectivement s'avérer utile. Pourquoi ? Parce que nous n'avons pas bénéficié de l'expérience vécue par l'Association des cafetiers-restaurateurs, c'est-à-dire des établissements qui sont des PME. J'aimerais vous rappeler, Mesdames et Messieurs de la gauche élargie, qu'à Genève les PME constituent le premier employeur du canton ! Ce sont les PME qui emploient le plus de personnel et il eût été intéressant de connaître leur avis après cette expérience de trois mois. Là, encore une fois, vous avez joué les petits dictateurs socialistes que vous savez être et vous avez, en fait, refusé ces auditions ! Alors, déjà rien que pour ça, ce serait intéressant.
Outre le fait d'avoir eu des avis de droit de certains opposants à la fumée - je dis bien «à la fumée» dans tout les sens du terme - il aurait peut-être été intéressant d'auditionner quelques instances fédérales pour savoir si la légalité des fumoirs était plausible ou pas, compte tenu de l'initiative. Parce qu'aujourd'hui il y a deux religions: une qui dit que c'est possible, conformément au droit fédéral, le droit supérieur, et une autre qui dit qu'à cause de l'initiative ce n'est pas possible.
En tout état de cause, il y a eu, Mesdames et Messieurs les députés, tromperie sur la marchandise. Car, pour bon nombre d'électeurs, dont je suis, voter l'initiative 129 n'équivalait pas à flinguer les fumeurs... (Brouhaha.) ...et à leur dire qu'ils doivent fumer à l'extérieur en hiver, alors qu'il fait froid. Ce n'était évidemment pas acceptable.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur, vous avez parlé trois minutes.
M. Eric Stauffer. Du point de vue économique, ces PME, qui représentent le premier employeur du canton...
Le président. Votre temps de parole est dépassé !
M. Eric Stauffer. Très bien ! Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir le renvoi à la commission de l'économie !
Le président. La parole est à M. Catelain. (Brouhaha.) Monsieur Catelain, je vous ai donné la parole !
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. L'exposé des motifs du Conseil d'Etat décrit très clairement que, selon lui, il n'y a pas d'incidence économique à l'interdiction de fumer dans les établissements publics. Il se réfère à une documentation scientifique, et, sur ce motif-là, la commission de la santé a jugé inutile de demander l'avis des professionnels qui ont expérimenté l'interdiction de fumer pendant plusieurs mois. Les commissaires n'ont donc finalement eu aucune indication de la part des personnes concernées sur les conséquences de cette interdiction de fumer - surtout à partir de la rentrée, lorsque le temps est devenu maussade au mois de septembre.
Dans les faits, les professionnels - certains d'entre eux, en tout cas - nous ont quand même avoué avoir subi une baisse de leur chiffre d'affaire allant jusqu'à 40%, dans un environnement économique qui est morose, sachant que le milieu de l'hôtellerie et de la restauration prévoit pour l'année 2009 une forte baisse de son activité et étant donné que de nombreux établissements sont dans une situation financière précaire. Il était intéressant de relever qu'à la fin du mois de décembre, pendant les fêtes, le gouvernement français a communiqué, sur une année d'interdiction de la fumée dans les établissements publics, que les sondages réalisés ont révélé une baisse allant jusqu'à 50% du chiffre d'affaires pour les bars. Cela met donc très clairement en péril certaines activités économiques dans cette profession.
Il est vrai qu'il n'y a pas un lien direct entre la consultation des milieux économiques et la préservation de la santé, qui est le but de ce projet de loi. Toutefois, dans une démocratie où nous privilégions le contact direct, notamment dans tous nos travaux de commission, je pense qu'il était maladroit de faire abstraction de cette consultation des milieux concernés.
Pour ces motifs, le groupe UDC soutiendra le renvoi de ce projet de loi à la commission de l'économie. Cela permettra à cette dernière de faire l'inventaire des problèmes que pose une interdiction absolue de fumer dans les établissements publics, qu'il s'agisse des nuisances sonores, des déchets sur la voie publique ou de tous les autres effets pervers au niveau financier et économique pour ces établissements.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. (Brouhaha.) Je rappelle que seuls les rapporteurs et le conseiller d'Etat peuvent prendre la parole lors d'une demande de renvoi en commission.
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, les auditions de certaines associations, dont celle des cafetiers-restaurateurs, ont été demandées deux fois en commission. La première fois, une audition a été demandée par un député libéral et cette proposition a été refusée par huit voix, dont une voix MCG et une voix UDC. C'est quand même intéressant à relever ! La seconde fois, sans vouloir trahir le secret des débats, c'est moi qui ai demandé à ce que la Société des cafetiers-restaurateurs soit auditionnée. Et la seconde fois, cela a été refusé également !
Moi, j'ai été nourrie au mazout, c'est vrai, et j'en suis fière ! C'est tout aussi bon que le vin ou quantité d'autres substances, n'est ce pas ? Mais j'ai aussi été nourrie à la culture de la démocratie ! Par conséquent, quand je suis minorisée en commission, je m'incline. De ce fait, malgré ma position, j'ai continué à étudier ce projet de loi en commission puisque les auditions n'avaient pas été autorisées.
Nous refuserons donc le renvoi en commission, puisque le travail a été accompli de façon tout à fait démocratique. Par conséquent, il n'y a absolument aucune raison de renvoyer ce projet en commission. Ceci est une manoeuvre dilatoire que je récuse ! (Exclamations. Applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10375 à la commission de l'économie est rejeté par 53 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le président. A l'article 3, lettre i), nous sommes saisis d'un amendement de M. Bertschy. (Brouhaha.) S'il vous plaît, un peu de silence ! (Le président agite la cloche.) Voici l'amendement: «Art. 3, lettre i) (nouvelle teneur): Les établissements au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, du 17 décembre 1987 (ci-après: RDBH), y compris les terrasses aménagées à l'extérieur de ces établissements.» Je donne la parole à M. Bertschy.
M. Antoine Bertschy (UDC). A la lettre i) de l'article 3, j'ai déposé un amendement demandant que les établissements de moins de 80m2 ne soient pas soumis à l'interdiction de fumer. J'ai déjà expliqué pourquoi précédemment. Je suis convaincu que les fumoirs seront acceptés à l'article 4, parce que je suis de nature optimiste ! Et je me dis que les petits établissements n'ont pas la place pour installer des fumoirs séparés. Sur la base de la loi fédérale, les petits établissements de moins de 80m2 devraient donc être dispensés d'appliquer l'interdiction de fumer.
M. Ivan Slatkine (L). Comme je l'ai très bien précisé au début de ces débats, le groupe libéral laisse à ses membres la liberté de vote sur ce projet de loi. Mais, comme je l'ai aussi précisé, le groupe libéral soutiendra à l'unanimité l'amendement concernant les fumoirs. Je me permets de faire cette précision, car il est totalement inadmissible d'entendre dans cette salle certains propos qui voudraient faire passer le parti libéral pour une girouette, parce qu'il pourrait voter une fois oui et une fois non. Il y a liberté de vote sur le projet de loi, mais, sur les amendements concernant les fumoirs, le groupe libéral les soutiendra, car il considère qu'ils sont totalement compatibles avec l'initiative.
En ce qui concerne l'amendement proposé par M. Bertschy et le groupe UDC, je m'exprimerai à titre personnel: je soutiendrai cet amendement qui respecte la loi fédérale. Je dois bien dire qu'il ne faut pas créer de distorsion de concurrence et, dans ce sens, cet amendement me semble tout à fait cohérent. Laissons aux établissements de moins de 80m2 la possibilité d'être fumeurs ou non-fumeurs et imposons le fumoir obligatoire pour tout établissement qui dépasse les 80m2 de surface au sol.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, vous savez qu'il existe en tout cas deux principes auxquels les libéraux sont très attachés: celui de la liberté et celui de la responsabilité, une responsabilité de vote. C'est la raison pour laquelle je demande, pour cet amendement et pour les suivants, qu'ils se fassent à l'appel nominal.
Une voix. Très bien !
Le président. Etes-vous soutenu pour l'appel nominal ? (Des mains se lèvent.) Je vois que c'est largement le cas ! La parole est à M. Alain Charbonnier.
M. Alain Charbonnier (S). Bien sûr, nous soutenons le vote nominal sur cet amendement et les autres. Voilà, on se trouve au pied du mur et les gens se dévoilent en proposant un amendement pour les établissements de moins de 80m2, dans lesquels les gens pourraient fumer. Allons-y ! Que les gens fument, c'est magnifique ! Tout va bien, il n'y a pas de problème de santé publique, contrairement à tout ce qui a été prétendu par tous ces gens qui s'inquiètent de la santé des personnes ! On voit bien où réside votre souci: en tout cas pas dans la santé publique !
Par contre, votre souci de l'économie, on le connaît, surtout en ce moment, parce que ça ne va pas très fort ! Vous vous faites du souci... Mais nous aussi ! Et je tiens quand même à souligner que plus de 125 restaurants et débits de boisson ont maintenu volontairement l'interdiction de fumer. (Exclamations. Le président agite la cloche.) En termes économiques, c'est loin des chiffres avancés par M. Catelain, les 40% ou 60% de pertes sur le chiffre d'affaires, dont on ne sait pas où il va les chercher... En commission, lorsqu'on a travaillé sur l'initiative, on a obtenu des chiffres tout différents. Ce n'était en tout cas pas ceux-ci !
En ce qui concerne la cohérence des libéraux... Bravo ! D'un côté, il ne faut pas créer de distorsion de concurrence et, d'un autre, vous avez tout à l'heure accepté les fumoirs pour certains établissements. Et, maintenant, vous dites que d'autres établissements ne seront pas en mesure d'installer des fumoirs et qu'il faut donc les autoriser à rester des établissements fumeurs - et, finalement, à tuer d'autres personnes, y compris leur personnel, sans s'en soucier nullement.
Eh bien, pour une raison de santé publique évidente, cet amendement est à jeter à la poubelle !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiendrai cet amendement. Je ne manquerai pas de reprendre la parole dans le deuxième débat pour me prononcer plus longuement.
J'aimerais juste dire à M. Charbonnier que, les non-fumeurs n'allant pas dans les fumoirs, la fumée ne les dérangera absolument pas ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Jeanneret.
M. Claude Jeanneret (MCG). Jeannerat ou Jeanneret ?
Le président. Jeanneret !
M. Claude Jeanneret. Merci, Monsieur le président. Je vous prie de m'excuser, c'est peut-être mon ouïe qui a des faiblesses !
Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce débat dépasse un tout petit peu le cadre de la fumée. Je crois que nous avons la chance d'habiter un pays extraordinaire - un pays démocratique - et ce qui a fait la force de la Suisse, de tout temps, c'est le respect des minorités. Parce que si le respect des minorités n'avait pas existé, nous serions aujourd'hui tous suisses allemands !
J'aimerais quand même dire une chose. Ce n'est pas parce qu'on a voté cette loi qu'on ne doit pas respecter la minorité, même si l'on a voté une loi qui est tout à fait respectable - car il est vrai que, dans les bâtiments publics ou les grands établissements qui emploient beaucoup de monde, il est un peu normal que la fumée n'incommode pas les non-fumeurs.
En revanche, en ce qui concerne la liberté, quand on parle d'établissements de 80m2 - ça pourrait être 60m2 ou 70m2, peu importe, la question du personnel ne se pose pas, en général c'est le patron qui est sur place. Donc, si un patron décide que son établissement est fumeur, eh bien, les non-fumeurs ne viennent pas: et s'il décide qu'il est non-fumeurs, eh bien, les fumeurs n'y viennent pas !
Je crois qu'il s'agit là véritablement d'un débat sur la tolérance. Et ce qui me gêne un peu, c'est que, dans le combat de ce soir, elle est absente ! J'ai l'impression que nous vivons une guerre de tranchée: on a voté quelque chose, alors il faut tuer les gens qui ne pensent pas comme nous ! Eh bien, je suis navré, je ne crois pas qu'un parlement tel que le nôtre doive fonctionner ainsi. C'est un parlement élu démocratiquement, avec des minorités et avec des majorités. Pour moi, le citoyen a quand même droit à la liberté de choisir le lieu où il veut aller boire un verre, où il veut manger... Et s'il a l'opportunité de trouver de sympathiques petits établissements de quartier, dont le patron ou la patronne décident de servir un verre et de laisser les gens fumer, parce que lui-même ou elle-même sont fumeurs, je ne vois pas en quoi cela gênerait ! Ce n'est pas du tout contraire à la loi, elle prévoit l'interdiction de fumer dans les bâtiments où les gens sont obligés d'aller ! C'est totalement différent ! Là, il est normal qu'il n'y ait pas de fumée. Mais, dans les endroits où nous avons la liberté de nous rendre, je ne vois pas en quoi on est obligé de contraindre tout le monde à une discipline que je qualifierai de bolchévique. C'est invraisemblable d'en arriver là, à notre époque !
C'est la raison pour laquelle une certaine souplesse dans l'application de la loi doit absolument être défendue et acceptée. C'est pourquoi le MCG adoptera cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Weiss. (Commentaires.) Non, la parole est à Mme Fehlmann Rielle !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je voulais réagir aux propos de M. Jeanneret qui nous donne des leçons de démocratie. J'ai beaucoup de respect pour vous, Monsieur Jeanneret, mais là, je crois que les minorités sont respectées. Nous ne sommes pas contre les fumeurs, or une loi a été votée et prévoit qu'on ne fume pas dans les espaces publics et fermés ! Quant à traiter les gens de liberticides et d'ayatollahs, adressez-vous à votre collègue, M. Stauffer, qui n'a pas arrêté de nous insulter pendant toute une partie de la soirée ! Vous pourrez régler vos affaires ensemble !
Cela dit, nous sommes vraiment opposés à cet amendement. Concernant la distorsion de la concurrence, effectivement, il y aura distorsion si certains tenanciers d'établissements peuvent créer des espaces fumeurs et d'autres pas ! De toute façon, on sait que ces fumoirs sont inefficaces et coûteux ! Il vaut donc mieux, pour préserver la liberté de commerce, ne pas avoir de fumoirs du tout. Tout le monde sera ainsi sur pied d'égalité.
Je trouve quand même extraordinaire d'être aussi aveugle et de ne pas vouloir voir ce qui se passe dans les pays environnants: en Italie, tout se passe très bien depuis l'interdiction, les bistrots sont pleins; pourtant, tout le monde avait dit que les Italiens sont indisciplinés, etc. En Irlande, c'est la même chose; en Ecosse, ça se passe très bien; en Angleterre et en Norvège aussi. Ce sont pourtant des pays très différents les uns des autres... (L'oratrice est interpellée. Le président agite la cloche.) Pourquoi est-ce qu'à Genève et en Suisse cela ne pourrait pas se passer de la même façon ?! S'il vous plaît, soyez raisonnables ! Nous refuserons donc cet amendement. (Applaudissements.)
M. Mario Cavaleri (PDC). C'est vrai que cet amendement a des abords tout à fait sympathiques et on aimerait évidemment bien s'y rallier, mais la réalité fait que, même si nous avons de la sympathie pour une telle demande, on ne peut tout simplement pas l'accepter. Pourquoi ? Parce que l'interdiction de fumer est absolue et que nous n'avons pas d'autre choix, malheureusement, que de refuser cet amendement. Ce que nous devons faire avec quelques regrets, il est vrai, mais enfin, nous assumons nos responsabilités et nous le refuserons.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais juste répondre à mon excellente collègue... Je ne crois pas qu'il s'agisse d'enfreindre une loi, mais de respecter le citoyen, la personne. Le fumoir, c'est autre chose. Nous ne parlons pas des fumoirs. On parle de tous petits établissements qui sont tenus par une personne, fumeuse, qui décide de proposer un établissement fumeurs, sans vouloir en faire un club privé, mais un lieu ouvert. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'enfreindre la loi: il s'agit simplement de respecter une minorité en permettant le maintien de petits établissements fumeurs. C'est totalement différent !
Je me permettrai d'ajouter que ce n'est pas la première fois qu'on raisonne ainsi, quand des lois sont votées. Par exemple, certains partis pensent que lorsqu'on encourage les transports publics, cela implique de sacrifier la circulation... Cela n'a pas été dit dans la loi, mais ça se fait, et c''est ce que je crains avec cette loi. On a clairement défini que dans les établissements publics où nous sommes obligés d'aller, on est tenu de ne pas fumer.
J'aimerais juste faire un aparté sur un sujet qui me tient à coeur. Nous avons un établissement public à Genève, l'Hôpital des Trois-Chêne, qui s'appelait il y quelque temps l'Hôpital de gériatrie. Certaines personnes qui s'y trouvent ont entre 80 et 90 ans et ont fumé toute leur vie durant. Comme dirait Anne Roumanoff, cela fait trente ans qu'ils fument, ils ne sont toujours pas morts, ils vont faire un procès... Ce que je veux dire par là, c'est que nous sommes arrivés dans une dictature, avant la loi, qui est absolument abominable. Parce que, dans cet établissement, non seulement on fait sortir des personnes âgées pour qu'elles puissent fumer, alors qu'il fait moins dix degrés dehors - et si ces personnes attrapent une broncho-pneumonie, on dira que c'est parce qu'elles fument, alors qu'on les a placées dans le froid de manière scandaleuse ! - mais, en plus, au kiosque de l'établissement, on ne vend même plus de cigarettes ! Cela veut dire que quelqu'un qui est vieux, qui est isolé, qui a perdu toute sa famille, qui a tout perdu... (Commentaires.) Eh bien, ce pauvre type est abandonné - il est crucifié ! C'est de la maltraitance morale !
Alors j'aimerais que, une fois pour toutes, nous respections les minorités et que nous fassions en sorte que ces dernières puissent vivre décemment jusqu'à la fin de leur vie !
M. Claude Aubert (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je constate avec intérêt que le débat qui a eu lieu en commission se répète. Et on fait comme si l'eau n'avait pas passé sous les ponts, comme s'il n'y avait pas eu une initiative et comme si cette initiative n'avait pas été votée ! On ne dit pas que cette initiative est bonne ou mauvaise: on dit qu'elle a été votée.
Il est possible que certains points de cette initiative puissent donner lieu à des divergences d'opinion, mais, je vous en prie, ne creusez pas vous-mêmes votre propre décrépitude ! Ne creusons pas nous-mêmes notre décrépitude ! Si le parlement n'est même pas capable de tenir compte d'une initiative et que n'importe quel recours peut aller jusqu'au Tribunal fédéral, on dira à nouveau que les Genevois sont incapables de se contenir dans un cadre ! A ce moment-là, on est dans la dérision.
Je vous propose donc d'en rester à des notions extrêmement ponctuelles et sérieuses, qui peuvent éventuellement donner lieu à des interprétations différentes, mais toujours par rapport au texte qui a été voté ! (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de première minorité. Par rapport à ce qui a été dit, j'aimerais en préambule rappeler qu'il n'y a pas une interdiction absolue de fumer dans les établissements, puisque le Tribunal fédéral a justement demandé aux cantons de légiférer et de prévoir des exceptions. L'amendement qui nous est donc proposé ce soir par M. Bertschy rentre dans le cadre de ces exceptions. Après, il s'agit de savoir si ça rentre dans le cadre prévu par le Tribunal fédéral - et c'est ça tout le débat. Par rapport à la documentation que nous avons, personnellement, je suis incapable de le dire. Dans le doute, je vote donc cet amendement, parce que cela permet à une grosse minorité de cette population de ne pas être exclue.
Cet amendement, finalement, c'est quoi ? Un établissement de 80m2, c'est 10m sur 8m. En deux mots, c'est un fumoir ! C'est un fumoir qui correspond à l'article 3 de la loi fédérale, et si nous l'intégrons dans notre loi cantonale, il devra respecter les conditions de l'article 3 de la loi fédérale, à savoir être d'une surface égale ou inférieur à 80m2. Il devra disposer d'une ventilation adéquate, être clairement reconnaissable de l'extérieur comme un établissement fumeur et n'employer que des personnes dont le contrat de travail stipule qu'elles acceptent de travailler dans un établissement fumeur.
En résumé, cet amendement ne met en aucun cas en cause la santé des non-fumeurs puisqu'il s'agirait d'établissements réservés aux seuls fumeurs. Et 80m2, je vous rappelle que c'est grosso modo la taille d'un bar, soit des établissements qui seront le plus défavorisés par l'application de la loi cantonale ! Je rappelle à M. Charbonnier, s'il n'a pas lu mon rapport de minorité, que la référence concernant la baisse de 50% du chiffre d'affaires des bars suite à l'interdiction de la fumée figure à la page 31 de mon rapport et qu'il peut aller sur internet contrôler cette information.
Les faits sont têtus: les fumeurs fréquentent majoritairement les bars. Si vous appliquez une interdiction générale, que vous ne prévoyez pas des exceptions pour ces fumeurs et faites en sorte que les établissements soient uniquement non-fumeurs, sans fumoirs, finalement, que vous le vouliez ou non, vous excluez une partie de la population ! C'est de l'exclusion sociale, contre laquelle vous vous élevez à longueur d'année !
Moi je vous invite personnellement à soutenir cet amendement qui est en conformité avec la loi fédérale. Au moins, sur ce point-là, on ne pourra pas le contester !
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Je suis scandalisé par les propos tenus par Mme Fehlmann Rielle, qui vient nous dire, toute fraîche et pimpante: «Vous ne respectez pas la loi, vous allez violer la loi.» Mais non ! On demande simplement qu'il y ait la liberté... Vous savez, le mot «liberté»: «freedom» en anglais ! Ce que vos parents ont défendu, en mai 68, avec le «peace and love» et «il est interdit d'interdire» ! (Protestations.) Vous vous rappelez cela ? Vous en êtes issue, donc vous vous en souvenez !
Nous, nous voulons simplement qu'il y ait une harmonie entre les fumeurs et les non-fumeurs et que chacun n'empiète pas sur le terrain de l'autre; c'est tout ce qu'on vous propose ! Mais vous, vous violez impunément la loi depuis des années: l'accession à la propriété privée, les squats... Ça vous dit quelque chose ?! Quand des élus manifestent pour empêcher la police d'évacuer les squatters de Rhino... Il y avait même un magistrat socialiste ! Et qui ne respecte pas la loi ?! C'est bien vous ! En fait, vous appliquez la loi à la sauce qui vous convient, selon l'humeur du soir, selon l'humeur qui vous sied. Eh bien non, Mesdames et Messieurs !
Je conclurai en disant à M. Charbonnier que, s'il est certain que certaines personnes doivent arrêter de fumer, une autre chose est sûre: Monsieur Charbonnier, arrêtez la caféine !
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Ducret, la parole est à vous. (Brouhaha.) Je rappelle aux personnes qui se trouvent à la tribune que les journalistes ne sont pas autorisés à faire des interviews. Merci !
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de majorité. A propos de cet amendement et des autres qui nous seront présentés par la suite, je voudrais dire et redire que, selon nous, radicaux, la loi qui a été votée par le peuple le 24 février 2008 interdit les fumoirs, que cela ne nous plaise ou non - et, personnellement, je le regrette. Nous considérons que cette loi interdit les fumoirs. Par conséquent, nous ne pouvons pas accepter les amendements qui auront trait à ces derniers.
Ce n'est pas que nous ne le voulons pas, c'est que nous ne le pouvons pas ! Par conséquent, je vous parle pour tous les amendements en bloc, Monsieur le président. Nous les refuserons tous ! (Applaudissements. Brouhaha.)
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le conseiller d'Etat Unger. (Brouhaha.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Pardon, je n'avais pas entendu l'appel de mon nom dans le brouhaha de cette salle ! Je crois que cet amendement peut être rejeté sans plus attendre: je vous relis tout de même l'article 178B de notre constitution, adopté par le peuple. Il stipule en son alinéa 2: «Afin de protéger l'ensemble de la population, il est interdit de fumer dans les lieux publics intérieurs ou fermés, tout particulièrement dans ceux qui sont soumis à une autorisation d'exploitation.» A l'alinéa 3, lettre c), il est écrit que sont concernés «tous les établissements publics au sens de la législation sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement». Alors, que ceux qui arrivent à glisser là-dedans une exception pour les bistrots de moins de 80m2 me disent où ils trouvent la place pour elle ! Moi je ne la trouve pas et je pense que le Tribunal fédéral ne la trouvera pas non plus !
Ceci étant, je vous redis que le débat sur les fumoirs aurait pu avoir lieu il y a deux ans ! Le débat sur la fumée a eu lieu et votre parlement a tranché en faveur de la soumission au peuple d'une initiative telle quelle qui a été adoptée par ce peuple. Il n'y avait pas de place pour les fumoirs, vous en aviez discuté et vous n'avez pas fait de contreprojet; c'était parfaitement votre droit. Le contreprojet du Conseil d'Etat auquel il a été fait référence était un contreprojet qui nommait les mêmes exceptions que celles qui sont comprises dans la loi et qui ne nommait donc pas les fumoirs. On peut tourner en rond des siècles, mais cette exception ne peut pas rentrer là-dedans !
Permettez-moi tout de même de conclure en disant que cet amendement-là, si on avait eu la possibilité de le mettre dans le texte, je l'aurai combattu au titre de la santé publique, mais je le trouve moins mauvais que l'amendement ou les amendements qui vous seront proposés sur les fumoirs. D'abord, il a une base dans la loi fédérale. On peut trouver que cette loi fédérale n'est pas bonne; les parlementaires eux-mêmes ne l'ont pas trouvée bonne, puisqu'après avoir fini de sécréter un nombre invraisemblable d'exceptions qui rend cette loi à peu près inapplicable, ils ont décidé que les cantons devaient pouvoir aller plus loin dans les restrictions, parce que, manifestement, avec cette loi-là, on ne remplissait pas les missions d'hygiène et, surtout, de santé publique ! Voyez-vous, à vouloir faire plaisir à trop de gens, on finit par se rendre compte que, même si on a légiféré, le résultat est tellement mauvais qu'il faut que les cantons puissent faire un peu mieux, s'ils trouvent des majorités pour cela. Je le regrette, mais c'est comme ça qu'elle est, cette loi fédérale !
En tout cas, c'est vrai que cet amendement est moins mauvais que celui qui vise à introduire le fumoir, parce qu'il est beaucoup plus clair, mais il ne peut toutefois pas s'inscrire dans la disposition constitutionnelle genevoise, à ce stade-là.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous prononçons sur cette demande d'amendement à l'article 3, lettre i), concernant la possibilité pour les établissements publics de moins de 80m2 de rester fumeurs.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 52 non contre 32 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté.
Le président. A l'article 4, nous sommes saisis de deux amendements, le premier à la lettre a), l'autre à la lettre d). Nous commençons par l'amendement présenté par M. Nidegger à l'article 4, lettre a) (nouvelle): «Les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les établissements et lieux publics sont autorisés pour autant que ceux-ci soient isolés et qu'aucun service n'y soit affecté.» Je donne la parole à l'auteur de l'amendement.
M. Yves Nidegger (UDC). Nous sommes probablement au coeur du problème débattu. Toute cette loi va faire l'objet de remous considérables parce qu'elle exclut le moyen efficace d'une exception fondamentale que le Tribunal fédéral a exigée dans la lecture qu'il a faite de cette loi, même si le rapporteur de majorité n'effectue pas la même lecture juridique de la disposition de l'article 178B de la constitution, article que le peuple genevois a plébiscité. Evidemment, cette lecture est conforme au droit supérieur édicté par le Tribunal fédéral et n'est pas une lecture particulière ou partisane.
Pour arriver à ce que cette exception soit efficace, il faut introduire dans la loi ce dont nous parlons depuis le début de cette soirée, à savoir le fumoir, en tant que la première des exceptions. Raison pour laquelle, il est proposé une nouvelle lettre a) à l'article 178B, qui ne va pas shooter la lettre a) actuelle, mais qui va se glisser devant elle, la lettre a) actuelle devenant la lettre b), la lettre b) actuelle devenant lettre c), la lettre c) devenant la lettre d). Ce fumoir trouve ici une définition générale: ce n'est pas uniquement le fumoir des cafés, c'est le fumoir que l'on peut installer dans tout lieu public, que ce soit un restaurant, un bar, un «nightclub», un EMS ou tout autre type d'établissement public. Le fumoir doit être correctement ventilé, il doit être installé, il doit être isolé et aucun service ne doit y être effectué, ce qui correspond très précisément au but qui figure dans l'article 1 de la loi, à savoir: ne pas exposer quiconque à la fumée passive, tout en ne privant pas, évidemment, chacun de la liberté de s'exposer lui-même à de la fumée active.
Je vous enjoins donc d'accepter cet amendement qui nous permettra de conclure ce soir la paix des cendriers !
Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts refuseront tous les amendements concernant les fumoirs.
Je m'exprimerai donc une fois sur ces amendements, et ceci pour plusieurs raisons. La première, la principale, c'est, bien sûr, que cela n'est pas conforme à l'article constitutionnel que plus de 79% des votants ont plébiscité en février dernier ! Dans d'autres cantons, c'est vrai, des fumoirs ont été introduits, mais ils ont été inscrits dans la constitution directement, au moyen d'un contreprojet qui s'opposait à des initiatives assez similaires à la nôtre. Cela n'a pas été fait à Genève et nous devons maintenant en accepter les conséquences. Et là, je partage l'avis de M. Aubert: si nous ne le faisons pas, nous allons encore passer pour des guignols qui ne savent pas voter des lois. Nous allons encore être exposés à des recours et je crois que nous n'avons vraiment pas besoin de cela, car la classe politique a été suffisamment dévalorisée par les précédentes péripéties liées à la fumée passive !
La deuxième raison est économique. Les fumoirs sont une véritable aberration et nous ne comprenons pas, nous les Verts, que les partis qui défendent toujours l'économie de marché, et l'un de ses fondements qui est la libre-concurrence, eh bien, nous ne comprenons pas que ces mêmes partis demandent des fumoirs ! L'Etat doit garantir des conditions égales pour tous, pour assurer la libre concurrence. Or envisager la possibilité d'avoir des fumoirs pour certains et pas pour d'autres, c'est introduire une distorsion de la concurrence: les petits établissements ne pourront pas se permettre d'installer un fumoir, ce qui exige premièrement de l'espace, mais aussi des installations coûteuses de ventilation; ils seront donc complètement défavorisés par rapport aux autres. Pour que réussisse l'interdiction de la fumée dans les lieux publics, il faut qu'elle soit interdite partout et que les conditions soient les mêmes pour tous !
La troisième raison pour laquelle nous nous opposerons à ces amendements visant à autoriser les fumoirs, c'est que le but de cette loi est évidemment de protéger les non-fumeurs, d'une part - qu'ils soient clients ou qu'ils fassent partie du personnel des établissements - mais aussi, et on ne l'a pas encore entendu ce soir, de faire diminuer la consommation de tabac des fumeurs. En effet, pendant les trois mois de test ayant eu lieu à Genève, des amis fumeurs ont constaté la diminution de leur consommation de tabac grâce à cette interdiction, et ils en étaient très contents. On oublie un peu de dire que la fumée, c'est avant tout une addiction ! Et la plupart des fumeurs ont finalement envie d'arrêter; personne ne se dit: «Je vais fumer deux paquets par jour jusqu'à la fin de ma vie, j'en fais le serment, c'est une bonne chose pour ma santé...». Donc, cette interdiction de fumer dans les lieux publics doit aussi être une incitation et une aide pour les fumeurs qui souhaitent arrêter de fumer.
Enfin, pour terminer sur une note un peu plus légère, je citerai mon collègue Christian Bavarel, toujours très «élégant»... Voici: «Faire un coin fumeurs dans un bistrot, c'est comme faire un coin pisseurs dans une piscine.» Fin de citation ! (Rires. Applaudissements.)
M. René Desbaillets (L). Je vais vous conter une histoire de science-fiction...
Une voix. Ah !
M. René Desbaillets. Nous sommes en 2012-2013, la loi sur l'interdiction de fumer dans les établissements publics est en application dans sa forme la plus restrictive après moult recours et référendums... Nous sommes au mois d'août, les Fêtes de Genève battent leur plein et la scène se passe dans un bar d'un grand hôtel cinq étoiles. Un cheikh multimilliardaire - pas un chèque sans provision de l'UBS ! - déguste un dernier verre d'un excellent vin rouge genevois, accompagné de délicieux chocolats «F»... (Remarque.) Merci ! ...aromatisés à l'orange et fabriqués à Genève. Le cheikh allume alors un gros cigare de chez «D», qu'il apprécie tout particulièrement.
Première situation: le barman, nouveau venu dans l'établissement - le petit bar qu'il tenait ayant fait faillite suite aux nombreuses amendes qu'il a dû payer - ne sait que faire et appelle son directeur. Ce dernier lui répond: «Laissez couler, un haut responsable politique m'a glissé à l'oreille qu'une certaine indulgence sera de mise dans certains établissements.» Mesdames et Messieurs, quand on entend ça, cela veut dire que la loi qui stipule que tout citoyen est égal devant la loi n'existe plus ! C'est la porte ouverte à la mafia; c'est la politique des pots-de-vin !
Deuxième situation: respectueux des lois, le cheikh éteint son cigare, monte se coucher. Mais, le lendemain matin, il fait ses valises et quitte l'hôtel avec toute sa suite qui occupait un étage entier.
Une voix. Toutes ses femmes !
M. René Desbaillets. Après plusieurs expériences de ce genre, l'hôtel fait faillite. Mme Salerno et M. Mugny peuvent réquisitionner l'hôtel pour y loger squatters et artistes d'Artamis... (Brouhaha.)
Troisième situation: le cheikh ne veut pas éteindre son cigare. Le ton monte, le barman appelle la police. Puisque les gardes du corps du cheikh sont armés, la police arrive avec une vingtaine d'hommes équipés de la tête au pied... Et je vous raconterai la fin de l'épisode quand Mme la conseillère fédérale et M. Khadafi auront terminé le scénario qu'ils sont actuellement en train de réaliser !
Mais revenons à notre amendement. Genève, ville internationale de congrès et d'expositions, ne peut pas se permettre d'être plus restrictive que la loi fédérale ! Imaginez-vous, par exemple, le Salon de la haute horlogerie, le Salon de l'auto, Télécom ou des conférences internationales dans un Palais des expositions ou un Centre international de conférences qui ne disposent pas de fumoirs... Ce ne serait plus de la science-fiction, mais une catastrophe économique ! Sachant que personne n'a l'obligation d'entrer dans un fumoir, un minimum de tolérance est de mise. Je vous invite donc à soutenir cet amendement.
Des voix. Bravo, Dédé ! (Applaudissements.)
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais aborder la suite de mon intervention de tout à l'heure. Pour certains, fumer est synonyme de détente: ça les calme - c'est exactement comme aller boire l'apéro après une bonne journée de travail. (Brouhaha.) Mais il faut savoir que tous les fumeurs n'ont pas envie d'arrêter de fumer, contrairement à ce qui a été dit par les socialistes. Et puis, on peut se demander pour quelles raisons les personnes influentes et compétentes en la matière ne ferment pas les usines où sont fabriquées les cigarettes ?! Pourquoi les fervents partisans de l'interdiction de fumer n'ont-ils pas lancé un projet de loi dans ce sens ? Ne soyez pas hypocrites, Mesdames et Messieurs: vous ne voulez pas l'odeur de la cigarette, mais vous appréciez grandement celle de l'argent qu'elle rapporte ! L'argent n'a pas d'odeur, c'est bien connu !
Les socialistes ont reconnu que ce projet de loi n'est pas parfait, alors pourquoi le voter ? Parce que nous sommes en année électorale ?! C'est petit ! Nous sommes ici pour travailler, pas pour faire campagne ! Pas pour se faire réélire, ou simplement pour réjouir les électeurs... Du reste, ceux-ci n'ont aucune idée de tout le travail que représentent les séances de commission ! De plus, comme un député libéral l'a exprimé, ce n'est pas parce que le peuple a voté et qu'il a le dernier mot qu'il a forcément raison... (Brouhaha.) Quant à ce qui a été dit concernant le travail des commissions, j'ai encore envie d'ajouter ceci: le travail y est bâclé et je n'aime pas du tout cette façon de procéder.
L'UDC a relevé, à juste titre, que les établissements publics, les débits de boisson notamment, sont des lieux de rencontre... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Enfin ! Ça m'évitera de hurler. Merci ! Je poursuis: les établissements publics représentent un lien social vital pour les gens et favorisent aussi l'intégration - que vous prônez à cor et à cri, je vous le rappelle. Je pense en particulier aux gens qui arrivent à Genève, qui ne connaissent personne et sont isolés. Les établissements publics sont aussi des lieux de rencontre pour des personnes retraitées, qui aiment s'y retrouver pour jouer aux cartes durant l'après-midi. Donc, cette loi est une boîte de Pandore: elle ouvre la porte à toutes les interdictions possibles et imaginables !
Cette question se pose alors: a-t-on encore le droit de vivre dans notre république ? A-t-on encore droit à un loisir, à un plaisir, ou est-ce interdit ? Alors qu'on subit déjà le chômage, la crise économique, le manque de logements, les taxes sur tout et n'importe quoi, les impôts et les assurances !
Les socialistes disent qu'il ne faut pas fumer dans les cafés, devant les enfants... Mais, dans les boîtes de nuit, il n'y a, que je sache, pas d'enfants, puisque l'accès à ces dernières est interdit aux jeunes de moins de 18 ans... Que l'on fume dans ces établissements ne dérange donc pas les enfants ! Et l'on voit bien que ces interdictions sont restrictives et incohérentes.
Par ailleurs, vous oubliez une chose très importante: c'est pendant trois mois d'été que l'interdiction de fumer a été appliquée à Genève. Or, en cette saison, les personnes préfèrent rester à terrasse plutôt que de s'enfermer à l'intérieur d'un café... C'est pourquoi on ne peut absolument pas savoir quel a été l'impact de cette mesure d'interdiction. (Brouhaha.)
J'ai entendu les socialistes dire que les fumoirs coûtaient cher... Mais les fumoirs ne sont pas à la charge du contribuable ! De plus, je vous rappelle que nous sommes en Suisse et que nous devons d'abord nous occuper de nous avant de nous occuper des voisins. Si d'autres pays ont de mauvaises idées, nous ne sommes pas obligés de les suivre bêtement, comme des ânes !
Le président. Madame la députée, il va falloir conclure !
Mme Sandra Borgeaud. Monsieur le président, je conclus. Je m'opposerai à cette loi si elle reste telle quelle. Assez d'hypocrisie ! Et souvenez-vous des milliards que la cigarette rapporte et que vous acceptez avec beaucoup de facilité ! Arrêtez de nous pourrir la vie ! Laissez-nous vivre en paix ! (Commentaires.)
M. Michel Forni (PDC). On dit généralement qu'il existe une source de malentendus lorsque la distance s'étend entre la connaissance de ceux qui savent - en principe, les scientifiques, et je parlerai simplement de ceux qui savent traiter les conséquences négatives du tabac - et la connaissance des politiciens. C'est en essayant de réduire l'écart qui les sépare que l'on peut trouver des solutions. Ce soir, nous devons éviter une sorte de manipulation. Il conviendrait de revenir à une concertation basée sur des données scientifiques qui permettent une acceptabilité de techniques qui ne soient pas un piège. Pourquoi parlerai-je de piège ? Nous sommes arrivés au mot «fumoirs»: «fumoirs clos», «fumoirs correctement ventilés», «fumoirs installés», j'allais dire «fumoirs aseptisés», et j'en passe... Mais la grande question qui se pose, Mesdames et Messieurs les députés, c'est de savoir quelle est l'efficacité et la fiabilité de ces fumoirs !
Depuis trois ans, date à laquelle cette initiative a été déposée, certains se sont emparés de la notion de «fumoirs»... Et nous retrouvons ces derniers dans les suggestions de certains cantons - comme cela a été mentionné ce soir, lors de certaines contre-propositions - mais il est intéressant de noter que nous n'avons aucune preuve de leur efficacité - ou de leur inefficacité.
Quoi qu'il en soit, ces «fumoirs» sont actuellement décriés, voire rejetés. A cet égard, je rappellerai simplement que les Canadiens, qui ont investi dans ces fumoirs il y a plus de dix ans, les rejettent maintenant, car ils ne servent visiblement à rien.
Alors, vouloir revenir à un principe de santé publique... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, un peu de silence !
M. Michel Forni. ...avec des instruments dont l'efficacité est hypothétique ne me paraît pas pertinent. Il semblerait logique de revenir à d'autres propositions et, surtout, de reconnaître que la solution la moins toxique est certainement de s'abstenir de fumer dans les lieux publics. Car l'un des problèmes des fumoirs, cela a été dit, c'est la concentration d'agents toxiques qui s'en dégagent et qui, malheureusement, représentent un problème supplémentaire pour les fumeurs. Alors, ne reprochons pas aux non-fumeurs de ne pas vouloir cohabiter dans des espaces où il y a des fumoirs ! Et n'imposons pas, non plus, à ceux qui ne peuvent malheureusement pas se passer du tabac des contraintes supplémentaires en les obligeant à s'enfermer dans des endroits spécialement toxiques.
Je terminerai en rappelant que Genève, par le biais de l'OMS, a étudié ce type de problèmes. Nous ne sommes pas des béotiens, mais nous n'avons pas non plus pour mission de revenir sur des constats scientifiques. Nous sommes là... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député ! Monsieur Wasmer, s'il vous plaît, un peu de silence ! (Commentaires.) Monsieur Wasmer, s'il vous plaît ! (Commentaires. Rires.) Monsieur Wasmer, je vous en prie: un peu de silence ! (Rires.)
M. Michel Forni. Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement conclure en disant ceci: nous sommes là pour reconnaître que la loi dont nous discutons ce soir a deux objectifs. Le premier est de protéger les non-fumeurs et le deuxième est de faire en sorte de protéger le personnel dans les lieux publics dont nous parlons, c'est-à-dire les lieux de convivialité, de restauration, d'hôtellerie. Alors, revenons à ces deux objectifs, reprenons une discussion saine et raisonnons sur des bases honnêtes !
M. Alain Charbonnier (S). Je m'exprimerai tout d'abord sur la forme... Vous transmettrez, Monsieur le président, ou vous statuerez - je ne sais pas comment cela se passe. Nous allons nous prononcer sur un amendement déposé par M. Nidegger - «Me Nidegger», devrais-je dire - candidat au Conseil d'Etat, qui nous propose à l'article 4, sous «Lieux privatifs», un amendement consistant en une nouvelle lettre a) dont voici la teneur: «Les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les établissements et lieux publics...». Ce n'est pas correct ! Cet amendement est faux sur la forme ! Il ne peut pas être introduit tel quel dans la loi, puisque l'article qu'il veut modifier se trouve justement sous la rubrique «Lieux privatifs». Cela ne correspond pas du tout à la volonté et à la forme législative qui est décrite dans cette loi, qui a même été votée à la majorité de la commission.
J'en viens au fond. Beaucoup de choses ont été dites quant à la santé publique. En effet, le but de cette loi est de protéger la santé publique et, même, de protéger les fumeurs qui ne veulent pas les fumoirs. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les fumoirs ont été abandonnés au Canada, pour des raisons évidentes de problèmes de santé publique, que ce soit pour les fumeurs eux-mêmes ou pour les personnes qui vont nettoyer ces fumoirs... Je n'ose pas imaginer dans quel état ces fumoirs peuvent se trouver à la fin d'une soirée. On a beau dire que le personnel ne doit pas travailler dans des lieux enfumés, il faudra bien que quelqu'un vide les poubelles, les cendriers, etc., et, par conséquent, il faudra entrer dans ces fumoirs.
A cet égard, je vous signale que le nombre des particules fines est vingt-sept fois plus élevé qu'ailleurs dans un endroit clos de cette sorte et deux cent quarante-cinq fois plus élevé lorsque les fumeurs ont pris leur pause ! En termes de santé publique, il me semble qu'il faut aussi s'inquiéter pour les fumeurs et qu'il y a lieu d'interdire ces fumoirs.
J'en viens à l'article constitutionnel. Cela a été dit et redit: où allez-vous trouver la place pour y installer vos fumoirs ? On se réjouit de voir cela, jusqu'au Tribunal fédéral s'il le faut !
Enfin, je donnerai un dernier exemple aux fumeurs de cette enceinte qui prônent les fumoirs. Voyez comment les choses se passent ici ! Derrière la buvette, un fumoir a été installé, plus ou moins légalement - on peut se poser des questions à ce sujet, du reste... Et que font les députés qui utilisent cet endroit ? D'abord, ils laissent la porte ouverte - c'est vrai pour les députés de tous les partis, de gauche comme de droite - et, la plupart du temps, ils finissent à la buvette en continuant de fumer ! C'est extrêmement désagréable ! Les fumoirs ne sont pas une bonne solution: ils mettent en péril la santé de tout le monde !
M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur Charbonnier, vous avez parfaitement raison... En tant que non-fumeur, en tant que victime, depuis un demi-siècle, de tous ces fumeurs qui ont empoisonné ma vie, je suis tout à fait d'accord avec ce que vous venez de dire. Néanmoins, il y a un problème. A s'entêter, à vouloir faire passer en force ce projet de loi; à refuser ce qui pourrait être une concession, c'est-à-dire les fumoirs - ce qui permettrait à chacun d'y trouver son compte et d'accueillir favorablement ce projet - on ne fait que durcir la position des uns et des autres. Et la discussion se résumera à un simple rapport de force: les anti-fumeurs - dont je suis - et les fumeurs, qui lanceront un référendum contre cette initiative. Et nous aurons perdu le combat, en tout cas pour aujourd'hui, car le problème n'est que repoussé, et je ne sais pas jusqu'à quand... Tout cela parce que, visiblement, d'un côté comme de l'autre, il y a des entêtés.
Au sein de ce parlement, pendant ces trois dernières années, nous avons tous réussi à lâcher un peu de lest sur certains projets de lois. Alors s'il vous plaît, j'aimerais bien que nous arrivions à cette forme de sagesse et que nous puissions régler le problème de la fumée passive ! En acceptant la notion des fumoirs - ce qui constituerait une espèce d'étape intermédiaire - nous pourrions aller de l'avant. Cela nous permettrait également de donner à la population l'image d'un parlement qui préfère construire que s'affronter.
M. Olivier Sauty (MCG). Ce soir j'ai beaucoup entendu parler des cafetiers-restaurateurs... Comme certains d'entre vous le savent peut-être, je suis cafetier-restaurateur, exploitant d'une discothèque. J'ai donc vécu l'interdiction de fumer durant l'été et j'ai pu en constater les conséquences...
Comme cela a été évoqué, le chiffre d'affaires de ces établissements a baissé, et je peux vous le confirmer. En ce qui me concerne, la baisse a été de 60%. De plus, j'ai eu beaucoup de problèmes de voisinage relatifs au bruit, parce que les clients allaient fumer sur le trottoir. En outre, comme ils jetaient les mégots par terre, j'ai eu des problèmes avec la Voirie.
Je pense donc qu'il serait intéressant d'aménager la loi pour faire en sorte que les hôteliers-restaurateurs, qui sont des gens compétents, très intelligents et qui savent où est leur intérêt, aient la liberté de décider s'ils veulent ou non installer des fumoirs dans leurs établissements. J'ai entendu le Dr Forni expliquer que les fumoirs n'avaient pas prouvé leur efficacité... Jusqu'à preuve du contraire, ils n'ont pas non plus prouvé leur inefficacité ! Par ailleurs, Mme Fehlmann a évoqué le fait que ces fumoirs représentaient des aménagements très coûteux... A mon avis, cela ne va rien coûter aux contribuables, car ces fumoirs seront certainement à la charge des patrons qui décideront d'en installer dans leurs établissements.
C'est pourquoi, en mon nom, au nom du MCG, je soutiendrai tout aménagement prévoyant une possibilité d'installer des fumoirs dans les établissements publics.
M. Yves Nidegger (UDC). Je voudrais juste répondre à M. Charbonnier qui fait du formalisme excessif. Je croyais avoir indiqué, au moins oralement, que la nouvelle lettre a) décalait les autres lettres: l'actuelle lettre a) devenait lettre b), la lettre b) devenait lettre c) et la lettre c) devenait lettre d). (Commentaires.) Ce qui ne pose pas un grand problème.
Quant à la titraille, nous sommes au chapitre des «Exceptions». Le fumoir c'est, évidemment, l'exception majeure. Et puis, le sous-titre est «Lieux privatifs»... On entre dans un fumoir que si l'on veut bien y entrer ! C'est probablement aussi privatif qu'une cellule de prison. Je ne vois donc aucun problème de forme. (Commentaires.)
Enfin, voici l'amendement dans sa version finale: «Les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les établissements et lieux publics pour autant que ceux-ci soit isolés et qu'aucun service n'y soit effectué.» Je ne vois pas de problème de forme ni de procédure. Par conséquent, il me semble que nous pouvons voter.
Le président. Merci, Monsieur le député. Le Bureau clôt la liste des orateurs. Il reste encore M. Gilbert Catelain, M. Eric Stauffer et M. le conseiller d'Etat Unger. Monsieur Catelain, vous avez la parole.
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Nous allons fêter le 500e anniversaire de la Réforme... Nous connaissons le tabac depuis plus de cinq cents ans, et j'ai l'impression que nous sommes en train de faire du puritanisme à l'américaine. Même un certain Calvin n'a pas interdit la consommation du tabac dans les établissements publics de la Genève réformée ! (Commentaires. Brouhaha.)
J'en viens aux lieux privatifs, qui se trouvent sous «Exceptions», à l'article 4. Si vous avez une assurance de base LAMal, vous n'avez pas droit à une chambre individuelle: vous serez dans une chambre commune... Il faudra donc bien que l'exploitant prévoie des chambres communes pour les malades qui ont une assurance de base et qui sont fumeurs. Idem dans les établissements pénitentiaires, où, généralement, les cellules, considérées comme privatives d'après le projet de loi, sont occupées par plusieurs personnes. Il en va donc de même pour le fumoir, qui pourra être fréquenté par une ou deux personnes.
J'aimerais quand même revenir sur le fond. En effet, toute l'argumentation du Conseil d'Etat ou des bancs d'en face - généralement élargis au parti radical, en partie - consiste à nous dire que c'est interdit par la constitution genevoise et que c'est admis par le Tribunal fédéral.
Alors, je me permets de citer l'arrêt du Tribunal fédéral, qui indique la chose suivante: «Au demeurant, l'initiative 129 est claire dans son principe. L'interdiction de fumer s'étend, selon l'article 178B, alinéa 2, constitution genevoise, à tous les lieux publics intérieurs ou fermés. Même si elle n'est pas très explicite sur ce point, l'initiative évoque à l'article 178B, alinéa 3, lettre e) de la constitution genevoise l'adoption d'une législation d'exécution. Celle-ci est d'ailleurs inhérente à ce genre de réglementation qui ne comporte aucun détail sur sa mise en oeuvre. Or, il apparaît évident qu'une mesure aussi générale que l'interdiction de fumer dans les lieux publics fermés n'est pas directement applicable; elle devra être assortie, par exemple, d'un éventuel délai d'introduction, de mesures de contrôle et de sanctions; en outre, conformément à la volonté manifestée par le Grand Conseil, un certain nombre de dérogations et d'exceptions devront accompagner l'interdiction.» Voilà ce que nous dit le Tribunal fédéral ! Rien de plus !
Et le Tribunal fédéral nous dit également la chose suivante: «Sur le vu de ce qui précède, le législateur disposera d'un large pouvoir d'appréciation pour adapter l'interdiction de fumer aux différentes situations qui l'exigent.» Je ne vois pas sur quelle base ce parlement utiliserait un large pouvoir d'appréciation en maintenant une interdiction absolue ! J'ai surtout le sentiment qu'une majorité de ce parlement essaie de détourner l'avis du Tribunal fédéral en confirmant une interdiction absolue, ce qui n'est manifestement pas le cas.
Je vous invite donc à voter cet amendement, qui, du point de vue de la minorité, va exactement dans le sens du Tribunal fédéral.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Tout d'abord, compte tenu du fait que, pour nous, peu importent les moyens, seule l'issue compte, nous voterons, comme l'a dit mon collègue, l'amendement déposé par l'UDC, qui est similaire à l'amendement du MCG. Comme nous ne voulions pas décaler les lettres de l'article 4, nous avons préféré créer une nouvelle lettre d). L'UDC - Me Nidegger, petit malin - a choisi de créer une nouvelle lettre a). Quoi qu'il en soit, ce n'est pas grave, et je ne vous en tiens pas rigueur, cher collègue, car, je le répète, notre cause est commune sur ce point.
Ce que j'aimerais dire, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que, à titre personnel, j'en veux quelque peu à notre conseiller d'Etat ou au Conseil d'Etat in corpore... Je vais vous en donner la raison. Ils sont, eux, contrairement à nous, qui sommes des parlementaires de milice, des professionnels de la politique et largement rétribués pour ce faire. Je pense qu'il appartenait au Conseil d'Etat de proposer à la population un contreprojet, s'il estimait que le parlement n'avait pas réalisé ou saisi l'entier de la chose - chose contestée par certains partis. Or une loi ou une initiative se constitue et peut se reconstituer, là n'est pas le problème !
Le Conseil d'Etat aurait donc dû proposer un choix à la population, ce qui, finalement, aurait été extrêmement démocratique et nous aurait épargné le débat de ce soir qui dure depuis 17h. En effet, le peuple aurait pu avoir le choix entre une initiative et un contreprojet prévoyant des fumoirs. Le gouvernement genevois que nous avons élu aurait ainsi montré une attitude responsable. Mais tel n'a pas été le cas ! Ce qui donne...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le député... Je m'adresse à la tribune: vous n'avez pas le droit de filmer, Monsieur ! Merci. La parole est à vous, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Du coup, je ne sais plus où j'en étais... Je reprends. Je disais que proposer, ce qui n'a pas été le cas, un tel choix aurait été respectueux à l'égard de la population et par rapport au vote démocratique.
Nous allons maintenant, évidemment, lancer une initiative, qui va être doublée par un référendum pour bloquer la loi. Et ceux qui auraient la naïveté d'imaginer qu'il n'y a pas 7500 fumeurs suisses exerçant leur droit de vote à Genève se fourvoient lourdement. Il en est de même, bien sûr, pour les 10 000 signatures qu'il faut au minimum pour pouvoir lancer l'initiative.
Nous sommes désolés de la tournure que prend le débat de ce soir... A ce propos, je voudrais rendre hommage - une fois n'est pas coutume - à M. Bertinat dont les propos ont été extrêmement sages et mesurés, puisqu'il nous a invités à faire les choses par les étapes. Faites une concession: acceptez les fumoirs ! Ne soyez pas totalitaristes et arrogants, en pensant que le droit est de votre côté ! En effet, une loi, ça s'écrit et ça se vote, mais n'oubliez pas que ça se réécrit et que ça se revote ! Une certaine corporation en a fait les frais: je pense aux taxis genevois. Mais, bref, là n'est pas le débat ! Donc, suivez les conseils, que je fais miens, de M. Bertinat et acceptez cette étape intermédiaire !
La loi d'application pourrait ainsi entrer en vigueur dans les deux ou trois semaines, et nous serions tous gagnants: les non-fumeurs ne subiraient plus la fumée passive des fumeurs et les fumeurs pourraient, je dirai, «assouvir leur vice» en toute quiétude dans des fumoirs. Certes, les fumoirs ne sont pas parfaits, mais la perfection dans ce monde n'existe pas, et vous êtes bien placés pour le savoir !
Si vous n'acceptez pas cette étape, il faudrait, Mesdames et Messieurs les députés - car ce parlement en a le pouvoir, cela fait partie de nos prérogatives - avoir le courage de décider de suspendre la séance ! Nous pourrions ainsi rédiger un projet de loi constitutionnelle pour permettre l'installation de fumoirs et organiser une votation populaire d'ici quarante-cinq, soixante ou nonante jours - dans les plus brefs délais... Cela légitimerait les propos que vous nous servez ce soir, avec une certaine arrogance, il faut bien le dire. Puisqu'il est contesté que tous les votants voulaient l'interdiction totale de fumer dans les lieux publics - ils ont voté comme moi et, certainement, des milliers d'autres, pour que les non-fumeurs ne subissent pas la fumée passive - ayez le courage et, au moins, l'honnêteté de demander - et je la demande - une suspension de séance ou le renvoi pur et simple de cet objet en commission extraordinaire.
Nous pourrions nous réunir demain matin, ou demain avant la séance plénière, et rédiger un projet de loi constitutionnelle que nous pourrions voter sur le siège. Ensuite, il y aura une votation populaire. Vous le savez bien, puisque le MCG a fait passer son premier projet de loi constitutionnelle, qui a débouché sur une votation le 8 février, sur les doubles mandats, Conseil d'Etat et Chambres fédérales. Il est donc possible de procéder ainsi.
Nous allons bien voir, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche, élargie aux PDC et aux radicaux - chose surprenante ! - si vous aurez le courage d'affronter l'électorat sur ce point ! Soit cela légitimera vos propos - et je reconnaîtrai publiquement que vous aviez raison, ce soir - soit cela vous désavouera, si la population préfère que cette interdiction soit assortie d'exceptions tels que les fumoirs, qui ne dérangeraient pas les non-fumeurs et qui ne seraient pas mauvais pour leur santé. Je vous le répète: ayez ce courage et cette honnêteté ! C'est ce que je vous demande instamment, au nom du Mouvement Citoyens Genevois ! J'ai terminé pour l'instant.
Le président. Monsieur le député, demandez-vous une suspension de séance ?
M. Eric Stauffer. Je demande formellement une suspension de séance ou un ajournement très temporaire. Comme je l'ai indiqué, nous pourrions reprendre les débats demain, après avoir rédigé un projet de loi constitutionnelle. (Brouhaha.) Ayez cette honnêteté, Mesdames et Messieurs les députés, puisque vous vous targuez de la légitimité du peuple...
Le président. S'il vous plaît ! C'est bon ! C'est terminé ! Monsieur Stauffer, vous avez demandé une interruption de séance. Vous en avez le droit selon l'article 79, mais vous devez réunir les deux tiers des voix de l'assemblée. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets cette demande de suspension de séance.
Mise aux voix, la suspension de séance est rejetée par 74 non contre 10 oui et 8 abstentions.
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de première minorité. Je serai bref. Je voudrais simplement préciser que l'amendement qui vous est proposé n'est pas un copier-coller de l'amendement du MCG déposé en commission, puisqu'il s'agit bien de prendre en compte l'avis du professeur Martenet et l'esprit même de l'initiative, qui est de protéger la population contre la fumée passive. En effet, ce fumoir est assorti d'une condition bien spécifique, à savoir qu'aucun service n'y soit effectué. Cette mesure protège donc le personnel de l'ensemble des établissements publics, y compris les EMS.
Je rappelle à cet égard que la commission n'a pas souhaité entendre les représentants des EMS, qui ont un grand souci au niveau de la sécurité. Dans un EMS, un fumeur qui présente des problèmes de mémoire peut très bien mettre le feu à sa cellule... (Exclamations.) Pardon: à sa chambre ! (Remarque.) Cela pourrait le devenir. Alors que, dans un fumoir, il pourrait être sous surveillance.
Cet amendement se justifie donc, d'autant plus que le professeur Martenet précise dans son avis: «Il semble enfin envisageable de permettre l'aménagement de salles réservées aux fumeurs, cloisonnées et bien ventilées, sans service.» Sur cette base, je vous invite à voter cet amendement. (Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de donner la parole à M. Stauffer, je vous indique, Mesdames et Messieurs les députés, que nous terminerons le traitement de cet objet ce soir, quelle que soit l'heure ! (Exclamations. Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Pas de problème: la nuit nous appartient, Monsieur le président !
J'aimerais simplement corriger les propos de mon collègue Gilbert Catelain. Comme je l'ai déjà dit, je ne vous tiens pas rigueur d'avoir proposé une lettre a) (nouvelle), au lieu d'une lettre d), pour passer avant...
L'amendement déposé par le MCG indique, sous «Exceptions»: «d) Les établissements à usage collectif tels que: les cafés-restaurants, hôtels, bars, discothèques, maisons de jeux, EMS - établissements médicaux sociaux - maisons de retraite, sont autorisés à exploiter des fumoirs spécialement aménagés dans lesquels aucun employé ne travaille, pour autant qu'ils soient isolés des autres espaces, désignés comme tels et dotés d'une ventilation adéquate.» Je suis désolé, mais c'est la même chose, puisque je parle des «établissements à usage collectifs tels que...». Ce n'est donc pas limité aux établissements que j'ai cités, c'est général !
Mais, je le répète, je ne vous en tiens pas rigueur, parce que notre cause est commune. Alors, peu importe que ce soit l'amendement présenté par l'UDC ou celui présenté par le MCG qui soit adopté, l'important est que l'objectif soit atteint ! (Brouhaha.)
Puisque j'ai la parole, j'en profite pour vous donner un exemple qui démontre, Mesdames et Messieurs les députés, à quel point ce que je disais préalablement est vrai, à savoir que l'application de cette loi est contraire à la volonté de la population exprimée dans l'initiative. Cet exemple est directement lié à cet amendement: on ne pourra donc pas me reprocher de ne pas être dans le sujet ! Le projet de loi intégriste, soutenu par les partis de la gauche élargie, prévoit déjà le cas d'un tenancier de restaurant qui voudrait aménager une terrasse couverte pour que ses clients - l'hiver notamment ou l'été - ne soient pas soumis aux intempéries. En effet, à l'article 2, alinéa 3, il est précisé: «On entend par fermés les espaces couverts par un toit et entourés par des murs ou cloisons, permanents ou temporaires, quels que soient les types de matériaux utilisés.» Je vous laisse apprécier ce que cela a d'aberrant ! Cela veut dire que, si un tenancier, car il dispose d'une terrasse dans l'arrière-cour, veut aménager un coin abrité pour ses clients en utilisant une tente ou une bâche, en ajoutant des chaufferettes pour éviter que ses clients, parfois âgés, ne «se Les gèlent», eh bien, cela sera considéré comme un lieu fermé et l'interdiction de fumer s'appliquera ! C'est un vrai scandale ! C'est un déni démocratique ! C'est vraiment se moquer de la population genevoise !
Ce projet de loi, tel que vous le proposez, est simplement un projet anti-fumeurs ! Il est contre les fumeurs, ce qui n'est pas du tout l'objectif initial, qui était louable - et, du reste, je l'ai voté - à savoir combattre les effets de la fumée passive. Et ce que vous proposez, vis-à-vis de l'électorat, c'est tout à fait malhonnête !
Je vous demande donc, en mon nom et au nom du MCG, de soutenir l'amendement présenté par l'UDC !
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je redirai - peut-être, pour la dernière fois - que les exceptions ne peuvent pas comprendre les fumoirs, cela sur la base du double avis de M. Martenet et du Tribunal fédéral, notamment dans son considérant 3.4, dans son considérant 7.3 et dans son considérant 7.4. Les choses sont relativement claires. Dans le 3.4, il indique qu'il faudra des exceptions s'agissant de lieux privatifs. Il le répète dans le 7.4 en précisant dans quelles conditions il faut considérer des exceptions, lorsque les personnes ne peuvent pas sortir, pour des questions de mobilité, pour des questions d'accessibilité... C'est exactement ce que nous avons mis dans notre loi, et rien d'autre !
Deuxième élément, dont nous n'avons pas encore parlé clairement: je veux parler de l'efficacité des fumoirs. Comme M. Bertinat, je me pose cette question bien légitime: les fumoirs servent-ils à quelque chose ? Si tel est le cas, peut-être pourrait-on trouver une solution... Mais, non, malheureusement ils ne servent à rien ! Une étude a été effectuée à Séoul - vous me direz que Séoul est loin et qu'il est difficile de vérifier - qui démontre que, dans les restaurants où il y a des fumoirs, l'air des zones non-fumeurs n'est pas différent de l'air des zones à l'intérieur des fumoirs. Cela n'est guère rassurant ! Cette conclusion a été vérifiée à Berne, dans une étude portant sur une nonantaine de bars, bistrots et restaurants, effectuée l'année dernière. Cette étude est disponible à l'Office fédéral de la santé publique et elle démontre exactement la même chose. La mesure n'est efficace que lorsque l'interdiction de fumer dans un lieu est totale ! La présence d'un fumoir ne diminue pas du tout la pollution ! A tel point, d'ailleurs, que la pollution moyenne dans la zone non-fumeurs des bistrots qui ont un fumoir, même fermé, est supérieure à celle qui est tolérée en matière de particules fines pour la circulation. C'est vous dire que ce n'est pas la moindre des pollutions: c'est une pollution énorme. Par conséquent, cela ne nous tire pas d'affaire !
Et puis, pour conclure, je dirai ceci à M Stauffer qui nous a gratifiés, une fois de plus, de sa considération - nous l'en remercions... Je relève, Monsieur Stauffer - si vous voulez régler votre appareil... (Rires.) - que vous aurez réussi dans le cadre de cette loi sur la fumée à parler des doubles mandats, des taxis, des Cheneviers... (M. Pierre-François Unger est interpellé par M. Eric Stauffer.) Mais vous deviez sniffer l'air des Cheneviers, au moment où l'on votait cette initiative, pour ne pas comprendre que le débat sur les fumoirs avait eu lieu ! (Commentaires de M. Eric Stauffer.) Vous avez parlé de «déni démocratique»... Monsieur Stauffer, nous le savons depuis longtemps, vous nous prenez pour des blaireaux, mais vous n'avez pas besoin d'enfumer le terrier ! (Applaudissements. Acclamations.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais enfin pouvoir vous soumettre l'amendement déposé par M. Nidegger à l'article 4... (Brouhaha.) Silence ! Il s'agit d'une nouvelle lettre a. Le voici: «Art. 4, al. 1, lettre a (nouvelle, les lettres a à c anciennes devenant les lettres b à d) - a) les fumoirs clos et correctement ventilés installés dans les établissements et lieux publics sont autorisés pour autant que ceux-ci soient isolés et qu'aucun service n'y soit effectué».
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est adopté par 48 oui contre 43 non et 5 abstentions. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Mesdames et Messieurs, ayez le triomphe modeste, s'il vous plaît ! (Exclamations.) Silence ! (Rires.)
Nous sommes saisis d'un amendement à la lettre d) du même article. Monsieur Stauffer, maintenez-vous cet amendement ? (Commentaires.) Silence, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Monsieur le président, comme je l'ai déclaré préalablement: peu importent les moyens, seul l'objectif compte, et cet objectif était commun entre l'UDC et le MCG. Donc, pour nous, cela ne fait pas de différence. Nous retirons l'amendement que j'ai déposé et qui était exactement pareil. (Brouhaha.) L'objectif est atteint: merci à l'UDC, merci aux députés MCG et merci à la droite qui l'a voté !
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant l'article 4 amendé... (L'orateur est interpellé par M. Eric Stauffer.) Oui vous avez raison ! Monsieur Stauffer, vous avez un autre amendement, présenté à l'article 4, alinéa 6 (nouveau). Je vous laisse le commenter.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En fait, ce nouvel amendement concerne l'Aéroport de Genève. Mais, étant donné que les zones de transit sont des lieux publics, l'amendement voté préalablement s'appliquera également pour l'aéroport. Le MCG retire donc également cet amendement.
Le président. Merci, Monsieur le député. Cette fois-ci, nous pouvons voter l'ensemble de cet article 4 que nous avons amendé précédemment.
Mis aux voix à l'appel nominal, l'article 4 ainsi amendé est adopté par 46 oui contre 28 non et 11 abstentions (les lettres a à c anciennes devenant les lettres b à d).
Mis aux voix, l'article 5 est adopté, de même que les articles 6 à 11.
Mis aux voix, l'article 12 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Le président. Nous allons maintenant voter ce projet de loi en troisième débat. (Remarque.) M. Charbonnier a-t-il demandé la parole ?
M. Alain Charbonnier (S). Merci, Monsieur le président. Je dépose un amendement. Je désire que l'on vote à nouveau sur l'article 4, alinéa 1, tel qu'il apparaît dans le projet de loi voté par la commission.
Le président. Oui, vous pouvez très bien faire cette proposition en troisième débat. Mesdames et Messieurs les députés, M. Charbonnier fait la demande formelle de voter à nouveau l'article 4, tel qu'il était au départ, c'est-à-dire sans l'amendement. (Brouhaha.)
Une voix. On ne sait pas sur quoi on vote ! (Commentaires.)
Le président. M. Charbonnier a demandé que l'on procède à nouveau au vote sur l'article 4... (Exclamations.) ...ce qui est possible puisque nous sommes en troisième débat. Il ne s'agit pas d'un amendement, c'est une demande formelle de soumettre à nouveau l'article 4 tel qu'il était au départ ! (Exclamations.)
Je le répète: M. Charbonnier a le droit de faire cette proposition, étant donné que nous sommes en troisième débat. Il ne s'agit pas d'un amendement et il n'est pas nécessaire que cette demande soit faite par écrit !
Que celles et ceux qui désirent revenir à l'article 4 comme il était auparavant, donc non amendé, votent oui; les autres votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition est rejetée par 46 non contre 44 oui et 4 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous allons enfin pouvoir passer au vote de ce projet de loi dans son ensemble.
La loi 10375 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10375 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui contre 8 non et 18 abstentions.
La proposition de résolution 556 est retirée par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance et vous souhaite une paisible nuit. Je vous donne rendez-vous demain à 15h.
La séance est levée à 22h30.