République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 juin 2008 à 16h45
56e législature - 3e année - 10e session - 57e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h45, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, et Robert Cramer, conseiller d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, Pierre-François Unger, Charles Beer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Anne-Marie von Arx-Vernon, Christian Bavarel, Didier Bonny, Alain Etienne, Gabrielle Falquet, Michel Forni, Morgane Gauthier, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Patricia Läser, Georges Letellier, Pierre Losio, Yves Nidegger, Patrick Saudan, François Thion et Francis Walpen, députés.
Correspondance
La présidente. Vous avez trouvé sur vos places l'énoncé de la correspondance reçue par le Grand Conseil. Cet énoncé figurera au Mémorial.
Copie de la lettre du Conseil d'Etat au Conseil fédéral demandant une dérogation au droit de remise des médicaments, article 95, alinéa 6 de la loi fédérale sur les produits thérapeutiques (voir résolution 559) (transmis à la Commission des pétitions, pour information) (C-2652)
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
M. Philippe Guénat (UDC), rapporteur. Comme il n'y a pas grand monde aujourd'hui, je ne vais pas me fâcher avec trop de gens, et c'est tant mieux !
Madame la présidente, notre Grand Conseil s'est penché en son temps sur le fonctionnement des débats en plénière, et nous en profitons aujourd'hui. Toutefois, certains députés perspicaces ont remarqué que rien n'avait été fait pour faciliter le travail des commissions et que, bien souvent, la célèbre et terrible expression «renvoi en commission» d'un objet pouvait sonner, pour certains d'entre eux, comme une mise à l'oubli pouvant même provoquer la mort, suite à un étouffement dû à la quantité de poussière qui s'y déposait !
C'est la raison pour laquelle ces députés nous proposent ce très utile projet de loi, qui prévoit trois types d'action en vue d'améliorer la fluidité des traitements des projets de lois, motions et autres objets.
Premièrement, l'amélioration de la planification des travaux, en prolongeant le mandat des présidents à deux ans. Ces derniers doivent en outre élaborer une planification des sujets à traiter, en accord avec leur vice-président.
Deuxièmement, un renforcement de l'appui professionnel, par l'attribution d'un secrétaire de commission pour chacune d'entre elles, avec un cahier des charges plus étendu, fouillé et précis.
Troisièmement, l'établissement d'un régime de délai, selon lequel tous les objets tels que projets de lois, motions, pétitions et autres doivent être traités, afin d'éviter cette mort lente et terrible.
Madame la présidente, l'entrée en matière a été approuvée par toutes et tous, à l'exception de deux députés. En commission, nous avons travaillé, édulcoré et affiné, tel un fromage, ce projet de loi et, dans un consensus bien helvétique, nous sommes tous parvenus au résultat suivant concernant ces trois points. D'abord, la durée du mandat du président est portée d'un à deux ans. Je parle évidemment de ce qui a été discuté à l'époque, parce que j'ai vu arriver un amendement émanant de ma très délicieuse collègue Catherine Baud, mais on en reparlera probablement tout à l'heure. Ensuite, une limitation du cahier des charges des secrétaires de commission est établie. Enfin, nous avons fixé un délai de deux ans au maximum pour traiter tous les objets renvoyés en commission, à l'exception des projets de lois.
Pour finir, Madame la présidente, je souhaite attirer votre attention sur le fait qu'au moment du vote final, onze sur les douze députés présents ont voté en faveur de ce projet de loi et qu'il n'y a pas eu de rapport de minorité.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Après la fluidité du trafic, c'est de celle des travaux en commission que nous allons parler ! Ce projet de loi a effectivement la louable intention de nous faire réfléchir à l'amélioration des travaux en commission et à la possible accélération de ces derniers.
Les socialistes ne se sont pas opposés aux travaux en commission et y ont même participé assez activement mais, après discussion au sein de notre groupe, il y a un aspect de ce projet de loi qui nous pose problème, c'est l'article 186, alinéa 2, qui fait l'objet de l'amendement que vous avez reçu. Cet article aborde la question du renouvellement des présidences, qui aurait lieu tous les deux ans et non pas chaque année, ce qui nous semble problématique.
En effet, ce serait d'abord une lourde charge pour les parlementaires de milice que nous sommes, et cela entraînerait une rotation des partis beaucoup plus lente, qui ne permettrait pas forcément à chacun d'eux d'accéder à la présidence. En outre, cela risquerait de favoriser les parlementaires qui auraient le temps d'assurer ces présidences pendant deux ans, et l'on se priverait donc de la compétence d'autres députés qui n'auraient pas les moyens d'assumer cette charge si longtemps. Enfin, on ne voit pas très bien comment cela contribuerait à accélérer les travaux en commission. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé, avec les Verts, une proposition d'amendement visant à maintenir le statu quo.
Pour le reste, nous ne sommes pas très emballés par l'article 194, alinéa 1, parce que si l'on appliquait réellement notre loi portant règlement du Grand Conseil on arriverait très bien à faire notre travail, mais on ne va pas s'y opposer. En revanche, nous sommes favorables à la possibilité d'étendre le cahier des charges des secrétaires de commission et au fait que d'autres commissions que celles qui en ont actuellement puissent en profiter.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous acceptons l'entrée en matière de ce projet de loi, mais nous ne le voterons que sous réserve de l'adoption de notre amendement.
M. Olivier Jornot (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes tous conscients dans cette enceinte de l'importance pour la démocratie d'avoir un système parlementaire qui fonctionne. Il y a quelques années, l'un de nos collègues présent dans cette salle a publié un livre remarquable, au titre provocateur mais évocateur: «Le bal des eunuques». Dans cet ouvrage, il fustigeait la faiblesse des assemblées parlementaires de notre pays en général, mais de Genève en particulier, face à la puissance des gouvernements, qui peuvent mettre en oeuvre toute la machine de leur administration, alors que les parlementaires - lorsqu'ils sont de surcroît des députés de milice, comme nous sommes encore censés l'être - ne peuvent compter que sur leurs propres ressources, voire sur celles, notablement plus limitées que celles de l'administration en général, du service parlementaire, du secrétariat désormais général du Grand Conseil.
Ce projet de loi a en quelque sorte pour objectif de s'inscrire contre ce déséquilibre. Le très délicieux rapporteur a expliqué tout à l'heure avec précision le contenu de ce projet, je ne vais donc pas revenir sur tous les détails.
Il y avait d'abord la question du mandat des présidents, Madame Fehlmann Rielle, qui s'inscrit précisément dans le cadre de la réflexion sur la meilleure façon de planifier le travail des commissions avec une certaine vision dans la durée. Le chiffre de deux ans n'est pas tombé de nulle part, c'est celui de la durée des présidences des commissions du Parlement fédéral, et vous savez qu'il existe même en Suisse des parlements cantonaux qui pratiquent la présidence de quatre ans pour certaines commissions, par exemple la commission des finances. Je comprends que certains parlementaires soient effrayés à l'idée que l'un de leurs collègues les dirige pendant deux ans consécutifs, mais sachez que les libéraux ne feront pas un casus belli de cet amendement et que, s'il devait être accepté, nous continuerions à nous battre pour le reste du projet de loi, qui contient d'autres propositions indépendantes, qui sont à nos yeux extrêmement importantes.
La plus importante sans doute est celle qui concerne le renforcement de l'appui professionnel aux parlementaires. C'est là que se situe aujourd'hui la plus grande faiblesse de notre parlement. Nous avons commencé il y a quelques années à nous doter d'un appui professionnel, il a été étendu, notamment sur proposition de notre collègue M. Jean-Michel Gros, mais, en dépit de cela, toutes les commissions ne disposent pas aujourd'hui du même appui, et ce soutien n'est pas équivalent selon que vous avez la chance de vous trouver dans l'une des commissions prestigieuses du Grand Conseil ou dans une commission considérée comme étant d'importance plus relative. Il faut donc égaliser cela et faire en sorte que chacun puisse trouver l'appui nécessaire à l'exercice de sa tâche parlementaire, afin que nous puissions rester le parlement de milice que nous sommes.
Enfin, il y a la question du délai de traitement des objets en commission. Le texte a été légèrement retouché sur ce point, puisque les projets de lois ne seront pas concernés par cette notion de délai, mais j'insiste sur le fait que c'est une proposition qui est particulièrement favorable aux minorités puisque, actuellement, celles-ci n'ont aucune assurance que leurs projets soient traités. De cette manière-là, elles auront une garantie supplémentaire.
En conclusion, j'aimerais souligner qu'il s'agit d'un projet de loi non pas à caractère politique, mais technique, visant à améliorer la qualité de notre travail, et que c'est un projet qui, comme je l'ai dit, n'est pas destiné à asseoir l'influence d'une majorité sur une minorité, mais à permettre au contraire à tous les parlementaires de mieux accomplir leur travail. A mon sens, ce projet de loi est utile au bon fonctionnement de notre démocratie parlementaire et je vous invite dès lors à le soutenir.
Mme Emilie Flamand (Ve). Comme cela a été dit, ce projet de loi apporte trois principaux éléments nouveaux. Premièrement, il précise les attributions des secrétaires scientifiques de commission, dont toutes les commissions ne disposent pas encore, bien que la loi actuelle le prévoie. C'est extrêmement important, car l'élaboration des triptyques et le suivi des amendements sont des tâches très précises, qu'il nous est difficile d'accomplir avec notre mandat de députés de milice.
Deuxièmement, ce texte prévoit un délai de deux ans pour traiter les objets en commission, à l'exclusion des projets de lois. Au début, nous étions dubitatifs face à cette mesure mais, lors des discussions de la commission, nous nous sommes vite rendu compte que cet article est finalement favorable aux minorités, comme l'a relevé M. Jornot, et je me réjouis d'ailleurs qu'il défende aujourd'hui ces dernières. Les minorités ne verront donc plus leurs propositions de motions ou de résolutions enterrées pendant des années en commission, puisqu'au bout de deux ans elles reviendront automatiquement en plénière dans le débat public.
La troisième principale mesure de ce projet de loi vise à prolonger la durée des présidences de un à deux ans. Nous nous y sommes opposés en commission, car cela nous paraît trop lourd pour les députés chargés de ces présidences et entrave le tournus habituel des partis, puisque chacun d'entre eux devra attendre beaucoup plus longtemps avant d'accéder à nouveau à la présidence des commissions stratégiques, telles que la commission des finances. Nous déposerons donc un amendement au deuxième débat, comme cela a été annoncé, pour conserver le statu quo, c'est-à-dire un an de présidence. Sous réserve de l'acceptation de cet amendement, nous vous engageons, Mesdames et Messieurs les députés, à adopter ce projet de loi.
M. Eric Stauffer (MCG). Nous allons, comme nous l'avons fait en commission, soutenir ce projet de loi. Il est vrai que les travaux en commission sont souvent longs. J'en veux pour preuve que le Mouvement Citoyens Genevois a déposé des textes qui ont été votés par cet hémicycle ou des projets de lois qui ont été renvoyés sans débat en commission et que cela fait plus de deux ans qu'ils y pourrissent. Il y a par exemple un projet de loi modifiant la loi sur la police, sur les contraventions, sur les pouvoirs que le canton a délégués, notamment à la Fondation des parkings, concernant le contrôle du stationnement - vous savez, ces exagérations sur les amendes de stationnement. C'est un très bon projet de loi, mais malheureusement il dort en commission depuis bien trop longtemps, puisque cela fait plus de deux ans qu'il y est.
Ce projet de loi est donc salutaire, car il va faire ressortir ces textes. Néanmoins, précisément à propos des projets de lois, il n'était rien mentionné dans ce PL 9923, raison pour laquelle le MCG vous proposera tout à l'heure un amendement visant à ce que ces derniers soient également inclus dans l'article 194, alinéa 1; et ce sera à la commission de s'organiser afin que ces projets de lois reviennent en plénière dans un délai de deux ans.
Vous le savez tout aussi bien que moi, nous avons traité des textes parlementaires datant de 1998, et je crois que le plus ancien objet parlementaire qui dorme encore dans les limbes des commissions doit dater d'il y a plus de douze ans... C'est absolument intolérable qu'il y soit encore, il était donc temps de faire un grand lifting sur ce mode de procéder.
Comme je l'ai dit, nous reviendrons plus tard avec notre amendement visant à inclure également les projets de lois, car ils doivent revenir en séance plénière devant notre Grand Conseil dans un délai de deux ans, au même titre qu'une motion, résolution, ou tout autre texte parlementaire.
Mme Michèle Ducret (R). Nous partageons entièrement les idées et les voeux du groupe libéral en ce qui concerne l'amélioration du travail de ce Grand Conseil en commission. Mais permettez-moi d'apporter une note discordante au concert de louanges que je viens d'entendre et qui va certainement se poursuivre tout à l'heure à propos de ce projet de loi. On l'a dit, ce dernier contient trois éléments principaux: d'une part, la présidence des commissions, d'autre part, les secrétaires scientifiques et, enfin, le renvoi automatique en plénière des motions, résolutions, pétitions et rapports divers qui marineraient en commission. Je vais prendre chaque point l'un après l'autre afin de vous indiquer pourquoi nous ne sommes pas d'accord.
En ce qui concerne la présidence de commission, c'est une charge lourde, cela a été dit, qui prend beaucoup de temps aux personnes qui l'assument. Et il est aussi entendu dans ce Grand Conseil que, à part celui qui est président, tous les autres sont nuls, bien sûr... Ce serait une mauvaise idée de laisser en place deux ans les présidents de commission, mais je vois que, sur ce point, on a quelque peu changé d'avis et que, très probablement, cette disposition ne sera pas acceptée. Je vous dis d'ores et déjà que le groupe radical soutiendra l'amendement Vert-socialiste...
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est demandée... Vous avez terminé, Madame Ducret ?
Mme Michèle Ducret. Non, Madame la présidente !
La présidente. Ah pardon !
Mme Michèle Ducret. Le deuxième point concerne les secrétaires scientifiques. C'est une fort bonne idée, mais le problème est que nous n'avons pas le budget ! Nous venons de voter les comptes, et ceux du Grand Conseil indiquent des dépenses de 9 millions par année, qui ont été largement limitées par les économies réalisées par le service du Grand Conseil, ce dont nous l'avons félicité. Ce n'est donc pas le moment de rajouter des sommes au budget afin d'engager d'autres secrétaires scientifiques, d'autant moins que ceux dont nous disposons déjà sont extrêmement efficaces, accomplissent très bien leur travail et nous aident le cas échéant.
Le troisième point - et le plus important - est celui du retour en plénière des motions, résolutions, pétitions et rapports divers qui n'ont pas été traités au bout de deux ans. Je trouve qu'il s'agit là d'une question assez délicate et je m'indigne que le MCG se permette de proposer de faire revenir de commission en plénière les projets de lois qui n'auront pas été traités, afin qu'on en parle longuement; c'est tout autant une façon de tuer les projets que de les laisser en commission !
J'ai pris connaissance des objets qui sont en attente, devant la commission fiscale par exemple - car chacun peut voir quels sont les objets en suspens devant les commissions en consultant le site du Grand Conseil - et l'on y trouve cinq propositions de motions et trois pétitions. Cela veut-il dire que, au bout de deux ans, on les renverra en plénière et qu'on en discutera comme cela ?! En voyant ce qu'il advient de certains débats comme celui que nous avons vécu tout à l'heure, je m'oppose également à cette dernière proposition, Madame la présidente, et le groupe radical ne votera naturellement pas l'amendement du MCG.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien souscrit à ce que ses préopinants de l'Alternative ont indiqué tout à l'heure s'agissant de l'amendement. Nous avions l'intention de déposer exactement la même proposition, merci de nous avoir devancés ! Nous soutiendrons donc un retour de présidence de commission de deux ans à un an, pour les raisons qui ont été évoquées tout à l'heure lors d'excellentes interventions, notamment celle de Mme Flamand. Pour autant que cet amendement soit voté, nous accepterons le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de commission... Merci, Monsieur Deneys, qui me faites un signe pour m'indiquer que je dois arranger mon col de chemise... Merci !
S'agissant de l'article 186A, il paraît tout à fait approprié de dire que le président de la commission doit tenir une planification des travaux de sa commission et qu'il doit veiller à ce que cette dernière traite à temps tous les objets dont elle est saisie. Il ne paraît pas indispensable de le mentionner, mais ça va mieux en le disant ! Cet aspect-là du projet de loi mérite donc d'être soutenu.
Quant à la question des délais, l'idée et la philosophie sont intéressantes, puisque nous sommes tous d'accord que, très souvent, nous n'arrivons pas à tenir les délais et que nous gardons dans les tiroirs des commissions beaucoup trop d'objets - ce qui ne devrait pas être le cas - mais j'ai peur que les problèmes causés par la nouvelle procédure ne soient plus grands que le souci que nous avons voulu régler. En effet, ce projet de loi indique qu'il faut traiter les différents objets en commission et présenter au Grand Conseil un rapport sur ces derniers dans les deux ans. La sanction, en cas d'inobservation de cette règle, est un retour devant la plénière. Or, que se passe-t-il dans ce genre de cas ? Soit la résolution, motion ou pétition ne méritait pas d'être traitée en commission et aurait pu être votée immédiatement en plénière, et, en l'occurrence, on ne comprend pas pourquoi elle a été renvoyée en commission où elle a dormi deux ans; soit cette résolution, motion ou pétition doit impérativement être affinée et étudiée sérieusement en commission, auquel cas, si elle retourne en plénière parce qu'elle n'a pas pu être traitée en commission dans le délai de deux ans, on va se dire que c'est compliqué, qu'il faut l'étudier et, donc, la renvoyer une nouvelle fois en commission. Là, la loi prévoit que, lors d'un second renvoi en commission, il y ait un délai de six mois pour y traiter l'objet. Le problème est qu'il n'est pas indiqué ce qu'il se passe si le deuxième délai de six mois n'est pas respecté.
En résumé, je pense que l'idée est intéressante et que cela vaut la peine que nous tentions quelque chose de nouveau. Personnellement, je ne suis pas sûr que nous y arriverons, mais essayons ! Au moins nous aurons tenté d'agir pour que les ordres du jour des réunions de commission puissent être épurés.
S'agissant enfin de l'amendement proposé par le MCG, l'idée est intéressante, puisqu'il s'agit d'appliquer aux projets de lois la même philosophie et le même respect du délai que pour les autres actes législatifs, mais cela me paraît difficilement praticable, dans la mesure où il faut bien se rappeler quel est le principe des différents actes législatifs: comme les projets de lois sont souvent des textes complexes et techniques, on ne les vote en principe pas en plénière, sauf très rare exception, mais on les étudie en commission. En revanche, pour les propositions de motions ou de résolutions, il est d'usage que nous les votions en plénière. Par conséquent, la règle est le vote en plénière, et l'exception le renvoi en commission. Or, si vous appliquez aux projets de lois la règle qui figure dans ce texte, vous allez être encore bien plus fortement confrontés au problème que j'évoquais tout à l'heure. En effet, si un projet de loi n'est pas traité dans les deux ans, il va revenir en plénière sans avoir été étudié en commission. Or on ne peut pas voter sur le siège un projet de loi qui n'a pas été examiné en commission ! Il va par conséquent être renvoyé dans une commission, c'est tout ce qu'on aura gagné, et cette dernière aura un délai de six mois pour le traiter. Cependant, si elle ne respecte pas ce délai, le projet de loi ne prévoit aucune sanction.
En résumé, votre amendement est, à la base, très intelligent, mais si l'on réfléchit un peu à toutes ses implications, on constate qu'il va faire perdre encore plus de temps au traitement des objets qui dorment en commission que si nous ne le votons pas. C'est la raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas l'amendement du MCG, qui est une très bonne idée en tant que telle, mais qui ne me paraît pas praticable. En revanche, nous soutiendrons l'amendement des Verts et voterons le projet de loi dans son ensemble, pour autant que la proposition des Verts soit acceptée.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés... (Bruit de larsen.) Je crois que c'est mon téléphone... Voilà ! Cher collègue Pétroz, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous et je vais vous expliquer pourquoi. Si l'on était dans un monde parfait, tel que vous l'avez décrit, je pourrais considérer comme relevants vos arguments, mais la réalité est tout autre. J'ai donné l'exemple de ce projet de loi, déposé par le MCG, qui est en commission judiciaire depuis plus de deux ans et qui n'a même pas été étudié. (Remarque de M. Pascal Pétroz.) Voilà, vous le dites vous-même ! Ce n'est pas normal ! C'est pour cela que, dans la pratique... Car en théorie, évidemment, tout est parfait, mais, à l'usage, on sait qu'il y a quelques divergences. En plus, c'est un projet de loi très intéressant, puisque c'était aussi le fond électoral du parti libéral sur les amendes, l'exagération des amendes de stationnement en Ville de Genève. Je peux comprendre que, pour des raisons politiciennes, on enterre un tel projet de loi et qu'on le laisse mourir en commission, mais cela veut dire que, alors qu'un groupe élu - comme nous en formons tous - a déposé un texte, il y aurait un acte antidémocratique par le jeu des priorités et des pseudo-urgences qui ferait que l'étude d'un projet de loi déposé en 2005 n'a toujours pas été entamée fin 2008, pas même celle de la première page !
C'est pour cette raison que je souhaiterais, et mon groupe avec moi, inclure les projets de lois dans ce délai de deux ans. Comme vous l'avez dit, cela mérite d'être essayé ! Ce n'est peut-être pas la panacée, mais au moins on aura une pratique différente pour tenter d'améliorer le travail des commissions. Ensuite, il appartient aux présidents des commissions, puisqu'ils sont maîtres de leur ordre du jour, de réunir leurs membres plus souvent ou plus longtemps. Nous savons que les commissions siègent actuellement deux heures par semaine; alors, qu'elles se réunissent trois ou quatre heures ou que l'on prévoie des séances supplémentaires ! Nous sommes élus par le peuple pour accomplir un travail législatif, et non pas pour siéger une fois de temps en temps deux heures et laisser des projets de lois, déposés par des groupes élus démocratiquement, mourir en commission.
C'est pour toutes ces bonnes raisons que je vous demande de revenir sur votre décision de ne pas soutenir notre amendement, et de voter la proposition du MCG pour inclure les projets de lois dans la mesure prévoyant un délai de traitement de deux ans en commission. Nous verrons dans la pratique si cela pose effectivement plus de problèmes et, le cas échéant, nous sommes assez intelligents pour légiférer à nouveau et adapter, corriger et améliorer cet amendement que nous vous proposons ce soir.
Mis aux voix, le projet de loi 9923 est adopté en premier débat par 67 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. A l'article 186, alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement du groupe socialiste et des Verts.
Mme Catherine Baud (Ve). Lors de la discussion en commission, nous étions partagés sur la durée des présidences de commission. Après réflexion et, surtout, une observation pragmatique de l'expérience des présidences des commissions de notre parlement, nous avons été convaincus du bien-fondé de l'actuel état des choses, raison pour laquelle nous avons proposé cet amendement qui demande tout simplement le retour à la situation actuelle. En effet, même avec l'aide de la vice-présidence et l'assistance de secrétaires de commission, la charge d'une présidence est lourde, surtout pour un parlement de milice et, selon les commissions et le rythme des réunions, une année constitue déjà un engagement important... (Remarque.) ...mais selon les commissions et les périodes, effectivement !
De plus, le rythme du tournus actuel permet à de nombreux députés des différents partis de s'atteler à cette tâche, ce qui a une portée pédagogique, puisque cela donne l'opportunité à chacun de se frotter à cette situation; c'est aussi un point positif ! Et cela permet en outre une meilleure répartition des différents partis.
Un autre argument que l'on pourrait citer contre l'article 186, alinéa 2, tel qu'il est proposé dans le projet de loi, c'est le risque qu'il y aurait de voir se développer deux types de parlementaires: ceux qui seraient présidentiables, et les autres.
Enfin, je ferai un parallèle avec la tradition de présidence tournante pour l'élection des membres du Bureau; chacun et chacune peut et doit participer à tour de rôle à ces fonctions, et je pense que c'est aussi cela qui fait la force d'un parlement de milice.
Je vous signale encore que, si notre amendement est accepté, il faudra également modifier l'article 2 souligné, qui stipule l'entrée en vigueur, en supprimant la dernière partie de la phrase: «à l'exception de l'article 186, alinéa 2, qui entre en vigueur au début de la 57e législature.»
En conclusion, je vous propose de suivre les socialistes et les Verts et de voter cet amendement, ainsi que cette deuxième modification.
La présidente. Merci, Madame la députée. Il faudra effectivement procéder ainsi si votre amendement est accepté. Nous allons donc voter sur votre proposition d'amendement, qui consiste à biffer la première phrase de l'article 186, alinéa 2.
Mis aux voix, cet amendement (suppression de la première phrase de l'art. 86, al. 2) est adopté par 49 oui contre 19 non et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 186A (nouveau) est adopté, de même que l'article 189A, alinéa 4, lettre d (nouvelle teneur) et lettres g, h et j (nouvelles, la lettre g ancienne devenant la lettre i).
La présidente. A l'article 194, alinéa 1, nous sommes saisis d'un amendement du MCG.
M. Eric Stauffer (MCG). Tout a été dit et expliqué auparavant !
Mme Catherine Baud (Ve). Je souhaite juste vous indiquer quelle est la position des Verts. Nous ne soutiendrons pas l'amendement du MCG pour deux raisons: d'abord, un projet de loi ne se vote pas sur le siège et, ensuite, lorsqu'un projet de loi est en attente dans une commission, c'est tout simplement parce qu'il y a souvent une adéquation à faire avec la loi fédérale et qu'il y a une bonne raison pour que cet objet soit en attente. Cette modification n'est donc pas justifiée.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Il y a un point qui m'interpelle, outre le fait que certains projets de lois doivent rester en attente pour être conformes au droit fédéral, c'est que la logique voudrait, selon moi, que les projets de lois soient traités dans l'ordre chronologique, c'est-à-dire du plus ancien au plus récent. Là, des projets de lois vont être déposés, et l'on va traiter par exemple celui de la semaine passée, alors qu'on va attendre deux ans pour en étudier un autre. Pourtant, tous les projets de lois n'ont pas besoin d'être mis en adéquation avec le droit fédéral ou autre.
J'ai moi aussi siégé en commission, et l'on sait pertinemment que certains projets de lois dérangent, qu'on n'a pas envie d'en parler, qu'on préfère traiter autre chose et qu'on a cette possibilité de les mettre dans un tiroir. Mais il existe une sorte d'annuaire bleu qui répertorie les objets en suspens, et j'ai réussi à retrouver des textes de 1978 qui sont toujours en attente ! Ils n'ont toujours pas été traités, bien qu'ils aient été déposés il y a trente ans ! Pour de nombreux autres, les personnes qui les ont rédigés ou signés sont aujourd'hui décédées, et ces projets de lois, ces propositions de motions ou ces pétitions sont toujours en attente... (Brouhaha.) Ça vous fait bien rigoler, c'est la fatigue, il fait chaud, mais en attendant la vérité n'est jamais vraiment bonne à entendre ! Je crois qu'il serait bon que vous apportiez une réponse à tous les projets de lois qui datent de vingt ou vingt-cinq ans. Ou alors, si vous jugez ces objets dépassés, faites ce qu'il faut pour qu'ils soient retirés ou simplement éliminés, au lieu de les laisser dormir ! C'est inutile et c'est un manque de respect envers ceux qui ont fait le travail de rédiger ces projets de lois ou ces propositions de motions. Si vous n'avez pas de respect vis-à-vis de vous-mêmes, ayez-en au moins pour les anciens ! (Commentaires.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Nous votons maintenant sur l'amendement du MCG à l'article 194, alinéa 1, qui consiste à inclure les projets de lois dans la liste des actes législatifs dont les rapports doivent être présentés au Grand Conseil au plus tard deux ans après leur renvoi en commission.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 10 oui et 21 abstentions.
Mis aux voix, l'article 194, alinéa 1 (nouvelle teneur) et alinéas 2 et 3 (nouveaux, les alinéas 2 et 3 anciens devenant les alinéas 4 et 5) est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
La présidente. Comme cela a été annoncé tout à l'heure, nous devons modifier, puisque l'amendement à l'article 186, alinéa 2, a été accepté, l'article 2 souligné, en supprimant les mots suivants: «à l'exception de l'article 186, alinéa 2, qui entre en vigueur au début de la 57e législature.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 65 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) (nouvelle teneur) ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 3 (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 9923 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9923 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui et 14 abstentions.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Nous avons disserté hier sur la notion d'archétype et nous sommes posé la question de savoir s'il était bon ou non de réagir avec promptitude à des situations qui nous sont présentées. Voilà encore un cas de figure intéressant à étudier dans ce domaine, puisque ces deux projets de lois n'avaient d'autre but à l'époque que de réagir à certaines situations de recours en grâce multiples émanant de personnes dont la demande avait été rejetée et qui venaient la renouveler devant notre parlement, causant ainsi la colère des auteurs des deux projets de lois.
La commission a examiné ces objets et a constaté qu'ils posaient des questions d'ordre à la fois politique et technique. S'agissant du côté technique, ces projets de lois ont d'abord l'inconvénient d'être totalement incompatibles avec les règles du droit fédéral, qui garantissent à toute personne condamnée le droit de demander en tout temps sa grâce devant l'autorité compétente pour la prononcer. Les présents projets de lois, en déclarant que les décisions sont définitives et que les demandes ne peuvent être renouvelées, s'inscrivent donc en violation de ce droit à réclamer l'examen de toute demande de grâce.
Ensuite, ces projets de lois insistent sur le fait que la grâce ne peut être demandée que lorsqu'une condamnation est définitive; il n'est certes pas contraire au droit fédéral que de dire cela mais, dans la mesure où c'est une condition posée par le droit fédéral à toute demande de grâce, il est probablement superflu que de l'ajouter comme exigence.
Sur le plan politique, l'examen de ces deux projets a suscité d'intéressants débats en commission. Vous savez que la grâce est un objet politique et juridique mal identifié. C'est en quelque sorte une survivance de prérogatives fort anciennes, mais aussi quelque chose d'assez curieux; en effet, c'est une violation crasse de la séparation des pouvoirs, puisque cela induit le législatif à remettre en cause des décisions de justice. En même temps, c'est une institution à laquelle chacun tient, puisque cela permet de manifester en tout temps la primauté du politique et offre la possibilité au politique de témoigner son pardon par rapport à des situations de culpabilité avérée. Il n'en demeure pas moins que, dans ce contexte-là, légiférer sur la grâce est toujours problématique. Par définition, la grâce est arbitraire et, par définition, elle est injuste, puisqu'elle revient à absoudre le coupable, lorsqu'elle est prononcée, ou à refuser cette même prérogative à quelqu'un qui estimerait y avoir parfaitement droit, en cas de rejet. Et c'est précisément parce que c'est un objet extrêmement délicat qu'il y a lieu d'être prudent et de légiférer de manière parcimonieuse sur ces questions.
Pour terminer, j'évoquerai une piste qui a été examinée par la commission. Le droit fédéral indique que, lorsqu'il y a abus, l'autorité qui refuse une demande de grâce peut fixer un délai pendant lequel la personne qui avait effectué un recours en grâce ne peut plus renouveler sa demande. On peut ainsi éviter, dans certaines situations, des cas où les personnes demanderaient de manière extrêmement répétée la grâce pour les mêmes délits et sans faire valoir de faits nouveaux. Cette possibilité existe par le droit fédéral et pourrait être mise en oeuvre dans notre canton; de cette manière, si d'aventure la commission de grâce devait estimer qu'un cas est effectivement abusif, elle pourrait parfaitement inclure dans sa proposition de rejet de la grâce la fixation d'un délai pendant lequel la demande ne peut plus être renouvelée; nous pourrions donc, si vraiment nous devions un jour être confrontés à des cas d'abus extraordinaire, nous prémunir contre ces situations en faisant simplement application du droit existant. Ce sont les raisons pour lesquelles la majorité de la commission vous propose de ne pas entrer en matière sur ces deux projets de lois.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Si nous sommes amenés à reconnaître, suite aux discussions qui ont eu lieu lors de la séance de la commission, que l'aspect technique nous conduit à ne pas insister sur le projet de loi 9984, il en est légèrement différent du deuxième projet de loi. Celui-ci vise à limiter l'accès d'un droit de recours répétitif - si j'ose m'exprimer ainsi - s'appuyant entre autres sur le droit fédéral, qui laisse à chaque canton la possibilité de fixer un délai, comme vient de le dire M. Jornot.
Lors de la discussion en commission, plusieurs commissaires étaient favorables à cette idée. Par conséquent, je vous propose de renvoyer le PL 9985 en commission, afin de définir quel pourrait être ce délai. Cela nous ferait gagner du temps, dans la mesure où, si tel n'était pas le cas, nous présenterions simplement un nouveau projet de loi, qui ne servirait finalement qu'à gonfler l'ordre du jour. Ce pourrait donc être une proposition élégante afin de rediscuter plus à fond de ce sujet. D'autant plus que, je le répète, la lecture du procès-verbal de la commission des droits politiques indique qu'une bonne partie des députés étaient tout à fait enclins à aller un peu plus loin sur ce sujet. Peut-être que la formulation de notre projet de loi n'était pas la plus propice pour obtenir un retour de la part des commissaires et c'est pour cette raison que nous vous proposons de renvoyer ce projet en commission.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Puisque vous avez fait une demande formelle de renvoi en commission, je vais donner la possibilité à un représentant de chaque groupe, ainsi qu'au rapporteur de majorité, de s'exprimer pendant trois minutes sur cette proposition. Auparavant, nous allons recopier la liste des demandes de parole, afin que, en cas de refus de votre proposition, nous puissions reprendre le débat et donner la parole dans l'ordre à ceux qui s'étaient inscrits. (Un instant s'écoule.) Merci ! J'ouvre maintenant le débat sur la demande de renvoi en commission.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je remets vite ma veste pour pouvoir m'exprimer avec dignité ! Le groupe démocrate-chrétien s'opposera à cette demande de renvoi en commission et souscrit totalement à l'argumentation qui a été brillamment développée par le rapporteur de majorité. Ce projet de loi, que nous le retravaillions ou non, ne peut être accepté; par conséquent, le renvoi en commission n'a pas de sens et nous vous recommandons, sur le fond - ce qui m'évitera de reprendre la parole tout à l'heure - de rejeter ce projet de loi pour les motifs évoqués dans l'excellent rapport de majorité.
M. Olivier Wasmer (UDC). Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté: l'UDC a retiré son projet de loi 9984, dans la mesure où ce texte semble effectivement superflu en regard du droit fédéral, puisque la loi stipule que, de toute façon, la grâce ne peut être accordée que suite au prononcé d'un jugement définitif exécutoire. Ce premier projet est donc retiré.
En revanche, concernant le projet de loi 9985, nous avons eu à plusieurs reprises, en tout cas deux - contrairement à ce qui a été indiqué dans le rapport de majorité - des cas de demandes répétées: premièrement, une fille d'avocat qui est venue deux fois devant la commission de grâce pour faire sauter ses amendes, qui ascendaient à environ 25 000 F et, deuxièmement, un criminel qui a présenté une demande deux fois de suite en une année pour des crimes de sang.
On constate quand même qu'il n'y a pas beaucoup de personnes qui sont venues demander la grâce suite à des jugements du pouvoir judiciaire, mais aujourd'hui le système a complètement changé, dans la mesure où le législateur a prévu des peines-amende, comme vous le savez, qui sont d'ailleurs très critiquées. Pas plus tard que ce matin, je suis allé au service des contraventions négocier pour l'une de mes clientes 25 000 F de contraventions pour des infractions à la circulation routière. Elle m'a indiqué que son précédent avocat lui avait dit - vous le devinez - qu'il fallait saisir la commission de grâce. Pour ma part - et peut-être a-t-elle pris un mauvais avocat en me choisissant ! - je lui ai répondu: «Mais c'est hors de question, Madame ! Vous roulez n'importe comment, vous avez cinquante excès de vitesse ! La commission de grâce n'est pas un tribunal. Cette commission - et le principe de la séparation des pouvoirs fait que vous ne pouvez pas être jugée mais simplement demander miséricorde au peuple - vous accordera, à titre tout à fait exceptionnel et pour des circonstances qui le sont tout autant, une remise de peine, voire l'absolution.»
J'estime donc que ce projet de loi 9985, dans lequel l'UDC demande tout simplement que l'on fixe un délai pour une nouvelle demande de grâce, n'est ni exorbitant, ni exceptionnel. Je pense que, de cas en cas, chaque fois qu'une personne demandera la grâce, on fixera un délai, ce que l'on n'a jamais fait jusqu'à ce jour, à ma connaissance. Ce délai sera fixé et simplement inscrit dans la loi, puisque le législateur fédéral nous autorise à le faire.
Pour tous ces motifs, l'UDC appuiera cette demande de renvoi en commission.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Vous avez dit que le projet de loi 9984 avait été retiré par ses auteurs, mais ici nous n'avons rien entendu ! Il n'y a absolument pas eu de proposition dans ce sens, donc je n'en tiens pas compte, car ce sont les auteurs qui doivent le retirer. Pour l'instant, nous en sommes toujours à la demande de renvoi en commission du projet de loi 9985.
Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts ne suivront pas cette demande de renvoi en commission, car ils considèrent que ces deux projets de lois ont été déposés dans un esprit bien particulier et avec une vision très restrictive du droit de grâce. L'exposé des motifs contient d'ailleurs des phrases qui sont à nos yeux choquantes. Traiter le droit de grâce comme une mesure subjective entachée d'abus et dire que «[...] le droit de grâce ne fait en réalité qu'entériner le principe de l'arbitraire», etc., je crois que cela va beaucoup trop loin ! Ces deux projets de lois ont été déposés dans le but réel de faire cesser ce que les signataires pensaient être des abus mais, en réalité, depuis que le nouveau droit est entré en force, la commission de grâce ne se réunit pratiquement plus ou pour quelques rares cas qui concernent des peines légères. Je crois que c'est négligeable et qu'il n'est pas nécessaire de légiférer pour ces quelques cas que nous pouvons tout à fait résoudre.
Il me semble par conséquent qu'il est totalement inutile de renvoyer l'un ou l'autre de ces projets de lois en commission, et nous voterons donc contre cette proposition.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Comme nos préopinants, nous ne souscrirons pas à ce renvoi en commission et abondons dans le sens de l'argumentation développée par M. Jornot dans son rapport. Une fois n'est pas coutume, nous sommes entièrement d'accord avec lui, et il nous semble tout à fait inutile de vouloir légiférer sur un ou deux cas. De plus, comme le droit de grâce n'est pas remis en question, il est aussi insultant de prétendre que la commission de grâce fonctionne de façon arbitraire, à la tête du client.
Enfin, je noterai que l'UDC a déposé deux projets de lois, mais n'a pas été fichue de les défendre en commission. Nous avons auditionné les signataires UDC et ils n'ont pas dit grand-chose; leur argumentation était extrêmement faible et ils n'ont manifesté aucune conviction dans la défense de ces deux projets de lois. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi nous devrions renvoyer le PL 9985 en commission et, le cas échéant, nous nous opposerons de toute façon à ce texte. Un renvoi est donc inutile et nous pouvons continuer à débattre sur ce projet de loi pour le refuser.
Mme Michèle Ducret (R). Je vous dirai simplement que les radicaux refuseront le renvoi en commission, et je note avec plaisir que les raisons invoquées par M. le rapporteur de majorité ont été entendues par le groupe UDC. J'espère qu'il va aussi comprendre que nous n'approuverons pas le PL 9985, mais je me réserve la possibilité d'en reparler tout à l'heure en débat.
Mme Fabienne Gautier (L). Le groupe libéral suivra la majorité du Grand Conseil et ne renverra pas ce projet de loi en commission. Maintenant, si le groupe UDC veut rédiger un nouveau projet de loi, libre à lui de le faire mais, en tout cas, nous ne renverrons pas le PL 9985 en commission. Je pense qu'il y avait un problème concernant les recours en grâce, comme l'a dit M. Jornot, jusqu'en janvier 2007, mais maintenant que les tribunaux ne peuvent plus prononcer d'expulsions, il y a beaucoup moins de recours en grâce qui nous parviennent. En outre, le groupe libéral considère que le droit, auquel il tient, qu'a chacun de demander la grâce est un droit fondamental qu'il faut respecter. C'est la raison pour laquelle nous refuserons le renvoi de ce projet de loi en commission.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Renvoyer un objet en commission signifie soit qu'on estime que la commission a mal fait son travail - ce qui en l'occurrence pourrait s'expliquer, comme le disait Mme Fehlmann Rielle tout à l'heure, par le fait que les auteurs du projet de loi n'ont pas pris la parole pendant le débat - soit qu'il est nécessaire de le corriger sur l'un ou l'autre point.
Dans le cas présent, Mesdames et Messieurs les députés, si je prends note du fait que les auteurs s'efforcent à l'heure actuelle de retirer le PL 9984, je relève, s'agissant des deux articles qui composent le PL 9985, que le premier vise à adapter le règlement du Grand Conseil à la nouvelle partie générale du code pénal; or cela a été fait et était même déjà entré en vigueur au moment où le projet de loi a été déposé. Cela signifie que l'article 206 correspond à la teneur actuelle du texte de la loi, et qu'il est donc inutile.
Le deuxième, l'article 208, en tant qu'il prévoit l'interdiction de déposer une demande de grâce pour les mêmes faits, est contraire au droit fédéral. Alors lorsque, sur deux articles, les deux ne sont plus utilisables, et que la seule clause qui peut rester telle quelle, parce qu'elle est absolument parfaite, c'est celle de l'entrée en vigueur, il faut en tirer la conséquence logique qui s'impose et présenter un nouveau projet de loi !
Je l'ai dit tout à l'heure, je ne suis pas certain qu'il soit techniquement nécessaire de légiférer dans la loi portant règlement du Grand Conseil sur la question du délai, et je suis en revanche convaincu que, déjà maintenant, et sans modifier la loi, la commission de grâce pourrait proposer des délais pendant lesquels une nouvelle demande ne serait pas traitée.
Cela étant, si l'UDC estime qu'il est absolument indispensable de mettre cela dans la loi, qu'elle rédige un projet de loi qui porte sur cet objet, qu'elle l'étudie techniquement avec soin, qu'elle l'assortisse d'un exposé des motifs limpide et, à ce moment-là, il fera l'objet du traitement qu'il mérite en commission.
M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de minorité. Pour que ce soit bien clair, nous retirons le PL 9984, afin que nous n'ayons pas besoin de le voter. En revanche, nous maintenons notre demande de renvoi en commission du PL 9985.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Il est pris acte du retrait du PL 9984 modifiant la constitution genevoise.
Le projet de loi 9984 est retiré par ses auteurs.
La présidente. Nous allons maintenant voter sur votre proposition de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9985 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 44 non contre 7 oui.
La présidente. Nous reprenons le cours de notre débat. Je vais donner la parole aux différents orateurs dans l'ordre dans lequel ils s'étaient inscrits avant la demande de renvoi en commission: Mmes Ducret, Baud et Fehlmann Rielle, MM. Wasmer et Pétroz, Mme Gautier et, enfin, M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot... (Commentaires. Brouhaha.)
Une voix. On clôt la liste !
La présidente. Oui, d'accord ! On clôt la liste ! Et je donne la parole à Mme Ducret.
Mme Michèle Ducret (R). Je ne serai pas longue. Je voulais simplement faire une remarque. Ce droit de grâce que nous possédons est tellement bien ancré dans les habitudes qu'il a été repris tel quel dans le projet sur la procédure administrative dont notre Grand Conseil a été saisi et qu'il est en train d'étudier, parce que, aux yeux des auteurs du projet, le droit de grâce est un principe qui ne doit pas être modifié. Je crois que c'est déjà un point important, et plusieurs personnes l'ont relevé tout à l'heure.
Je voudrais encore vous citer une liste que le service du Grand Conseil a eu la très grande gentillesse de me faire parvenir à propos des cas de grâce. (Brouhaha.) Repartons en 2004, si le groupe démocrate-chrétien veut bien me laisser m'exprimer ! Donc, en 2004, il y a eu 60 demandes de grâce, dont 18 ont été acceptées et 34 rejetées. En 2005, on a enregistré 48 demandes, dont 19 ont été acceptées et 27 rejetées et, en 2006, sur 49 demandes, 9 ont été acceptées en totalité ou partiellement et 40 rejetées. On ne peut donc pas dire qu'il y ait un abus de ce genre de demandes.
Concernant les personnes qui se représentent plusieurs fois, j'ajoute que je n'ai personnellement vu qu'un seul cas depuis que j'ai été élue au Grand Conseil en 2005. Je crois qu'il y en a eu un deuxième aujourd'hui ou hier, mais deux cas en trois ans, je ne trouve pas que ce soit abusif. Par conséquent, vous l'avez compris, nous refuserons ce projet de loi.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancien collègue Patrick Schmied. (Applaudissements.)
Mme Catherine Baud (Ve). Très rapidement, ce PL 9985 est tout à fait inutile. Il n'y a pas d'abus et le droit fédéral pose des principes clairs, alors pourquoi maintenir ce texte et cet exposé des motifs, sinon pour donner l'impression que des abus existent et persistent, que les députés sont trop laxistes et qu'il faut encore et toujours durcir les normes de la société par méfiance de l'autre et par soupçon d'abus généralisé ? Nous refuserons donc ce projet de loi.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). J'ajouterai juste un ou deux éléments, puisque nous avons dit que nous allions soutenir l'excellent rapport de majorité. J'aimerais rappeler que, selon le fonctionnement de la commission de grâce, nous attendons en général qu'il y ait un fait nouveau pour accorder une grâce, parce qu'il n'est pas question de refaire le travail de la justice. Alors bien sûr qu'il peut y avoir des éléments subjectifs qui entrent en ligne de compte, mais je crois que les commissaires ont à coeur de faire leur travail au plus près de leur conscience.
Par ailleurs, concernant l'éventuelle crainte qu'on ne se souvienne pas d'une année à l'autre de ce qui se passe, puisque les commissaires changent chaque année, je vous signale que les dossiers sont extrêmement bien documentés, ce qui fait que nous avons toujours une mémoire grâce à laquelle nous pouvons nous rappeler des cas. De plus, le service du Grand Conseil fait bien son travail et accompagne aussi celui de la commission de grâce. Pour toutes ces raisons, nous vous recommandons donc de refuser ce projet de loi.
M. Pascal Pétroz (PDC). A ce stade, il convient peut-être de faire un peu d'humour pour détendre l'atmosphère... (Exclamations.) Nous avons finalement deux options à disposition. Vous vous rappelez que nous venons de voter - et en particulier en rejetant un amendement à ce sujet - une nouvelle procédure dans le cadre de ce Grand Conseil. Par conséquent, nous devrions peut-être reconsidérer notre position sur la demande de l'UDC et, justement, renvoyer ce projet de loi en commission afin qu'il y dorme deux ans, qu'ensuite nous soyons obligés de le faire revenir en plénière - où nous dirons qu'il est tellement mal fait que nous le renvoyons à nouveau en commission afin qu'il y dorme six mois supplémentaires - et que nous ne sachions pas quoi faire à l'échéance de ce délai de six mois...
La deuxième option qui s'offre à nous est la suivante... Moi j'écoute toujours le rapporteur de majorité Jornot, car ce qu'il dit est toujours pertinent. Or, puisqu'il a indiqué qu'il y avait un article fantastiquement bien rédigé, à savoir je crois l'article 2 souligné - je parle sous votre contrôle, Monsieur le rapporteur de majorité - peut-être pourrions-nous entrer en matière sur ce projet de loi, refuser tous les articles et ne conserver que celui qui est fantastiquement bien rédigé, pour ne pas que l'on nous accuse de nous opposer à toutes les demandes émanant de certains partis dans ce Grand Conseil !
Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, il ne s'agit plus de se prononcer sur deux projets, puisque le premier vient d'être retiré, et, concernant le second, il convient clairement, dans la mesure où il est inutile et illégal, de le refuser.
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. S'agissant du règlement de votre Grand Conseil, le Conseil d'Etat observe en général une prudente et sage réserve. Mais dès lors qu'il s'agit du droit de grâce, qui est une véritable institution, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter le projet qui vous est présenté.
Il faut rappeler que la grâce est une véritable soupape en mains de votre parlement, qui est normalement possible dans deux, et deux seuls cas: premièrement, lorsqu'un fait nouveau fait apparaître la peine infligée comme manifestement injuste, au point par exemple que cette peine n'aurait pas été infligée si le fait nouveau avait été connu du juge et, deuxièmement - et c'est un cas que vous avez pratiqué fort souvent - lorsqu'une condamnation n'est politiquement plus supportable. Pendant de nombreuses années, votre Grand Conseil a ainsi gracié des objecteurs de conscience qui ne payaient pas leur taxe militaire, motif pris que, puisqu'ils avaient déjà été condamnés par le Tribunal militaire, il était un peu dur de les condamner une deuxième fois par le Tribunal de police. Vous ne pouvez pas dès lors, dans cette matière, ne pas vous faire confiance à vous-mêmes ! Parce que la règle qui vous est proposée revient en gros à vous interdire par avance de gracier, dans un certain nombre d'hypothèses, quelles que soient les circonstances. Mesdames et Messieurs les députés, vous usez du droit de grâce avec discernement et habileté, et il n'est nul besoin que vous vous brimiez vous-mêmes dans l'exercice de cette liberté.
Mis aux voix, le projet de loi 9985 est rejeté en premier débat par 40 non contre 5 oui et 1 abstention.
Premier débat
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de majorité. Je me retrouve aujourd'hui dans une situation assez étrange, puisque je vous présente un rapport de majorité sur un projet de loi que je vous recommande de refuser, au motif qu'il ne va pas assez loin à notre goût.
Certes, je peux souscrire à presque tous les arguments développés dans le rapport de minorité sur la nécessité d'un financement public des partis politiques: oui, les partis sont des acteurs indispensables au bon fonctionnement de la démocratie; oui, les sources actuelles de financement, essentiellement la rétrocession des jetons de présence, peuvent poser problème à l'heure où la plupart d'entre nous sont des semi-professionnels, si l'on se réfère à l'étude du professeur Sciarini.
En revanche - et c'est là que nos positions divergent - je pense que ce financement ne peut pas et ne doit pas être inconditionnel. Il faut qu'il y ait en échange une transparence accrue et une limitation des frais de campagne. On ne peut pas arroser les partis financièrement, puis les laisser faire ce qu'ils veulent avec cet argent. Le financement public des partis vise à les mettre sur pied d'égalité, or cette dernière reste purement illusoire si l'on ne limite pas par ailleurs les dépenses électorales. A l'heure où l'Etat rationalise ses dépenses, exige une grande rigueur et pose toutes sortes de conditions très contraignantes aux associations - l'une des premières questions posée lors des travaux de la commission était d'ailleurs de savoir si les partis étaient soumis à la LIAF, ce qui n'est pas le cas - il serait extrêmement malvenu que les partis s'octroient des subventions, car c'est bien de cela qu'il s'agit, sans aucune exigence en contrepartie. Or ce PL 10000 ne prévoit rien en matière de limitation des frais de campagne, et très peu en matière de transparence. La seule nouveauté introduite par ce projet de loi en matière de transparence est l'interdiction des dons anonymes, et cette proposition a déjà été contestée lors de l'audition de l'un des représentants des partis, qui est également auteur du projet de loi.
En ce qui concerne les dons, on a l'impression que les auteurs de ce texte sont plus intéressés par l'aspect de la défiscalisation - qui d'ailleurs ne serait probablement pas une réalité, puisque nous avons appris lors de nos travaux que l'utilité publique d'une association ou d'un parti ne peut être décrétée par la loi, mais est décidée par le Conseil d'Etat et soumise au secret fiscal - que par la transparence.
Finalement, ce projet de loi, intitulé «Transparence et financement des partis politiques», aurait dû s'appeler «Financement et défiscalisation», puisque l'on y parle très peu de transparence. Je vous engage donc à entrer en matière sur les volets de la transparence et de la limitation, et si, par hasard, ce projet de loi est adopté en premier débat, nous déposerons en deuxième débat un amendement concernant ces limitations de frais de campagne. Sinon, nous nous verrons obligés de refuser ce projet de loi.
Mme Michèle Ducret (R), rapporteuse de minorité. Mme Flamand a indiqué tout ce qu'il y avait dans mon rapport de minorité, et je l'en remercie car cela m'évite de me fatiguer trop à vous répondre ! Mais je voudrais quand même mettre l'accent au moins sur le problème de la pluralité des partis, parce que je sais que tout le monde ici y est sensible et pense que c'est une nécessité démocratique. Or, pour que cette pluralité soit conservée, je pense qu'il faut aider certains partis à se financer.
Je voudrais encore mentionner un point important: nous avons beaucoup discuté en commission des droits politiques, mais nous ne sommes pas allés assez loin, puisque l'entrée en matière a été refusée pour des raisons purement circonstancielles d'absence de certains députés. Par conséquent, puisque nous n'avions pas terminé nos réflexions, que nous avions pris une direction intéressante et que, de plus, des amendements proposés par le groupe socialiste devront être discutés en commission, je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission des droits politiques, afin qu'il y soit étudié à fond.
La présidente. Merci, Madame la députée. Comme pour le point précédent, nous allons ouvrir un tour de table de trois minutes par groupe sur la demande qui vient d'être formulée de renvoyer ce projet de loi en commission.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiendrai le renvoi en commission de ce projet de loi, car je ne peux le voter tel quel. En effet, nous sommes un parlement de milice et non pas des professionnels. Je rappelle que nous ne vendons rien, si ce n'est peut-être de l'air, et que nous ne faisons aucun bénéfice. Je ne veux pas professionnaliser la politique, car cela n'aurait plus aucun sens. Les partis ne sont pas d'utilité publique, dans la mesure où ce serait contraire au droit fédéral. Nous sommes des associations à but non lucratif, et cela doit rester en l'état.
Ce projet de loi est la porte ouverte au fait que les députés doivent déclarer aux impôts leurs revenus et qu'ils soient taxés. Une manière pour l'Etat de se faire encore plus d'argent ! Alors on ne peut plus considérer les parlementaires comme des miliciens mais comme des employés de l'Etat, des professionnels. Où est la démocratie ? Les débats seraient totalement faussés et, en outre, aucun député ne pourrait s'exprimer librement, avec son coeur, ses idées et ses convictions. Il est inutile de dire que cela n'arrivera jamais, car cela arrivera, et plus vite qu'on le pense ! La véritable question à se poser aujourd'hui et en commission est la suivante: veut-on être des employés et être obligés d'obéir aux ordres ou préfère-t-on continuer à être des miliciens libres ?
Je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission et de réfléchir à cette question qui me paraît fondamentale parce que, si on lit entre les lignes, c'est de cela qu'il s'agit; plusieurs députés dans ce parlement veulent à tout prix ce qui a été défendu énergiquement à l'époque, à savoir taxer les jetons de présence. Mais alors, plus personne ne va vouloir venir déclarer qu'il est là pour défendre ses convictions; il y aura des lobbies et on n'aura plus aucun pouvoir de liberté. Si c'est cela, faire de la politique, excusez-moi, mais, non, je ne suis pas d'accord !
M. Gabriel Barrillier (R). La situation me paraît se décanter. Finalement, tous les partis sont à peu près d'accord pour dire qu'il faut une aide de l'Etat, puisque les partis politiques sont des rouages indispensables dans la formation de l'opinion et le fonctionnement de la démocratie.
Nous avons en outre sur notre pupitre une demande d'amendement des socialistes et des Verts.
En lisant les rapports de majorité et de minorité, on voit que la question qui pose problème et sur laquelle nous ne sommes pas allés assez au fond des choses, c'est éventuellement celle du plafonnement des dépenses et de la transparence. Il faut donc renvoyer ce projet de loi en commission, ce qui nous permettra sans doute de parvenir à un accord, car je crois que ce petit détour en commission devrait suffire à trouver une solution.
M. Olivier Jornot (L). Il est tout à fait regrettable que, en raison d'un problème mathématique, la commission n'ait pas voté l'entrée en matière de ce projet de loi. Pour notre part, nous y sommes favorables pour des raisons extrêmement pragmatiques, et notamment parce qu'il amène une amélioration considérable de la transparence, en introduisant l'obligation de déposer les comptes établis selon un modèle et vérifiés par une instance indépendante, ce qui n'existe pas aujourd'hui.
Cela étant, il s'agit de renvoyer ce projet en commission, non seulement parce que c'est à la faveur d'un hasard que l'entrée en matière n'a pas été votée et qu'il s'agit d'y étudier l'amendement presque général, pourrait-on dire, qui nous est soumis aujourd'hui, mais aussi parce qu'un fait nouveau est survenu entre-temps. En effet, l'un des pans de ce projet, à savoir la déductibilité des dons, était à l'époque du dépôt encore une façon de se projeter dans l'avenir, mais celui-ci est devenu réalité puisque, comme vous le savez, sur le plan fédéral, la déductibilité des dons en faveur des partis politiques a considérablement progressé et que des travaux parlementaires ont eu lieu sur ce thème. Il est donc nécessaire de pouvoir intégrer cet élément dans les réflexions de la commission et dans le projet de loi qui sera finalement adopté. Le groupe libéral vous recommande donc également de renvoyer cet objet en commission.
M. Philippe Guénat (UDC). On savait que l'Entente et le MCG voulaient nous proposer quelque chose de prestigieux pour un numéro de projet de loi non moins prestigieux - le 10000 - mais alors là, je dois dire qu'ils ont fait très fort ! J'ai vu que M. Leyvraz avait signé ce texte, mais il a dû le faire dans un moment de faiblesse... (Protestations.) Vous qui êtes là à nos côtés pour combattre l'emprise de l'Etat, pour couper et réduire des subventions, vous demandez tout à coup à devenir des salariés de l'Etat ? Mais comment peut-on critiquer un Etat qui vous paie ?! Il y a trois ans que je suis là, et vous n'avez pas cessé de dire que l'Etat dépense trop et qu'il interfère, et maintenant, parce que vous connaissez une certaine perte de popularité, que vos adhérents vous quittent, que les cotisations ne rentrent pas, vous criez famine et implorez l'Etat de vous donner des subventions ! Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Certains partis, comme le parti radical, ont régné en maître absolu dans le canton de Genève ! Ils étaient tout-puissants à une époque, et subitement...
La présidente. Monsieur le député, vous devez vous exprimer sur le renvoi en commission !
M. Philippe Guénat. Oui, je l'ai dit au début de mon intervention: nous nous opposerons au renvoi en commission. Comme nous nous opposerons à cette entrée en matière, parce que vous, partis qui avez monopolisé la vie genevoise pendant des années, sans compromis, vous criez maintenant famine ! Eh bien non !
La présidente. Il vous faut conclure, vous aviez droit à trois minutes !
M. Philippe Guénat. Nous sommes contre l'entrée en matière de ce projet et contre le renvoi en commission. Vous voulez des financements ? Ayez des membres ! (Commentaires. Brouhaha.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. C'est vrai que la chaleur monte...
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). A entendre la diatribe de M. Guénat, on voit que le climat n'est pas encore à l'entente cordiale... (Rires.) ...et les discussions prochaines risquent d'être croustillantes !
Je crois que ce projet de loi est au moins le quatrième sur ce thème, ces projets émanaient de groupes différents... (Remarque.) C'est le troisième ? Alors c'est le troisième ! Il y en a notamment eu un du groupe socialiste qui a été balayé, mais peut-être arriverons-nous un jour à un consensus qui puisse tous nous satisfaire !
Tout le monde s'accorde à dire que les partis politiques jouent un rôle extrêmement important mais, pour notre part, nous sommes opposés à ce que les campagnes électorales se transforment en simples campagnes de marketing, et nous sommes vraiment attachés à une égalité de traitement.
Nous sommes d'accord avec le fait que les partis soient financés, nous l'avons toujours dit, mais il faut une contrepartie et, pour nous, la contrepartie indispensable réside en une véritable transparence, ce qui n'est absolument pas le cas dans le projet de loi issu de commission, dont l'entrée en matière a heureusement été refusée. A nos yeux, il est extrêmement important qu'il y ait un plafonnement des campagnes et c'est à ce prix-là - c'est le cas de le dire ! - que nous acceptons et appelons de nos voeux un certain financement des partis. Peut-être que l'UDC pourrait y penser et nourrir ses réflexions estivales grâce à ces éléments.
J'ajoute que le parti socialiste a déposé un amendement, certes assez long, qui reprend en partie les options que nous défendions dans nos précédents projets de lois. En conclusion, nous acceptons le renvoi en commission de ce projet, avec l'espoir que les autres partis s'engagent à entamer la discussion sur ces deux aspects.
M. Fabiano Forte (PDC). En guise de préambule, j'aimerais dire que les partis représentés dans ce parlement ne bénéficient pas de millions de francs d'industriels, plus précisément d'un industriel, pour ne pas le citer, M. l'ancien conseiller fédéral Christoph Blocher, qui aime à se faire appeler M. le conseiller fédéral non réélu...
M. Pierre Weiss. Ex !
M. Fabiano Forte. ...ou ex-conseiller fédéral, merci mon cher collègue Pierre Weiss !
Tout cela pour dire que le groupe démocrate-chrétien soutient le renvoi en commission. Il n'est pas question ici de crier famine. Il convient de se poser réellement la question de l'utilité publique des partis politiques, parce qu'il ne s'agit pas uniquement de dire que les partis politiques sont d'utilité publique, mais simplement de reconnaître le travail quotidien de celles et ceux qui, dans les parlements communaux, cantonaux et nationaux, s'engagent pour leur commune, leur canton, leur nation et l'ensemble des concitoyens. Il faut reconnaître cet engagement, et ce n'est pas crier famine.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais juste dire quelques mots pour rassurer Mme Borgeaud. Non, nous ne voulons pas devenir des employés de l'Etat, nous ne voulons pas de treizième salaire et, surtout, nous ne voulons pas avoir un devoir d'obéissance envers le Conseil d'Etat !
Concernant le financement des partis politiques, il s'agit de les subventionner comme toutes les associations qui contribuent à la bonne marche et à la diversité de notre société.
Nous accepterons le renvoi en commission afin de rediscuter de ce projet dans le même esprit que la première fois, c'est-à-dire que nous sommes favorables à un financement si, en contrepartie, nous pouvons avoir une transparence accrue et un plafonnement des frais de campagne.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10000 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 44 oui contre 5 non.
La présidente. Je vous propose d'arrêter là nos travaux. (Applaudissements.) Je vous souhaite un magnifique été, beaucoup de bonheur, et reposez-vous ! Merci encore et à très bientôt !
La séance est levée à 18h10.