République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 octobre 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 12e session - 71e séance
M 1780
Débat
La présidente. Nous sommes en débat de catégorie II: trois minutes de parole par groupe. Mme Michèle Künzler est la première des signataires. Vous avez trois minutes, Madame la députée.
Mme Michèle Künzler (Ve). Cette motion est assez simple. Depuis que nous avons commencé à parler du projet Praille-Acacias-Vernets, il est question de logements, de zone artisanale, de mixité. Par contre, légalement, rien n'oblige à construire des logements d'utilité publique dans ce périmètre. C'est pourquoi il nous semble extrêmement important de fixer les règles du jeu dès le départ. L'accord sur le logement a prévu une proportion de logements d'utilité publique, c'est-à-dire des logements sociaux, dans les périmètres déclassés de la zone agricole ou de la zone villas. Mais, en fait, rien n'a été fixé, dans le projet de loi, sur les périmètres situés en zone industrielle, comme le secteur Praille-Acacias-Vernets. C'est pour cela que je vous invite à voter cette motion qui donnera une indication claire. En effet, les Genevois veulent davantage de logements et la mixité doit être préservée dans ce périmètre. Je pense donc qu'un minimum de 1000 logements, ce qui correspondrait à au moins 15% de logements construits sur ce périmètre, devraient être des logements d'utilité publique. Ainsi, je vous remercie d'adopter cette motion, donc de la renvoyer au Conseil d'Etat.
M. Christophe Aumeunier (L). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant du déclassement des zones industrielles, il est vrai que la loi ne prévoit rien pour les logements d'utilité publique. En effet, au moment où nous avons négocié cette loi, nous ne pensions pas que nous en viendrions un jour à déclasser une zone industrielle pour y placer des logements. Cela ne pose pas de problème aux libéraux d'en discuter, d'être des partenaires fiables et de confiance dans cette discussion sur le logement d'utilité publique. Cela dit, nous demandons le renvoi de cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton. Parce que l'on peut partager le point de vue de Mme Künzler, mais pour autant qu'il s'agisse d'une véritable répartition et que l'on ne remette pas en cause la loi sur le logement d'utilité publique en soutenant, par exemple, une initiative demandant 80% de logements contrôlés.
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le conseiller d'Etat Mark Muller a réussi à pacifier les principaux acteurs dans le domaine du logement. Nous avons signé, l'année dernière, cette nouvelle loi sur les logements d'utilité publique, ce qui a permis d'avancer, d'abandonner le précédent système. Aujourd'hui, je crois qu'il faut remettre le métier sur l'ouvrage...
Mme Janine Hagmann. L'ouvrage sur le métier !
M. Olivier Wasmer. L'ouvrage sur le métier. (Rires.) Merci, Madame Hagmann.
Une voix. Il est tard !
M. Olivier Wasmer. Il est tard, effectivement. Nous avons tous constaté l'engouement de chacun pour cette nouvelle zone Praille-Acacias-Vernets qui sera vierge de toute construction dès l'adoption des plans localisés de quartier. Or, comme l'a dit mon collègue, M. Aumeunier, rien n'a été prévu, dans la loi sur les LUP, concernant la construction de logements sociaux dans certaines zones, dont celle-là. C'est donc l'occasion ou jamais pour le Conseil d'Etat de mesurer la nécessité de construire 1000 logements d'utilité publique. On ne sait effectivement pas encore s'il y aura 6000 ou 10 000 logements dans ce secteur, mais, à mon avis, 1000 logements, c'est un minimum.
Pour ces raisons, l'UDC appuiera cette motion et je vous demande de bien vouloir la renvoyer à la commission d'aménagement du canton.
M. Michel Ducret (R). Le groupe radical accepte bien entendu de renvoyer cette proposition de motion à la commission d'aménagement du canton, en relevant cependant que, en ce moment, tout le monde se précipite, qui avec ses logements de type LUP, qui avec un agrandissement de l'université, qui encore avec un nouvel hôpital... Chacun commence à mettre ses petits désirs dans ce projet alors qu'il n'existe pas encore. On est en train d'accrocher des rideaux à des fenêtres qui ne sont pas bâties.
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut garder une certaine prudence et une certaine ouverture quant au réel potentiel, que l'on découvrira au fur et à mesure de l'avancement de l'étude. Alors mettons tous ces éléments dans le panier et nous verrons bien ce qu'il en sortira ! Mais fixer à l'avance des données trop précises est dangereux. Donc, avec les réserves et l'esprit d'ouverture qu'il convient de conserver par rapport à l'aménagement d'un territoire aussi important, nous souhaitons examiner ces éléments à la commission d'aménagement du canton.
M. Alain Etienne (S). Mesdames et Messieurs les députés, pour différentes raisons, le parti socialiste n'a pas souhaité signer cette motion. Tout d'abord, l'accord sur le logement prévoit de construire les LUP prioritairement dans les zones de développement. Or, le quartier Praille-Acacias-Vernets est particulier mais n'appartient pas à ce type de zones. Nous attendons donc avec impatience le rapport du Conseil d'Etat concernant la procédure de déclassement mise en place pour ce quartier.
Par ailleurs, la question essentielle pour nous est de savoir quelle politique sociale du logement le Conseil d'Etat entend mener à Praille-Acacias-Vernets. Nous partageons évidemment les craintes de Mme Künzler. Dans ce quartier, les loyers risquent forcément d'augmenter et le patrimoine de l'Etat va, éventuellement, être vendu. De même, y aura-t-il des droits de superficie ?
Ces points sont essentiels. C'est pourquoi la question n'est pas de savoir combien de LUP doivent être construits dans ce quartier mais quelle politique sociale du logement le Conseil d'Etat entend y mener. Pour conclure, le parti socialiste ne s'opposera pas au renvoi à la commission d'aménagement du canton pour étudier ces questions.
M. Mario Cavaleri (PDC). Malgré le dépôt de cette proposition de motion le 4 septembre 2007, ce n'est que ce soir que nous en parlons. Mais tant mieux, en quelque sorte ! En effet, le hasard du calendrier de l'actualité fait que le projet Praille-Acacias-Vernets est maintenant l'objet de débats très importants. Le groupe démocrate-chrétien a appuyé cette proposition de motion pour donner un signal politique et une indication forte au Conseil d'Etat - qui est en charge de nous présenter le concept d'aménagement d'un tel périmètre - en faveur de logements accessibles à toutes les catégories de la population, à commencer par les plus défavorisées, d'où les logements d'utilité publique. Il doit y avoir de l'espace pour tout le monde dans ce périmètre.
Nous insisterons beaucoup sur la qualité de l'aménagement de ce périmètre et nous y serons extrêmement attentifs, Monsieur Muller. Vous faites semblant de ne pas écouter, mais vous avez tout intérêt à bien enregistrer, car, de la part de tous les groupes qui ont signé cette proposition de motion, il y a une volonté de procéder non seulement à des actes d'aménagement, mais à des actes d'aménagement hautement qualitatifs, y compris pour le logement à destination des plus défavorisés d'entre nous.
C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien se réjouit de pouvoir discuter de cette proposition de motion. Nous soutiendrons donc son renvoi à la commission d'aménagement du canton, et nous vous engageons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire de même.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, dieu sait si le groupe MCG est favorable au développement du secteur Praille-Acacias-Vernets, en tout cas comme il nous a été présenté par M. Mark Muller. Selon nous, il est indispensable qu'une bonne partie des logements soit attribuée aux logements dits sociaux. Pourquoi est-ce indispensable ? Je pense que la force de notre canton consiste en l'absence de ghetto: toutes les catégories sont mélangées, ce qui est essentiel à une bonne cohésion au niveau de l'habitat et de la population. Il faut donc maintenir ce principe.
Ce projet est grandiose. Je crois qu'on peut le comparer à un petit Manhattan. Mais il ne faudrait pas que cela devienne le Manhattan que l'on connaît, sans catégorie d'habitants en situation précaire. Alors, n'oublions pas ces catégories. Pour le développement de Genève, il est aussi indispensable d'aller rapidement de l'avant dans ce projet. Nous soutiendrons donc avec enthousiasme cette motion que nous avons signée.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je constate que tout le monde est favorable à cette motion et veut la renvoyer à la commission d'aménagement du canton. Mais je me demande si c'est bien utile. En effet, il s'agit simplement de donner un signal politique disant: «La proportion de logements d'utilité publique dans le secteur Praille-Acacias-Vernets devra être de 15% au moins.» Voilà l'objectif de cette motion. Pour donner ce signal politique, il suffit de renvoyer la motion au Conseil d'Etat, qui nous répondra. En revanche, je ne sais pas très bien de quoi nous discuterons en commission, puisque nous n'avons pas encore les éléments concrets. Je ne comprends donc pas pourquoi nous irions en commission. Mais si vous voulez...
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Eric Stauffer. Vous avez une minute et quarante-cinq secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, Voici le point essentiel où le groupe MCG se différencie dans ce parlement. Il y a quelques minutes, nous avons voté contre la droite; maintenant, nous voterons contre la gauche, car, quand les idées sont bonnes, d'où qu'elles viennent, nous sommes là pour le bien des citoyens.
Je finirai sur une petite touche positive. Nous sommes très heureux de cette séance plénière, parce que c'est la dernière qui sera présidée par vous, Madame la présidente. (Commentaires. Exclamations.)
La présidente. «Il faut prendre les choses de qui elles viennent», c'est ma philosophie dans la vie. La parole est à Mme Sandra Borgeaud. Vous avez une minute et demie, Madame la députée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je suis du même avis que Mme Künzler: pourquoi renvoyer cette motion à la commission d'aménagement du canton alors que nous n'avons pas les éléments concrets ? Un renvoi au Conseil d'Etat serait préférable, de manière que, avec les professionnels, il nous propose un projet concret.
Il faudra veiller à travailler correctement, établir des budgets les plus précis possible pour éviter des dépassements de crédit. Je souhaiterais aussi que, pour une fois, l'argent soit consacré à ce qui est vraiment nécessaire, c'est-à-dire le logement, afin que tout le monde à Genève puisse être logé de façon décente. On entend souvent dire que la Suisse est riche, et Genève l'un des cantons les plus riches... Or des personnes, cumulant deux voire trois emplois, n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois - je pense surtout aux familles. Il faut donc arrêter de voir des riches partout et il faut prendre conscience qu'à Genève habitent des gens modestes, même pauvres, étant donné que le fossé se creuse de plus en plus.
Je souhaiterais donc que cette motion soit de préférence renvoyée au Conseil d'Etat et je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, de voter ce renvoi dans la cohésion et l'intelligence d'un bon travail.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Alain Charbonnier. Il vous reste une minute et trente-trois secondes, Monsieur le député.
M. Alain Charbonnier (S). Ce sera suffisant, Madame la présidente. D'abord, j'aimerais dire à M. Stauffer que je suis vraiment peiné de ses derniers propos. Nous sommes habitués à ses éclats, mais je trouve ceux-là proprement insultants vis-à-vis de votre personne, Madame la présidente. Vous lui transmettrez !
Et je trouve navrant que ce «Mouvement citoyens», qui se dit genevois, vienne, en plus de ses insultes, refuser cette motion, alors qu'elle demande 1000 logements d'utilité publique. Voilà pourquoi, quand on se dit proche du peuple et menant une politique de proximité, refuser cette motion est vraiment insultant, y compris pour le peuple genevois. (Brouhaha.)
Sur un autre plan, renvoyer une motion de ce genre à la commission d'aménagement du canton serait effectivement dommage, car je ne vois pas ce qu'on va y étudier. On confirmera que cette motion réclame bien 1000 logements d'utilité publique. Mais, si elle doit passer par la commission, elle y passera... Cependant, c'est vraiment un message politique qui doit être adressé au Conseil d'Etat: renvoyons-lui donc cette motion directement.
De plus, donnons au Conseil d'Etat un autre message avec une motion de notre groupe, qui figure à notre ordre du jour; elle demande que le projet la Praille-Acacias-Vernets s'effectue sous forme de droit de superficie d'utilité publique plutôt qu'au moyen d'un bradage du patrimoine de l'Etat. Ainsi, nous aurons un meilleur contrôle pour réaliser des logements d'utilité publique.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, vous avez une minute et dix secondes, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Christian Charbonnier... (Commentaires.) Ce n'est pas Christian, veuillez m'excuser - je confonds avec votre collègue de gauche. Nous avons signé cette motion, nous allons bien entendu la soutenir. Si vous avez quelques velléités à la suite à votre défaite, il ne faut pas nous en vouloir: c'est le jeu démocratique et le peuple a décidé. Je vous prierai donc de garder vos sarcasmes pour vous et de faire un travail démocratique.
La présidente. Monsieur le député, vous m'avez insultée tout à l'heure. Je trouve cela inadmissible. Je représente les institutions. Cela fait une année que vous m'insultez, que vous me menacez et que vous m'intimidez. Le peuple de Genève doit savoir que, pendant une année, vous n'avez fait que cela ! Alors j'ai pris acte de votre attitude: vous méprisez, vous piétinez nos institutions.
Des voix. Bravo ! (Les députés se lèvent et applaudissent la présidente durant une minute.)
La présidente. Merci de votre soutien !
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1780 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 47 oui contre 7 non et 1 abstention.