République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mai 2008 à 17h
56e législature - 3e année - 8e session - 42e séance
RD 737
Débat
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur. J'ai l'honneur de présenter le rapport d'activité annuel de la commission de contrôle de gestion RD 737. J'aimerais rappeler que la commission de contrôle de gestion - CCG - a pour tâche principale d'assurer la haute surveillance parlementaire sur la gestion du Conseil d'Etat et sur l'activité de l'administration, tant de manière centralisée et transversale que dans chacun de ses départements. La commission examine en outre tous les rapports ICF dans les sous-commissions, les rapports de la CEPP - commission externe d'évaluation des politiques publiques - ainsi que le rapport de gestion du Conseil d'Etat, et elle prend connaissance des audits et des évaluations dans les départements.
La CCG travaille de façon transversale, je vous l'ai dit, mais elle fonctionne également par sous-commissions de deux personnes - il en existe une par département - chargées de contrôler la bonne marche de chacun des sept départements du Conseil d'Etat. Des sous-commissions dites thématiques ont également été instituées: pour le système informatique de l'enseignement et de la formation, par exemple, on a créé une sous-commission ad hoc, réunissant la sous-commission du DIP et celle du DCTI. On a également constitué une sous-commission qui s'est réunie quelques fois pour traiter de la question des différents types de contrôle, avec l'entrée en vigueur de la Cour des comptes.
La CCG est une commission jeune. Elle n'a en effet que huit ans d'existence. Pourtant, il y a plus de vingt ans que l'on s'interroge sur les réformes à mettre en place à l'Etat de Genève. Et il y a moins de dix ans de cela, en 2004, le projet GE-Pilote a vu le jour. Cela fait donc un certain nombre d'années que les députés ont décidé de se lancer dans la plus grande réforme que l'Etat ait jamais connue, et je pèse mes mots. C'est une réforme administrative, certes, mais c'est également une véritable révolution culturelle qui est en route. Et l'enjeu est considérable.
La commission de contrôle de gestion a étudié de manière transversale l'ensemble des projets et des réformes que le Conseil d'Etat a décidé de mettre en place, notamment depuis l'inflexion donnée par le discours de Saint-Pierre il y a deux ans. Cela signifie la suite du projet GE-Pilote et son éclatement dans différents autres projets; la mise en place du système de contrôle interne dans l'administration dès le 1er janvier 2007; la réforme de tout l'édifice d'audit interne et externe, depuis l'élection de la toute nouvelle Cour des comptes, entrée en fonction le 1er janvier 2007 également; les plans P1, P2 et P+ annoncés par le Conseil d'Etat dans le discours de Saint-Pierre, c'est-à-dire les 122 mesures de rationalisation de l'administration visant à en améliorer l'efficacité; le passage au budget par prestation pour 2009; la mise en oeuvre des normes comptables IPSAS; l'entrée en vigueur, au 1er janvier 2006, de la nouvelle loi sur les indemnités et aides financières - la LIAF - et donc toute la question des subventions et des contrats de prestations; l'entrée en vigueur du nouveau revenu déterminant unifié - le RDU - également le 1er janvier 2007 et, enfin, la réforme en profondeur de la gestion des ressources humaines.
En commission plénière, nous avons auditionné plusieurs fois l'ensemble du Conseil d'Etat et chacun des départements à tour de rôle, pour savoir comment marchaient ces réformes transversales. Nous avons également travaillé sur la politique des ressources humaines, je l'ai dit, les caisses de pension, les offices des poursuites et des faillites, l'université - qui était l'un des sujets phares de cette année, que j'ai eu l'honneur de présider - et sur l'organisation de l'Hospice général, d'Orgexpo, etc.
Les thèmes fondamentaux sur lesquels nous avons travaillé et qui ont souvent fait la une des journaux ont été les dysfonctionnements de l'Université, les investissements informatiques et les Mouettes genevoises. Parmi tous ces projets de réforme, l'un a retenu spécifiquement notre attention, celui de l'entrée en fonction de la Cour des comptes, plus la nécessité de mettre en oeuvre aujourd'hui un système de contrôle qui prenne en compte et réunisse, du contrôle interne à la Cour des comptes, en passant par l'ICF, l'ensemble des systèmes de contrôle prévus par l'Etat.
D'autre part, la commission de contrôle de gestion a également mis en place un contact régulier avec la commission des finances, afin de s'assurer que le même discours était tenu aux deux commissions par le Conseil d'Etat.
Je reviendrai au cours du débat sur les conclusions et les recommandations, mais, en conclusion principale, après deux années d'exercice du pouvoir - c'était l'objet de ce rapport, nous en sommes un peu plus loin aujourd'hui - le Conseil d'Etat convainc toujours la majorité de la commission de sa volonté de mettre en oeuvre le programme de législature dans la plupart des dossiers structurels fondamentaux, pour la pérennité à la fois des services publics et des finances publiques. Elle est par ailleurs bien consciente que le programme est lourd, notamment pour les hauts fonctionnaires chargés de mettre en oeuvre les politiques.
Ce n'est pourtant pas un satisfecit que la commission délivre ici au Conseil d'Etat. L'ensemble des commissaires, en plénière et en sous-commission, tient également à mettre en évidence les erreurs, les manquements et les fautes commises par certains conseillers d'Etat dans l'exercice de leurs responsabilités politiques. La commission s'est particulièrement alarmée des décisions illégales, c'est-à-dire littéralement contraires aux lois votées par notre parlement, et il y en a eu plusieurs. La première a consisté, je l'ai relevé lors de la dernière session du Grand Conseil, a consisté en la... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Excusez-moi, Monsieur le député, mais il y a trop de bruit. Aux personnes qui ont des choses très intéressantes à se dire je conseille d'aller discuter ailleurs, afin que nous puissions écouter M. Rossiaud dans un plus grand silence. Merci !
M. Jean Rossiaud. Je vous remercie, Madame la présidente. A titre d'exemple, j'aimerais mentionner trois illégalités commises par le Conseil d'Etat. La première a été le démantèlement des centres d'action sociale et de santé - CASS. J'aimerais cependant relever que M. Unger, lors de la dernière session du Grand Conseil, a fait amende honorable à propos de sa manière de travailler sur ce dossier; il n'en reste pas moins que les CASS sont aujourd'hui démantelés, alors que le Grand Conseil n'a toujours pas eu la possibilité de débattre de l'opportunité ou non d'agir ainsi...
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous arrivez au terme du temps dont vous disposiez. Mais rassurez-vous, vous pourrez reprendre la parole plus tard ! Vous êtes soumis à la règle des sept minutes, comme tout le monde, mais vous avez le droit à trois prises de parole et pourrez donc vous exprimer à nouveau. Par conséquent, je dois vous demander de conclure pour le moment !
M. Jean Rossiaud. Je vais conclure sur ces trois points. Le deuxième, c'est la suppression de facto des études d'architecture et d'urbanisme à l'Université de Genève, alors que l'Institut d'architecture figure encore dans la loi sur l'université, puisque celle-ci n'a toujours pas été amendée, bien que l'institut n'existe plus dans les faits.
La non-nomination, dans un délai raisonnable, par le Conseil d'Etat d'un directeur à l'ICF a également grandement irrité la commission de contrôle de gestion. En effet, le directeur de l'ICF est aujourd'hui nommé, et l'on s'en félicite, mais il a fallu plusieurs mois et de nombreux courriers de la commission pour que le Conseil d'Etat remplisse ses obligations.
M. Francis Walpen (L). J'aimerais simplement faire quelques commentaires après l'examen de ce travail de bénédictin accompli par notre président et notre aide bénévole.
D'abord, une remarque technique. A la première page de ce rapport, il est écrit que: «Le présent rapport [...] décrit l'ensemble des sujets traités au cours de cette première année de législature.» C'est un lapsus de plume, car il s'agit en fait de la deuxième année de législature, la première ayant été conduite sous la présidence de M. Slatkine.
Deuxièmement, même s'il l'a fait de façon tout à fait honnête et remarquable, le président a tenu à ajouter à son rapport une nouveauté consistant en un préambule qui occupe les pages 8 et 9 du rapport. Ce préambule est une réflexion qu'il fait à titre tout à fait personnel et en tant que député Vert. Simplement, que les choses soient claires !
Pour le reste, je voudrais souligner surtout un point qui nous a occupés et qui va encore le faire, celui de la réforme de l'Etat et du suivi des projets transversaux, mais spécialement sous l'angle du travail des hauts cadres. En effet, les députés ont une fois ou l'autre marqué un agacement certain devant les réponses obtenues soit de la part du Conseil d'Etat, soit de la part de hauts cadres, agacement dû d'abord à des non-réponses, puis à des réponses trop vagues ou parvenues trop tardivement. Ce dernier est arrivé à son apogée lorsque la commission a eu le sentiment que des hauts cadres, fussent-ils secrétaires généraux, étaient muselés alors que nous voulions les écouter.
Concernant les hauts cadres, j'ai moi-même souvent pris la parole et suis intervenu pour dire: «Attention ! Lorsque nous obtenons des noms, ce sont toujours les mêmes.» Parallèlement, nous apprenons que la rotation des hauts cadres, dans certains départements du moins, prend des allures tout à fait tragiques. Et c'est un point sur lequel nous n'avons pas l'intention de céder. En effet, les hauts cadres sont les artisans et les chevilles ouvrières de cette réforme de l'Etat et de ces projets transversaux, et si nous ne travaillons pas avec eux, si nous ne les soutenons pas, nous allons droit dans le mur.
Je voudrais quand même terminer sur une note positive: lorsqu'un cadre du département des finances est venu à nos auditions concernant le suivi des mesures P1 et P2 et nous a apporté des tableaux parfaitement à jour et des réponses tout à fait claires sur chacune des mesures, nous avons été tout à fait satisfaits et ne l'avons pas du tout attaqué de notre acrimonie ou de notre agacement. Comme quoi la CCG sait aussi travailler avec mesure !
Je ne dirai pas en conclusion notre satisfecit et vous invite simplement à prendre acte de ce rapport.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous avez tous lu attentivement ce rapport, vous avez pu constater la quantité de sujets que nous avons abordés durant toute cette année. J'aimerais quant à moi insister sur quelques points qui me semblent essentiels.
D'abord, ce n'est pas une commission comme les autres. Nous cherchons toujours à travailler sur un consensus et menons ensemble des réflexions très intéressantes. Nous nous appliquons à exercer un contrôle démocratique et y mettons beaucoup d'énergie, parfois malgré les limites de notre charge de député de milice, car nous souhaitons appliquer cette haute surveillance avec énormément d'attention.
J'aimerais rappeler quelques éléments clés, dont certains ont d'ailleurs déjà été signalés par M. Walpen. Le premier et, je pense, le plus important, c'est la transversalité. On doit vraiment utiliser et vivre ce terme au sein de l'Etat. L'une des premières mesures qui a été instaurée, c'est la réorganisation du collège des secrétaires généraux, avec la désignation de collèges spécialisés sur des thèmes aussi importants que la logistique, l'informatique, les ressources humaines, les finances et le contrôle interne. Nous suivons avec grande attention cette mise en place, qui est un premier signe de travail transversal au sein de l'Etat.
Nous nous sommes d'ailleurs, nous aussi, intéressés à la transversalité, puisque nous avons travaillé avec la commission des finances et que les deux sous-commissions informatiques - celle de la CCG et celle de la commission des finances - ont collaboré sur différents projets touchant l'informatique, l'aspect financier et des éventuelles pertes financières, et la problématique de la gestion des systèmes d'information. Nous attachons donc nous aussi beaucoup d'importance à la transversalité.
Un autre élément clé est le contrôle interne. La CCG a toujours cherché à ce que ce contrôle soit mis en place, et il y a eu, du reste, plusieurs motions et rappels. A l'heure actuelle, le contrôle interne est en train d'être appliqué, c'est un processus, mais il est en cours.
Cela me fait venir au point suivant, qui est important lui aussi et que nous suivons avec grande attention: l'organisation des organes de contrôle. Depuis le début de cette législature, avec l'instauration de la Cour des comptes, nous suivons avec attention les recoupements éventuels, les possibles dysfonctionnements ou, en tout cas, les mises en oeuvre et ajustements qu'il faut effectuer entre ces différents organes de contrôle. Nous y attachons beaucoup d'importance, mais tout cela est quand même éminemment lié à l'évolution du contrôle interne dans les départements, qui n'est pas encore suffisamment mis en place.
Pour conclure, j'aimerais dire que les dossiers que nous suivons s'inscrivent dans un processus - c'est aussi un terme très important - un processus de changement, que nous appuyons et encourageons.
M. Jacques Follonier (R). En tant qu'actuel président de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais en premier lieu féliciter l'ancien président M. Rossiaud, pour le travail qu'il a accompli. Je peux vous dire qu'en tant que président actuel je me rends compte à quel point le travail qu'il a réalisé est énorme.
La CCG a un immense effort à fournir et est malheureusement très mal comprise par l'ensemble du Conseil d'Etat, et souvent aussi par les députés, pour des raisons techniques, car c'est une commission qui travaille sur des sujets très pointus et de savoir-faire. Et, comme l'ont rappelé certains d'entre vous, elle est peu politisée et cherche à trouver la meilleure façon d'améliorer la gestion de notre canton.
La compréhension peut se faire grâce aux affaires qui ont été soulevées: vous le savez, la crise des OPF, c'est la CCG qui l'a mise en évidence, celle de l'université également, ainsi que celle des Mouettes, sans oublier celle des EMS et, enfin, la probable crise de l'informatique, toutes mises en exergue par la CCG.
Ce que je souhaite, c'est demander au Conseil d'Etat d'être plus attentif encore à la gestion de notre canton. Je sais qu'il y a une amélioration, je le vois depuis que je suis à la tête de la CCG, mais le chemin est long et vous avez encore beaucoup de travail à accomplir.
Pour finir, j'aimerais dire que la commission de contrôle de gestion continuera à veiller à la gestion de notre canton et à celle que le Conseil d'Etat applique, et que nous continuerons à coacher ce dernier pour lui permettre d'atteindre ses objectifs.
M. Michel Forni (PDC). Je vais m'éloigner un peu des aspects techniques qui ont déjà été analysés ce soir, car je voudrais survoler l'opportunité et l'efficacité d'une telle commission.
Freud, en 1937 - il y a donc environ septante ans - disait que gouverner, éduquer mais aussi psychanalyser étaient trois métiers impossibles. Tel n'est pas l'avis d'une commission de contrôle qui a pris à coeur, peu politiquement il est vrai, d'explorer la réalité complexe d'un gouvernement en examinant les dossiers dont on a déjà parlé, transversaux ou spécifiques à chaque département, en veillant également à la cohérence d'un vaste projet d'économies, en donnant à la société civile le sentiment qu'elle est entendue et que les arbitrages sont engagés et, enfin, en encourageant la maîtrise contre les dérives techniciennes peu réformistes, au profit d'une cohérence dans la performance, notamment avec la collaboration de certaines commissions, comme celle des finances.
Certes, il n'y a pas dans cette commission un audimat, mais il y a des rapports d'auditions sans langue de bois, avec parfois des décryptages qui émanent souvent des sous-commissions. D'autre part, par le traitement des rapports qui viennent de l'ICF, de la CEPP et de la Cour des comptes, de véritables foyers d'échanges et des débats chassent le pragmatisme aveugle et privilégient les critères de traçabilité, de transparence, mais aussi parfois de défiance.
L'orientation des réformes engagées par le Conseil d'Etat appelle bien sûr à des changements, qui vont d'une politique redistributive à une politique de concurrence, mais en acceptant aussi très souvent le dialogue social, qui permet la véritable mutation d'une administration et de ses services, éléments qui sont également relevés dans ce rapport.
La structure de gestion pragmatique, mais aussi les régimes juridiques spécifiques et parfois dérogatoires, ainsi que le recentrage sur usager n'ont pas échappé à l'oeil des commissaires de la CCG et de son président. C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à prendre acte de ce rapport, en soulignant l'étude et les analyses approfondies qu'il contient, ainsi que la pertinence de ses réflexions.
M. Jean Rossiaud (Ve), rapporteur. Ce rapport a été conçu comme un document de référence, c'est-à-dire que j'ai repris, pour chacune des réformes de l'Etat, le contenu des textes des deux rapporteurs et présidents précédents, Mme Pürro et M. Slatkine, afin que les députés puissent disposer d'un historique de chacune des réformes. Notre tâche est importante, parce que la mémoire ne doit pas se perdre, afin que nous puissions poursuivre notre travail de contrôle sur des réformes qui vont durer encore de très nombreuses années.
Tout à l'heure, M. Walpen m'a tendu la perche en disant que j'avais demandé s'il était possible - et je pense que cela va être désormais une tradition dans notre commission - de faire un avant-propos, peut-être plus politique que le reste du rapport. J'aimerais donc conclure sur ce point.
Le rapport de la CCG est adopté par consensus et à l'unanimité. Et même si la rédaction d'un tel rapport est un exercice fastidieux, il aborde des questions essentielles, et je pense d'ailleurs que tout député, en fonction des objets qu'il est en train d'étudier, pourrait y faire référence.
A titre personnel et en tant que député Vert, j'aimerais dire à la fois la grande satisfaction mais aussi le malaise que j'ai ressentis à présider cette commission et vous faire part de mon sentiment.
Le développement durable - la durabilité - repose fondamentalement sur la pérennité de l'Etat. Si nous voulons poursuivre les politiques sociales et environnementales qui font partie de la richesse intrinsèque de Genève, nous devons compter sur une administration efficace et efficiente, afin d'éviter le gaspillage des ressources humaines, financières et patrimoniales. Nous voulons également pouvoir tabler sur des comptes équilibrés et ne pas léguer une dette trop importante aux générations futures.
L'ampleur et la complexité des réformes d'Etat telles que présentées par le Conseil d'Etat en font un enjeu principal et central de cette législature, même s'il n'est pas toujours facile de le percevoir lorsque nous sommes pris dans la politique au jour le jour. Il s'agit pourtant d'une véritable réforme culturelle que l'Etat de Genève est en train de vivre et il est judicieux que le parlement, par le biais notamment de notre commission de contrôle de gestion, soutienne d'une manière critique le gouvernement dans ses réformes.
En tant que président, j'ai eu beaucoup de plaisir à traiter de ces thèmes. Toutefois, j'en ai également conçu un certain malaise et une certaine frustration, car j'ai souvent eu le sentiment que, malgré la pertinence et la justesse de nos débats sur les réformes en cours, nous laissions échapper l'essentiel et que la réforme culturelle que nous imposons à marche forcée à l'administration est sans commune mesure avec la révolution culturelle que nous imposerait un contrôle de gestion fondé sur le développement durable et sur la durabilité.
En effet, la question de la durabilité dépasse de loin celle de la lutte contre le gaspillage des ressources financières et humaines, et le contrôle des politiques étatiques ne peut se satisfaire d'un simple contrôle comptable et financier. En outre, la gestion des risques ne peut rester réduite aux risques financiers et de gestion administrative.
Le réchauffement climatique est, de l'avis général, le risque majeur aujourd'hui. Il n'est pourtant jamais pris en compte comme un élément déterminant autour duquel les réformes sectorielles prendraient leur sens, pas plus que la gestion scrupuleuse des ressources énergétiques et environnementales. Alors je me pose la question, Mesdames et Messieurs les députés: ne serions-nous pas en train de confondre le moyen et l'objectif ? Rendre l'administration plus efficace n'est pas une fin en soi, alors que les objectifs que nous poursuivons portent en eux le risque principal, celui d'un développement non durable. Et la question de savoir si nous allons dans le mur, comme il l'a été évoqué tout à l'heure, et d'établir si et comment nous allons changer de direction, et non pas de voir comment y aller de manière plus efficace et plus efficiente, est désormais secondaire, de même que toutes les autres questions.
A quoi peut donc servir la réforme de l'administration, si les grandes orientations politiques ne nous permettent pas de mieux affronter les défis contemporains, d'être mieux à même d'évaluer et de prévenir les risques immédiats et futurs, et de retrouver une certaine imagination politique ? En d'autres termes, les réformes structurelles ont-elles un sens, si elles ne nous permettent pas de libérer l'avenir ?
Pour que cet immense effort ne se résume pas simplement à un exercice gestionnaire et technocratique, il faut donner un sens aux réformes administratives. Au-delà du budget comptable, le déficit environnemental se creuse et la dette environnementale et sociale, c'est-à-dire la dette patrimoniale, ce que nous laisserons aux générations futures, continue également, au-delà des chiffres, à se creuser.
Aujourd'hui, nous avons les moyens de calculer et de contrôler, à l'aide d'indicateurs et de tableaux de bord précis, l'impact environnemental réel de l'activité humaine sur le territoire, et donc l'impact de l'administration publique et des régies autonomes, ainsi que des politiques publiques mises en oeuvre. Maintenant que nous sommes en mesure de calculer l'empreinte écologique ou, plus spécifiquement, le bilan carbone des activités humaines, ne serait-il pas, Mesdames et Messieurs les députés, la mission première d'une commission de contrôle de gestion d'exercer sa haute surveillance sur la durabilité des politiques mises en oeuvre par le Conseil d'Etat ? Ne serait-il pas le moment, Messieurs les conseillers d'Etat, de saisir la question de la durabilité au pied de la lettre ?
Je demande donc que le rapport RD 737 soit renvoyé au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur le rapporteur, ce sont les recommandations figurant aux pages 110 et suivantes de votre rapport qui seront, le cas échéant, renvoyées au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le rapport divers 737 est approuvé et ses recommandations sont renvoyées au Conseil d'Etat par 58 oui (unanimité des votants).