République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mai 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 8e session - 43e séance
PL 10172-A
Premier débat
La présidente. L'urgence a été demandée par le Conseil d'Etat. La rapporteure est Mme Janine Hagmann, que je prie de prendre place à la table des rapporteurs. Madame la rapporteure, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ? (Brouhaha.) Je vous donne la parole.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Je voulais juste attendre un peu de silence, Madame la présidente. Pour une fois que nous parlons formation, autant le faire dans de bonnes conditions ! (Brouhaha.)
La présidente. Vous avez tout à fait raison, Madame la rapporteure. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, il y a trop de bruit... Je vous demande de faire silence et vous rappelle qu'à 22h30 nous avons encore un huis clos concernant des naturalisations, donc...
Mme Janine Hagmann. On peut changer de sujet. Je vous remercie, Madame la présidente. Vous savez combien j'ai toujours plaisir à vous parler des HES - les Hautes écoles spécialisées. Chacun a ses chouchous !
En l'occurrence, après des hauts et des bas, le domaine «Musique» entre dans la grande famille des HES. La HES-SO Genève est heureuse d'accueillir une septième école de niveau HES en son sein. Genève est évidemment fière d'avoir obtenu la reconnaissance de la Confédération pour les filières professionnelles, et du Conservatoire de musique de Genève et pour la filière professionnelle de l'Institut Jaques-Dalcroze. Je tiens à souligner entre parenthèses que l'Institut Jaques-Dalcroze et le Conservatoire n'offriront désormais que des filières non professionnelles, alors que la nouvelle école, la Haute école de musique - HEM - ne proposera que des formations musicales professionnelles.
La date butoir pour la mise en oeuvre de ce changement, c'est le 1er janvier 2009. Si vous votez cette loi ce soir, ce que j'espère, le département de l'instruction publique pourra préparer les changements importants qui sont induits par cette loi, tant pour le personnel qu'en termes de structures.
Certains le savent, mais j'aimerais souligner ici combien il est difficile de mettre en place ce qui doit aboutir à une formation exigeante et excellente, une formation des métiers reconnue par l'Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie - OFFT - et dans laquelle chaque canton retrouve la qualité des diplômes proposées à ses étudiants.
Les membres de la commission intercantonale qui m'accompagnent à Lausanne savent que pour faire aboutir une idée généreuse comme celle des HES, il faut beaucoup de concertations, beaucoup de discussions et pas trop de cantonalisme !
Le département de l'instruction publique va vous présenter deux amendements qui n'ont pas pu être traités en commission, car ils dépendaient d'une décision du canton de Neuchâtel, décision intervenue entre le moment où la commission a traité cette loi et ce soir. (Brouhaha.) Sachez toutefois que la commission s'est brièvement réunie ce soir à 19h et a accepté à l'unanimité les amendements que le département de l'instruction publique va vous soumettre.
J'aimerais aussi que vous sachiez que les deux écoles genevoises concernées ont exprimé leur satisfaction sans aucune restriction. Genève a la chance d'avoir, entre autres, deux écoles d'une qualité exceptionnelle. L'Institut Jaques-Dalcroze est reconnu loin à la ronde. D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de vous raconter une anecdote ! Il y a quelques années, nous avions déjà débattu de Jaques-Dalcroze ici et notre ancienne présidente, Mme Christine Sayegh, toujours active à Jaques-Dalcroze, avait fait le pari avec moi que nous arriverions à parler de «Nix Nax Nox», le fameux spectacle commémoratif de l'Institut Jaques-Dalcroze. Cette évocation nous a liées au point que chaque fois que nous nous rencontrons, nous parlons de Jaques-Dalcroze et de son «Nix Nax Nox». Quant au Conservatoire de musique de la place-Neuve, le grand conservatoire, tout le monde reconnaît la qualité de ses diplômes.
C'est pourquoi, afin que cette nouvelle école de musique puisse entrer en fonction d'une façon optimale dès le 1er janvier prochain, je vous recommande d'accepter ce projet de loi, comme la commission l'a fait à l'unanimité. Et je demanderai ensuite au département de l'instruction publique de nous présenter les amendements intervenus entre les travaux de la commission et ce soir.
Mme Virginie Keller (S). On devait normalement examiner ce projet de loi lors des extraits, il me semble. Deux amendements sont présentés ce soir à la dernière minute, ce qui a pour conséquence qu'on peut dire quelques mots sur ce projet de loi, ce n'est finalement pas plus mal.
Evidemment, le groupe socialiste a voté ce projet de loi, comme la commission de l'enseignement supérieur, à l'unanimité. Il a salué la création de la Haute école de musique de Genève. C'est un pas très important, du point de vue de la reconnaissance des diplômes genevois et de la qualité de l'enseignement de la musique à Genève. Nous sommes évidemment très fiers de cela.
Ce changement n'est pas anodin pour les institutions, comme l'a dit Mme Hagmann. Cela signifie pour ces deux écoles qu'elles vont devoir scinder l'enseignement de base et l'enseignement professionnel. C'est une énorme réforme: cinq années de transition seront nécessaires pour que les enseignants passent d'un statut à l'autre et qu'ils puissent être au clair en ce qui concerne leurs taux d'activité, etc. Ce sera donc un sacré bouleversement.
C'est l'occasion de dire quelques mots sur une réforme attendue, celle de l'enseignement musical de base. Si l'on veut des écoles professionnelles de qualité, dans lesquelles arrivent des enfants et des jeunes qui soient bien formés, cela nécessitera aussi une réforme de l'enseignement musical de base.
L'autre avantage pour Genève, avec cette Haute école de musique, c'est que cette création entraînera une augmentation des subventions fédérales. On peut déjà s'en rendre compte dans les scénarios de budgets des prochaines années. Et le souhait que les socialistes aimeraient formuler ce soir au sein de ce Grand Conseil, c'est que les quelques millions de francs obtenus de la Confédération ne servent pas de prétexte au canton pour faire des économies sur le dos de la musique. Pour que le Conseil d'Etat puisse mener à bien la réforme de l'enseignement musical de base, il nous semble très important que les millions de francs économisés d'un côté par le canton puissent être réinjectés de l'autre. Parce que si l'objectif de la réforme de l'enseignement de base est bien de diversifier l'enseignement, elle a également pour but d'améliorer l'accès à l'enseignement de la musique et sa démocratisation. Voilà donc notre souhait et nous espérons que le Grand Conseil s'en souviendra lorsqu'il discutera, en commission de l'enseignement, du projet de réforme de l'enseignement de base.
Nous sommes très heureux de fêter la naissance de cette Haute école de musique et nous voterons évidemment le projet de loi et les amendements proposés.
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, parfois l'on confond vitesse et précipitation. Et dans l'examen de ce projet de loi qui nous a été présenté comme urgent - il l'est - peut-être aurions-nous dû davantage écouter certaines voix qui souhaitaient des auditions supplémentaires, notamment s'agissant de l'Institut Jaques-Dalcroze.
Je voudrais simplement dire ici que nous aurions à cet égard pu, par exemple, présenter un amendement pour faire en sorte de pérenniser le nom de cet illustre compositeur genevois dans le nom même de la HEM: «Haute école de musique - Conservatoire de Genève Jaques-Dalcroze». On nous a expliqué que ce n'était pas possible pour des raisons d'harmonisation formelle. L'explication était probablement convaincante pour la majorité; celle-ci s'en est en tout cas convaincue. Certains ont peut-être aujourd'hui encore des doutes. Je tiens simplement à dire qu'au regard de l'histoire de la musique à Genève, au regard de cette personnalité, il est parfois dommage que les règles bureaucratiques empêchent une personnalisation des institutions. Au fond, c'est aussi un manque de respect à l'égard de ces institutions. De plus, pour cette haute école de musique, en termes de marketing, de recherche de marchés et d'attractivité pour de futurs étudiants, la disparition de ce nom est un préjudice que nous avons d'une certaine façon accepté.
Les choses sont ainsi ! Peut-être qu'un jour la réinterprétation de la législation fédérale par les bureaucrates et la volonté des politiques réussiront-elles à faire en sorte que l'on puisse procéder à cette personnalisation des noms des institutions. Après tout, qui sait, peut-être y aura-t-il d'autres compositeurs auxquels nous pourrons ainsi rendre hommage ?
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est redemandée par Mme Virginie Keller.
Mme Virginie Keller (S). Juste une remarque, Madame la présidente, parce que M. Weiss a évoqué cet aspect. Nous avons effectivement été quelques-uns au sein de la commission à nous inquiéter de la disparition du nom de l'Institut Jaques-Dalcroze. Nous nous sommes également inquiétés du fait que les statuts de la fondation créée pour gérer la haute école ne prévoient pas un siège pour un représentant de l'Institut Jaques-Dalcroze, alors qu'il y a un siège pour un représentant du Conservatoire, entre autres.
On nous a expliqué qu'on pourrait faire en sorte qu'un des enseignants qui siégera dans cette fondation provienne de l'Institut Jaques-Dalcroze. Nous espérons que cela sera le cas. La commission n'avait malheureusement pas la compétence pour s'ingérer dans la rédaction des statuts de la fondation.
Nous, commissaires socialistes, avons néanmoins exprimé nos regrets à ce sujet et nous espérons que lorsque la fondation sera instituée, on pourra laisser une bonne place à l'Institut Jaques-Dalcroze et faire en sorte que ce nom apparaisse clairement dans le programme de la Haute école de musique, en reconnaissance de tout ce que cette école a apporté à Genève, comme l'a très bien dit M. Weiss.
La présidente. Merci, Madame la députée. La parole n'étant plus demandée, je fais voter la prise en considération du projet de loi 10172.
Mis aux voix, le projet de loi 10172 est adopté en premier débat par 53 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que le 11e considérant (nouveau) et les articles 1A, lettre d (nouvelle) à 20A (nouveau).
La présidente. A l'article 20B, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat. Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite évoquer rapidement ce qui n'est pas un rebondissement ou un événement qui serait survenu de manière totalement imprévue. Tout simplement, le décalage entre les travaux de la HES-SO et ceux de la commission de l'enseignement supérieur n'ont pas permis de produire à temps l'amendement escompté.
Avec cet amendement, il s'agit de créer une base légale permettant une collaboration pour une reprise du Conservatoire de musique neuchâtelois - en effet, cette collaboration s'effectue avec le canton de Neuchâtel. Donc, ce que nous demandons, ce n'est pas d'imposer une restriction au canton de Neuchâtel, mais bien de permettre, cas échéant, l'exploitation d'un conservatoire dans un autre canton, puisqu'il s'agira d'un «site de formation HEM» au sens de l'alinéa 3 nouveau que je vous propose ici. Je reprendrai la parole sur le fond même lors du troisième débat.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer alinéa par alinéa sur l'article 20B, But de la fondation (nouveau).
Mis aux voix, l'alinéa 1 de l'article 20B est adopté par 62 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'alinéa 2 de l'article 20B est adopté par 63 oui et 1 abstention.
La présidente. Voici l'amendement proposé par le Conseil d'Etat, soit un alinéa 3 (nouveau): «Elle peut exploiter un site de formation HEM dans un autre canton de la HES-SO. Dans ce cas, le Conseil d'Etat fixe les conditions d'exploitations spécifiques, en liaison avec le canton du site.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 20B ainsi amendé est adopté par 65 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 20C (nouveau) est adopté, de même que l'article 20D (nouveau).
La présidente. A l'article 20E, Approbation de statuts (nouveau), nous sommes saisis d'un amendement concernant la composition du conseil de fondation de la HEM, telle que mentionnée aux pages 17 et 18 du rapport. Le Conseil d'Etat nous propose un nouvel alinéa 4 à l'article 5 des statuts de la fondation de la HEM-CSMG. Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. A l'article 5 des statuts, je propose l'ajout d'un nouvel alinéa 4 qui permette d'intégrer dans le conseil de fondation de la HEM un représentant des écoles en question, les sites de formation des autres cantons. Il s'agit d'une modification statutaire concrétisant l'amendement que vous venez de voter.
La présidente. Je lis cet amendement: «En cas d'exploitation d'un site de formation HEM dans un autre canton de la HES-SO, le conseil intègre en plus un représentant de ce canton, désigné par celui-ci, en tant que membre ordinaire.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 63 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 20E (nouveau) ainsi amendé est adopté par 61 oui (unanimité des votants).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je ne souhaite pas utiliser trop de temps parce que je sais que les minutes sont comptées. Je souhaite toutefois accorder l'importance qu'il y a lieu de consacrer à un débat comme celui du développement des HES par la concrétisation des hautes écoles de musique.
Je souhaite d'abord rendre un vibrant hommage à l'ensemble des acteurs des deux institutions concernées, à savoir l'Institut Jaques-Dalcroze et le Conservatoire de musique de Genève. En effet, ces deux institutions vivent aujourd'hui une situation qui est très difficile à vivre, très douloureuse en termes de réorganisation. Ces deux entités se trouvent en effet partagées en deux dans le présent projet de loi: partagées d'une part entre la partie scolaire de l'enseignement musical de base et préprofessionnel et, d'autre part, la partie professionnelle, la Haute école de musique.
Le Conservatoire de musique de Genève ne sera donc plus ce qu'il était; l'institut Jaques-Dalcroze, qui continue à exister, ne sera plus ce qu'il était. Les parties de l'enseignement supérieur de chacune des deux entités se trouvent ainsi réunies en une partie: une Haute école de musique et un Conservatoire supérieur de musique. C'est une grande page de l'histoire de Genève qui s'écrit aujourd'hui, page sur laquelle s'inscrit l'adieu à un patrimoine tout de même important sur le plan institutionnel. Et au moment de voter une nouvelle loi, je crois qu'il faut en avoir conscience.
J'aimerais remercier l'ensemble des acteurs de cette réorganisation, très profonde parce qu'elle va dans deux sens différents. Elle va ici dans le sens de la professionnalisation, avec la création de la Haute école de musique. Elle va dans le sens d'une étatisation, il faut bien le dire, puisque la HES est dotée de statuts de droit public. En même temps, cette réorganisation va dans le sens d'une libéralisation - si j'ose employer ce terme - de l'enseignement musical de base dispensé par l'Institut Jaques-Dalcroze, mais également par le Conservatoire de musique de Genève, le Conservatoire populaire de musique et encore les autres écoles qui sont concernées.
Donc non seulement il y a partition, réorganisation, fusion, mais également, dans des sens contraires, l'étatisation pour une part et pour l'autre part la libéralisation. Ce sont très exactement les volontés qui se sont dégagées de nos travaux et des décisions populaires, notamment lorsqu'il s'est agi de proposer un contreprojet à l'initiative 106, au moment de concrétiser la HES.
J'aimerais ensuite, si vous me le permettez, évoquer la douloureuse page qu'a constituée la création de la Haute école de musique pour certains cantons. Puisque si Genève pouvait s'enorgueillir d'avoir à la fois deux écoles qui répondaient aux critères qualitatifs requis pour devenir des HES, tel n'a pas été le cas de trois autres cantons dont les conservatoires n'ont pas été reconnus. Les travaux ont donc été entamés d'abord au sein de la CDIP - Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique - puis au sein de la HES de Suisse occidentale, au sein du comité stratégique, pour trouver une solution politique qui permette d'éviter la fermeture de ces conservatoires, à Neuchâtel, à Fribourg et dans le canton du Valais.
Aujourd'hui, Genève a donc décidé, par la volonté du Conseil d'Etat et par celle du Conseil d'Etat neuchâtelois, de consacrer une collaboration dont les conséquences seront, bien entendu, présentées dans le détail à la commission de l'enseignement supérieur. J'en prends l'engagement du point de vue de la philosophie et de la concertation qui a animé nos travaux tout au long de ces séances.
J'aimerais terminer en remerciant la commission, son président notamment, puisque nous avons mené nos travaux avec l'efficacité nécessaire. J'aimerais aussi remercier Mme la rapporteure pour son travail important qui nous permet de nous prononcer en toute fiabilité sur une décision qui a une portée historique et qui, à travers ses déclarations, vos déclarations, nous a montré qu'il est toujours douloureux de tourner une page de l'histoire, même lorsqu'il s'agit d'en écrire une plus glorieuse ! (Applaudissements.)
Troisième débat
La loi 10172 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10172 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui et 9 abstentions.