République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 août 2008 à 14h
56e législature - 3e année - 10e session - 60e séance
PL 10216-A
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons entrer cette fois-ci dans un sujet qui pourrait avoir une portée un peu plus grande, j'en conviens, que le projet de loi précédent, puisqu'il s'agit de s'attaquer à cette calamité que sont «les débats dans le débat» lorsqu'une demande est faite de renvoyer un projet de loi en commission.
Nous l'avons encore vécu aujourd'hui: nous partons dans un débat d'entrée en matière, et, alors qu'on s'attendrait à pouvoir entendre tous les groupes et, ensuite, décider ce que nous faisons d'un objet, eh bien, il suffit que l'un d'entre nous propose un renvoi en commission, et puis le débat est bloqué !
Alors, on a maintenant cette nouvelle méthode qui consiste à noter à la main le nom des personnes qui se sont inscrites et à refaire une deuxième liste, et puis, de cette façon-là, le débat est brisé ! On s'exprime sur un sujet anecdotique, à savoir le renvoi en commission, sans que les groupes aient pu s'exprimer sur le fond, et de surcroît on perd du temps. Vous vous souviendrez sûrement d'un certain débat lors duquel nous avons eu droit à soixante demandes de renvois en commission sur un même sujet, dans un même débat pendant l'examen d'un projet de loi, comme simple méthode de combat retardateur pour empêcher le plénum de s'exprimer sur le fond.
Le projet de loi déposé par le groupe radical proposait une mesure effectivement radicale, à savoir le fait que, lorsqu'une demande de renvoi en commission est présentée, le Grand Conseil se serait prononcé sans débat sur cette demande. Je ne dirais pas, Monsieur Odier, que la commission politique a éprouvé de l'intérêt pour le projet de loi, je dirais qu'elle l'a effectivement étudié et retravaillé en réfléchissant à une solution permettant néanmoins de connaître les raisons pour lesquelles le Grand Conseil pourrait décider de renvoyer ou, au contraire, de ne pas renvoyer l'objet en question en commission. Et la solution choisie, c'est celle qui consiste à dire que, lorsqu'une telle demande - donc de renvoi - est formulée, la parole ne peut être prise que par les rapporteurs et par le Conseil d'Etat, de manière que l'on connaisse à ce moment-là la position de la majorité - et de la minorité, s'il y en a déjà une à ce stade et s'il y a donc plusieurs rapporteurs. On connaît également la position du Conseil d'Etat et le Grand Conseil peut, à ce moment-là, s'exprimer en connaissance de cause. C'est là une solution qui est mesurée et qui permettra très certainement d'accélérer nos travaux. C'est la préoccupation des auteurs et de la majorité de la commission qui a voté ce projet de loi, tout en respectant la possibilité pour les uns et les autres de faire connaître leur avis.
Je vous recommande donc d'accepter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S). En premier lieu, j'aimerais demander au parti radical si l'on pourra bientôt encore déposer des projets de lois... Parce qu'au rythme où ça va, on dira sous peu qu'il faut être radical pour pouvoir déposer un projet de loi, n'est-ce pas ?! Article premier, souligné ! Non mais... On a déjà limité notre temps de parole... Mais Mme la présidente, de temps en temps, nous laisse nous exprimer un peu, sinon nous serions trop déprimés... (Brouhaha.) Maintenant, non content d'avoir limité notre démocratie à l'interne, on dit qu'il faut aller encore plus loin: lorsqu'il y a une demande de renvoi en commission, c'est «niet», «Punkt», «fini» ! Et puis, bientôt, il sera interdit de demander un renvoi en commission ! Franchement, vous devriez voir ce qui se passe dans votre groupe radical, parce qu'il y a vraiment un problème ! (Commentaires.)
Ce projet est d'une perversité immense, chers collègues ! Imaginez-vous que la majorité demande le renvoi en commission: elle s'est exprimée, elle demande le renvoi en commission, et puis elle dirait «Vous, la minorité, eh bien, il ne faut pas vous exprimer...», et la majorité renverrait le projet en commission sans que la minorité puisse s'exprimer... Nous subirons cela chaque fois que ces messieurs d'en face décideront qu'il n'y aura pas de débat ! Cela, c'est ne pas respecter la démocratie ! Parce que la véritable démocratie, Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand la majorité laisse parler la minorité ! (Brouhaha.) Et déjà que dans ce parlement on ne respecte pas le temps de parole ! Parce que le temps de parole réel, Madame la présidente, ce serait que la gauche ait le même que la droite. Et que, lorsqu'on accorde une heure pour un débat, eh bien, il y ait trente minutes pour la droite et trente pour la gauche. Or cela ne se passe pas comme ça ! Ils ont trois quarts - oui, parfois 50% du temps - et la gauche ne bénéficie que de 10 à 15% du temps de parole. C'est ça, la démocratie ? Votre démocratie ?! Bravo ! (Brouhaha.)
Non contents de cet état de fait, vous nous soumettez maintenant un projet incroyable ! (Brouhaha.) Ce projet, c'est: «Vous avez peu de temps de parole; et non seulement ce dernier est inégal étant donné la proportion droite/gauche, mais encore, c'est nous qui déciderons quand vous pourrez vous exprimer.» Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit ! Ce projet de loi, c'est: «Nous décidons quand vous pourrez vous exprimer» !
Monsieur le rapporteur, vous dites que, puisqu'il y a un rapporteur de majorité, c'est lui qui décide de renvoyer l'objet en commission et qu'il n'y a pas besoin de consulter les autres groupes... Mais le rapporteur de majorité est nommé pour rapporter sur le vote de la majorité de la commission ! Vous savez très bien qu'entre le moment où un projet est déposé dans ce parlement et celui où il est débattu il se passe une année et que, parfois, les positions changent durant ce délai: les groupes qui ont pris position en commission peuvent changer d'avis en séance plénière. Et quel que soit le parti ! Cela, je le respecte. Dans ce cas, un renvoi en commission est demandé pour y apporter d'autres informations, d'autres modifications, des amendements ou que sais-je... Avec ce que vous nous proposez, cela n'est pas possible ! Le rapporteur de majorité aurait un droit de cuissage, il dirait: «Pour tous les partis qui ont voté à la majorité en commission, je décide, moi, qu'on renvoie ou pas.» Mais c'est simplement inadmissible !
Madame la présidente, je ne sais pas si, du point de vue de nos institutions, cela tiendrait la route... Je ne suis pas juriste, c'est vrai; M. Jornot l'est, brillant, il paraît. Bien que je ne sois pas juriste, je me pose cette question: du point de vue institutionnel, ce truc-là tient-il la route ? (Brouhaha.) Si l'on raisonne d'un point de vue démocratique - soit de l'expression même de ce parlement, des pouvoirs que nous a conférés le peuple, donc du pouvoir de nous exprimer en son nom et de débattre - est-ce que ce projet de loi tient la route ?!
Je comprends l'idée de nos députés - camarades, collègues ou amis - radicaux qui ont déposé ce projet de loi. Je comprends, c'est vrai que le renvoi en commission «se dilue» parfois... Or, Monsieur le rapporteur de majorité, auparavant nous avions droit à dix ou vingt minutes, maintenant c'est trois minutes... Seulement trois minutes ! Cependant, il est normal qu'un député expose à ce parlement la raison pour laquelle il accepte ou refuse un renvoi en commission ! Ne serait-ce que par déférence envers les autres députés, et même par devoir ! Il doit pouvoir dire: «Mesdames et Messieurs, nous les socialistes avons décidé de refuser ou d'accepter le renvoi en commission pour telle et telle raisons», c'est une question de respect mutuel !
Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet ne respecte même pas, disons, l'adversaire ! Et il ne respecte pas les minorités ! Je suis donc profondément choqué par ce texte.
Madame la présidente - et je m'adresse aussi à tous mes collègues - nous ne devons pas aller jusque-là ! Je comprends, Messieurs les radicaux, que vous ayez pu être excédés parce que les ordres du jour sont très longs, mais j'aimerais ajouter ceci: la société s'est complexifiée ! Pas seulement à Genève, cela concerne tous les parlements. Puisque la société s'est complexifiée, nous devons traiter davantage de sujets. Mais nous ne disposons que d'un temps limité, n'avons qu'une députation de milice, et peut-être que les débats devraient mieux se situer à ce niveau qu'à celui de l'immunité parlementaire et à celui de nos libertés. Nous devrions examiner comment organiser nos travaux tout en préservant notre temps de parole et notre liberté d'expression. Alors, examinons cela puisque, effectivement, nous devons faire face à davantage de travail, plus complexe, et à davantage d'informations. La question est là !
Au lieu de d'examiner cela, que faites-vous, chers collègues ? Vous estimez que, pour remplir notre tâche dans un délai fixé, il faut limiter le temps de parole... Si je transpose cela au niveau du peuple, cela signifie que faire des référendums prend trop de temps et coûte trop cher... Et que dorénavant: «fini», quand la majorité décide qu'il n'y a pas de référendum, eh bien il n'y en a pas ! Vous imaginez cela ?! Eh bien, voilà ce que vous êtes en train de préparer pour le peuple genevois. (Applaudissements.)
M. Jean-Michel Gros (L). Je me joins aux compliments adressés par le rapporteur au groupe radical pour avoir élaboré ce projet de loi. Cependant, je voulais dire, tout en appelant à le voter ce soir, que je souhaiterais que l'on prolonge un peu la discussion sur le sujet du renvoi en commission et dois dire que nous serons prêts à collaborer avec nos collègues de l'Entente pour poursuivre cette réflexion.
Je m'explique et veux revenir sur le déni de démocratie qu'évoque M. Velasco. Le système actuel du renvoi en commission est un pur déni de démocratie. Je vous donne un exemple: M. Velasco, maintenant, s'est exprimé et a utilisé quasiment tout son temps de parole - ses sept minutes - pour nous dire tout le mal qu'il pense de ce projet de loi, et c'est tout à fait son droit. Il suffisait qu'il conclue son exposé par: «Et pour ces raisons je demande le renvoi en commission», et pouf !, toutes les lumières sont bloquées, Mesdames et Messieurs, vous avez trois minutes et ne pouvez vous exprimer que sur le renvoi en commission. (Remarque.) Donc, seul le groupe socialiste aura pu donner son avis sur ce projet de loi, devant Léman Bleu et les journalistes - comme vous l'évoquez - et devant les autres membres de ce parlement. Et ça, c'est profondément antidémocratique.
C'est pourquoi je suggère à nos collègues d'approfondir encore, mais pas en commission - je précise, nous allons voter cette partie du projet - ce projet partiel, car je pense qu'il faudra en arriver à ce qu'au début de chaque débat, sur chaque sujet, la présidence du Grand Conseil pose la question préliminaire: «Quelqu'un demande-t-il le renvoi en commission de ce projet ?». «Oui, moi - dit M. Velasco - je demande, pour telle ou telle raison, le renvoi en commission.» Ensuite, les deux rapporteurs s'expriment pendant trois minutes, et le Conseil d'Etat a trois minutes également, pour dire oui ou non au renvoi en commission, et comme ça nous serons tous à égalité pour exposer nos arguments pour ou contre tel projet de loi.
C'est ça la démocratie ! Mais ce n'est pas de tenir le crachoir ! Parce que c'est une pratique que tout le monde connaît dans ce Grand Conseil, de tenir le crachoir pendant sept minutes et de conclure par la demande de renvoi en commission, ce qui bloque la parole des autres groupes ! C'est une tactique que tout le monde a pratiquée - j'ai pris l'exemple de M. Velasco, parce qu'il venait de prendre la parole.
Donc, je pense que nous pourrons voter ce projet de loi, qui est un net progrès, mais que le problème du renvoi en commission n'est pas totalement résolu et qu'il faudra poursuivre la réflexion. (Applaudissements.)
Mme Catherine Baud (Ve). Ce projet de loi est né suite aux cafouillages ayant eu lieu dans notre parlement à l'occasion des débats sur la gouvernance et qui n'étaient effectivement pas acceptables. Il est vrai que parfois, à l'occasion des demandes de renvoi en commission, certains députés continuent de parler sur le fond, peut-être parce qu'ils seraient frustrés de ne pas pouvoir lire le texte qu'ils ont préparé auparavant.
Cependant, voter sur le siège, donc immédiatement, tel qu'il l'est proposé dans ce projet de loi est totalement inacceptable, puisqu'un parlement, par définition, est un lieu où l'on doit pouvoir s'exprimer, en respectant bien sûr certaines règles.
Le texte issu de la commission des droits politiques a été amendé, c'est vrai, avec seulement la prise de parole des deux rapporteurs et du Conseil d'Etat. Néanmoins, les Verts vont refuser ce projet de loi, même ainsi amendé, parce qu'ils restent attachés à la liberté d'expression, et quel que soit le type de texte.
De plus, lorsqu'on regarde la philosophie qui est derrière l'ensemble de ces projets de lois - puisque, là, on les a vus les uns après les autres - on se rend compte que, finalement, il ne s'agit pas vraiment d'accélérer nos travaux mais plutôt de limiter le temps de parole - de museler certains députés qui, éventuellement, parlent un peu trop longtemps - et je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne chose. Parce qu'à ce moment-là il y aura des études plus longues en commission et d'autres types de discussions. Je crois que le système actuel, si chacun y met du sien et respecte le règlement du Grand Conseil, peut tout à fait fonctionner correctement.
Mme Béatrice Hirsch (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est dommage de devoir légiférer concernant l'ordre du jour; oui, c'est dommage de devoir légiférer à défaut de pouvoir accélérer les débats ou, en tout cas, de devoir légiférer pour ne pas les laisser s'étendre autant qu'il le font à l'heure actuelle. Les radicaux ont déposé ce train de projets de lois afin d'améliorer le fonctionnement du Grand Conseil, et je pense que c'est une bonne chose.
On ne muselle personne, Madame Baud ! Simplement, on demande aux gens - en l'occurrence les rapporteurs - de s'exprimer strictement sur le renvoi en commission. Donc, la majorité a la possibilité de s'exprimer, la minorité a la possibilité de s'exprimer, le Conseil d'Etat a la possibilité de s'exprimer sur le renvoi en commission.
Concernant le fond. En effet, du coup il faudra attendre le débat de fond, soit après un refus de renvoi en commission, soit au retour de ce travail en commission. C'est vrai que cela n'a pas forcément lieu lors de la même séance, mais quand même, les gens pourront toujours s'exprimer sur le fond au retour de ce travail en commission.
M. Velasco a dit qu'il y avait là un déni de démocratie... En ce qui me concerne, je pense que «respecter» c'est essayer de ne pas parler pour ne rien dire, et ne pas répéter - encore, encore et encore - les mêmes arguments; quand on examine le nombre de points à l'ordre du jour, il faudrait que chacun de nous puisse le faire. Malheureusement, ce n'est manifestement pas le cas. Donc, il est certainement nécessaire, au vu de la longueur de cet ordre du jour, de légiférer pour éviter les écarts et les débats à l'infini à propos, en l'occurrence, de ce renvoi en commission.
Le groupe démocrate-chrétien soutient donc ce projet de loi et vous encourage à faire de même. Je vous remercie.
M. Pablo Garcia (S). La question qui nous occupe ici est un débat entre une certaine vision de l'efficacité et le besoin fondamental de légitimité démocratique. Sous prétexte de longueurs lors de discussions parlementaires, les partis de droite veulent faire des économies de temps. Mais à quel prix ! Nous débattrons moins, nous échangerons moins... Bref, nous nous comprendrons moins !
La plupart des objets qui nous occupent ne sont pas des sujets manichéens qui peuvent être aisément résumés par l'unique avis des rapporteurs. Les interventions des groupes politiques apportent la légitimité des opinions multiples et les nuances nécessaires pour saisir toute la cohérence d'un projet de loi. Renvoyer en commission sans mot dire, sans expression de toutes les positions politiques et en faisant abstraction des propositions, est une grave erreur et un manquement important à la représentativité essentielle au sein de ce parlement !
Notre démocratie vit par l'échange des opinions, par le débat, par la discussion: elle n'est pas à la solde d'une majorité pressée. (Brouhaha.) Notre démocratie n'est pas un monopole. Bien au contraire... (Brouhaha.) Bien au contraire, le rôle d'une majorité est avant tout de faire en sorte que la minorité soit respectée et entendue.
Les socialistes défendent une démocratie pluraliste, capable de faire entendre la voix des philosophies, des valeurs et des idées qui traversent notre société. Pour nous socialistes, ce parlement doit être à l'image des Genevoises et des Genevois, c'est-à-dire un parlement où la parole est diverse, respectée, entendue. En un mot: un parlement où la parole est libre. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi bâillonne cette parole plurielle, si essentielle à la vitalité de nos institutions. Il bâillonne ce parlement au travers duquel parle le peuple genevois, avec toutes ses sensibilités et ses opinions. Merci de respecter ce dernier en rejetant ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). L'UDC soutient le but de ce projet de loi, puisqu'il s'agit d'accélérer les travaux de notre Grand Conseil. Sur le fond, c'est un texte parmi d'autres et il s'inscrit dans une série de projets qui, au bout de la législature, cumulent des heures qui auraient permis de traiter de nombreux objets. Et je ne suis pas sûr qu'en fin de compte ce projet ne sera pas finalement contourné par d'autres artifices, notamment par le dépôt de plusieurs amendements, puisque, si nous ne pouvons pas demander ou expliquer notre renvoi en commission, nous déposerons alors des amendements pour retarder les travaux et nous nous exprimerons sur les amendements.
Sur le fond, par rapport à la problématique du renvoi en commission, nous soutenons ce projet de loi. Nous estimons que la majorité et la minorité, respectivement les chefs de groupe, peuvent prendre contact avec le rapporteur, s'entretenir avec lui et se fier à sa prise de position pour voter. Cela impliquerait qu'au niveau de la direction des travaux du Grand Conseil, comme l'a proposé M. Gros, il y ait une concertation préalable ou une interruption de séance au moment de la demande du renvoi en commission. Cela permettrait, au sein des différents groupes, de prendre position quant à ce renvoi. Je pense qu'il n'est pas indispensable d'avoir un projet de loi pour cela, mais qu'il appartient à la présidente - respectivement au vice-président - de donner le temps nécessaire aux groupes pour se concerter, afin de prendre position à l'interne, sans s'exprimer en plénière sur le renvoi en commission. (Brouhaha.)
Si ces conditions peuvent être remplies, il n'y a alors aucune objection à ce que l'UDC approuve ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S). J'aimerais reprendre, avec un peu moins de lyrisme, les propos tenus à l'instant par M. Pablo Garcia ou par M. Alberto Velasco au début de cette discussion.
Fondamentalement, toutes les propositions qui visent à réduire et à contrôler le temps de parole et d'expression des députés vont à l'encontre d'une saine démocratie, qui a besoin de laisser le temps de s'exprimer aux différents partis ou tendances ou opinions.
En l'occurrence, Monsieur Gros, j'aimerais vous rappeler les débats épiques que nous avons menés l'année dernière concernant les conseils d'administration des entreprises publiques et votre souhait de mener au pas de charge une privatisation ! (Remarque.) Vous avez mené ces débats au pas de charge dans les commissions, ce qui a conduit à des rapports particulièrement, on va dire, lacunaires, avec des différences d'un conseil d'administration à l'autre, avec différents problèmes qui n'ont pas été traités correctement en commission, et donc les rapports qui arrivent ici en plénière reflètent les travaux en commission.
Alors que se passe-t-il en plénière ? Vous, vous souhaitez mener au pas de charge, une fois de plus, la même réforme et ne pas écouter les différentes remarques que nous avons formulées ! Alors que nous socialistes, qui étions pour une réforme des conseils d'administration, nous avons, pour finir, été convaincus qu'il ne fallait pas faire cette réforme-là ! Résultat des courses: nous proposons lors du débat - alors qu'à chaque occasion on voyait bien que ces projets étaient mal foutus et que le travail n'avait pas été fait - eh bien, nous avons proposé à maintes reprises le renvoi en commission ! Mais c'était justifié. Parce que le travail n'avait pas été effectué ! Vous, vous prenez cela pour de l'obstruction parce que nous ne sommes pas d'accord avec vous.
Il s'agissait simplement de lire les textes et de comparer les rapports. C'était simple comme bonjour, mais cela n'a pas été fait. Résultat: on est obligé de redemander le renvoi en commission. Il nous est arrivé à maintes occasions de voir dans ce Grand Conseil que, tout à coup, une partie du problème n'a pas été bien délimitée en commission; donc renvoyons en commission, cela peut survenir au milieu de n'importe quel débat ! Et je ne pense pas qu'il y ait besoin de savoir à l'avance si cela doit être renvoyé en commission ou non.
De toute façon, il y a effectivement un moment où, si l'on multiplie les «règlements réglementaires»... D'ailleurs, cela me fait rire que les partis de la liberté, de l'Entente, veuillent toujours tout réglementer. Ce sont les partis de la liberté... Mais c'est un autre problème.
Comme l'a dit M. Catelain, fondamentalement on peut toujours trouver des techniques pour ralentir les procédures, pour changer la façon de mener les débats dans un parlement, mais il faut arrêter de rajouter des couches de règlements pour notre propre fonctionnement. Nous sommes des adultes responsables !
En plus, et c'est l'un des problèmes d'aujourd'hui, on a un effet d'optique - c'est le cas de le dire, car Léman Bleu nous filme - c'est qu'on trouve que le débat dure beaucoup trop longtemps et qu'il n'intéresse pas les citoyens, etc. Mais je vous rappelle que nous ne faisons pas de la politique pour Léman Bleu: nous faisons de la politique pour le bien-être de nos concitoyens. Alors, si l'on fait de la politique pour le bien-être de nos concitoyens, le but est aussi de laisser des traces du pourquoi et du comment des réformes que nous menons. Il ne s'agit pas simplement de dire: «Mais il a parlé durant quatre minutes à Léman Bleu, ça emmerde tout le monde»... Non, ce n'est pas ça ! Il faut plutôt se dire: «Eh bien voilà, une décision a été prise, il y avait des pour et des contre, il y avait les problèmes évoqués, laissons-nous le temps de voir qu'il y avait des gens suffisamment intelligents, éclairés ou pas, pour relever que, là, on est en train de mal travailler et qu'il faut renvoyer le dossier en commission.»
C'est pourquoi je vous invite à refuser ce projet de loi, de même que tous ceux qui vont dans le sens d'une limitation du droit d'expression des députés.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je me demande s'il est bien urgent de statuer sur ce point. Je crois que tous les partis se rendent compte que c'est totalement illusoire et je vous rappelle que la majorité d'aujourd'hui n'est pas celle de toujours, cela peut changer.
Ne prenons pas de décisions qui peuvent défavoriser la minorité ! Car, tout d'abord, il faudra peut-être présenter un rapport de minorité à chaque fois; actuellement, on peut n'être pas d'accord avec un projet de loi et renoncer à rédiger un rapport de minorité, tandis qu'avec ce projet de loi on ne pourra même plus intervenir pour demander le retour en commission lorsque ce sera justifié. (Remarque.) Non, on ne le pourra pas, puisque seuls les rapporteurs pourront intervenir ! Il faut juste lire ce que vous voulez décider... Seule la majorité pourra demander le renvoi en commission sans que la minorité se soit même exprimée ! (Remarque.) Mais c'est évident ! Quelqu'un parle en premier, demande le renvoi en commission, et puis la minorité qui n'est pas représentée ne pourra même pas intervenir ! Et il y aura zéro débat ! Zéro !
Je crois que c'est vraiment un projet contraire à la liberté d'expression, projet qui est, surtout, inutile ! On pourra présenter des amendements ou employer d'autres moyens, mais la solution ne doit pas être de déposer un rapport de minorité chaque fois qu'on n'est pas d'accord sur un point. C'est pourquoi je vous invite à refuser ce projet. Merci !
M. Alberto Velasco (S). J'aime bien M. Gros... Parce qu'il a donné un exemple concret en disant: «Je prends l'exemple X, c'est-à-dire que le débat commence, un groupe prend la parole puis demande le renvoi en commission, et j'applique le projet de loi.» Vous disiez, Monsieur Gros, qu'avec ce projet de loi on limite les interventions. Alors appliquons ce projet de loi: un groupe a pu, lui, s'exprimer - par exemple, le MCG, il a parlé, il a tout dit, etc. A partir de là, dès qu'une proposition de renvoi est formulée, la discussion porte uniquement sur elle; et, comme Mme Künzler vient de le souligner, seuls les rapporteurs et les représentants du Conseil d'Etat peuvent s'exprimer... Cela veut dire que, pour les autres groupe: nenni ! Bien... Et la durée des interventions peut durer trois minutes...
Voilà le problème, chers collègues ! Un groupe prend la parole et, d'entrée, il demande le renvoi en commission: ce sont alors les rapporteurs qui s'expliquent, mais qui ne représentent pas forcément l'avis de tous les groupes, et puis c'est voté ! Et les autres groupes n'ont plus droit à la parole ! C'est ça qui pose un problème !
Ce n'est même pas un débat idéologique, chers collègues ! Si c'en était un, je serais prêt à trouver, avec vous, une solution. Alors je dis simplement que ce projet de loi, tel qu'il est rédigé, pose un problème, et pour nous, et pour vous ! Et pour les minorités et majorités futures, quelles qu'elles soient ! Ce projet de loi ne nous apportera que des problèmes, qu'il faut éviter.
Il faut revoir ce projet et le rédiger d'une autre façon. Prévoyez trente secondes ou une minute de parole, mais il faut que les groupes puissent tous s'exprimer ! C'est une question de respect des uns envers les autres.
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Je propose à cette assemblée de suspendre ici nos travaux et de faire une pause. Plusieurs personnes s'étant inscrites pour prendre la parole, nous poursuivrons ce débat à 17h précises.
Fin du premier débat: Session 10 (août 2008) - Séance 61 du 28.08.2008