République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1770
Proposition de motion de Mmes et MM. Alain Charbonnier, Alain Etienne, Lydia Schneider Hausser, Brigitte Schneider-Bidaux, Loly Bolay, Laurence Fehlmann Rielle, Françoise Schenk-Gottret, Ariane Wisard-Blum, Christian Brunier pour un moratoire du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée
P 1624-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la pétition pour le maintien du Petit Beaulieu en l'état actuel
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de Mme Laurence Fehlmann Rielle (S)

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous précise que ces deux objets sont en catégorie II. Le Bureau a décidé de vous octroyer six minutes par groupe pour les deux projets, plus six minutes pour les auteurs de la motion 1770 et six minutes, respectivement, pour les rapporteurs de majorité et de minorité de la pétition 1624.

Nous commençons d'abord par le point 23 de l'ordre du jour, c'est-à-dire la proposition de motion 1770. Monsieur Alain Charbonnier, je vous donne la parole.

M. Alain Charbonnier (S). Merci, Madame la présidente. Le Petit Beaulieu, je le rappelle, était - puisqu'il a été fermé le 1er juillet 2007 - le centre d'alcoologie, qui prenait en charge les personnes victimes d'alcoolisme à Genève. Ce centre de soins a été créé en 1991 par un médecin des HUG, le Dr Bernard Krahenbühl, qui disait, parlant de la maladie de l'alcoolisme, je cite: «Bien qu'elle atteigne toutes les couches économiques et sociales de la population, cette maladie est encore souvent stigmatisée et n'est toujours pas acceptée, d'où la nécessité d'une confidentialité absolue.»

Les HUG, dans leur souci de répondre aux directives du Conseil d'Etat de réaliser des économies, ont mis au point un plan intitulé «plan Victoria». Ce plan exige plus d'efficience pour parvenir à économiser environ 30 millions par année, ce qui représente, grosso modo, 150  à 160 postes de travail. Les HUG, en très bons élèves, y sont parvenus puisqu'ils ont atteint ces objectifs.

Pour atteindre ces résultats - c'est l'exemple du Petit Beaulieu - sans toucher aux prestations, il faut être plus efficients. Le centre d'alcoologie a donc été rapatrié en psychiatrie, puisque, auparavant, il était rattaché à la psychiatrie, les personnes souffrant d'alcoolisme étant traitées comme des malades psychiatriques. Or - et la phrase du Dr Krahenbühl le montre bien - la prise en charge de ces personnes a changé ici - à Genève, mais, aussi, dans le canton de Vaud - depuis les années 90. Cela ne date pas de la préhistoire, c'est assez récent ! En effet, les personnes souffrant d'alcoolisme sont prises en charge par des équipes multi-pluridisciplinaires: des psychologues, des assistants sociaux, des infirmières, des médecins. Cela permet de répondre aux besoins personnalisés de chaque malade et d'adapter le traitement à chaque patient en lui prescrivant soit une cure courte, soit une cure longue, même si l'on constate que les cures de longue durée sont moins utilisées que par le passé. C'était aussi le cas au Petit Beaulieu, ce qui fait que les lits à disposition n'étaient pas tous utilisés.

Je le rappelle, le Petit Beaulieu est une magnifique petite maison au début de l'avenue Beau-Séjour, implantée en plein centre-ville. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que ce lieu avait été choisi, c'était pour permettre aux proches, aux familles des personnes souffrant d'alcoolisme qui y séjournaient, de participer aux travaux de thérapie, dont, entre autres, des groupes de soutien, très importants aux yeux de ces patients. Malheureusement et malgré les promesses qui nous ont été faites, ces travaux de thérapie ont quasiment disparu - si ce n'est complètement - depuis le transfert à Belle-Idée en psychiatrie. Un patient m'a indiqué - c'est le dernier écho que j'ai entendu - qu'ils avaient disparu...

On nous avait promis que cette exigence d'efficience ne diminuerait pas les prestations; on se rend compte que ce n'est pas vrai: on le voit aujourd'hui avec ce qui s'est passé avec le Petit Beaulieu !

Et puis, vous - la majorité de droite de ce parlement - vous avez refusé de traiter cette motion en urgence. Elle avait pourtant été déposée le 13 juin 2007 - dans l'urgence, précisément. Mais les HUG, il faut le dire, agissent, dans le cadre du plan Victoria, en donnant peu d'informations - nous le verrons plus tard, lorsque nous traiterons une autre motion que nous avons déposée à ce sujet. Du reste, le directeur de l'hôpital, M. Gruson, a reconnu les erreurs, s'agissant du manque d'informations fournies aux patients en 2007.

Mais cela nous fait un peu sourire, parce que j'ai moi-même déposé une interpellation urgente en décembre 2006, au sujet du Petit Beaulieu: le Conseil d'Etat nous avait alors répondu qu'il ne fallait pas nous faire de souci, que ce n'était pas pour des raisons économiques que cet établissement avait été fermé pendant les fêtes de fin d'année 2006/2007... Nous constatons, en fait, que nos craintes à ce sujet étaient tout à fait justifiées. Nous avions été alertés par des patients et des anciens patients du Petit Beaulieu sur les risques de fermeture de cet établissement, celui-ci est fermé aujourd'hui et cela représente une diminution des prestations.

Nous pourrions, bien sûr, retirer cette motion, mais nous pourrions aussi la renvoyer en commission, pour demander que soit effectué un bilan de la situation une année après. Finalement, nous vous remercions presque d'avoir refusé de traiter cette motion en urgence à l'époque, parce que cela va nous permettre de demander qu'un bilan exact de la situation en matière de prise en charge des patients soit effectué. Selon la tournure du débat, nous verrons s'il vaut mieux retirer cette motion ou s'il vaut mieux la renvoyer en commission. Pour l'instant - je le précise - je ne demande pas formellement son renvoi en commission.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. le rapporteur de majorité, Edouard Cuendet, sur la pétition.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Je parlerai aussi de la motion, Madame la présidente, sinon, cela n'a pas de sens.

La motion 1770, donc, aurait logiquement dû être retirée par ses auteurs, puisqu'elle est devenue totalement obsolète depuis le transfert de la structure du Petit Beaulieu, en juillet 2007. Mais, si les auteurs n'ont pas procédé à ce retrait, c'est que cette motion s'inscrit dans une stratégie tout à fait claire de torpillage de l'opération Victoria, lancée par les HUG en vue d'améliorer l'efficience de leurs activités sans diminuer les prestations - et j'insiste sur ce point, car de nombreuses garanties ont été données à cet égard.

Je citerai tout de même quelques principes de l'opération Victoria... Et je m'étonne, une fois de plus... (L'orateur est interpellé par Mme Virginie Keller Lopez.) Mme Keller Lopez, du cinquième, pourrait-elle se taire ? (Exclamations. Rires.) Je citerai, disais-je, quelques principes de l'opération Victoria. Il y a d'abord la diminution des journées inappropriées; la diminution de la durée moyenne de séjour; l'examen des pratiques et procédures de prise en charge des patients; l'organisation optimale de la trajectoire du patient; l'itinéraire clinique; la recherche de bassin de population nouveau, afin d'atteindre les masses critiques des patients; l'augmentation de l'efficience du secteur privé de l'hospitalisation; l'optimisation de la gestion des secteurs hôteliers, administratifs et techniques... Il s'agit donc de toute une série d'améliorations sensibles auxquelles, à mon avis, même les tenants de l'immobilisme qui se trouvent en face de moi, pourraient adhérer.

Mais, bien évidemment, qui veut noyer son chien l'accuse de la rage, comme le dit très justement l'adage... Par conséquent, saisissant tous les prétextes possibles, ceux qui veulent absolument torpiller l'opération Victoria ont, malheureusement, abusé du désarroi tout à fait compréhensible des personnes qui séjournaient au Petit Beaulieu pour les instrumentaliser, afin de mettre à mal cette opération. Je trouve cela absolument lamentable, parce que, bien sûr, ce que M. Charbonnier n'a pas encore dit et ce que Mme la rapporteuse de minorité ne dit jamais, c'est que, d'un point de vue thérapeutique - et les auditions à la commission de la santé, dans le cadre de la pétition 1624, l'ont montré de manière incontestable - le transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée était tout à fait justifié. Et les personnes qui s'opposent à ce transfert n'ont pu présenter aucune audition crédible et scientifiquement établie pour prouver qu'il n'était pas justifié.

En résumé et pour finir, il ressort de cette affaire que le seul reproche - à la limite - que l'on pourrait faire aux HUG dans ce dossier serait d'avoir mal communiqué. C'est regrettable, certes, mais prétendre que c'est un élément suffisant pour stopper l'opération Victoria me paraît toutefois un peu exagéré !

S'agissant de communication, je citerai tout de même le directeur général des HUG, Bernard Gruson, qui s'est exprimé comme suit: «...il est classique pour ceux qui s'opposent à un processus de changement de commencer par affirmer qu'ils n'ont pas reçu l'information relative à ce changement, même si ce fut le cas.» Et il a insisté sur le fait que, en interne, cette information avait été diffusée de manière tout à fait correcte, répétée et suffisamment à l'avance, mais il a reconnu, c'est vrai, qu'il y a eu des lacunes s'agissant de l'information vers l'extérieur. Mais, de là à se saisir de ce seul argument regrettable - d'ailleurs, tous les groupes de la commission de la santé ont regretté ce manque de communication vers l'extérieur - et à utiliser ce prétexte fallacieux pour mettre à mal tout un processus vital pour les HUG, il y a un pas ! Je trouve cela absolument lamentable, surtout que l'opération Victoria n'a pas été lancée, comme cela, sans une profonde réflexion et sans concertation: loin s'en faut ! En commission de la santé, toutes les informations nécessaires nous ont été fournies sur ce processus, qui a été initié et supporté par le conseil d'administration, par la direction générale des HUG et par les différents services qui prennent une part active à cette initiative. Et, évidemment, seuls certains s'y opposent... On peut donc véritablement regretter que certains fassent feu de tout bois et utilisent tous les prétextes pour mettre à mal cette opération.

Certes, c'est pour moi un plaisir de me trouver en face de Mme Fehlmann Rielle, qui est rapporteuse de minorité, mais cela me pose tout de même un problème que je me permets de vous soumettre ce soir. En effet, Mme Fehlmann Rielle est l'animatrice d'une entité entièrement subventionnée, active dans la prévention de l'alcoolisme... Pour moi, il est pour le moins étrange qu'elle s'oppose aussi frontalement, en tant que rapporteuse de minorité, à une option scientifiquement étayée, choisie par son principal pourvoyeur de fonds ! Pour rester dans la métaphore canine, que j'avais utilisée au début de mon intervention: le principe voudrait que l'on ne morde pas la main qui nous nourrit... (Exclamations.) En tout cas, il faudra se pencher très sérieusement sur l'activité de cette association, pour contrôler son adéquation avec la stratégie du canton en matière de prévention et de lutte contre l'alcoolisme. Et, bien sûr, l'étude du contrat de prestations nous permettra de procéder à cet examen approfondi.

En tout état, je vous invite à ne pas entrer en matière sur la motion 1770 et à déposer la pétition 1624-A sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse de minorité. Je relève, en préambule, que M. Cuendet lance des menaces à peine voilées sur les fonctions que j'occupe dans cette association, qui n'oeuvre d'ailleurs pas dans le domaine du traitement, mais dans celui de la prévention. Par ailleurs, il n'y a aucun flux financier entre l'association que «j'anime» - comme il le dit - et les différentes institutions, qui s'occupent, justement, de traiter l'alcoolisme... Paradoxalement, il ne semble pas gêné que des banquiers parlent de leurs problè mes, comme tout à l'heure, que des entrepreneurs parlent de problèmes d'aménagement... Enfin, bon, n'en parlons plus !

Ensuite, M. Cuendet sort un peu du sujet en parlant de l'opération Victoria - je vous rappelle qu'une motion socialiste traite de cette dernière - et il nous accorde beaucoup de pouvoirs en laissant entendre que nous serions en train de la torpiller en soulevant des questions sérieuses au sujet du transfert du Petit Beaulieu à Belle-Idée.

J'en viens maintenant à la pétition, qui est l'objet principal de ce point. Vous nous accusez également d'instrumentaliser les pétitionnaires... C'est une contrevérité: nous n'avons eu aucun impact et aucune influence sur ces derniers ! Ils sont assez grands pour se rendre compte de ce qui s'est passé, et ils se sont inquiétés, de façon légitime, du devenir de ce lieu de traitement qui avait fait ses preuves. On a même essayé d'accuser un des médecins responsables du Petit Beaulieu d'avoir tenté de les instrumentaliser. Je peux vous garantir qu'il n'en est rien: c'est un écran de fumée pour essayer de justifier une opération technocratique !

J'aimerais rappeler quelques éléments. S'agissant de la forme, on peut effectivement tout à fait déplorer la façon dont s'est passé ce transfert, mais, étant donné que cela a été reconnu, je ne m'étendrai pas trop. Je tiens tout de même à dire que le personnel a été averti très tard: au courant du printemps, il ne savait encore pas vraiment comment ce transfert allait être effectué, alors qu'il devait se faire au début du mois de juillet.

Et puis, en externe, il y a aussi eu un manque total de transparence. Même si on peut admettre que les HUG ont une certaine logique d'entreprise et leurs objectifs propres, on a pu constater qu'aucune information n'a été donnée, qu'aucune concertation n'a eu lieu avec ce que l'on appelle «le Réseau genevois d'alcoologie», qui est composé de toutes les institutions d'aide et de soutien aux personnes qui sont dépendantes de l'alcool. De plus, l'un des responsables de ce transfert a fustigé le Réseau d'alcoologie en le qualifiant de «peu optimal». Mais comment obtenir un réseau cohérent si chacun travaille dans son coin sans aucune concertation ? Ce réseau n'est peut-être pas formalisé, mais il existe, et les professionnels doivent se réunir régulièrement, pour réfléchir aux différents modèles de traitement et pour essayer d'adapter leurs prestations aux besoins des patients.

Deux types d'arguments ont été avancés pour essayer de justifier ce transfert. Les arguments de type scientifique, selon lesquels aucune preuve n'a été apportée que les traitements longs seraient plus efficaces que les traitements courts... Alors, je ne sais pas si les traitements qui étaient prodigués au Petit Beaulieu pouvaient être considérés comme des traitements longs, puisqu'il était possible de faire une semaine de sevrage avec contrôle médicalisé ou de faire un suivi thérapeutique de trois semaines. S'il s'agit de traitements longs, il faudra m'expliquer ce que sont les traitements courts ! Et c'est aussi négliger le fait que le problème de l'alcoolisme est une maladie complexe, au long cours, et qu'il faut bénéficier d'un dispositif diversifié pour pouvoir réellement répondre aux besoins de la population concernée.

Il nous a été dit également que le fait de critiquer ce transfert et de reprocher le déplacement des activités de cet établissement à la psychiatrie était une façon de stigmatiser la psychiatrie, que c'étaient des remarques d'un autre temps... Il faut tout de même se rappeler que toutes les personnes dépendantes de l'alcool n'ont pas forcément ce que l'on appelle une «comorbidité psychiatrique» et ne se tournent pas automatiquement vers un traitement psychiatrique ! Et le problème de l'alcoolisme recouvre aussi une problématique sociale: c'est aussi le reflet d'une très grande permissivité de la société vis-à-vis de ce problème. Par conséquent, un certain nombre de patients ont besoin de traitements prodigués par des généralistes qui ont une formation en alcoologie: ils n'ont pas forcément besoin d'un traitement psychiatrique. Il est donc nécessaire que le dispositif soit diversifié, tant public que privé, pour permettre de proposer des traitements aussi bien ambulatoires que résidentiels, de façon à vraiment observer cette approche dite «biopsychosociale» qui, je crois, fait l'objet d'un consensus parmi les professionnels.

Deuxième type d'arguments: les arguments de type managérial... On a tout simplement dit que cette structure coûtait trop cher, qu'il fallait faire des économies et que, notamment, le loyer du Petit Beaulieu représentait environ 140 000 F d'économies par an pour l'Etat ! Mais qu'est-ce qu'une économie de 140 000 F en regard de toute l'expérience qui a été accumulée par le Petit Beaulieu, en regard des différentes activités menées dans le traitement direct des patients, dans le suivi des patients après leur traitement et, également, pour les proches qui souffrent énormément du problème d'alcool d'un membre de leur famille ou d'un ami ?

Pour justifier ce transfert à Belle-Idée, on a tout simplement décrété que le dispositif d'alcoologie et que les activités du Petit Beaulieu étaient éclatées et qu'il fallait les concentrer vers la psychiatrie.

Tous ces arguments sont assez faibles, parce qu'ils n'ont pas du tout été étayés de façon scientifique. On a eu l'impression qu'ils étaient avancés pour pouvoir coller à une sorte de plan, pour correspondre à certains objectifs du plan Victoria. C'est pour cela que j'ai demandé, dans mon rapport, qu'une évaluation sérieuse et externe soit effectuée sur les résultats de ce transfert. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Malheureusement, on a déjà entendu dire qu'il y avait un certain tournus: les patients hésitent à se faire soigner à Belle-Idée. Il ne s'agit pas de mettre en doute la capacité des professionnels qui y travaillent, mais, plutôt, de montrer le déficit qui résulte de ce transfert. Cela dit, il faudra effectivement l'évaluer sérieusement. J'ai pensé qu'il fallait faire cette évaluation sur une période de deux ans, mais peut-être qu'une période d'un an suffira pour pouvoir tirer un certain nombre de constatations.

Quoi qu'il en soit, nous demandons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat, pour que cette problématique soit sérieusement prise en considération.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle aux deux rapporteurs que leur temps de parole, de six minutes chacun, est maintenant écoulé. Madame Schneider-Bidaux, vous avez la parole.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas m'attarder, puisque ce débat sur les maladies liées à l'alcool suscite beaucoup d'intérêt. C'est effectivement un véritable phénomène de société, comme tous les problèmes de dépendance. Il faut le dire, la prohibition n'aide pas à résoudre les problèmes de dépendance, il y a probablement d'autres moyens pour y arriver. La prévention est extrêmement importante et je pense que le travail réalisé par la FEGPA dans ce sens est très constructif, de même que celui qui est effectué dans les écoles. Et il y a différentes façons de faire ce travail.

On a évoqué ce qui se passait au Petit Beaulieu - je le dis à l'imparfait, puisque cet établissement, en tant que tel, n'existe plus. Il y a en effet à redire sur la façon dont les choses se sont passées, qu'il s'agisse du manque d'information et du transfert d'activités effectué par rapport au plan Victoria. Mais nous aurons largement le temps de revenir sur ce plan lors d'une prochaine intervention, puisque ce sujet figure parmi les points de notre ordre du jour.

Actuellement, on traite comme les autres les personnes malades de l'alcool, mais, dans le même temps, on les envoie à Belle-Idée, ce qui est paradoxal. En fait, on les stigmatise par rapport au commun des mortels, puisque Belle-Idée a une connotation d'hôpital psychiatrique du canton. Et les personnes à qui l'on propose une hospitalisation à Belle-Idée pour suivre un traitement peuvent se montrer réticentes, parce que, dans leur esprit, elles ne sont pas folles... Il est extrêmement important de se rendre compte de cela. En effet, on ne saura jamais combien de personnes malades de l'alcool peuvent être traitées de la meilleure façon - à Belle-Idée, mais peut- être ailleurs - dans la mesure où elles ne voudront pas se faire soigner dans un établissement de ce type, que ce soit en médecine, en chirurgie, etc. Et c'est bien dommage !

Cela me fait aussi dire qu'en fait le nombre des hospitalisations à Belle-Idée sera forcément faux, dans la mesure où les personnes qui devraient être soignées n'entreront pas dans les statistiques - ou elles entreront dans les statistiques de Belle-Idée, mais on ne sait pas à quel titre. Tout cela est un peu regrettable et, aussi, un peu abscons, je vous le concède...

Pour ce qui est du sort réservé à cette motion, nous pensons quelle aurait dû être traitée il y a une année, comme nous l'avions proposé. Nous vous avions demandé l'urgence, vous l'avez refusée... Eh bien maintenant, on ne peut que s'abstenir ou la refuser !

Par contre, je pense qu'il faut renvoyer le rapport de minorité au Conseil d'Etat pour savoir, même avec toutes les réserves que j'ai émises, ce que sont devenus tous ces patients qui étaient soignés au Petit Beaulieu il y encore une année. Cela en vaudrait la peine. A vous, Monsieur Unger, de nous le dire - ou à la direction des HUG !

La présidente. Merci, Madame la députée. Sont inscrits: M. Selleger, M. Aubert, Mme Schneider Hausser, Mme Gautier, M. Brunier, M. Forni, M. Ischi et M. Charbonnier. Je vous indique que le Bureau a décidé de clore la liste des intervenants.

M. Charles Selleger (R). Il n'est jamais bon, dans une stratégie de décision thérapeutique ou d'organisation hospitalière, de virer dans l'émotionnel plutôt que dans le factuel.

J'aimerais rappeler que la motion 1770, qui demande un moratoire du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée, ne concerne qu'une partie de ces dernières, à savoir l'activité de type stationnaire. La partie ambulatoire de l'activité du Petit Beaulieu, elle, n'est pas concernée par un déplacement à Belle-Idée. Elle est transférée au département de médecine communautaire, c'est-à-dire à l'ancienne policlinique de médecine, à l'Hôpital cantonal, et à la consultation des Acacias.

Cette nouvelle organisation de la prise en charge des problèmes d'addiction à l'alcool s'intègre, comme cela a été dit, dans l'opération Victoria. Celle-ci vise à améliorer l'efficience de la prise en charge des personnes, dans le cas présent des personnes souffrant d'alcoolisme, en privilégiant le traitement ambulatoire qui doit s'affirmer comme la règle dans ce genre de traitement.

Seule une minorité des prises en charge pour l'alcool nécessite une phase stationnaire, et c'est pour cette minorité que le transfert sur le site de Belle-Idée a eu lieu. J'aimerais rappeler que le Petit Beaulieu, en ce qui concerne son activité stationnaire, n'arrivait pas à remplir plus de la moitié des lits.

Alors, certes, on peut regretter qu'une unité de dimension familiale disparaisse du paysage médical genevois. Mais, cette disparition se fait réellement au bénéfice d'une rationalisation de la prise en charge des cas lourds, qui ne peuvent être immédiatement suivis en ambulatoire: ils sont une minorité, je le rappelle.

Il faut savoir que le visage de l'alcoolisme en 2007 n'est plus celui qu'il était en 1991, à l'époque de la création du Petit Beaulieu. En effet, on a beaucoup plus souvent affaire à des cas qui sont lourds et qui associent d'autres pathologies psychiatriques ou d'autres toxicomanies - je parle donc des patients qui doivent être hospitalisés.

C'est pourquoi les mesures de rationalisation que la direction des HUG a prises sont pleinement justifiées. Elles apporteront les synergies indispensables à la prise en charge des cas lourds en leur offrant un encadrement hospitalier, psychiatrique, adéquat et bien rôdé.

Les structures mises en place à Belle-Idée et, respectivement, en médecine communautaire pour ces cas stationnaires et les cas ambulatoires, répondent à cette logique d'efficience et de rationalisation, qui est à la base de l'esprit Victoria.

Il faut relever, par ailleurs, que le transfert à Belle-Idée, objet du moratoire - comme cela a été dit - est déjà effectif depuis le mois de juillet dernier.

Pour ces raisons, le groupe radical vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cette motion. Quant à la pétition 1624, qui traite du même sujet, le groupe radical demande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

M. Claude Aubert (L). J'aimerais vous dire, Madame la présidente, à quel point j'aime le Grand Conseil... Nous pénétrons dans le Grand Conseil, et le temps s'arrête... «Ô temps, suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours !»...

Nous sommes en train de parler de quelque chose qui n'existe plus... En étant quelque peu réalistes, nous devons nous rendre compte qu'il y a une dizaine d'objets à traiter pour épuiser - si je peux m'exprimer ainsi - le département de l'économie et de la santé, et que dix personnes interviennent à chaque fois, ce qui représente au moins dix heures ! Encore dix heures, et tout cela pour des sujets qui ne sont même plus d'actualité !

Par conséquent, ou bien nous continuons à prendre tout notre temps ou bien vous faites comme moi: je cesse de parler ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci beaucoup, Monsieur le député. La parole est à Mme Schneider Hausser pour le groupe socialiste, auquel il reste sept minutes et trente-cinq secondes.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Merci, Madame la présidente. Effectivement, nous retournons un peu en arrière avec cette motion, mais il me paraît important de prendre le temps de faire un bilan.

La fermeture du Petit Beaulieu, c'est celle d'un service public situé au centre-ville; c'est la fin d'une cure de sevrage que des personnes insérées professionnellement pouvaient suivre pendant trois semaines; c'est la fin d'un service qui, par le biais d'une équipe pluridisplinaire, offrait des prestations de qualité - cela a été dit.

Les habitants de Genève qui ont une dépendance à l'alcool et qui veulent effectuer un traitement non pas ambulatoire mais stationnaire ont deux solutions: soit ils sont assez forts pour franchir la barrière psychologique, il faut le reconnaître, qu'induit l'hospitalisation à Belle-Idée, soit ils entrent dans un établissement privé. Les établissements privés à disposition en Suisse romande - il y en a à Genève, mais aussi en Suisse romande - ne proposent pas, pour une couverture LAMal, les soins de qualité que pouvait offrir le Petit Beaulieu. Et les personnes qui ne bénéficient pas d'une couverture complémentaire à la base LAMal n'ont plus le même choix qu'avant.

Or, dans une collectivité comme celle de Genève, la prise en charge de soins liés à des problématiques lourdes doit incomber au service public qui est le seul à même d'assurer un accès aux soins pour tout le monde. Ce qui est induit dans la pétition et dans la motion, au-delà du service et la maison du Petit Beaulieu, c'est que certains soins liés à la psychiatrie, aux abus de substance, ou aux problèmes liés à l'alcool et à la dépendance - que l'on peut qualifier de «lourds» en termes thérapeutiques - ne peuvent pas être assurés ailleurs que dans le service public. Le privé peut prendre en charge ce type de cas, mais uniquement pour des soins de première ligne. Le service public, s'agissant des problèmes liés à l'alcool mentionnés par Mme Fehlmann, doit mener une politique pérenne et prévoyante en matière de soins à fournir.

La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Fabienne Gautier. Il reste cinq minutes et dix secondes au groupe libéral.

Mme Fabienne Gautier (L). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, ce soir, au travers de cette motion et de cette pétition, on se soucie beaucoup des soins prodigués aux malades souffrant d'addiction à l'alcool, notamment du transfert à la clinique de Belle-Idée de certains soins prodigués au Petit Beaulieu. Certains pensent en effet que les mêmes soins ne pourront pas y être fournis. Mais je pense qu'il est important de relever, comme cela a été confirmé à plusieurs reprises lors des auditions tant par les représentants de la direction et le président des HUG que par les professeurs de médecine communautaire et de psychiatrie, que le déplacement des activités du Petit Beaulieu a été décidé dans un souci d'efficience et de meilleure prise en charge des malades atteints d'addiction à l'alcool.

Il est ressorti des auditions qu'il n'était nullement question de baisser les prestations, il me paraît important de le souligner. Bien au contraire, le Petit Beaulieu était devenu une structure inadaptée, la médecine ayant évolué dans le traitement de l'addiction à l'alcool et ne nécessitant plus un traitement en milieu fermé mais un traitement ambulatoire. Et il me semble que ce déplacement ne change pas les traitements ambulatoires qui étaient et qui sont toujours prodigués en ville, comme cela a été dit, tant aux HUG qu'au centre des Acacias.

Pour les malades nécessitant des traitements hospitaliers prolongés, il est ressorti qu'il était plus opportun de créer une synergie plus proche avec la psychiatrie. Cela s'est fait dans tous les cantons, et je pense que les résultats sont bons. Il n'y a que Lausanne et Genève qui ne le pratiquaient pas encore, mais cela se fait à Genève depuis presque une année - ce déplacement a été effectué il y a huit ou neuf mois, cela fera donc une année au mois de juillet prochain - et nous n'avons pas, à ce jour, eu de retour négatif quant à ce transfert d'activités. Et c'est dans le souci d'une approche plus appropriée des soins prodigués aux personnes souffrant de l'addiction à l'alcool que les responsables de l'établissement du Petit Beaulieu ont fait ce choix.

C'est pourquoi je vous remercie de suivre la majorité de la commission de la santé, qui demande le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

La présidente. Merci, Madame la députée. Je passe maintenant la parole à M. Christian Brunier. Il va vous présenter l'amendement qui est en train d'être distribué par rapport à la motion 1770.

M. Christian Brunier (S). Je vais vous situer rapidement l'amendement. Le parti libéral nous dit finalement qu'il reconnaît qu'il y a eu des problèmes d'information, mais qu'il fallait les relativiser... Il faut tout de même savoir ce qui s'est passé concrètement ! Les patients et le personnel ont été avertis deux semaines seulement avant la fermeture du Petit Beaulieu, alors que l'on avait indiqué à M. Charbonnier, un mois avant, en réponse à une interpellation, qu'il n'y avait pas de problème. Donc, en matière d'information, on peut faire mieux !

Et puis, au niveau du Grand Conseil aussi. Il a été répondu à M. Charbonnier qu'il n'y avait pas de problème... A la commission de la santé, je vous le rappelle, nous avons été informés par la presse, et s'il n'y avait pas eu de pétition on n'en aurait jamais parlé en commission. Il est donc faux de prétendre que l'information a bien passé !

D'autre part, le parti libéral nous explique également qu'en fin de compte les prestations ne seront pas diminuées avec le plan Victoria... Nous aborderons ce débat plus tard, mais je vous rappelle tout de même que le plan Victoria représente une diminution de 100 millions. Alors, si vous pouvez offrir autant de prestations avec 100 millions de moins, vous êtes plus un magicien qu'un politicien ! Ou peut-être faites-vous de fausses promesses ? Il y a bien diminution des prestations et je vous signale que, l'année dernière, il y a déjà eu une coupe de 30 millions, ce qui représente cent lits en moins et cent soixante postes en moins aux HUG. On ne peut donc pas affirmer qu'il n'y a pas de diminution des prestations !

Maintenant, parlons des économies ! On nous dit que, finalement, cela valait la peine de fermer le Petit Beaulieu, que cela ne dégradait pas trop les prestations et que cela permettait de faire des économies... Personne ne l'a relevé depuis le début du débat, mais l'économie du Petit Beaulieu a été chiffrée par le Conseil d'Etat à 140 000 F par année ! Et cela sur un budget de plus d'un milliard ! Les HUG ont un budget de plus d'un milliard, et on a réalisé, en générant de l'inquiétude pour le personnel et de la révolte pour les patients, une économie de 140 000 F par an !

En plus, c'est faux, parce que l'on sait à quoi servait cette somme ! Elle servait à quoi ?! Dites-le, Monsieur Cuendet ! Elle servait à payer un loyer à l'Etat ! C'était donc une opération totalement blanche pour l'Etat, puisque l'Etat subventionne massivement les HUG. On a donc généré de l'insatisfaction, on a certainement dégradé les prestations: pour une économie nulle ! Voilà le résultat du Petit Beaulieu. Il n'y a franchement pas de quoi être fier d'avoir pris une telle décision ! Nous ne sommes pas opposés aux économies, nous ne sommes pas opposés aux améliorations. Encore faut-il qu'elles soient réalisées de manière concertée, qu'elles soient efficaces pour l'Etat en termes d'économies et qu'elles ne débouchent pas sur une dégradation des prestations. Je crois que l'on n'est pas du tout dans ce cas de figure !

L'amendement que je propose est très simple et, normalement - si j'ai bien compris tout ce qui a été dit ce soir - il devrait être voté à l'unanimité. En ce qui nous concerne, nous avons des doutes: nous pensons que les soins ont été dégradés, et nous voulons mesurer cette dégradation. Vous, vous nous dites que cela ne pose pas de problème, que cette fermeture n'a causé aucun problème aux patients, aucun problème au personnel...

Je vous propose donc simplement de faire le point de la situation, c'est le but de cet amendement général, dont la teneur est la suivante: «Le Grand Conseil invite le Conseil d'Etat à évaluer les effets du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée et à présenter un rapport au Grand Conseil.»

Nous verrons bien, suite à ce rapport, qui a raison. Nous - nous le répétons - nous pensons qu'il y a eu une dégradation des prestations, alors mesurons-la ! Vous, vous pensez qu'il n'y en a pas eu. Ce rapport dira si vous avez raison ou non. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, votez cet amendement !

M. Michel Forni (PDC). Nous avons entendu ce soir deux rapporteurs traiter du problème de l'alcoolisme et de sa thérapeutique avec beaucoup de précision et de sensibilité. Je rappelle que nous sommes ici dans une démarche politique.

A partir de là, je retiens qu'une motion et une pétition dénoncent la fermeture d'un centre qui répond à des demandes de patients et à leurs proches, dans le cadre de la lutte contre l'alcoolodépendance. D'autre part, certaines activités sont délocalisées de Genève vers sa campagne, dans un environnement thérapeutique mais aussi à caractère psychiatrique. Alors un nouvel élément apparaît: c'est les formes d'émotions, c'est les déficiences d'information, mal relayée, c'est la communication à fréquence variable... Et tout cela va se solder par une réaction de l'hôpital - avec une impulsion de la direction pour engager une réorganisation des pratiques médicales, en tenant compte de la mission spécifique et des intérêts qui découlent du traitement contre cette forme d'addictologie qu'est l'alcoolisme - mais aussi en privilégiant - et vous le savez bien, Monsieur Brunier - un système de gouvernance qui est établie avec une stratégie de regroupements, mais également de convergences et d'opportunités. Et ça, cela fait effectivement partie du plan Victoria ! Nous en reparlerons peut-être ce soir ou une autre fois.

Autre élément qu'il faut relever: une certaine forme de désinformation dénonçant des inadéquations financières, des divergences de stratégie thérapeutique, la reconversion d'une institution - le Petit Beaulieu - en lieu et place d'une restructuration, souhaitée par les uns mais redoutée par les autres, qui va finalement laisser place à un regroupement d'activités au sein d'une division spécialisée à Belle-Idée, tout en conservant à Genève - comme cela a été dit - deux centres ambulatoires dont la capacité dépasse largement le cadre et le nombre de patients qui étaient traités au Petit Beaulieu.

Bien sûr, des spécialistes sont intervenus - cela a été résumé - spécialistes de la médecine communautaire et spécialistes de la psychiatrie. Ils ont été entendus par la commission et ont dressé un bilan sans complaisance - sans complaisance ! - des forces et des faiblesses des centres appelés à prendre en charge la maladie de l'alcoolisme aujourd'hui. Pour ma part, je pense qu'il faut rester dans cette démarche, en mettant le passé de côté, car les traitements ont également évolué, et il faut se situer en 2008.

Leur discours est clair: avec une recomposition de l'offre hospitalière, avec une modernisation par une technique de regroupement, avec une amplification de la prise en charge thérapeutique ambulatoirement, ce scénario, Mesdames et Messieurs les députés, permet d'adhérer à des pratiques modernes de traitement de la maladie alcoolique.

Mais - et cela n'a pas été dit, ce soir - cette manoeuvre doit aussi se rapporter à des reconversions de certains secteurs hospitaliers, car certains secteurs sont vulnérables. Et cela ne dépend pas uniquement de l'offre et de la demande, cela ne dépend pas d'une éventuelle économie de 150 000 F: cela dépend des problèmes de stratégies hospitalières. Et, sur ce point, l'hôpital a dû s'adapter. C'est un exemple parmi d'autres, cela fait aussi partie du plan Victoria, nous y reviendrons plus tard.

Eh bien nous, nous avons confiance en la compétence des experts genevois qui ont été auditionnés. Et nous avons également senti une écoute - et cela est peut-être souligné aussi dans la motion du député Brunier - par rapport aux souhaits des soignants et, surtout, par rapport aux soignés. Quoi qu'il en soit, face à ce problème, et comme cela a été dit, nous ne sommes pas des thérapeutes: nous sommes des politiques, et notre démarche doit rester politique !

C'est la raison pour laquelle le PDC vous invite à soutenir la stratégie de la majorité, qui reste novatrice pour Genève, et nous proposons de refuser la motion et de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Eric Ischi (UDC). Après tout ce qui a été dit, il est bien difficile de trouver de nouveaux arguments... Vous me permettrez néanmoins faire connaître notre avis et nos intentions.

J'aimerais tout d'abord dire que personne n'est insensible à la maladie de l'alcoolisme: nous sommes tous peinés pour ceux qui en sont victimes, mais aussi pour leurs proches. Ce qui est difficile ce soir, c'est de parler pendant des heures d'une motion qui, à mon avis, aurait dû être retirée - elle n'a plus de raison d'être, les faits sont là, le Petit Beaulieu n'existe plus depuis de nombreux mois - donc, cela me paraît pour le moins bizarre.

En ce qui concerne la pétition, les personnes auditionnées, notamment des responsables - je ne parle pas des responsables administratifs, mais, plutôt des médecins, des spécialistes - nous ont donné des assurances que ces malades continueraient à être suivis normalement et totalement, et qu'il ne fallait pas s'inquiéter.

Alors, si vous le permettez, Madame la présidente, en ce qui nous concerne, nous proposons que les auteurs de la motion 1770 la retirent. Et nous proposons aussi de suivre les conclusions du rapport de majorité s'agissant de la pétition. Quant à l'évaluation de la situation dans les nouvelles structures concernant l'alcoolisme, il ne faut pas nous faire de souci: nous aurions de toute façon des échos si les choses n'allaient pas, et il n'est pas sûr que cela soit le cas.

Quant à l'amendement qui nous est proposé, il me paraît pour le moins irrecevable, dans la mesure où il ne correspond plus du tout au titre de la motion 1770. Je suggère donc aux motionnaires de préparer une nouvelle motion, qui pourrait être discutée en temps opportun.

M. Eric Stauffer (MCG). Je suis administrateur aux HUG; il paraît qu'il faut annoncer ses liens d'intérêts, alors c'est ce que je fais ! Il n'y a donc aucun conflit, puisque je représente la population qui m'a porté à la fonction de député et que c'est au titre de représentant du Mouvement Citoyens Genevois que je siège aux HUG.

Alors, je m'interroge... Nous devions absolument traiter certains dossiers, et nous ne le pourrons pas. A côté de cela, nous avons perdu des heures à parler de l'achat d'un terrain par une banque privée, et maintenant nous allons terminer cette séance... (Exclamations.) ...sur un objet qui n'a plus lieu d'être !

Je suis également très surpris du discours de M. Brunier qui, en spécialiste en électricité et en communication, vient maintenant se poser en médecin et expert des HUG, nous expliquant qu'il est absolument inadmissible de transférer... (L'orateur est interpellé.) Mais enfin, qu'êtes-vous en train de dire, Mesdames et Messieurs ? (Exclamations.) Vous êtes en train de mettre en doute la capacité des experts des hôpitaux universitaires de Genève - qui sont quand même une des fiertés des Genevois, que ce soit au niveau de l'équipement et des soins prodigués - et qui ont décidé de transférer certaines activités du Petit Beaulieu pour les regrouper dans un centre ! C'est le nom de Belle-Idée qui vous dérange ? C'est le Petit Beaulieu qui va vous manquer ? (L'orateur est interpellé par M. Alain Charbonnier.) Monsieur Charbonnier, continuez à exercer votre métier: moi je ferai ce pourquoi je suis ici !

Finalement, je trouve que mon collègue Eric Ischi a raison: vous devriez retirer cette motion avant qu'elle ne soit rejetée, comme d'autres... (L'orateur est interpellé.) Oui, votre amendement... Alors, déposons tous des motions, et puis présentons des amendements de dernière minute qui en modifient le texte ! Il me semble que ce n'est pas une manière sérieuse de travailler ! Si votre texte n'était plus d'actualité, il fallait avoir le courage de le retirer au lieu d'avoir l'outrecuidance de déposer un amendement qui le remplace !

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. C'est nouveau, Madame la présidente: un amendement général ayant été déposé, il me paraît logique que le rapporteur de majorité puisse s'exprimer à ce sujet ! (Commentaires.) Mais enfin, à chacun sa vision des choses ! (L'orateur est interpellé.) Les deux objets sont à l'ordre du jour et je peux m'exprimer sur les deux ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.) Quoi qu'il en soit, il me semble que le parti libéral doit pouvoir s'exprimer sur un amendement général, sauf si vous pensez que vous pouvez museler les autres groupes parlementaires, ce qui ne serait pas la première fois ! (Exclamations.)

Je dirai une seule phrase: accoler une invite tout à fait nouvelle à un exposé des motifs totalement dépassé me paraît inadéquat et rend l'ensemble totalement incohérent ! Je vous invite donc à rejeter cet amendement général.

La présidente. Madame la rapporteure de minorité, vous ne voulez pas vous exprimer sur l'amendement... Non. Je vous remercie. Je donne donc la parole à M. le conseiller d'Etat Pierre-François Unger.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Après ce débat si long, je ne suis pas sûr de réussir à être vraiment bref... Néanmoins, j'aimerais dire clairement - certains ont effleuré le sujet, d'autres n'en ont pas parlé du tout - que la maladie alcoolique est un drame. Elle est un drame pour celui ou celle qui la vit; elle est un drame pour les proches qui entourent la personne alcoolique. A cet égard, cette maladie - chronique, le plus souvent - va toucher la personne et ses proches sur des modes très différents au cours des années.

Probablement depuis que la médecine existe, les thérapies se suivent et s'opposent. Pendant dix ans, elles font plus de place à l'aspect somatique; après l'échec, elles sont plus basées sur la psychiatrie pendant encore dix autres; et ainsi de suite... Il faut donc impérativement pouvoir proposer - deux d'entre vous l'ont dit clairement - des soins différents et appropriés à chaque cas, et que chacun puisse y avoir accès, à chaque moment critique de sa maladie. C'est exactement ce qui se faisait, c'est exactement ce qui continue à se faire !

Toutefois, les choses ont un peu changé. Un certain nombre de traitements, réputés efficaces au moment où ils ont été mis sur pied à l'avènement du Petit Beaulieu, piloté par le Dr Krahenbühl à l'époque, sont devenus relativement désuets maintenant. Nous sommes en effet dans une société en mouvement, où les choses vont de plus en plus vite et les gens aussi. Les contacts sont donc de plus en plus espacés.

C'est la raison pour laquelle, en réponse à l'interpellation urgente reçue en décembre 2006, le Conseil d'Etat avait répondu, de manière mesurable, qu'il n'y avait plus assez de malades pendant les fêtes pour justifier de l'ouverture du Petit Beaulieu. Mais nous n'avons jamais prétendu qu'il n'y avait plus de malades souffrant d'alcoolisme ni de maladies alcooliques dans notre société ! Nous avons simplement identifié que les besoins, face à la maladie alcoolique et face à un changement du profil des malades, imposaient une prise en charge différente.

L'opération du Petit Beaulieu a été mise en relation avec l'opération Victoria - on parlera peut-être de Victoria avant les prochaines élections, au rythme où vont les choses... Toujours est-il que l'opération de fermeture du Petit Beaulieu avait pour raison principale de regrouper en un lieu - où, enfin, nous avions un spécialiste des addictologies, que nous avions recherché pendant plus de quinze ans - les thérapies proposées pour l'ensemble des addictologies, qu'il s'agisse de l'alcoolomanie, qu'il s'agisse des toxicomanies à d'autres drogues, ou qu'il s'agisse des addictions au jeu. Parce qu'en réalité l'addiction, quelle que soit la substance - si tant est que le jeu soit une substance - à laquelle on est accroché est un phénomène dont les composantes sont comparables et du même ordre lorsqu'il y a une affection psychologique associée. Et puis, pour les autres malades, qu'il s'agisse spécifiquement de la prise en charge alcoologique, réalisée à la consultation du Dr Gache ou d'une consultation de médecine communautaire plus générale, le traitement est le plus souvent ambulatoire.

Lorsque l'on change un dispositif dans une maladie aussi sinueuse, aussi complexe et aussi longue, il se trouve toujours un certain nombre de personnes pour regretter ce qui disparaît, parce qu'elles ne sont pas prêtes à comprendre le sens de ce qui apparaît. Il est ainsi facile de prendre en otage des personnes dont le traitement au Petit Beaulieu a été un succès et qui craignent, voyant qu'il est supprimé, de ne pouvoir bénéficier du même traitement. Mais c'est une erreur, et une erreur profonde ! C'est un peu comme si, pour d'autres maladies de longue durée - je pense à certains cancers - l'on regrettait, au moment de la rechute, de ne pouvoir bénéficier du même traitement qui avait permis de connaître une rémission. Mais, s'il y a rechute, c'est bel et bien que ce traitement n'était pas, à lui seul, suffisant pour garantir la guérison durable de la maladie !

Alors, est-il possible de conduire cette diversification - car c'est bien d'une diversification qu'il s'agit - en accroissant l'efficience ? Et ça, c'est le sens de l'opération Victoria. Vous l'avez dit les uns et les autres, l'économie est de faible importance... Nous ne cherchions donc pas à réaliser des économies, mais bel et bien à rationaliser, à diversifier les soins qui pouvaient être prodigués à ces malades.

Nous reviendrons, tout à l'heure peut-être, sur l'opération Victoria, qui n'a pas, Monsieur le député, fait économiser 30 millions. Le budget de l'hôpital, auquel vous avez accès, s'accroît chaque année. Et il n'a pas cessé de s'accroître ! En dépensant 30 ou 40 millions de plus chaque année, nous ne réalisons pas une économie, ou alors dites-moi comment, par économies successives de 30 millions, on arrive à 13 milliards de dettes... C'est exactement comme cela que nous y sommes parvenus ! Notre Conseil d'Etat, unanime, a décidé qu'il fallait inverser la tendance. L'efficience s'est améliorée. Nous ne disposons pas de résultats sur la durée du nouveau traitement des malades. En revanche, pour ce qui est de l'obligation de moyens, à laquelle vous faisiez référence dans votre motion, nous pouvons vous garantir certains éléments.

M. Charbonnier ayant eu la gentillesse de me spécifier une ou deux des choses dont il avait entendu qu'elles avaient disparu, je me suis permis de prendre des renseignements spécifiquement sur ces groupes. J'ai reçu aujourd'hui un rapport qui, de manière assez détaillée, permet de préciser qu'un certain nombre de thérapies sont centrées sur les addictions, soit en groupe soit individuellement. Premièrement, des groupes psycho-éducatifs, qui se réunissent quatre fois par semaine. La trame de base est restée la même qu'au Petit Beaulieu et, donc, les choses n'ont pas changé. Mais les thèmes ne sont pas fixes et émergent des besoins du groupe. Ce n'est donc pas un pull-over de la même couleur et de la même taille que l'on met à tout le monde: c'est l'habit nécessaire pour répondre à la situation du moment.

Le suivi individuel, lui, est centré sur les besoins particuliers de chacun et l'apprentissage de compétences spécifiques. Vous le savez peut-être - et, si vous vous êtes renseignés, sans doute vous l'a-t-on dit - des groupes de mobilité corporelle, dont on sait qu'ils sont particulièrement importants à certaine phases de la souffrance de la maladie alcoolique, ont lieu tous les soirs, week-ends inclus, avec des soins de physiothérapie prodigués deux fois par semaine.

Je pourrais vous lire l'ensemble de ce rapport, mais, si vous le mettez en doute, prenez la peine, je vous en prie, de vous informer auprès de ceux qui pratiquent ces traitements et qui se sentiraient probablement insultés si on leur laissait sous-entendre qu'ils ne travaillent pas. Ceux qui consacrent leurs soirées ou leurs week-ends à prodiguer ces traitements ne comprennent plus la manière dont on parle de leur travail, qui laisse à penser que ce qui se pratiquait avant était parfait et que ce qui se pratique maintenant n'a aucune valeur.

Il faut être très prudent sur la manière dont le Grand Conseil entend aborder ces problèmes. C'est, du reste, la raison pour laquelle je milite personnellement pour le classement de la pétition et pour le rejet de la motion, avec ou sans l'amendement. Il ne faut pas laisser constamment planer des doutes qui mettent le personnel soignant en ébullition: ils ont en effet l'impression que le parlement ne fait plus confiance à l'hôpital dans lequel les malades, eux, ont confiance ! Je le répète, il faut être extrêmement prudent à cet égard.

J'ai, par exemple, entendu la rapporteure de minorité expliquer qu'il fallait enfin s'occuper «sérieusement» de ces malades... Eh bien, tous ceux qui s'en occupent actuellement ne peuvent que comprendre qu'ils le font de manière peu sérieuse ! Ils se sentent insultés lorsqu'ils entendent des commentaires de cette nature, et ils pourront en témoigner ! (Applaudissements.)

Dans le cadre de l'opération Victoria, il y a eu - c'est vrai, le directeur général l'a reconnu, des problèmes d'information au moment de la mise en route. Mais je pense que vous, qui êtes un chef de la communication... (Rires. Exclamations.) ...vous savez que, dans certaines circonstances, on peut avoir des soucis de communication: c'est la vie ! (Rires.) C'est la vie, et ne le prenez ni comme une allusion désagréable ni comme une allusion ironique ! C'est la vie, c'est tout ! Communiquer dans des moments de tension ou des moments de grands changements, c'est un métier très difficile car on se trouve très exposé.

Alors ce que je vous propose, c'est de demander à M. Gruson de venir à la commission de la santé - deux fois par an, ces deux prochaines années - faire un bilan de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Ce Conseil est représenté dans le conseil d'administration des hôpitaux, puisque - en tout cas jusqu'en juin - chaque parti, au minimum, représente le parlement. Et votre parti est plutôt mieux représenté que les autres à cet égard. Ainsi, chacun de ses membres peut rapporter qu'à chaque séance de ce conseil il y a un point sur Victoria, avec des points verts pour les objectifs qui paraissaient bons et qui sont réalisés; des points oranges pour les objectifs qui paraissaient bons et qui sont en voie de réalisation; des points rouges pour les objectifs qui sont abandonnés. Car je n'ai jamais vu qui que ce soit avoir 100% de bonnes idées du premier coup !

Je m'engage volontiers à cela. Vous me donnerez simplement les dates auxquelles vous voulez que ces séances aient lieu; vous me direz si la fréquence de deux fois par an vous convient. Il faudra toutefois vous rappeler que cette information sera donnée pour montrer comment l'opération Victoria progresse et, je m'y engage aussi, pour vous informer avec transparence sur l'utilisation rationnelle des budgets en fonction des objectifs fixés. Mais certainement pas pour que chaque député puisse, à un moment ou à un autre, intervenir sur tel ou tel mode thérapeutique qu'il conviendrait d'appliquer à des malades, parce qu'il en aurait entendu parler ou parce qu'il l'aurait lu sur Wikipédia ! Notre constitution a délégué, en 1857 - ce n'est pas récent, ce n'est pas moderne, ce n'est pas ébouriffant ! - aux hôpitaux la compétence de s'occuper des soins et de la santé, parce que l'on a estimé que l'Etat n'était pas en mesure de le faire, ce qui me paraît particulièrement pertinent cent cinquante ans plus tard ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord la proposition d'amendement déposée par les députés Mmes et MM. Christian Brunier, Alain Charbonnier, Ariane Wisard-Blum, Laurence Fehlmann Rielle, qui consiste en une nouvelle invite dont la teneur est la suivante: «...invite le Conseil d'Etat à évaluer les effets du transfert des activités du Petit Beaulieu à Belle-Idée et à présenter un rapport au Grand Conseil.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 27 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1770 est rejetée par 42 non contre 19 oui et 9 abstentions.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1624 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 41 oui contre 17 non et 11 abstentions.

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons le dernier point de ce soir... (Exclamations.) ...soit le point 24 de l'ordre du jour.