République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 mai 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 8e session - 46e séance
M 1805
Débat
La présidente. La parole n'est pas demandée pour l'instant et je prie Madame Borgeaud de présenter sa proposition de motion.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Merci ! Il est vrai qu'on souhaite ne pas devoir prendre pas la parole sur un tel sujet. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, je prie d'ores et déjà ceux que ce thème n'intéresse pas de sortir, parce que c'est un sujet lourd, important et qui concerne les enfants. Vous pouvez prétendre être les meilleurs mais, en attendant, on voit bien ce qu'indiquent les statistiques aujourd'hui !
J'ai demandé à plusieurs reprises le traitement en urgence de cette proposition de motion et suis allée, dans ce but, consulter chaque groupe afin d'obtenir son soutien. J'ai été extrêmement choquée des propos tenus par Mme Brigitte Schneider-Bidaux, qui est infirmière et qui m'a répondu, je cite: «Ce n'est pas important, il y a déjà assez de choses faites pour ce problème.» Je trouve cela scandaleux, à l'heure où les médias font état de nombreux crimes et où l'on dénonce des abus sexuels commis sur des enfants par d'autres enfants ou adolescents à peine âgés de 11 ans. Où va-t-on ? Doit-on accepter de mettre au monde un enfant pour qu'il soit abusé ou violé sans que l'on n'ait rien le droit de dire ?
J'aimerais résumer en quelques mots certains passages de ma proposition de motion que peu d'entre vous ont lue. Les 25% des femmes dans le monde ont été abusées sexuellement dans leur enfance. Les abus sexuels ont significativement baissé maintenant, car c'est le siècle de l'enfant. Je rappelle, pour l'histoire, qu'aux XVIIIe et XIXe siècles la sexualité intergénérationnelle était normale, donc pas dénoncée. Vous pouvez consulter à ce sujet l'étude de Margolin sur internet - allez-y, de nombreuses études ont été réalisées.
Il est également mentionné qu'un adulte qui est arrêté la première fois pour viol a, en fait, commis entre 480 et 510 fois depuis son adolescence des actes d'offense sexuelle, des gestes d'agression et, enfin, des viols. Les 50% de ces agresseurs avaient déjà commencé à l'âge de 12 ou 13 ans, ils entament donc une très longue carrière.
Dans un autre domaine, on peut également indiquer que, sur 21 000 recrues en Suisse, une sur sept a commis une agression sexuelle dans les douze mois précédant son admission à l'école de recrues. Cela dérange beaucoup d'entre vous, mais des études ont été réalisées et cela a été prouvé !
Si l'égalité entre les hommes et les femmes était reconnue, ce serait une fameuse brèche dans la bêtise humaine. Pour essayer d'apporter de l'aide, le courage, c'est l'art d'avoir peur sans que cela paraisse... Mais il faut relever qu'il n'y a pas vraiment eu d'études réalisées sur les femmes qui commettent des abus. Ce que l'on peut retenir, c'est la psychose et les carences pour la première catégorie. Pour la seconde, il s'agit très souvent du sacrifice de leur propre enfant au profit de leur compagnon qu'elles ne veulent pas perdre: elles sont sous l'emprise d'un pervers, et vous savez tous que cela existe.
«On ne naît pas femme, on le devient.» Chaque fois qu'un garçon ou un homme dégrade une fille ou une femme, il se dégrade lui-même. D'ailleurs, pour conclure sur une note d'humour, ne dit-on pas que la femme est l'avenir de l'homme ?
Je reprendrai la parole plus tard, puisque j'ai déposé un amendement et que j'aurai à nouveau droit à trois minutes.
La présidente. Madame la députée, je vous rappelle que le débat... (Commentaires de Mme Sandra Borgeaud.) Madame la députée, écoutez-moi, c'est moi qui préside le débat ! Cet objet est en catégorie II, vous disposez donc de trois minutes en tant qu'auteur et, ensuite, d'une minute et demie. Cela signifie quatre minutes et demie en tout ! Nous allons compter ce qu'il vous reste, mais vous n'avez pas droit à trois minutes à cause de cet amendement: nous sommes dans un débat par catégorie. C'est le règlement, et je l'applique pour tout le monde !
M. Claude Aubert (L). Cette proposition de motion est très clairement un cri du coeur. Effectivement, face à tout ce qui est dénoncé, comment ne pas pousser un tel cri ? Cependant, nous pensons que ce texte doit rester un cri du coeur et les libéraux demandent à la motionnaire de retirer son document, de manière à pouvoir le travailler. Parce que nous ne pouvons malheureusement pas envisager de discuter des invites, et cela pour une raison simple: nous ne pensons pas qu'il faille passer de la peste au choléra.
Mme Michèle Künzler (Ve). M. Aubert l'a dit, il s'agit d'un cri du coeur. Mais ce sujet est suffisamment important et grave pour ne pas qu'on rajoute des inepties dans une proposition de motion.
Actuellement, de nombreuses mesures sont déjà en cours. Il est vrai qu'on voit dans les médias énormément de choses, mais il ne faut pas exagérer ! Ce que vous écrivez dans ce texte, c'est que nous sommes entourés de violeurs et d'auteurs d'abus, puisque, selon vous, 90% des hommes seraient des abuseurs. Eh bien non, on ne peut pas laisser dire de tels propos, et c'est la raison pour laquelle cette proposition de motion a un côté inacceptable.
Que se passe-t-il actuellement au niveau de l'école ? A l'école primaire, un enseignement est dispensé au sujet de la sexualité, mais on y parle aussi de relations humaines, et c'est cela qui est important. En effet, on a dépassé l'époque où l'on parlait simplement de l'acte sexuel comme d'une mécanique. Maintenant, il faut également évoquer les sentiments et la relation humaine, puisqu'au fond c'est là qu'il y a un réel problème.
Au niveau des adolescents, les élèves de 7e, 8e et 9e du cycle reçoivent eux aussi une éducation à ce sujet. Mes enfants en ont bénéficié, ils ont reçu le livre dont vous parlez dans votre amendement, et je pense que c'est bien.
S'agissant des maisons de quartier, il y a eu à Saint-Jean tout un programme sur la violence, particulièrement sur celle entre garçons et filles, qui a été suivi par toutes les écoles du quartier. En outre, une réflexion a été menée et une pièce de théâtre réalisée par les enfants. Là aussi, il y a donc des choses qui se font.
Ensuite, au niveau du collège, on peut encore mentionner d'autres éléments. Un certain nombre de moyens sont en place, notamment concernant la sexualité par internet. A ce sujet, des informations sont données puisque, maintenant, pour beaucoup de jeunes, c'est également par le biais de ce support que cela se passe. Or de nombreuses informations sexuelles extrêmement fallacieuses circulent sur internet, et ces dernières peuvent être nocives aux jeunes, raison pour laquelle je pense que là aussi nous devons mener une réflexion.
Ce qui est proposé dans ce texte ne résout rien. Toutefois, comme la problématique et le sujet que vous amenez sont graves, on pourrait peut-être, comme le proposait le docteur Aubert, vous demander de retirer votre texte, afin de voir si l'on peut trouver une proposition et de déterminer ce qui manque. En effet, peut-être faudrait-il, pour l'instant, simplement rajouter du personnel - comme cela avait déjà été demandé à l'époque - au niveau des infirmières scolaires, afin que les effectifs soient moins restreints, parce qu'actuellement il n'y en a qu'une pour 2000 enfants.
Sinon, je vous invite simplement à refuser cette proposition de motion, car, au fond, les dispositifs qu'elle demande sont déjà en cours et je pense qu'on ne peut pas faire plus qu'être vigilants et rendre nos enfants attentifs.
M. Charles Selleger (R). Nous sommes saisis d'une proposition de motion qui est éminemment émotionnelle. J'aimerais tout d'abord rappeler que, probablement depuis l'origine, il existe une grande variabilité interindividuelle entre les gens, en particulier entre les enfants. Certains enfants ont des pulsions sexuelles, alors que d'autres n'en ont pas et en auront beaucoup plus tard.
S'il est particulièrement tabou de parler de sexualité chez les enfants, c'est un sujet qui a toutefois fait changer la législation il y a quelques années, car maintenant les actes d'ordre sexuel commis entre enfants dont la différence d'âge n'est pas supérieure à deux ans ne sont plus poursuivis.
Cette proposition de motion nous parle d'abus commis sur des enfants, qui peuvent être le fait d'adultes, d'adolescents ou d'autres enfants. Je ne pense pas que la gravité de la chose soit moindre lorsqu'il s'agit d'enfants, ni qu'elle soit supérieure d'ailleurs. Cela étant, il faut quand même relever que les abus sexuels perpétrés sur d'autres enfants par des enfants restent une chose exceptionnelle, mais dont s'occupent des instances juridiques comme le juge des enfants ou le Tribunal de la jeunesse, qui sont parfaitement habilités à faire cela.
En ce qui concerne les invites de la proposition de motion, il faut savoir que certaines mesures appelées par la motionnaire, préventives en particulier, sont déjà largement mises en place et que le Conseil d'Etat s'en est expliqué il y a un peu plus d'une année dans sa réponse à la question écrite 3611 qui lui avait été posée. Rappelons à ce propos que de nombreux milieux associatifs s'occupent de ce problème: Viol-Secours, le Centre de consultation pour victimes d'abus sexuels, SOS enfants, pour ne citer que ceux-là.
D'autre part, certaines invites de cette proposition de motion nous semblent inadéquates, parce que, concernant la question des cours spéciaux sur les abus, ceux-ci peuvent très bien être intégrés - et je pense qu'ils le sont - dans les enseignements d'éducation sexuelle dispensés aux enfants des écoles primaires déjà, puis du cycle d'orientation.
Quant à réunir les parents pour leur parler de cette problématique, je pense que cela relève plutôt du rôle des associations que d'une tâche de l'Etat. En outre, les psychologues existent, dans toutes les écoles ils s'occupent des enfants qui ont des problèmes et je ne vois donc pas l'utilité d'engager des psychologues spécialisés pour ce problème-là particulièrement.
Pour toutes ces raisons, et en relevant quand même bien entendu la gravité des abus sexuels commis sur les enfants, le groupe radical vous propose de rejeter cette proposition de motion.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mme Borgeaud était certainement animée de bonnes intentions en déposant cette proposition de motion, comme il a été relevé précédemment. Cependant, le parti socialiste ne pourra pas la soutenir, car nous la trouvons inacceptable autant dans ses invites que dans son exposé des motifs.
Cette problématique des abus sexuels commis entre pairs ou envers des enfants n'est pas nouvelle. Elle est tout au plus actuellement mieux connue que par le passé, car les jeunes osent en parler. Statistiquement, il est possible voire même certain que, dans cet hémicycle, plusieurs d'entre nous ont vécu dans leur jeunesse cette problématique de violence. En effet, les statistiques indiquent qu'un quart de la population qui a actuellement 30 ans a été touchée par ce type de violence et a subi, sans aller jusqu'aux abus, de tels actes lorsqu'elle était adolescente.
La violence sexuelle entre pairs ou envers des enfants n'est pas juste un jeu de bons ou de méchants. Elle est un signe soit de dysfonctionnements de relations entre les genres, soit de troubles de la personnalité, mais elle est aussi en partie le reflet de ce que notre société induit via les natels, la télévision et les films pornographiques que l'on peut visionner quasiment à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, et encore plus aujourd'hui grâce à internet.
Il est inutile de répéter tout ce qui se fait déjà dans les écoles à l'heure actuelle. Je voudrais juste relever l'effort fourni depuis plusieurs années par les maisons de quartier, où les animateurs sont attentifs à donner une réelle place aux filles dans les activités proposées et ont à coeur de développer des animations prioritairement destinées aux filles, que ce soient des cours de danse ou toute autre activité. Dans ces maisons de quartier, il est en outre de notoriété que les animateurs doivent travailler sur le dialogue entre filles et garçons, car c'est là que se situe la racine de tout cela: c'est grâce au dialogue, à l'entente et à l'échange que peuvent être modifiées les attitudes futures des enfants et des jeunes.
J'aimerais prendre l'exemple de la maison de quartier de Saint-Jean, qui travaille sur le sujet de la violence sexuelle avec le cycle d'orientation de Cayla depuis l'an 2000. Ce n'est donc pas nouveau ! En automne 2007, cette même maison a organisé une quinzaine de réflexions pour tous les gens du quartier, qui s'appelait «Ni Roméos, ni Juliettes ?». Peut-être avez-vous assisté à l'une de ces soirées...
La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée !
Mme Lydia Schneider Hausser. ...et cette quinzaine continue encore aujourd'hui dans le quartier entre les habitants et les professionnels.
Je crois que les professionnels de l'éducation travaillent sur ce sujet depuis longtemps en termes de prévention et d'accompagnement, et il est juste de dire que les réductions imposées actuellement à la fonction publique et aux associations entraînent également des diminutions de ces moyens de prévention.
La présidente. Vous êtes au terme de votre temps de parole, je suis désolée !
Mme Lydia Schneider Hausser. Je voulais juste terminer en disant que l'on ne résout pas les abus par les abus, et que le plus important est d'apprendre à tous les enfants à d'abord parler d'amour. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle quand même que les groupes disposent de trois minutes pour s'exprimer !
M. Michel Forni (PDC). De nombreuses choses ont été dites ce soir et je crois que nous sommes tous d'accord. L'abus sexuel est aussi un mal social qui, dans l'intérêt de tous les enfants, doit être traité sur le plan sociojudiciaire et ne peut plus rester un sujet tabou.
Le thème de l'adolescent, du mineur abuseur d'enfants, choque, et ce fait est bien démontré par l'auteur de cette proposition de motion. Il appelle aussi à une condamnation, mais heureusement des mesures sont déjà prises.
Il y a cependant une opposition totale entre une logique de droit, celle de l'incivilité et celle derrière laquelle se cache l'abusant mineur. Comme vous le savez, les travaux récents ont bien décrit les deux types de personnages qui peuvent intervenir. Mais heureusement, comme cela a été relevé ce soir, des moyens thérapeutiques existent, et souvenez-vous qu'il y a un mouvement multidisciplinaire qui regroupe des pédiatres, des pédopsychiatres, des associations et des psychologues. Cela existe à Genève depuis plusieurs dizaines d'années, alors ce que l'on peut faire, c'est éventuellement optimiser et développer, mais il ne faut rien changer.
En ce qui concerne les invites de cette proposition de motion, qu'elles passent par une prévention au niveau scolaire, par une information aux parents, qu'elles se fassent au niveau du cycle ou de l'école, elles ont un calendrier, je vous le rappelle, qui est fixé pour la rentrée 2008, et il est évident que cela n'est pas réaliste.
Dans ces conditions, je pense qu'il faut tabler sur ce qui fonctionne déjà, sur ce qui peut être encore amélioré et, surtout, Madame la présidente, nous avons l'obligation de ne pas survoler ce thème en quelques minutes ce soir et de déboucher non pas sur un débat politique, mais sur des solutions qui peuvent apporter des remèdes à ce problème. C'est la raison pour laquelle le PDC vous propose de refuser d'entrer en matière sur ce type de proposition de motion car, vous l'avez compris, ses thèmes requièrent une analyse profonde et prudente, qui ne transparaît pas dans ce texte.
M. Antoine Bertschy (UDC). J'ai entendu précédemment l'expression «cri du coeur». Effectivement, cette proposition de motion en est un, mais parfois les cris sont un petit peu excessifs. En l'occurrence, lorsque je lis dans l'exposé des motifs, à la page 4, que sur 100% d'adultes, 90% sont des abuseurs, j'ai quand même quelque peine à croire à un tel chiffre. A mon sens, les proportions doivent être inversées, et encore, ce serait un chiffre terrible.
En outre, ce cri du coeur va beaucoup trop loin puisque, dans les invites, on peut lire qu'il faut faire prendre conscience aux parents qu'il existe des risques que leurs enfants soient des abuseurs et que n'importe quel camarade pourrait abuser d'un enfant. J'ai l'impression que cette proposition de motion essaie de créer une certaine paranoïa, et ce n'est pas le but.
En revanche, j'aimerais évoquer l'amendement qu'a déposé Mme Borgeaud sur sa proposition de motion, qui est à mon avis intéressant, parce qu'il va dans le sens de l'instruction et de l'information. Le groupe UDC l'invite donc, tout comme nos collègues libéraux, à retirer son texte et à le retravailler sur la base de son amendement.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Borgeaud: vous avez une minute, Madame !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais juste vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, qu'a eu lieu le 4 décembre 2007 une conférence à l'hôpital, à laquelle je n'ai aperçu aucun d'entre vous. Or, si l'un de vous y avait assisté, il aurait pu témoigner que ce n'est pas moi qui ai inventé les chiffres qui figurent dans cette proposition de motion, mais qu'ils ont été donnés par un professeur reconnu depuis trente ans. Ce n'est pas mon genre d'inventer des trucs pareils !
Concernant la réalité, il vaut mieux, en effet, mener la politique de l'autruche et rester la tête dans le sable que de prévenir... Moi, ce que je vous demande, ce n'est pas de la répression, mais de la prévention ! Je vous demande que cela cesse ! Je vous demande d'arrêter d'accepter ces ignominies, parce que je suis certaine que la plupart d'entre vous, si c'était l'enfant de votre propre chair qui était violé, vous n'iriez pas vers un juge, mais plutôt vers le violeur pour lui mettre une balle dans la tête avec un flingue !
J'aimerais que l'on soit cohérent ! Lorsqu'on demande de faire de la prévention et que j'entends, à propos de l'amendement que j'ai déposé sur ma propre proposition de motion, que ce livre est fantastique... Mais il y a des enfants qui commencent entre 6 et 8 ans ! Alors je suis désolée, mais au cycle d'orientation c'est déjà trop tard ! J'en reparlerai donc lorsque mon amendement sera déposé.
La présidente. Non, Madame la députée, vous avez épuisé votre temps de parole ! (Commentaires de Mme Sandra Borgeaud.) Madame la députée, c'est moi qui préside, je vous l'ai déjà dit ! Vous n'avez pas à me faire la morale.
M. Claude Jeanneret (MCG). Mesdames et Messieurs, chers collègues, je crois que le débat a quelque peu dérapé, car il y a certaines choses dont on doit se rendre compte. Je sais que nombre de mes collègues vivent dans un hémisphère protégé et qu'il est très agréable de se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes, mais j'aimerais relever que les éducateurs font un effort pour rendre les jeunes attentifs à certains dangers.
Dans l'histoire, on a vécu à Genève une jeunesse où il y avait certes aussi des abus; mais ce qu'on appelle les tournantes ou la violence telle qu'on la vit maintenant, je ne crois pas que cela ait jamais existé auparavant et je suis navré de devoir dire à cet hémicycle que c'est actuellement la réalité.
Alors ne nous satisfaisons pas de ce qui se fait, ne disons pas tous les jours que tout va bien puisqu'on a des spécialistes à droite et à gauche ! Et quels sont les résultats ?! Il n'y en a pas.
Peut-être que la proposition de motion qui est présentée comporte des excès, mais ce qui me gêne le plus, c'est que vous disiez: «Non, tout va très bien, on fait tout ce qu'il faut.» Pour ma part, je ne pense pas qu'on fasse tout ce qu'il faut, je crois qu'il y a encore beaucoup trop d'éléments qui sont ignorés ou qui ne sont pas pris au sérieux. Il me semble que le plus sage aujourd'hui est de renvoyer cette proposition de motion à la commission de l'enseignement et de l'éducation, afin que l'on puisse l'étudier, la modifier et suggérer des choses concrètes. Ce soir, je suis un peu frustré de voir que l'ensemble de cet hémicycle considère que tout cela n'est pas grave. Je suis navré de vous le dire: c'est très grave et on ne peut pas laisser traîner les choses !
Une voix. Bravo !
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. S'il y a un point qui fait l'unanimité, c'est la volonté de chacune et chacun de lutter contre les violences sexuelles à l'encontre des mineurs. On peut effectivement difficilement imaginer pire crime, pire atteinte à la personne que le crime sexuel, en dehors du crime ou du meurtre tout court. Nous sommes entièrement d'accord sur ce point et cela nous interpelle lors de nos travaux parlementaires.
Cela dit, nous avons effectivement un travail important, qui est celui de l'organisation de l'Etat, de l'organisation du dispositif, et nous devons nous demander s'il est adéquat ou non pour relever le défi que nous constatons, à savoir une augmentation de certains risques directement liés aux abus sexuels. Celle-ci n'est pas le fait de l'école ou d'un défaut de surveillance, mais - il faut le dire - d'un accès extrêmement facilité par un certain nombre de médias banalisant totalement la question de la sexualité.
Par rapport à cela, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite que nous ayons le maximum de rationalité et de pragmatisme.
J'aimerais faire référence, si vous me le permettez - et je relève la qualité de ce travail - à la question écrite 3611 que nous avait posée Mme la députée Captyn au sujet des abus sexuels contre les mineurs. Le Conseil d'Etat n'a en aucun cas prononcé le moindre cri pour dire: «Nous maîtrisons la situation, il n'y a pas de danger ni de problèmes.» Nous avons pris dix pages afin d'évoquer la complexité du dispositif, parce qu'il faut agir dans tous les domaines: cela concerne l'école, les psychologues et les infirmières scolaires, bien sûr, mais également les parents - vous l'avez relevé - la police, les hôpitaux, les médecins de ville et, enfin, les juges pour enfants et les juges au Tribunal de la jeunesse.
Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, avant de surenchérir en demandant davantage au Conseil d'Etat, j'aimerais que, s'il y a des critiques du dispositif - et je peux le comprendre - on nous interroge sur la réponse que le Conseil d'Etat a fournie à votre Conseil. Si nous avons pris la peine de vous répondre, c'est pour vous indiquer la manière dont nous agissons, non pas pour entendre que nous ne faisons rien et qu'il faudrait réinventer la roue. Cette volonté est certes noble, mais elle est insuffisante en l'état, si l'on ne prend pas la peine de s'intéresser aux dispositifs mis en place.
Mesdames et Messieurs les députés, encore une fois, je comprends que, suite à la réponse à la question écrite 3611 de Mme Captyn, il puisse subsister des interrogations, mais je vous propose, si l'on entend poursuivre nos travaux, de prendre la peine d'analyser les réponses, d'examiner les dispositifs et de dire en quoi ils sont défaillants ou quelles sont vos suggestions, et non pas simplement d'omettre le travail précédent.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord voter sur le renvoi de cette proposition de motion en commission, tel qu'il a été demandé tout à l'heure.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1805 à la commission de l'enseignement et de l'éducation est rejeté par 65 non contre 6 oui.
La présidente. Nous allons nous prononcer sur l'amendement déposé par Mme Borgeaud, qui consiste en une cinquième invite, dont je vous lis la teneur: «à rééditer le livre "Emoi... Et toi ? Tu peux, si je veux !" par le SSJ et Buche.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 7 oui et 12 abstentions.
La présidente. Pour terminer, nous votons sur le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de motion 1805 est rejetée par 62 non contre 6 oui et 2 abstentions.