République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10022-A
Rapport de la commission de contrôle de la fondation de valorisation des actifs de la BCGe chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat autorisant la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève à aliéner le droit de superficie distinct et permanent grevant les parcelles 2935 et 2936, plan 87, de la commune de Genève, section Plainpalais
Rapport de majorité de M. David Amsler (L)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Premier débat

La présidente. Je prie respectivement M. le rapporteur de majorité, David Amsler, et M. le rapporteur de minorité, Roger Deneys, de bien vouloir prendre place à la table des rapporteurs. Monsieur Amsler, je vous cède la parole.

M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Merci, Madame la présidente. Je constate que tout le monde est de bonne humeur... J'espère que cela va durer, parce que nous allons traiter un sujet qui ressemble un peu à celui que nous venons d'examiner. Mais, vous le verrez, il y a quand même quelques différences notables.

J'espère aussi, Monsieur Deneys, que vous avez repris des forces et que vous vous êtes un peu calmé depuis tout à l'heure... Quoi qu'il en soit, ce projet ne suscitera probablement pas les mêmes commentaires de votre part que le précédent. En effet, je vais essayer de vous expliquer pourquoi la majorité de la commission a, presque à l'unanimité, voté la cession de ce droit de superficie.

Comme Mme la présidente l'a précisé tout à l'heure, il s'agit d'un droit de superficie distinct et permanent DDP grevant deux parcelles: la parcelle 2935, d'une superficie de 1561 m2, et la parcelle 2936, qui est beaucoup plus grande puisqu'elle fait 15 767 m2. Il est donc question d'une surface totale de 17 328 m2. J'ai fait bien attention d'inscrire l'adresse de cette parcelle, pour que M. Deneys puisse se repérer: il s'agit du 15, rue Eugène-Marziano. C'est un périmètre situé entre la route des Acacias et la rue Eugène-Marziano.

Ce projet propose un DDP - droit de superficie distinct et permanent - dont la durée n'est pas illimitée, puisqu'il reste aujourd'hui cinquante-six ans. C'est un élément important dans la discussion, car l'acquéreur de ce droit de superficie ne pourra profiter de son bien que pendant cinquante-six ans et il devra, probablement aussi, l'amortir pendant cinquante-six ans. Ce n'est donc pas une pleine propriété, ce qui est une des premières différences notables par rapport au projet de tout à l'heure.

Que trouve-t-on sur ces deux parcelles ? Un petit bâtiment administratif, une halle industrielle, qui fait l'objet aujourd'hui d'un commerce, et, également, un petit bâtiment en bois préfabriqué. Par conséquent, contrairement à ce que dit M. Deneys, à tort, dans son rapport, il n'y a ni artisans ni petits commerces sur cette parcelle. Il s'agit donc d'une grande parcelle avec deux bâtiments et un grand parking.

A l'époque, l'office des poursuites avait fixé un prix de 17 millions. Ce bâtiment est actuellement loué, d'où une contrainte supplémentaire, la résiliation des baux pouvant être longue. De plus, cet objet est inscrit au cadastre des sites pollués, ce qui impliquera probablement une dépollution si un projet se concrétise sur cette parcelle. Et puis, comme l'indique également M. Deneys dans son rapport, les bâtiments en question ont probablement de l'amiante, ce qui représente également une contrainte supplémentaire.

Le prix obtenu par la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe se monte à 22 millions, c'est-à-dire 5 millions de plus que l'estimation de l'office des poursuites. Si vous divisez ces 22 millions par 17 328 m2, vous arrivez à un prix de 1270 F le mètre carré pour ce droit de superficie, et je crois que le résultat obtenu par la Fondation de valorisation lors de cette vente est inespéré. C'est pour cette raison que la commission, dans sa grande majorité - à part une voix contre, celle de M. Deneys - a accepté la cession de ce droit de superficie.

J'aimerais encore souligner que cette vente représente une perte de 17,7%, ce qui est largement inférieur à la moyenne des pertes dans ce type de dossiers qui se monte aujourd'hui - Mme Gauthier l'a évoqué tout à l'heure - à environ 40%. Voilà pour les arguments de la majorité.

Maintenant, deux ou trois choses m'ont tout de même fortement surpris en lisant votre rapport, Monsieur Deneys. Tout d'abord, vous parlez d'activités du secteur tertiaire ou de logements d'utilité publique... Je vous rappelle, Monsieur Deneys, que l'on se trouve ici en zone artisanale et industrielle. Or, hier soir, nous avons justement parlé de mixité des zones, et vous avez combattu avec force le fait de rendre mixtes ces zones, et, là, vous nous suggérez d'y faire des logements d'utilité publique... C'est à ne plus rien y comprendre !

Et puis, vous demandez où iront s'installer les petites entreprises, les artisans indépendants, et comment le nouveau propriétaire du droit de superficie pourra valoriser son acquisition. Je vous le répète, il n'y a ni petits artisans ni petits commerçants sur cette parcelle: il y a un centre commercial de bureautique, une station-service et un grand parking. Les enjeux que vous évoquez ne sont pas pertinents.

Vous fustigez également la politique qui est menée aujourd'hui par le conseiller d'Etat Mark Muller au sujet du développement du secteur Praille - Acacias... Vos propos à ce sujet sont purement et simplement inadmissibles ! Je vous rappelle les objectifs qui sont fixés dans le projet Praille-Acacias - ils pourront être répétés tout à l'heure par le Conseil d'Etat : il s'agit tout d'abord de créer des emplois dans cette zone; il s'agit également de créer des logements; il s'agit encore de valoriser au mieux les parcelles de l'Etat; il s'agit enfin de créer une cité administrative pour les services de l'Etat. Par conséquent, quand vous écrivez que la politique menée par le Conseil d'Etat consiste à ne faire des efforts que pour les personnes qui en ont les moyens, vous vous trompez de cible. Je trouve vos propos tout à fait inadmissibles !

Par contre, on pourrait retenir de vos propos qu'il faut garder des zones pour les artisans et des commerçants dans ce grand périmètre. Alors, gardons les zones où ces commerçants et ces artisans sont déjà installés, car, en l'occurrence, cette parcelle ne s'y prête pas.

Voilà, Madame la présidente, pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande d'accepter ce projet de loi et de vendre ce droit de superficie.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Je tiens à remercier M. Amsler d'avoir lu aussi attentivement mon rapport. Encore que, il me semble qu'il ne l'a lu que partiellement... Je vais vous donner la note de trois sur six ! C'est une petite moyenne, vous n'allez peut-être pas passer l'année, mais c'est déjà pas mal ! Je pense que tous les téléspectateurs et téléspectatrices auront retenu le fait que, pour comprendre ce dossier, il faut lire le rapport de minorité, parce que c'est là que sont expliqués les véritables enjeux de cette parcelle.

Une fois de plus, il s'agit de la disparition de deux parcelles, qui sont actuellement en zone industrielle et artisanale, au profit d'un acteur du secteur tertiaire - sans dévoiler son nom, je peux dire que c'est le même acquéreur que pour la parcelle précédente, dont nous avons débattu tout à l'heure - et une fois de plus, il s'agit de la mainmise du secteur bancaire - pour créer des emplois dans le secteur tertiaire - sur une parcelle située dans une zone industrielle et artisanale. Je suis désolé, mais ce n'est pas acceptable !

Vous citez un extrait de mon rapport disant qu'il faut une mixité dans la zone Praille-Acacias... Bien entendu, ce n'est pas sur cette parcelle en particulier qu'il faut de la mixité, mais pour l'ensemble de la zone ! Quoi qu'il en soit, je ne vois pas comment le Conseil d'Etat va arriver à mettre sur pied le plan directeur, alors qu'il brade tous les biens de cette zone les uns après les autres ! J'ai envie de vous citer un exemple: je lis «Le Canard enchaîné» depuis bientôt trente ans... (Exclamations.) ...et j'ai lu avec intérêt que l'Etat français avait eu le même genre de lubie... C'est peut-être une tendance néolibérale: ce n'est pas étonnant, en fait, il faut de l'argent, alors on vend le patrimoine immobilier qui serait mal placé, mal conçu, etc. Mais quand on vend du patrimoine immobilier, après - manque de bol - il faut louer des locaux à des prix exorbitants pour remplir les mêmes tâches. Et que se passe-t-il ? L'Etat, après quelques années de location, se ravise et rachète les immeubles en question, mais, chaque fois, il perd des millions d'euros sur le rachat des biens qu'il avait bradés trop vite, sans réfléchir, parce qu'il n'a pas de vision à long terme.

Eh bien, là, c'est exactement la même chose ! Le Conseil d'Etat indique que Praille-Acacias est un secteur prioritaire, qu'il va y développer du logement, construire des buildings, créer des activités tertiaires, réaliser un projet intéressant et essayer de mettre tout le monde d'accord. Mais que se passe-t-il ? Au lieu de garder la propriété de ces biens, il vend, il brade - oui, c'est la journée des soldes, aujourd'hui - aux banquiers privés. Et ces derniers ne sont pas fous: ils achètent dans un secteur intéressant ! Monsieur Cuendet, vous pouvez transmettre à qui de droit: je pense - comme c'est votre cas - que les banquiers privés sont des gens raisonnables: ils ont le sens des affaires, ce qui n'est manifestement pas le cas de ce Grand Conseil ou de la majorité de ce Grand Conseil ! Ce que nous, socialistes, voulons préserver, ce ne sont pas les intérêts des banquiers privés, mais ceux de la collectivité publique ! (Exclamations.) Et pour cela, il faut attendre ! Je suis désolé, mais ce n'est pas le moment de vendre cette parcelle ! Peut-être pourrait-elle faire l'objet d'un troc, dans le cadre du développement du masterplan Praille-Acacias ? Peut-être pourrait-on envisager que les banques privées utilisent cette parcelle, mais en échange d'autre chose ? Si nous ne les gardons pas, nous n'aurons plus rien à négocier ! C'est ça, le problème !

Il faut demander au Conseil d'Etat ce qu'il fait dans ce dossier: peut-être écoute-t-il M. Mark Muller, qui tient des théories complètement étrangères aux intérêts de la collectivité publique ? Il veut traiter avec les plus riches - c'est évidemment plus facile, parce qu'ils ont les moyens - et il ignore les besoins élémentaires des plus pauvres, des petits artisans, des petits commerçants, qui ne peuvent pas, Monsieur Amsler, acquérir des locaux à 400 F le mètre carré par an ! Ça leur est impossible ! Il faut donc trouver des locaux plus vétustes - je parle en connaissance de cause - et moins chers. C'est déjà une dérogation d'avoir autorisé Office World à s'installer sur cette parcelle; cela n'aurait pas dû être possible. D'ailleurs, hier soir, nous avons évoqué les limites des zones mixtes... Qu'est-ce qu'une zone mixte où il y a une activité de centre commercial d'une chaîne internationale - ou, en tout cas, nationale ? Ce n'est tout simplement pas sérieux pour les petits commerçants ! Eh bien voilà, le résultat c'est qu'aujourd'hui vous dites que l'on peut laisser une banque s'installer, puisqu'il y a déjà une grande surface, que cela revient au même... Je suis désolé, mais c'est pousser les petits commerçants et les petits artisans en dehors du centre-ville ! Et c'est tuer le tissu économique de la zone d'habitation ! C'est un modèle de développement archaïque ! Nous, socialistes, ne pouvons pas accepter cela !

Le processus est effectivement un peu différent, parce que l'Etat n'occupe pas la parcelle aujourd'hui et la perte est moins grande que dans le dossier précédent... Mais, tout de même, comment l'Etat peut-il brader ses biens, alors qu'il a l'ambition de jouer un rôle moteur dans l'application du plan directeur ? C'est tout simplement incompréhensible !

Je vous invite par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). M. le rapporteur de majorité indique dans son rapport, parlant des objets qui sont en vente, je cite: «La procédure de résiliation des baux peut être longue. De plus, cet objet est inscrit au cadastre des sites pollués.» Vous dites donc qu'il est risqué d'acheter cet objet dans ces conditions... (L'orateur est interpellé.) Si c'est un banquier, pourquoi a-t-il acheté ce bien ? Un banquier serait-il assez bête pour acheter un bien qui n'en vaut pas la peine ?! S'il s'agit d'un banquier, je suis sûr qu'il a bien évalué les risques potentiels liés à cet objet. Et si un banquier a su le faire, cela veut dire que ni l'Etat ni la fondation ne le pouvaient ! Je suis d'accord avec mon collègue: ce qui est bon pour un banquier doit aussi l'être pour l'Etat, notamment en ce qui concerne ces parcelles !

Le Conseil d'Etat nous a indiqué, par la bouche de M. Mark Muller, que le secteur de la Praille-Acacias était important et que l'Etat devait, justement, exercer un certain contrôle foncier pour permettre le développement du plan Acacias. Et que constate-t-on ? Que quand il peut exercer un contrôle foncier, il ne le fait pas ! Il a la possibilité de le faire, mais il ne le fait pas ! Comme il ne l'a fait pas pour les objets dont nous avons discuté ce soir. L'Etat aurait pu exercer un contrôle foncier sur plusieurs objets ou les acquérir, ne serait-ce que pour affirmer sa politique sociale, affirmer sa politique industrielle ou affirmer sa politique en faveur des petites et moyennes entreprises: mais il ne le fait pas, même lorsqu'il en a l'occasion.

Alors, permettez-nous, Mesdames et Messieurs les députés, de douter du bien-fondé de la politique de l'Etat et, surtout, de sa volonté de mener à bien la politique annoncée. En tout cas, pour les quatre objets que nous venons de voter, nous constatons que le Conseil d'Etat démissionne, que ce soit dans le domaine du social, en matière de politique d'aide aux petites et moyennes entreprises s'agissant de locaux, et aux associations: c'est patent ! Je ne tiens même pas à rejeter la faute aux députés d'en face - les députés de droite - qui font très bien leur travail et défendent au mieux leurs intérêts, mais nous avions la naïveté de croire que le Conseil d'Etat allait réagir de temps à autre afin de respecter un certain équilibre. Mais non, rien de tout cela ! C'est bien dommage.

J'aimerais dire ceci à M. Stauffer - il n'est pas là, ce qui est regrettable car cette réflexion lui est destinée - qui, tout à l'heure, a mis en cause Mme Calmy-Rey... Contrairement à lui, Mme Calmy-Rey a été blanchie de tout soupçon - de tout soupçon ! Il serait donc malvenu aujourd'hui que ce monsieur vienne donner des leçons à une ancienne conseillère d'Etat qui n'a rien à se reprocher, tout comme les conseillers d'Etat qui étaient, à l'époque, impliqués dans ces conseils d'administration et qui ont été blanchis. Je trouve pour le moins très peu élégant de sa part de profiter d'une tribune comme celle-ci pour mettre en cause des personnes de cette manière, alors qu'il ne connaît pas les dossiers ! Et quand M. Stauffer affirme que, nous, socialistes, sommes la cause des spéculations de ce canton, c'est délibéré. Il fait une espèce d'amalgame et lance une accusation gratuite, car, aujourd'hui, aucun de nous n'est régisseur, ni ne travaille dans l'immobilier. Et, que je sache, M. Moutinot a essayé d'impulser le logement social et tenté de mettre à disposition des terrains en changeant leur affectation. Il n'y est pas arrivé, non pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce qu'il n'a jamais trouvé une majorité au sein de ce Grand Conseil pour pouvoir concrétiser cette politique foncière ! Et M. Stauffer se permet de lancer, comme cela, des accusations gratuites au groupe socialiste ?! C'est très regrettable et insultant !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce que je voulais exprimer. Cela va clôturer quatre objets de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe qui, pour nous, les socialistes, étaient importants, ne serait-ce que pour le symbole qu'ils représentaient dans les domaines que j'ai évoqués. Quoi qu'il en soit, nous nous réservons la possibilité de lancer un référendum. Nous en discuterons... Il n'est pas dit que nous en lancerons un, mais nous allons bien y réfléchir, parce qu'un ou deux de ces objets le mériteraient.

Mme Michèle Künzler (Ve). Comme l'a relevé M. Amsler, la situation que traite ce projet de loi est un peu différente de celle qui concerne l'autre objet, lui aussi situé dans le périmètre de la Praille. On peut en effet se demander s'il est très intelligent de vendre un droit de superficie au coeur même du futur projet Praille-Acacias... On aurait pu imaginer, dans le cadre du masterplan, faire tout de suite quelque chose d'une parcelle située au coeur du développement.

Ce qui m'a convaincue dans ce dossier, c'est que l'Etat garde la maîtrise du sol, dans le sens où l'on ne vend ici que le droit de superficie, ce qui n'était pas le cas pour l'objet précédent, où l'immeuble et le sol étaient vendus ensemble.

Dans le cas qui nous occupe, le Conseil d'Etat devra revoir le prix du droit de superficie. Parce que c'est la même banque que précédemment qui achète ! Et la vocation d'une banque n'a rien à voir avec les activités qui ont lieu à cet endroit... Acheter ou vendre des actions n'a rien à voir avec la construction de hangars, la réparation d'objets ou la vente de boulons ! C'est pourquoi je pense que le prix du droit de superficie doit être révisé.

Dans ce contexte, il faut mener une réflexion d'ensemble sur ce périmètre, et je crains que le Conseil d'Etat, malgré sa volonté de réaliser ce plan magnifique - avec les tours - n'ait pas examiné à fond ce projet, soit le droit de superficie, les propriétés au sol, etc. Rien n'a été fait à ce niveau ! Et la Banque Pictet pourra s'étendre d'un côté et de l'autre... (Commentaire.) Les noms sont publics ! Puisqu'ils sont publiés dans la FAO, ce n'est un secret pour personne !

Parce que l'Etat reste propriétaire du sol, nous acceptons cette vente. Et tout ce que nous voulons, c'est que l'Etat adapte le prix du droit de superficie dans ce périmètre.

M. Renaud Gautier (L). L'article 70 de la loi portant règlement du Grand Conseil, en son alinéa 2, stipule: «L'orateur ne doit adresser la parole qu'au président - à la présidente - à l'assemblée ou au Conseil d'Etat.» J'entends donc, Madame la présidente, m'adresser à vous, pour vous faire part d'un problème, qui, je crois, prend de l'ampleur dans ce parlement - par analogie avec un article qui a paru dans la «Tribune de Genève», ce matin - à savoir les violences parlementaires...

Notre parlement, Madame la présidente, est en train de déraper ! Que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur, vous avez rappelé tout à l'heure à une députée qui prêtait serment qu'il fallait «maintenir l'honneur»... Voilà bien quelque chose qui se perd, et j'entends vous le démontrer à travers ce projet de loi !

Permettez-moi, dans un premier temps, de relever une faute que je qualifierai de «vénielle» par rapport à la dernière, je veux parler de cette espèce de diatribe anti-bancaire si prisée par les députés de certains bancs... Je vais rappeler deux ou trois éléments. Le premier, c'est que la Banque Pictet - puisqu'elle a été nommée - a construit un bâtiment de 400 millions. Et l'entier de cette somme a servi à payer des entreprises genevoises. Le deuxième: le bâtiment qui a été construit est un bâtiment, qui, en termes de préservation de l'énergie, etc., est un bâtiment de référence... Même les Verts le reconnaissent. Le troisième: le monde bancaire économique à Genève représente 30 000 personnes... Si M. Deneys veut créer du logement, il n'a qu'à continuer à pousser les banques à s'établir ailleurs: au moins 30 000 personnes seront licenciées. Cela fera de la place, et M. Deneys pourra ainsi y loger l'ensemble de ses camarades de jeu !

Il est vraiment très lassant d'entendre toujours les mêmes arguments, sans qu'ils soient étayés, toujours faux, dans le but de diaboliser un secteur économique important. Et on en arrive, comme la préopinante le disait tout à l'heure, à penser qu'un objet doit avoir un prix différent selon qui l'achète. Si ce sont des banquiers qui l'achètent, évidemment, il faut le vendre plus cher... Vous ne manquez pas - à gauche - de critiquer la spéculation quand d'autres la pratiquent, mais, dans le cas qui nous occupe, vous vous sentez autorisés à en faire, parce qu'il s'agit d'une banque !

Enfin, Madame la présidente, j'aimerais en venir à un point que je trouve absolument inacceptable: je veux parler des propos que M. Deneys attribue à M. Muller... Alors de deux choses l'une, Madame la présidente - et je vous le dis très clairement ici - ou M. Deneys est un fabulateur ou M. Deneys est un menteur ! Je le répète: ou M. Deneys est un fabulateur ou M. Deneys est un menteur ! En effet, il cite M. Muller dans son rapport de minorité, en lui prêtant ces mots: «pourquoi faire des efforts pour des personnes qui n'ont pas les moyens alors que c'est beaucoup plus simple de travailler pour et avec les plus riches ?»... Cela entraîne la conséquence suivante, Madame la présidente: soit, d'ici la fin de cette séance, M. Deneys nous indique où il a trouvé cette phrase et quand elle aurait été dite, soit il se rétracte. Je l'exige, car je trouve cela absolument intolérable et inacceptable ! Et je m'étonne, d'ailleurs, que le Conseil d'Etat n'ait pas lu ce rapport de plus près - lui qui aime à dire qu'il parle d'une seule voix - et qu'il laisse passer de tels propos. J'insiste, il est tout à fait inacceptable, dans cette enceinte, de prêter des propos à un conseiller d'Etat sans les citer dans leur contexte !

J'entends donc, Madame la présidente, que vous appliquiez avec la plus grande fermeté l'article 90, alinéa b), à savoir que: «Le président rappelle à l'ordre le député, le conseiller d'Etat ou le fonctionnaire qui, en séance: b) prononce des paroles portant atteinte à l'honneur ou à la considération;...». C'est un cas manifeste qui relève du règlement et qui n'aurait jamais dû se produire dans ce parlement ! Je le répète, il est inacceptable qu'un député se permette de citer des propos sans qu'ils soient inscrits dans un contexte, et j'attends, Madame la présidente, que vous exigiez de M. Deneys qu'il se rétracte ou qu'il indique très clairement où et quand cette phrase a été dite ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. M. Deneys s'est déjà inscrit pour prendre la parole. Il pourra vous répondre tout à l'heure... (M. Renaud Gautier interpelle la présidente.) Tout à fait, Monsieur le député ! C'est vrai, vous avez raison, il y a beaucoup de dérives en ce moment et il faudra effectivement examiner ce problème sérieusement. Quoi qu'il en soit, il y en a eu d'autres dans certains textes et, même, dans des interpellations urgentes écrites. Voilà ce que je peux dire à ce sujet pour le moment. Monsieur Frédéric Hohl, vous avez la parole.

M. Frédéric Hohl (R). Merci, Madame la présidente. On parle aujourd'hui d'un droit de superficie - cela a été rappelé par plusieurs de mes collègues... Malheureusement - on en a la démonstration, ce soir - chaque fois qu'une vente se fera dans le secteur de la Praille-Acacias, les mêmes discussions reviendront, car il y a un net clivage gauche/droite à ce sujet. Comme cela a été évoqué, le projet Praille-Acacias laisse aussi de la place pour les artisans. Le projet que nous traitons concerne une banque - vous l'avez tous nommée - et nous n'avons pas du tout envie que celle-ci quitte notre canton. Alors, profitons de l'occasion pour la garder !

Le parti radical, bien évidemment, va soutenir ce projet.

M. Eric Stauffer (MCG). Je constate que depuis tout à l'heure le débat n'a pas beaucoup évolué... (L'orateur est interpellé.) Non, non ! Nous, au MCG, nous avons une qualité: nous ne sommes pas des girouettes comme les députés de certains partis de gauche ! Mais ce n'est rien, Monsieur Deneys ! (Commentaires.)

Je ne voulais pas citer le nom de la banque, mais je vois que cela a été fait trois fois... Je voudrais tout de même dire que cette banque, typiquement genevoise, a construit un immeuble qui a coûté 400 millions, qui ont servi à payer les entreprises genevoises - vous savez, celles-là même qui payent des impôts pour que vous puissiez mieux les dépenser ! Eh bien, il faut que vous sachiez que cette banque genevoise n'a engagé que des résidents genevois ! Alors, moi je me permets d'applaudir... (L'orateur applaudit en disant ces mots.) ...parce que c'est extrêmement rare ! En effet, si tout le monde jouait ce jeu, il y aurait beaucoup moins de chômeurs à Genève !

Mme Michèle Künzler (Ve). Il ne s'agit pas du tout de faire le procès de la banque, absolument pas ! Elle fait une bonne affaire: tant mieux pour elle !

En l'occurrence, il ne s'agit pas de spéculation, c'est ce qu'applique la FTI en toute occasion ! Le prix est différent selon que vous êtes un artisan, un commercial ou autre ! Et c'est logique, parce que les personnes qui font de l'artisanat ne gagnent pas beaucoup d'argent. Il est donc normal que le prix au mètre carré soit beaucoup plus bas: cela leur permet de survivre et cela nous arrange, car nous en avons besoin. En effet, certaines activités sont utiles à la collectivité, mais les personnes qui les exercent ne gagnent pas grand-chose. C'est dans ce sens-là que j'invitais le Conseil d'Etat à réviser le prix du droit de superficie, parce que, finalement, l'activité exercée sera totalement différente de celle qui était prévue.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Les propos de Mme Künzler sont empreints d'une grande sagesse: les socialistes partagent aussi cette analyse. C'est une très bonne chose que les banques privées puissent se développer à Genève et c'est bien aussi une bonne chose qu'elles puissent agrandir leur parc immobilier, si c'est nécessaire pour leurs activités. Il n'empêche que, lorsque cela se fait au détriment d'autres activités du secteur secondaire ou des artisans, ou dans des zones qui ont actuellement un statut ambivalent, il me paraît très délicat de dire aux petites entreprises de partir - parce qu'elles n'ont pas les moyens de payer, d'aller plus loin, là où c'est moins cher - et de mettre des banques à la place. Cela pose un problème au niveau du tissu social. Mon intention n'est pas de critiquer les banques. Elles sont nécessaires, je l'ai déjà dit tout à l'heure !

D'ailleurs, Monsieur Gautier, votre argument selon lequel la Banque Pictet a construit un immeuble qui a coûté 400 millions est très pertinent, mais c'est bien la preuve qu'elle n'a pas besoin d'un financement public pour acquérir des terrains ! Elle a les moyens d'acheter des terrains sans que l'Etat dilapide ses biens ! (L'orateur est interpellé.) Eh bien oui, mais qui paie les pertes ?! C'est nous ! C'est vous ! Ce sont les contribuables ! Eh bien oui ! Et non seulement cela génère une perte de 4 millions, mais l'Etat perd la maîtrise de cette parcelle à la veille d'un plan essentiel pour le développement de Genève. Et c'est cela qui pose problème ! Comme je l'ai dit tout à l'heure, si l'Etat décide un jour d'abandonner son droit de superficie pour une banque privée à cet endroit, pourquoi pas ? Mais cela doit se faire dans une vision globale, en tenant compte également des besoins des petits artisans, des indépendants, qui ne peuvent pas payer le même prix. Je le répète, c'est cela qui nous pose problème !

J'aimerais tout de même insister sur un point: la Fondation de valorisation effectue toujours très bien son travail, c'est-à-dire qu'elle propose les biens immobiliers aux collectivités publiques... A ce sujet, vous trouverez, en annexe de mon rapport de minorité - j'espère, Monsieur Gautier, que vous avez tourné la page pour voir ces documents - la lettre adressée par la fondation au Conseil d'Etat ainsi que la lettre adressée par la fondation à la Ville de Genève. Le courrier au Conseil d'Etat dit: «Monsieur le président, Messieurs les conseillers d'Etat, la mise en vente des objets susmentionnés, dont nous sommes propriétaires, a été décidée au prix de: 22 millions. Nous vous prions de nous faire connaître une éventuelle marque d'intérêt de votre part pour son acquisition dans les meilleurs délais.» Je suis désolé, mais est-ce une base de négociation convenable entre la Fondation de valorisation - qui est payée par les contribuables et qui, de ce fait, appartient à la collectivité publique - et le Conseil d'Etat, qui est le gestionnaire de l'Etat ? Comment peut-on négocier sur des bases pareilles ? En ce qui me concerne, je déplore ce manque de collaboration entre ces deux entités: si la Fondation de valorisation fait bien son travail, elle fournit peu d'efforts pour arriver à des compromis avec le Conseil d'Etat, qui, par ailleurs, ne marque aucun intérêt. En relisant le rapport de minorité sur l'objet précédent - Alexandre-Gavard - on voit très bien que le Conseil d'Etat hésite à acquérir des immeubles pour des bureaux, et puis, finalement, il décide de ne faire que du logement... Soyons sérieux ! Ces biens ont été payés par les contribuables genevois; ils pourraient encore servir de monnaie d'échange, alors pourquoi les abandonner à un banquier privé, qui a, précisément, les moyens d'acheter une autre parcelle ! Cela ne tient pas la route !

Monsieur Gautier, je ne suis pas étonné que vous portiez une attaque personnelle: c'est en général ce que font les gens qui n'ont pas d'arguments... Et je vais vous expliquer pourquoi c'est une attaque personnelle, Monsieur Gautier. C'est parce que vous ne citez pas ma phrase en son entier; vous prétendez que je cite Mark Muller, alors que ce n'est pas le cas. Je vous lis ma phrase: «Cette vente est aussi une démonstration des théories inquiétantes défendues récemment par le conseiller d'Etat libéral Mark Muller - sans que cela ne semble déranger le reste du collège gouvernemental - et qui pourraient se résumer ainsi: ...». Je fais donc un résumé des propos tenus par Mark Muller, notamment concernant le logement social et le fait que les pauvres locataires qui n'ont pas les moyens ne devraient plus avoir de balcons, devraient avoir des plafonds plus bas, etc. Je suis navré, Monsieur Gautier, mais je l'ai lu dans la presse ! (Exclamations. L'orateur est interpellé.) Ce devait être la «Tribune de Genève» ! Monsieur Gautier, je vous l'accorde, j'y suis peut-être allé un peu fort, mais il n'empêche que cela reflète bien la réalité de ce qui se passe aujourd'hui dans ce secteur ! Et c'est bien cela qui n'est pas acceptable pour les socialistes !

Alors, Mesdames et Messieurs les députés, pour l'intérêt public, pour l'intérêt de toutes les genevoises et tous les genevois, pour l'intérêt de tous les contribuables, je vous demande de refuser ce projet de loi, de ne pas accepter la tertiarisation d'une parcelle supplémentaire dans ce secteur, et d'accepter de garder cette parcelle comme monnaie d'échange pour la suite du développement du secteur Praille-Acacias. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, puisqu'il le faut, continuons ! Monsieur Deneys, il me semble vous avoir expliqué, plus tôt dans la soirée, que deux choses ne sont pas négociables en Suisse: le secret bancaire et la fiscalité... (Exclamations.) C'est ce qui a fait le succès et la prospérité de notre pays depuis le début du XIXe siècle, car, je vous le rappelle, la Suisse n'a pas de matières premières: c'est un pays de services.

Et puis, je vous le demande - nous verrons bien si vous avez la franchise de répondre - si c'était l'Association des fumeurs de joints du secteur Nord qui achetait cette parcelle 22 millions, tiendriez-vous le même discours aujourd'hui ? En effet, la gauche veut faire respecter la loi, mais il me semble qu'elle est la première à la violer lorsqu'il s'agit de RHINO ! (Exclamations.) Vous êtes allés manifester pour empêcher l'évacuation de RHINO et prôner les secteurs alternatifs: là, nous ne pouvons pas vous suivre ! La loi doit s'appliquer de la même manière pour tout le monde !

Alors, afin d'être cohérents, vous devez aussi défendre le développement économique pour la prospérité de notre canton. Et quand une banque - genevoise, de surcroît - veut s'étendre, créer des emplois et établir son siège mondial à Genève, un seul mot devrait vous venir à la bouche, à vous, les socialistes ! C'est: «Merci ! Merci de rester à Genève !» Parce que, je vous le répète - puisqu'il le faut: à force de convoiter l'argent des riches, on finit par voler celui des pauvres ! (Exclamations.) Et quand je vois certains d'entre vous qui se permettent, alors qu'ils réalisent des business d'Etat qui ne sauraient être relevants dans ce débat, de jouer les Zorros pour les personnes qui ont de faibles revenus... Eh bien, Monsieur Deneys, avant de donner des leçons de morale à la droite et au MCG, balayez devant votre porte, parce qu'il y a fort à faire !

M. Renaud Gautier (L). Je ne peux pas me satisfaire des pseudo-explications de M. Deneys... Tout d'abord, je suis sûr que le Conseil d'Etat en charge de l'instruction publique vous rappellera volontiers la règle de ponctuation qui s'applique lorsque l'on cite un texte. (L'orateur est interpellé.) J'ai eu la politesse, même si cela a été difficile, de vous laisser parler: alors, ayez au moins cette courtoisie !

Lorsque l'on fait une citation entre des guillemets et après deux points, à moins que vous ne mettiez des points de suspension juste après les guillemets pour faire une citation partielle... (L'orateur est interpellé par Mme Virginie Keller Lopez.) Vous avez été professeur d'école, Madame, vous devriez le savoir ! ...cela sous-entend que vous citez, mot pour mot, les propos tenus par quelqu'un.

Une voix. Bien sûr !

M. Renaud Gautier. La manière employée ici...

Mme Virginie Keller Lopez. Vous ne savez pas lire !

Une voix. Elle va se taire, celle-là !

M. Renaud Gautier. Madame la présidente, pourriez-vous intervenir ? (La présidente agite la cloche.)

Une autre voix. La Lopez du cinquième !

La présidente. Je vous prie de ne pas engager un autre débat !

M. Renaud Gautier. J'entends bien, Madame, je voudrais juste essayer de terminer.

La présidente. Merci. Poursuivez, Monsieur le député !

M. Renaud Gautier. Vous attribuez donc des propos à Mark Muller, et quand je vous demande de vous excuser ou de vous expliquer, vous répondez que vous l'avez lu dans la presse... Et quand je vous demande dans quel journal, vous répondez: «Dans la Tribune de Genève»... Ce n'est pas acceptable ! La manière dont vous avez présenté la chose - vous ne maîtrisez peut-être pas toutes les subtilités du français, et je ne saurais vous en faire le reproche - laisse penser à tout un chacun qu'il s'agit d'une citation. De plus, le fait que ce texte soit passé dans différents services sans réaction - peut-être même au niveau du Conseil d'Etat - est absolument inacceptable ! Je maintiens donc, Monsieur Deneys, soit que vous êtes un menteur, soit que vous êtes un fabulateur.

Madame la présidente, j'insiste, cette citation est une atteinte à l'honneur de M. Mark Muller, et je vous demande d'appliquer l'article 90. Je ne vois pas pourquoi vous ne le feriez pas. Si vous ne le faites pas, vous risquez de voir le parlement se transformer en un champ de bataille.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je voudrais vous dire ceci: tout d'abord, M. Deneys a reconnu tout à l'heure qu'il avait probablement été trop loin; d'autre part, le conseiller d'Etat concerné n'est pas là et n'a pas réagi à ce texte. Le Bureau examinera la situation en fonction de l'article 69 et de l'article 90 de notre règlement. Il pourra ensuite procéder à un arbitrage. Nous constatons en effet qu'il y a des dérives dans ce Grand Conseil, mais il y en a eu bien d'autres, que ce soit lors d'interpellations urgentes ou dans certains rapports. Donc, je vous rassure: le Bureau examinera cette problématique dans sa globalité. Monsieur Alberto Velasco, je vous donne la parole.

M. Alberto Velasco (S). Je ne voulais pas reprendre la parole, mais certains propos qui ont été tenus m'y obligent... Monsieur Stauffer, vos paroles sur les drogués ne sont, c'est vrai, ni de gauche ni de droite: elles sont d'extrême-droite ! (Applaudissements.) Vous auriez mieux fait de vous abstenir ! Ce n'est pas possible de tenir de tels propos !

Ensuite, vous nous expliquez que, parce qu'il s'agit d'une banque qui nous offre notre pitance, il faut en somme tout accepter ! Même se prostituer ! C'est tout du moins ce que nous avons compris. Cela signifie que l'Etat de droit, l'Etat démocratique, n'existe plus !

Monsieur Stauffer, nous avons évoqué le XIXe siècle... C'est aussi l'époque de l'industrie. La richesse de notre pays, ce sont les banques, mais ce sont aussi les industries ! Voyez-vous, les banques prêtent à des personnes qui peuvent - comment dire ? - faire travailler cet argent, le faire fructifier. Alors oui, la richesse de ce pays est due aux universités, aux industriels, aux entrepreneurs, aux mécaniciens, aux bâtisseurs, aux architectes, aux paysans... Eh oui, ce sont ces gens-là qui ont fait la richesse de ce pays ! Pas seulement les banques, Monsieur ! Tout le monde y a participé.

J'aimerais signaler à M. Gautier... (M. Renaud Gautier sort de la salle.) Vous sortez de la salle, Monsieur Gautier ? Dommage ! (Rires.) Je comprends, Monsieur Gautier, que vous soyez sensible aux propos écrits par mon collègue dans son rapport... Comme je l'ai été lorsque j'ai entendu certains collègues sur vos bancs me dire un jour: «Tu sais, Alberto - Madame la présidente, je me permets d'utiliser ma personne - c'est bien de construire du logement social, mais il faut aussi construire des logements pour les gens qui apportent du pognon en Suisse.» Cela a été dit, ça ! Mon collègue a voulu faire une sorte de parabole, certes... Or c'est une réalité, il y a parmi vos bancs des députés qui pensent qu'il est important de construire suffisamment de logements pour les gens qui ont les moyens, parce qu'ils payent beaucoup d'impôts. Du reste, comme le prétend M. Stauffer, il paraît que les recettes fiscales que nous dépensons, c'est grâce à l'apport des banques... Monsieur Stauffer, nous ne dépensons pas l'argent des banques: c'est le parlement qui affecte démocratiquement la totalité des impôts que tout le monde paie non moins démocratiquement dans ce canton, ce qui n'est pas la même chose ! Mon collègue a certes utilisé une parabole un peu forte, mais il est vrai que nous entendons beaucoup de choses dans ce parlement...

Je comprends très bien votre position: la banque est un secteur économique qui a les moyens et qui paie, proportionnellement, plus d'impôts que d'autres. Mais cela ne veut pas dire que l'effort n'est pas le même ! Quand un ouvrier paye 2000 F d'impôts, Messieurs, ce n'est pas parce qu'il ne veut pas payer 20 000 F ou 50 000 F, c'est simplement qu'il ne gagne pas suffisamment d'argent pour verser plus ! Et effectivement, quand une banque s'acquitte de 30 millions d'impôts, c'est qu'elle a gagné suffisamment d'argent pour les payer. C'est ce qu'on appelle, dans un Etat démocratique, l'impôt proportionnel ! Et républicain ! Mais je pense que, dans ce parlement, on est en train de perdre l'esprit républicain. D'ailleurs, je suis sûr que M. Pictet a plus l'esprit républicain que vous ne l'avez; qu'il comprend que ce système ne tient, justement, que parce que l'impôt est républicain ! Le jour, Mesdames et Messieurs les députés - et je m'adresse plus particulièrement à vous, Monsieur Stauffer - où les banques ne seront plus républicaines, nous ferons un bond en arrière, en 1917 ! S'il n'y a pas eu de révolution depuis, comme vous le dites, c'est justement parce que les gens ont compris qu'il fallait payer l'impôt républicain proportionnel. Je le répète, la richesse est produite, dans notre pays, par tout le monde ! Par tout le monde ! Même par le petit boulanger, même par le petit maçon, comme par l'ingénieur ou le riche !

Voilà, ce que je tenais à dire, Madame la présidente, quant aux propos écrits par mon collègue. Il s'agit de paroles que nous entendons tous dans ce parlement, il ne faut donc pas en faire...

Une voix. Un fromage !

M. Alberto Velasco. ...une montagne !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Se sont inscrits pour prendre la parole: Mme Virginie Keller Lopez, M. Roger Deneys, M. Pierre Weiss, M. Eric Stauffer, M. Mario Cavaleri et, enfin, M. le conseiller d'Etat, Pierre-François Unger. Le Bureau décide de clore la liste. Madame Virginie Keller Lopez, vous avez la parole.

Mme Virginie Keller Lopez (S). M. Renaud Gautier ayant évoqué mes compétences de maîtresse d'école au sein du Grand Conseil, je voulais lui parler de la problématique de la ponctuation, puisqu'il se présente ce soir comme «docteur es ponctuation»...

A mon avis, Mesdames et Messieurs les députés, si M. Renaud Gautier attaque si violemment M. Roger Deneys par rapport à un problème de ponctuation, c'est pour ne pas parler du fond de la question qui, elle, est bien plus problématique que l'idée que chacun peut se faire de la politique menée par M. Mark Muller. M. Renaud Gautier affirme qu'il s'agit d'une citation... Ce n'est pas du tout une citation: c'est un résumé de la position de M. Mark Muller. Malheureusement - car on dirait que le Conseil d'Etat est solidaire de cette position, et c'est bien ce qui nous inquiète, nous, les socialistes, ce soir - on résume la position des libéraux: «Mieux vaut travailler pour les riches que pour les pauvres.» C'est leur position de fond, nous le savons, chaque jour ils le démontrent. Alors, peut-être ce résumé est-il un peu simpliste, mais, au sein de ce Grand Conseil, nous tenons souvent, malheureusement, des propos simplistes.

En l'occurrence, je regrette que M. Renaud Gautier ne donne pas sa position politique sur le fait que l'Etat et les communes ne préemptent pas des terrains dans une zone dont nous savons qu'elle est l'avenir du développement de Genève, non pas seulement pour les riches, les banques et les entreprises qui s'y installeront - et nous espérons bien qu'elles s'y installeront - mais aussi pour les artisans, mais aussi pour les petits commerçants, mais aussi pour le logement social ! Et si le Conseil d'Etat ne prépare pas aujourd'hui la politique de demain, nous ne pourrons pas conduire cette politique de demain, Monsieur Renaud Gautier !

Et le sujet de ce soir n'est pas de savoir qui va acheter ces terrains, que ce soient des banques ou des entreprises - ce n'est pas mon souci, et je ne suis pas contre les banques... Nous faisons une critique au Conseil d'Etat qui n'a, dans ce cas, pas fait son travail: il aurait, en effet, dû racheter ces terrains que nous estimons nécessaires pour protéger notre population, pour protéger nos commerces, pour protéger nos artisans. Non pas pour les protéger contre les banques, mais pour leur permettre de survivre à Genève ! C'est de cela que nous parlons ce soir, Monsieur Gautier - vous transmettrez, Madame la présidente - et pas d'un problème de ponctuation ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Et puisque M. Gautier, si cultivé qu'il se prétend - je pense qu'il a dû lire de nombreux romans dans sa vie - aurait dû savoir que la ponctuation n'est pas une science exacte ! On a le droit de l'utiliser - et c'est comme cela que je l'enseignais à mes élèves - avec une certaine liberté, qui est celle de l'interprétation... artistique.

M. Pierre Weiss (L). J'aimerais intervenir sur trois points. Le premier, c'est la campagne de dénigrement orchestrée, organisée par le parti socialiste genevois... Genevois, je le précise ! Je ne parle pas de Mme Calmy-Rey qui, lorsqu'elle était dans ce Conseil, notamment avant son élection au Conseil fédéral, avait lourdement insisté sur la nécessité de préserver le secret bancaire. Je parle d'un certain nombre de déclarations de M. Tornare sur la question du blanchiment de l'argent; je parle de Mme Roth-Bernasconi préconisant de sacrifier le secret bancaire pour conserver de bonnes relations avec l'Allemagne dans une attitude de pays soumis... (Exclamations.) Je parle de M. Deneys qui, avec ses grandes compétences d'entrepreneur dans un secteur qui se voudrait moderne, ne réussit, en réalité, qu'à recycler des antiennes d'un socialisme de lutte des classes complètement dépassée ! (Exclamations.) C'est le premier point dont je voulais vous faire part. Madame la présidente, je ne vous rappelle pas, bien sûr, qu'il serait utile... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...que ce débat puisse se dérouler dans le calme ! (Exclamations.) Et je ne rappelle pas à certains qu'ils devraient observer un minimum de politesse !

Le deuxième point, Madame la présidente est le suivant. Je passe évidemment sur le rappel pédant de ce que peut être une citation... Il est vrai que si on lit fidèlement le texte de M. Deneys, on se rend compte qu'il fait semblant de faire une citation. Parce qu'il précise bien: «...qui pourrait se résumer ainsi: "..."». Mais M. Deneys, qui est une personne que je croyais lettrée, a démontré ce soir qu'il n'était en réalité qu'un manipulateur de la technique de la citation: son honnêteté intellectuelle est à l'aune de son rapport... Il sera évidemment sanctionné par un vote qui renverra son rapport aux poubelles de l'Histoire ! (Exclamations.)

Le troisième point sera ma conclusion, et je m'adresse à vous, Madame la présidente. J'ai été pour le moins surpris - et je le dis avec toute la considération que j'ai pour vous - que vous ayez pu exciper du fait que, dans certains cas, d'autres avaient pu se comporter de façon inadmissible et qu'ils n'avaient pas reçu les sanctions qu'ils méritaient, pour ne pas appliquer à celui qui ce soir se transforme en une personne qui pratique la forfaiture la sanction réclamée par mon collègue Gautier. Il n'y a pas deux poids deux mesures: quand l'on constate qu'une personne ne respecte pas les règles, elle doit être sanctionnée ! Ce n'est pas parce que d'autres ne l'ont pas été que celle-ci mériterait, au fond, que l'on ferme les yeux. Madame la présidente, je soutiens mon collègue: je réclame une sanction claire contre M. Deneys !

Une voix. Le fouet, le fouet ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer. (M. Gilbert Catelain interpelle M. Eric Stauffer.)

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le député Catelain ! Effectivement, ici les règlements ne s'appliquent pas de la même manière pour tout le monde: j'en suis un exemple patent ! (Commentaires.)

Ecoutez, chers collègues, une chose m'étonne tout de même: c'est que l'on fasse un débat de fond sur le logement à Genève, alors que l'on traite de la vente d'un terrain ! C'est un dérapage complet ! (L'orateur est interpellé.) Mais si, puisque l'on parle de logements bon marché, etc. ! Le cas qui nous occupe porte sur la vente d'un terrain à une entité. Alors, moi, je veux bien parler du logement, il n'y a pas de problème... On est déjà tellement en avance dans l'ordre du jour qu'on peut bien encore perdre du temps à parler du logement... De toute façon, chaque fois qu'une partie de cet hémicycle veut construire, l'autre s'y oppose ! La preuve: souvenez-vous de Balexert ! Vous vous y étiez opposés avec beaucoup de vigueur. Nous l'avions soutenu.

M. Alain Charbonnier. On parle de logement !

M. Eric Stauffer. De logement, oui, mais il faut aussi des places de travail ! (Exclamations.)

Pour ce qui est du logement, c'est simple: cela fait bien vingt ans que nous avons un problème récurrent en matière de logement ! Aujourd'hui, il manque à peu près une dizaine de milliers de logements à Genève. Alors, Mesdames et Messieurs les députés de tous bords - et nous l'avions déjà proposé au MCG - il faut dépasser intellectuellement - mais c'est vrai qu'il faut être doté de trois neurones et demi et pas de deux seulement - les clivages politiques ! Ensuite, vous déclassez une zone, vous construisez l'équivalent d'une commune comme Onex - sans construire des tours, mais avec les nouveaux standards de construction, Minergie, etc. - et vous pourrez mettre à la disposition des citoyens genevois dix mille logements à des prix abordables ! C'est ici que ces mesures se décident, il faut le savoir ! Mais comme vous êtes enfermés dans vos clivages politiques et que vous vous crêpez le chignon comme au jardin d'enfants, eh bien, les affaires de la République n'avancent pas ! Les logements ne se construisent pas et, résultat des courses, les loyers sont inabordables pour la plupart des Genevois !

Ce soir, vous fustigez une banque, la Banque Pictet... Mais, bon sang de bonsoir, quelle image allons-nous donner aux personnes qui font de la finance internationale, qui donnent une aura internationale à Genève ?! (Exclamations.) Ce n'est en tout cas pas RHINO qui va donner une image positive de Genève à travers la planète, mais ce sont bien des institutions respectables comme la Banque Pictet ! Je le répète, je ne voulais pas la nommer, mais comme elle l'a déjà été, c'est de notoriété publique. Et ce que vous êtes en train de faire, c'est manquer de respect à l'égard de nos institutions ! Je trouve cela désolant.

Si vous voulez résoudre les problèmes, dépassez les clivages politiques et travaillez ensemble, comme nous l'avions demandé ! Demandons une suspension de séance et rédigeons un projet de loi en une demi-heure: on refait un plan directeur, on déclasse une zone et on réalise des logements pour les Genevois ! C'est au pied du mûr que l'on voit les vrais maçons: eh bien aujourd'hui, dans cette salle, je n'en vois pas beaucoup !

M. Mario Cavaleri (PDC). Ce débat est vraiment hallucinant et je souhaiterais, Madame la présidente, rappeler à M. Deneys le contexte lié à l'entité qui est intéressée par cette acquisition. La Ville de Genève, en effet, a laissé partir bêtement - passez-moi l'expression - cet énorme contribuable, ce qui a provoqué un trou assez conséquent dans les finances de la Ville de Genève. Donc, Monsieur Deneys - ainsi que certains de vos collègues - vous devriez peut-être réfléchir un peu plus que vous ne l'avez fait dans votre discours, en ce sens que, si cette banque revient en Ville de Genève, vous allez récupérer en partie ce que vous aviez perdu en n'ayant pas su la maintenir sur le territoire municipal. C'est tout de même une chose qui devrait être au centre de vos préoccupations: puisque vous souhaitez tellement aider l'artisanat en Ville de Genève, donnez-lui en les moyens ! Et l'un de ces moyens, c'est le financier: je veux parler de la taxe professionnelle municipale.

Je crois que l'on pourrait mettre un terme à ce débat en replaçant simplement cette transaction dans le contexte et en relevant, de surcroît, que le Conseil administratif n'a pas voulu utiliser son droit de préemption, alors qu'il en avait la possibilité. Si la majorité de gauche de la Ville de Genève trouve que ce n'est pas intéressant, M. Deneys devrait se rendre à l'évidence et abandonner sa demande.

M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord apporter une précision: ce rapport a été remis ce matin même au service du Grand Conseil. Il est donc évident que le délai imparti, pour que ce document figure ce soir à 17h à l'ordre du jour, n'a pas forcément permis un suivi administratif pointilleux. Ce qui explique qu'il aurait été difficile d'enlever la phrase que vous mettez en cause, dans la mesure où elle n'aurait pas dû y figurer. Je voudrais donc mettre hors de cause le service du Grand Conseil et tous les services qui pourraient être concernés, de même que le conseiller d'Etat. Je ne pense pas qu'il faille faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre qu'à moi-même - pour autant qu'il y ait chapeau à porter...

Pour le reste, j'ai bien entendu les propos de M. Weiss - le commissaire politique des libéraux - et j'ai été heureux, c'est vrai, de l'entendre mettre en cause M. Tornare et Mme Maria Roth-Bernasconi, en résumant aussi leurs propos dans de drôles de citations sans guillemets... (L'orateur est interpellé.) Enfin, ce n'était pas très clair: vous avez parlé de l'Allemagne, du secret bancaire ! Quoi qu'il en soit, tout cela n'est pas très important !

Je voulais surtout dire qu'en ce qui me concerne, s'il y a un problème de ponctuation dans la rédaction de mon rapport, je suis bien entendu prêt à le corriger. Et je vous suggère - puisque nous avons reçu depuis hier sur nos tables de la documentation à ce sujet - d'adhérer à la Société de lecture. Je suppose que ce sont des personnes éminemment lettrées - nettement plus que moi, certainement aussi plus que M. Gautier, même s'il l'est sûrement plus que moi - et je suggère qu'ils arbitrent ce litige pour savoir comment il faut présenter une citation qui n'en est pas, puisque j'ai voulu résumer une position. Donc, je le répète, je suis prêt à corriger cette erreur de forme. Je n'aurais peut-être pas dû mettre des guillemets, j'aurais peut-être dû tourner ma phrase autrement, mais cela ne me pose aucun problème d'apporter une modification, si cela s'avère nécessaire. J'ai cru de bonne foi qu'il était correct de résumer la position d'un conseiller d'Etat de cette manière, laquelle n'est, quoi qu'il en soit, pas très éloignée de ce que j'ai écrit.

Pour le reste, il est tout à fait hors de propos de prétendre que nous attaquons les banques, le secret bancaire... Dans le cas qui nous occupe, nous nous intéressons seulement au maintien d'une parcelle en zone artisanale et industrielle, quel que soit son usage actuel, Monsieur Amsler ! En outre, la banque en question a déjà acquis une parcelle quelques heures auparavant dans le même secteur. Mais ce qui nous dérange vraiment, c'est de réaliser cette opération aujourd'hui, à la veille du masterplan Praille-Acacias ! Sur le fond, je le répète, cette opération ne nous dérange pas; ce qui dérange, c'est qu'elle se fasse à un moment où il faudrait pouvoir prendre des décisions en matière d'aménagement et, qui plus est, elle nous bloque pendant plus de cinquante ans ! Donner ce droit de superficie est tout simplement irrationnel ! N'importe quel acteur qui veut maîtriser un objet en garde le contrôle: c'est tout !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'ai cru comprendre, dans ce vaste débat, que l'on parlait d'assurance-maladie, un peu de pistes cyclables et, accessoirement, du sujet des textes qui vous sont proposés par le Conseil d'Etat unanime... Et il va sans dire que ces textes ont été lus par le Conseil d'Etat avant qu'il ne vous les transmette.

Ces projets de lois correspondent à une volonté de valoriser, en minimisant les pertes, les 5 milliards potentiels perdus dans les opérations bizarres de la Banque cantonale de Genève. Et tous les partis politiques étaient représentés au conseil d'administration. (L'orateur est interpellé.) Non, mais ce n'était pas un parti ! (Rires.) Ces considérations devraient d'ailleurs, puisque la digression semble de règle dans ce débat, vous aider à réfléchir pour soutenir le projet que vous proposera le Conseil d'Etat afin de dépolitiser les conseils des différents établissements autonomes, ce qui a déjà été fait pour la Banque et pour l'Hospice, à satisfaction des uns et des autres.

Ce projet représente la valorisation, à un bon prix, d'une parcelle - vous avez raison de le dire, Monsieur Deneys - intéressante. Et tout le monde l'a dit, si intéressante qu'on en tire un bon prix ! Car, quand un bien n'intéresse personne - comme dans le cas de la rue de Berne - les choses sont plus compliquées. Et cela n'intéresse pas l'Etat non plus. Il ne veut ni faire de la spéculation ni de mauvaises affaires: ce n'est pas son rôle !

Mme Künzler, dès la deuxième intervention, a dit l'essentiel: ce projet est différent du précédent. Ce projet propose l'acquisition par une banque - la Banque Pictet, puisqu'on l'a citée - d'un droit de superficie qui comprend des immeubles. Mais elle n'acquiert que les immeubles et un droit de superficie qui échoit en 2064, à un prix correspondant à l'activité qui se déroule dans les immeubles qu'elle a acquis. Il est évident que la Fondation des terrains industriels, si par impossible on devait demander que les activités changent à l'intérieur de ces immeubles, serait amenée à revoir, de manière extrêmement considérable, les tarifs de ce droit de superficie.

Il faut tout de même rappeler à ce propos que la FTI est une fondation de droit public, dont la gouvernance répondra bientôt aux mêmes principes que les établissements autonomes. C'est une fondation dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire, pour ne pas dire l'assemblée générale des actionnaires à elle toute seule. C'est comme cela qu'il faut concevoir l'Etat de Genève, lorsqu'il délègue sa puissance à travers des établissements dont la compétence métier n'appartient pas à l'Etat, mais dont l'activité est définie, dans la mission, par l'Etat.

Alors, nous entendrons certainement encore beaucoup parler ces prochains jours du projet la Praille-Acacias-Vernets, mais personne n'a encore décidé si ce secteur serait affecté à une zone industrielle ou à une zone de logements. Il a toujours été prévu que la Praille-Acacias-Vernets serait une immense zone mixte comprenant du logement, des immeubles à prédominance logements mais présence d'activités, à prédominance d'activités et/ou présence de logements ou d'activités seules. Et il a été admis que ces activités pourraient être celles des deux grands secteurs de l'économie: le secondaire et le tertiaire. Un autre secteur apparaît: le secteur quaternaire. Le seul domaine que l'on n'a pas pensé à y mettre, j'en conviens, c'est l'agriculture.

Pour le reste, il faudra effectivement définir le masterplan et effectuer un travail d'une extrême patience. Et il faudra mener à bien ce travail pour convaincre les uns et les autres de participer à ce fantastique projet, qui représente un second souffle pour Genève: c'est un acte majeur, en ce début de troisième millénaire, pour cette cité à laquelle, les uns et les autres, vous êtes tous attachés. Vous imaginez bien que, parcelle par parcelle, des discussions se tiendront sur la participation de chaque entreprise à l'intérieur du périmètre ou à l'extérieur du périmètre, à l'intérieur d'un type de bâtiment ou d'un autre type de bâtiment. Mais il n'est pas encore possible aujourd'hui, dans le cadre du masterplan, de décider à quel endroit se situera un petit parc public - comme vous avez voulu le faire - par rapport à l'usine qui y est déjà. En revanche, je ne vois pas très bien comment il serait possible de décider de réaliser un petit parc à l'intérieur de l'usine Rolex, qui a 10 ans et dont chacun - je le souhaite - espère qu'elle continuera à produire de l'industrie, parce qu'il n'est pas discutable qu'il en soit ainsi, en zone industrielle, à la Praille-Acacias-Vernets.

Alors, sachons raison garder ! Ce projet est un projet modeste: il permet de réaliser une relativement bonne opération sur le plan financier par rapport à certains grands désastres qui ont eu lieu; il permet à une banque de s'afficher comme étant l'un des participants du développement de la Praille-Acacias-Vernets, et l'Etat ne s'en désintéresse pas puisqu'il reste propriétaire du terrain. Je ne sais pas si vous êtes tous bien conscients que plus de 60% des terrains à cet endroit sont en mains publiques. Il n'y a en effet pas un endroit au monde - même dans les pays communistes - dans une zone de ce type où sont prévus des projets de cette ampleur et, au début du projet, où 60% des terrains reposent en mains publiques !

Alors, faites confiance au développement qui va être réalisé ! Accueillez, cet automne, de manière à la fois critique et utilement critique et bienveillante, le projet - ou les projets - de déclassement pour la zone qui vous sera proposée et essayons tous ensemble de résoudre les problèmes, plutôt que d'en soulever de nouveaux à chaque parcelle que l'on traite ! Car cela pourrait laisser penser - ce que je n'ose moi-même imaginer - que, déjà maintenant, des personnes seraient favorables et d'autres défavorables au projet la Praille-Acacias-Vernets ! C'est comme cela que l'on a fait reculer Genève dans la seconde moitié du XXe siècle ! J'espère que le début du XXIe siècle permettra de trouver des consensus d'une autre nature ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération de ce projet de loi. (La présidente est interpellée.) Vous demandez le vote nominal ? Etes-vous appuyé ? Vous l'êtes.

Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 10022 est adopté en premier débat par 60 oui contre 18 non et 3 abstentions.

Appel nominal

La loi 10022 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10022 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 17 non et 4 abstentions.

Loi 10022

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour bleu. Nous en sommes au point 23. Je vous rappelle que vous avez souhaité qu'il soit traité conjointement avec le point 32.