République et canton de Genève

Grand Conseil

R 544-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la résolution de Mmes et M. Mathilde Captyn, Michèle Künzler, Sylvia Leuenberger, Antonio Hodgers, Anne Mahrer : Produits agricoles: faire barrage aux légumes cultivés dans des conditions écologiques et sociales désastreuses

Débat

M. René Desbaillets (L), rapporteur ad interim. Tout d'abord, je voudrais excuser mon collègue René Stalder, auteur de ce rapport et retenu par le vrai été qui commence: c'est-à-dire qu'il fait les foins cet après-midi.

Je vais ajouter quelques éléments concernant cette proposition de résolution puisque, au moment où nous l'avons traitée, soit cet hiver, en janvier, c'étaient surtout des considérations écologiques et sociales qui nous inquiétaient et nous ont amenés à déposer ce texte. Moins de six mois plus tard, je crois que ce problème d'importation d'aliments du monde entier produits dans des conditions sociales et écologiques désastreuses constitue maintenant une préoccupation centrale et grave. Par conséquent, on devrait presque rajouter à cette proposition de résolution toute la problématique de la sous-alimentation et de l'alimentation mondiale.

Ce qu'on remarque, c'est que, jusqu'à présent, on avait d'un côté l'énergie et, de l'autre, l'alimentation; lorsqu'on parlait de l'énergie, il était question d'économie, de mobilité; et l'alimentation, on la mettait avec le commerce, c'est-à-dire que tout était traité dans le cadre de l'OMC. Or on s'aperçoit aujourd'hui que l'énergie et l'alimentation sont un problème qui ne fait qu'un parce qu'en définitive toutes les deux sont produites par l'énergie solaire, transformée en pétrole au cours des millénaires ou en électricité au moyen de cellules voltaïques ou en énergie éolienne au travers des vents. Et la plus grande usine solaire, c'est la production agricole qui, par la photosynthèse, produit des aliments; ainsi, lorsque nous les mangeons, nous consommons en fait de l'énergie et des calories.

Mais le temps où l'on avait de l'énergie et des aliments à bon marché et à profusion est, je crois, révolu; maintenant, ce n'est plus énergie et alimentation, mais énergie ou alimentation ! Il faudra donc faire un choix car, de toute évidence, les prix ne vont pas baisser.

A l'heure actuelle, il faut absolument que les autorités fédérales, notamment les responsables de l'Office fédéral de l'agriculture, aient un langage clair et pas ambigu. En effet, on a entendu le directeur de l'Office fédéral de l'agriculture prôner PA 2011 - Politique agricole 2011 - et indiquer qu'il faut supprimer 30 000 exploitations agricoles en Suisse, parce que cela ira beaucoup mieux et que l'on produira à moindre coût, puis, au Congrès mondial de l'alimentation à Rome, dire en plein colloque que l'agriculture industrielle a montré son incapacité à produire et qu'il faut revenir à une agriculture familiale... Donc, ce double langage des autorités fédérales a trop duré ! Il faut maintenant savoir ce que l'on veut et décider si l'on entend produire notre alimentation, en payant le juste prix, ou continuer à piquer dans l'assiette des plus pauvres que nous.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Je signale que nous avons reçu un amendement du groupe des Verts et passe la parole à Mme Captyn.

Mme Mathilde Captyn (Ve). La région de El Ejido et d'Almeria, au sud de l'Espagne, représente trois fois le canton de Genève, recouvert de plastique, et constitue le premier centre légumier en Europe. Ce dernier produit 2,5 à 3 millions de tonnes de fruits et légumes par saison, qui sont exportés vers les pays du Nord, dont la Suisse. Sur le plan écologique, El Ejido, c'est un millier de camions routiers quittant chaque jour la région, ce qui engendre une grave pollution. Le sol de cette région particulièrement pauvre est arrosé par de l'eau provenant des nappes phréatiques aujourd'hui quasiment vides. On désalinise donc de l'eau de mer au pétrole pour produire des fruits et légumes !

Cette région, qui s'est fortement développée ces dix dernières années, n'a rien d'un miracle économique. C'est, au contraire, un désastre écologique et social qui n'a strictement rien de durable. Sur le plan social, environ 40 000 ouvriers agricoles, dont la moitié est clandestine, travaillent à El Ejido et dans la région; ils sont exploités, sous-payés et mal logés, et n'ont accès ni à la santé, ni à l'éducation.

Les Verts sont par conséquent très heureux que cette proposition de résolution ait été acceptée à l'unanimité de la commission, car, même si cela se passe hors de nos frontières, qui ne dit mot, consent. Le Conseil fédéral doit donc agir à ce sujet, en rendant par exemple obligatoire un étiquetage prenant en compte les facteurs environnementaux et sociaux des produits importés.

Nous vous proposons par ailleurs un amendement de forme, qui vise à ce que cette proposition de résolution soit étudiée avec les autres initiatives cantonales par le Conseil national et le Conseil des Etats, car, dans sa forme actuelle, cette résolution serait simplement renvoyée au Conseil fédéral. Nous vous prions de nous excuser de ce changement de dernière minute et vous invitons à accepter cet amendement.

En conclusion, nous voterons bien évidemment cette proposition de résolution et nous nous réjouissons de rejoindre ainsi les cantons de Berne, Vaud, Jura, Valais, Fribourg, Neuchâtel, et le Conseil national, qui ont fait la même démarche.

La présidente. Merci, Madame la députée. Voilà qui est clair !

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je crois qu'il faut bien recentrer le débat sur ce qui animait les auteurs de la proposition de résolution et sur ce qui a suscité l'unanimité des votes en commission. Nous devons revenir aux trois invites situées à la fin de ce texte qui, je le rappelle, a été voté à l'unanimité.

M. Alain Meylan (L). Je me réfère à la validité de cet amendement - ce dernier est peut-être intéressant, je ne porte pas de jugement à son sujet et n'ai, pour l'instant, aucun avis le concernant. Toutefois, dès lors qu'il s'agit d'un amendement aussi important, puisqu'il consiste à renvoyer cette proposition de résolution sous forme d'initiative aux Chambres fédérales, je pense qu'il doit pour le moins être discuté en commission, et en tout cas pas faire l'objet d'une discussion et d'une entrée en force en séance des extraits de notre parlement - qui ne doit pas être en faveur de ce genre de procédé.

Je ne veux pas dire que le groupe libéral s'opposera à cette invite, mais je pense qu'il serait sage soit de retirer cet amendement, soit de renvoyer éventuellement ce texte en commission, afin qu'il puisse y être étudié sereinement, et non pas lors d'une séance consacrée aux extraits, en plein milieu d'un chaud après-midi.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Demandez-vous un renvoi formel en commission ? (M. Alain Meylan acquiesce. Commentaires.) Nous allons donc nous prononcer à ce propos.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 544 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 35 non contre 23 oui et 2 abstentions.

La présidente. Nous votons maintenant l'amendement qui vous est soumis. Il consiste à rajouter une invite nouvelle: «invite le Bureau du Grand Conseil à transmettre la présente résolution aux Chambres fédérales, en tant qu'initiative cantonale.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 33 oui contre 10 non et 17 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 544 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat et aux Chambres fédérales par 39 oui contre 8 non et 14 abstentions.

Résolution 544