République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 janvier 2008 à 20h30
56e législature - 3e année - 4e session - 22e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.
Assistent à la séance: MM. Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, David Hiler, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Catherine Baud, Jacques Baudit, Didier Bonny, Beatriz de Candolle, Mario Cavaleri, Maurice Clairet, Alain Etienne, Stéphane Florey, Renaud Gautier, Georges Letellier et Véronique Pürro, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du premier débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux avec la suite du premier débat sur le projet de loi 10015-A. Sont inscrits: M. Gillet, M. Sidler, M. Deneys, M. Meylan, Mme Emery-Torracinta, M. Stauffer, M. Jeannerat, M. Velasco, M. Amsler, Mme Morgane Gauthier, Mme Schneider Hausser et M. le conseiller d'Etat Mark Muller. Le Bureau décide de clore la liste. Monsieur le député François Gillet, je vous donne la parole.
M. François Gillet (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est convaincu, contrairement à ce que prétendent certains dans cette enceinte, que ce projet de traversée du lac s'inscrit dans une véritable complémentarité des moyens de transport dans le canton et dans la région.
Nous avons effectivement soutenu - et nous le ferons encore - les initiatives allant dans le sens du développement des transports collectifs, qu'il s'agisse du CEVA ou du réseau de tram notamment. Mais il est vrai aussi qu'il est vital pour l'avenir de notre canton - et, plus largement, de notre agglomération - de réaliser ce contournement autoroutier. Alors, bien sûr, il serait naïf - et nous ne le sommes pas - de prétendre que cette réalisation va régler tous les problèmes de mobilité de la région... Evidemment pas: il faut une véritable complémentarité des moyens de transport pour y parvenir !
Ce qui est difficile, dans cette réflexion, c'est de parvenir à modifier notre échelle d'analyse. Nous ne pouvons pas nous contenter de raisonner à l'échelle de notre ville, ou même de notre canton. Du reste, le Conseil d'Etat a souhaité, avec sagesse, effectuer des études complémentaires pour mener cette réflexion dans un cadre plus régional: celui de l'agglomération; ce qui était tout à fait indispensable.
Tout à l'heure, nous avons entendu certaines réflexions à propos de l'augmentation du taux de CO2, qui nous inquiète tous. Le projet que nous traitons, au mieux, sera réalisé à l'horizon 2020 - au pire, pour nous, ce sera en 2040... Qui sait quels seront les moyens de transport qui seront utilisés à ce moment-là, qu'ils soient privés ou collectifs. Nous espérons qu'ils ne rouleront plus au carburant fossile, mais à l'électricité. Je crois qu'il faut tenter de nous projeter dans l'avenir.
Nous avons été informés en commission des transports des conclusions des différentes études effectuées, lesquelles, bien sûr, mettent en évidence des charges de trafic et font des projections pour l'avenir... Mais personne n'est devin: à une échelle aussi lointaine, personne ne sait exactement quelles seront les charges de trafic que nous devrons absorber. La seule chose que nous savons, c'est qu'elles vont considérablement augmenter.
C'est la raison pour laquelle nous devons prendre exemple sur ce qui se fait à l'étranger. Toutes les agglomérations qui sont efficaces aujourd'hui, en termes de mobilité, ont une ceinture de contournement autoroutier, et il est indispensable que Genève ait la sienne et qu'elle soit complète.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi qui vous est soumis ce soir demande seulement un crédit d'étude. Les différentes options de ce projet ne sont pas décidées à ce stade. Bien des aspects doivent encore être étudiés. Je tiens toutefois à vous dire que ce projet de loi va précisément dans le sens souhaité par le Conseil d'Etat au terme d'une étude très approfondie des différents aspects liés à cette traversée, d'abord «de la rade», puis «du lac».
Permettez-moi de vous lire la conclusion du rapport du Conseil d'Etat: «...le Conseil d'Etat se prononce en faveur de la poursuite de l'examen d'une traversée du lac, sur le principe de la variante 4, dite «Traversée du lac». Le tracé, les fonctionnalités et le dimensionnement de cet ouvrage devront être étudiés dans la perspective de relier les réseaux routiers nationaux suisse et français.» C'est exactement ce que nous proposons ce soir avec ce projet de loi: de poursuivre ces études !
Il est évident que ces 3,5 millions ne doivent pas servir uniquement à étudier les aspects techniques de l'ouvrage mais également à étudier les nécessaires mesures d'accompagnement. Il serait en effet irresponsable de lancer un tel projet sans que des mesures restrictives concernant la circulation automobile de transit ou centre-ville ne soient étudiées. C'est une évidence ! C'est précisément parce que nous voulons reporter le trafic de transit sur un ouvrage adapté que ces mesures d'accompagnement doivent être étudiées. Cela va de soi !
Pour nous, démocrates-chrétiens, ce crédit d'étude de 3,5 millions doit permettre d'étudier tous ces aspects dans le détail, et nous sommes certains qu'ils le seront.
Pour toutes ces raisons, notre groupe vous demande, Mesdames et Messieurs, d'adopter ce crédit d'étude. (Applaudissements.)
M. Damien Sidler (Ve). J'aimerais réagir à certains propos, notamment ceux de M. Slatkine, qui prétend que notre groupe adopte, à ce sujet, une position dogmatique... Je vous rappelle - comme l'a dit le rapporteur de majorité - qu'il y a eu quelques abstentions, ce qui prouve bien que nous n'avons pas une position dogmatique. Certains d'entre nous se sont posé des questions dans notre groupe et une proposition vous a été faite, en début de soirée, de renvoyer ce projet en commission des transports, proposition que vous avez, vous, refusée de façon très dogmatique. Pourquoi certains Verts ont-ils abordé la question de manière non dogmatique ? L'exemple du canton de Zurich a été mentionné durant les travaux de la commission... On réalise en effet que, vingt ans après la mise en service du CEVA zurichois - le S-Bahn - Zurich ne peut pas faire autrement que de créer un contournement ouest de la ville ! Et, en l'occurrence, ce n'est pas un lac qui pose problème, mais une montagne... Finalement, ils se sont résolus à percer la montagne pour pouvoir libérer certains quartiers du flux continu des voitures et essayer de créer les premiers écoquartiers du canton. Ce sont les fameuses mesures d'accompagnement dont a parlé le rapporteur de majorité. Vous avez basé une bonne partie de votre argumentation sur ce point. Du reste, je viens d'entendre les mêmes arguments dans les propos de M. Gillet. Vous avez entendu de ma bouche tout ce qui s'est dit en commission des travaux sur ces fameuses mesures d'accompagnement, il n'y a rien de plus, vous pouvez le constater dans les PV. Je pense donc qu'il y a une lacune, et vous ne pouvez pas baser toute l'argumentation de ce projet sur le fait que ces mesures d'accompagnement vont résoudre tous les problèmes.
M. Desbaillets nous a parlé de la «société à 2000 watts», on a parlé de «dogme», de «décroissance»... Si Ecologie Libérale prône la société à 2000 watts, il faut bien examiner ce que cela veut dire, et cela n'a peut-être pas été bien compris. En effet, la société à 2000 watts implique une décroissance de la consommation de l'énergie, notamment une décroissance de la mobilité individuelle qui est très fortement liée à la consommation d'énergie. Peu importe qu'il s'agisse d'une énergie renouvelable ou non. Le problème, c'est que nos besoins en énergie ne pourront pas croître encore, comme cela, si nous voulons cette société à 2000 watts ! M. Desbaillets, qui a passé une semaine à la FEDRE, semble n'avoir toujours pas compris qu'il va falloir diminuer notre consommation d'énergie et, probablement notre mobilité individuelle !
La rapporteuse de minorité, ma collègue Morgane Gauthier, vous a donné l'exemple du Grand-Saconnex... Il est effectivement assez étonnant de constater qu'un projet comme celui de la route des Nations, qui va orienter les voitures dans un quartier de la ville, a été mené tambour battant, dans un certain empressement, en raison des subventions fédérales. Or on l'a vu à la commission des travaux la semaine dernière, un rond-point autoroutier et une connexion avec l'autoroute ont été décidés avec un certain aveuglement... Eh bien, aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où la commune, à l'unanimité - à l'unanimité, même dans vos rangs ! - on ne veut pas du projet ! Et ce soir, vous êtes en train de reproduire le même schéma: vous ne voulez pas écouter ce que l'on vous dit. Vous campez sur votre position, et, dans quelques années, nous risquons bien de nous retrouver dans une situation équivalente.
Encore un exemple, rapidement. Vous avez dit que nous avions passé neuf séances en commission des travaux à étudier ce dossier... Oui, effectivement, nous avons passé neuf séances sur cet objet, mais cela ne veut pas dire que nous avons bien travaillé. En commission des travaux, ce qu'on étudie en général, c'est l'aspect général de l'ouvrage: s'il pose des problèmes, la hauteur des piliers, etc. C'est ce que nous avons fait, mais il n'a jamais été question des intentions des Français sur le raccordement autoroutier ou non entre Thonon et Annemasse... Nous ne savons rien à ce sujet ! Rien ! Nous devons nous prononcer sur un ouvrage qui ne s'inscrit dans aucune vision globale au niveau de la région, et je pense que c'est vraiment un exemple à ne pas suivre !
Pour finir, j'imagine que si certaines personnes se sont abstenues, c'est qu'elles espéraient que ce projet serait renvoyé en commission des transports, là où il aurait dû être étudié. Et il n'est pas réaliste d'examiner à la commission des travaux un ouvrage qui va être construit dans vingt ans: c'est absurde ! Ce n'est vraiment pas le lieu adéquat pour étudier ce genre de projet, il fallait le faire à la commission des transports ! Vous avez refusé d'accepter cette proposition, je pense que c'est vraiment dommage parce que certains d'entre nous, comme moi, auraient pu examiner certains aspects de ce dossier sous un autre jour et réviser leur position. Malheureusement, vous nous contraignez à voter non. Ce projet - un de plus - n'aboutira probablement à rien dans les prochaines années.
M. Roger Deneys (S). Je voudrais tout de même réagir à certains propos, tenus tout à l'heure par mes collègues libéraux et radicaux.
Fondamentalement, le problème actuel - mais aussi, manifestement, ces prochaines années - c'est que vous avez une vision extrêmement statique des problèmes de mobilité et de transport, et pas une vision dynamique. En effet, aujourd'hui vous voulez réaliser une traversée du lac en pensant que cela ira mieux après, que la circulation sera plus fluide, que les automobilistes ne seront plus coincés dans les bouchons... Car le problème, ce sont les bouchons, il ne faut pas que les voitures soient arrêtées. C'est vrai à court terme: à nombre de voitures égal, la fluidité du trafic s'améliore lorsqu'il y a des routes en plus... Mais ce qui arrive, on le voit bien avec l'autoroute de contournement, c'est que lorsqu'une route supplémentaire est construite, au bout de quelques années, pas de miracle, toutes les études scientifiques le prouvent: un nouveau niveau de saturation est atteint ! Parce que les routes appellent les voitures ! Et ça, on le sait, c'est un constat scientifique établi depuis longtemps ! La traversée du lac ne résoudra donc pas, à long terme, les problèmes de circulation. Vous obtiendrez une amélioration à court terme, mais, à long terme, cela débouchera sur une catastrophe supplémentaire.
J'en veux pour preuve le fait que ce projet de loi n'est absolument pas précis quant aux mesures d'accompagnement évoquées par les libéraux et les radicaux. Une fois de plus, c'est de la rhétorique: nous n'avons aucun exemple concret ! J'ai entendu M. Slatkine parler du centre-ville... Alors, pourquoi ce crédit d'étude ne comporte-t-il pas l'objectif clairement fixé d'une volonté de réduire la circulation au centre-ville ? Pourquoi cet objectif n'est-il pas étudié en même temps ? Pourquoi n'est-ce juste qu'un discours pour les journaux - et pour le Grand Conseil - et pourquoi est-ce que cela ne figure pas dans ce projet de loi ? C'est cela le problème ! Vous n'êtes pas précis ! Vous n'êtes pas factuels quand il faut prendre d'autres mesures que de construire des routes ! Mais cela n'est pas étonnant... Ce n'est pas étonnant du tout, parce que vous avez un nombre impressionnant d'entreprises, d'entrepreneurs, de lobbyistes, des milieux de la construction, qui ne pensent qu'à une chose: bétonner ! Mettre du béton, des bagnoles; du béton, des bagnoles; encore du béton, et des bagnoles ! Et ça, c'est tout ce que vous souhaitez, parce que cela rapporte de l'argent à court terme. C'est: la cupidité ! Et cela, pour les socialistes, Mesdames et Messieurs, cela n'est pas acceptable !
J'aimerais encore revenir sur un propos de M. Gillet. Dans vingt ou trente ans, les véhicules, en effet, seront peut-être différents de ceux d'aujourd'hui, leurs moteurs ne seront sans doute plus à essence comme c'est le cas actuellement. Mais, si vous lisez bien le rapport, parce qu'en dehors des quelques citations trop exhaustives des procès-verbaux il y a quand même quelques éléments à retenir, eh bien, M. Pini, de l'Observatoire universitaire de la mobilité, dit que la solution idéale serait d'interdire certains lieux à la circulation automobile... Alors, il faudrait entrer en matière sur cette proposition ! Je poursuis. M. Pini dit aussi que le problème majeur - et de cela, je suis vraiment convaincu - c'est la consommation du sol... M. Pini indique encore que la voiture, c'est le meilleur moyen de transport dans un milieu peu dense et le pire dans un milieu dense... Alors, où sommes-nous, à Genève ? Dans l'ouest américain ?! Dans les grandes étendues de la Sibérie ?! Eh bien non ! Nous sommes sur un territoire extrêmement petit, où il y a peu de place, peu de possibilités d'extension ! Et vous voudriez rajouter des voitures ? Ce n'est tout simplement pas possible !
Mesdames et Messieurs, les socialistes refuseront ce crédit d'étude - qui est d'ailleurs beaucoup trop restrictif au niveau de ses termes - et ils sont favorables à une vision d'avenir en matière de mobilité, qui vise à réduire les émissions de CO2, qui vise à réinventer les postes de travail, qui vise à envisager des solutions modernes du télétravail, de la mise en commun de ressources et d'énergies pour faire avancer notre société. Et ce sera pour le bien des Genevois ! (Applaudissements.)
M. Alain Meylan (L). J'avais l'intention de renoncer à prendre la parole, mais suite aux deux dernières interventions, je me sens tout de même obligé de préciser certaines choses. Il est quand même paradoxal d'entendre M. Deneys - et M. Brunier, lors de notre séance précédente - critiquer ce projet et, ce faisant, faire l'éloge de la traversée de la rade ! C'est justement ce que je disais tout à l'heure: la traversée de la rade comportait de nombreux avantages, et, avec ce projet-ci de traversée du lac, nous abandonnons, d'une certaine manière, la traversée de la rade ! Et c'est le projet de la traversée de la rade qui répondait à l'objectif d'améliorer la qualité de vie au centre-ville, d'avoir la qualité des quais susceptible de rencontrer l'adhésion de tous les Genevois, particulièrement ceux de la ville, et de fluidifier les transports publics. Malheureusement, vous n'en avez pas voulu ! Et maintenant, vous vous opposez au projet de la grande traversée du lac en avançant des arguments relatifs à l'ancien projet de traversée de la rade, dont vous n'aviez pas voulu... Ce n'est pas très cohérent de votre part !
Cette grande traversée semble rencontrer - en politique, je crois que c'est indispensable - un consensus, qui permettra justement d'étudier les aspects que vous critiquez. Alors admettez qu'une étude est nécessaire et votez ce crédit ! Car cette étude nous permettra de voir si les objections soulevées, notamment par les Verts, sont justifiées concernant les mesures d'accompagnement, de même que tous les aspects liés à la circulation et à la mobilité. Quels seront les effets de cette grande traversée ? Eh bien, tous ces éléments seront étudiés dans ce concept.
Il faut donc donner les moyens au canton d'approfondir la question et de trouver des solutions, en sachant pertinemment qu'un projet structurant de cette ampleur - comme n'importe quel autre projet et programme structurant, que ce soit en matière de transports publics ou de transports privés ou professionnels - comporte forcément quelques petits désagréments qu'il faut essayer de minimiser. Cela fait naturellement partie du développement d'une cité, d'une région, que nous souhaitons tous pour maintenir notre qualité de vie et nos programmes d'investissement.
A ce stade, j'aimerais vraiment... En effet, nous ne sommes pas en train de voter un projet, nous votons simplement un projet de loi proposant d'étudier, justement, tous les aspects de ce dernier qui vous posent problème. Alors allons dans cette voie, et ensuite nous verrons bien ! C'est dans la deuxième phase que nous saurons si ce projet est utile ou non: c'est en fonction de cette étude et des impacts de ce projet que nous saurons s'il faut ou pas réaliser cette traversée, et quand. Dans ce cadre, il ne faut pas se tromper de débat: cette étude permettra de répondre aux questions que vous vous posez.
J'aimerais également revenir sur les propos de Mme Gauthier, qui nous a indiqué que cette traversée du lac ne résoudrait pas tous les problèmes de circulation. Bien sûr, elle ne les résout pas tous ! Nous n'avons pas la prétention de régler tous les problèmes de circulation avec ce projet ! Tout comme le CEVA ne les résout pas tous, comme une ligne de tram ne les résout pas tous... C'est justement le concept global qui tend à accompagner notre développement économique, de même que les nombreux soutiens évoqués tout à l'heure par M. Ivan Slatkine, en faveur de notre économie, du développement de notre région, de notre canton ! Quant à ce développement parallèle, on ne peut pas tout faire en même temps... Il y a vingt ans, on a réalisé le contournement de Genève par l'autoroute, ensuite on a développé de manière conséquente le réseau des transports publics. Je crois qu'après le développement des trams et du CEVA, c'est le moment de doter Genève de ce projet structurant. Je le disais, on ne peut pas tout réaliser en même temps, mais il faut avancer étape par étape pour réaliser nos objectifs en matière de circulation. C'est la réponse que nous devons donner aux Genevois pour faire face à l'augmentation, qu'on le veuille ou non, de la mobilité et au développement économique de notre région.
Mme Lydia Schneider Hausser nous a dit que ce projet était parachuté... Excusez-moi, ce projet est peut-être parachuté, mais je tiens à vous rappeler l'historique de cette affaire et toutes les étapes qui ont conduit à trouver enfin un consensus assez large pour développer ce projet de traversée du lac, qui doit être soutenu.
Puisque l'on parle de développement durable et de société à 2000 watts, je vous rappelle, Monsieur Sidler - vous le savez comme moi - que 60% de la consommation d'énergie partent dans le chauffage des bâtiments. C'est donc dans ce domaine qu'il faut réaliser des progrès, en améliorant l'isolation des bâtiments, car, je le répète, c'est ce secteur qui est le plus gros consommateur d'énergie.
C'est vrai, il faut aussi faire des progrès en matière d'énergie utilisée dans les déplacements, mais, comme l'a dit M. Desbaillets tout à l'heure, j'imagine que des solutions techniques seront trouvées rapidement. A l'époque, il était impensable que les voitures soient dotées de catalyseurs: maintenant, elles en ont toutes et cela a grandement amélioré la situation. Je suis persuadé que notre industrie saura relever ces défis technologiques, pour que nous puissions limiter la consommation d'énergie des véhicules et les émissions de CO2.
Alors votons ce crédit d'étude, pour examiner si ce projet de traversée est réalisable, pour en étudier toutes les particularités et pour répondre à toutes les questions que vous vous posez ! Allons de l'avant dans ce projet que Genève attend depuis des dizaines d'années !
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je vais tout de suite vous répondre, Monsieur Meylan. Nul ne conteste, au sein du groupe socialiste la nécessité d'une réflexion globale et d'une réflexion sans tabou ! Nul ne conteste les problèmes de mobilité qui peuvent se poser et qui, à l'avenir, se poseront encore à Genève ! Le problème que soulève ce projet de loi est que vous avez d'emblée un présupposé: c'est que la solution à ces problèmes réside en une traversée lacustre. Pendant longtemps, vous avez défendu le projet d'une petite traversée, la traversée de la rade; maintenant, vous proposez une traversée du lac.
En ce qui nous concerne, nous socialistes, nous ne pensons pas que c'est la solution. Pourquoi ? Nous l'avons très bien vu avec l'autoroute de contournement, et je peux vous parler en connaissance de cause puisque, habitant à Sézegnin et travaillant du côté de Balexert, j'ai dû utiliser l'autoroute de contournement dès ses débuts. A l'époque - il y a seize ans à peu près - c'était fantastique, il n'y avait personne et on pouvait rouler. Et puis, au fur et à mesure des années, il y a eu toujours plus de voitures et, surtout - ce qui est intéressant - des voitures venant de plus en plus loin. Je suis en mesure de vous en donner la raison, puisque je prends cette autoroute tous les matins: il s'agit essentiellement de voitures immatriculées en Haute-Savoie... (Exclamations.) Ces automobilistes viennent de très loin et traversent le canton... (Les exclamations redoublent. La présidente agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas une question de nationalité, c'est une question de distance ! Les personnes qui viennent d'Annecy, par exemple, ou de la région voisine, traversent tout le canton: elles ne sortent pas à Vernier ou Meyrin; elles continuent leur route en direction du canton de Vaud, car elles travaillent beaucoup plus loin. (Commentaires.) Je suis persuadée que si l'autoroute de contournement n'existait pas, ces personnes auraient peut-être fait d'autres choix professionnels. On le sait très bien, toutes les structures routières et autoroutières créent un appel d'air. Et je m'étonne, Mesdames et Messieurs les députés de droite que vous ne compreniez pas cet argument ! Parce que chaque fois que la gauche vous propose une prestation sociale supplémentaire, une prestation pour l'éducation, vous nous rétorquez toujours: «Attention, plus d'offres égale plus de demandes, plus d'appels d'air !» Vous devriez donc être tout à fait capables de comprendre cet argument.
Je voudrais mentionner un deuxième élément. Pour l'instant, ce projet n'est pas une priorité de la gauche et ce n'est pas non plus, je crois, une priorité de notre population. Si vous interrogiez les habitantes et les habitants de ce canton, je suis sûre qu'ils vous répondraient que leur priorité, c'est d'avoir un logement à un prix décent; d'avoir un travail; d'avoir suffisamment de places de crèche ou d'avoir une assurance-maladie à un prix décent, mais certainement pas une traversée hypothétique et ultérieure du lac.
Enfin - et ce sera mon dernier élément - il ne s'agit pas d'un projet visionnaire. Quelques exemples ont été donnés - M. Zbinden a très bien résumé les choses tout à l'heure, je ne vais donc pas le paraphraser. Mais j'aimerais répondre à M. Ducret, qui s'est inquiété de ce que les axes routiers allaient jusqu'à la place Neuve... Eh bien, si c'est le cas, il faut s'en prendre à un éminent conseiller d'Etat radical: je veux parler de James Fazy ! Tout visionnaire qu'il ait été dans bien des domaines, en démolissant les fortifications et en permettant l'entrée des grands axes routiers dans Genève, il n'avait certainement pas prévu le trafic automobile du XXe ou du XXIe siècle. (Exclamations.)
Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste refusera ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Tout ce que j'entends me laisse un peu perplexe... Ce projet propose seulement un crédit d'étude de 3,5 millions pour examiner si une traversée lacustre serait viable. J'ai entendu des mots comme «dogmatisme», «idéologie», «réchauffement climatique de 2 à 4 degrés»... Calmez-vous ! Il s'agit seulement d'effectuer une étude, pour voir si une traversée lacustre serait la meilleure solution, justement, en intégrant tous ces paramètres. Mais arriver à faire le parallèle entre une traversée lacustre et le climat en Afrique, Monsieur Deneys, vous être vraiment très fort ! J'imagine que les citoyens genevois doivent se demander quel est le lien entre la désertification au fin fond du Sahel et la traversée lacustre ! Mais peut-être le parallèle résidait-il entre le désert et l'eau... Non ? Bon. Enfin, j'aurais essayé d'en trouver un ! Bref, je crois qu'il faut rester sérieux... (Commentaires.) En tout cas, cela montre une chose: c'est que, Mesdames et Messieurs les députés socialistes et Verts, vous vous trouvez face à vos contradictions !
En effet, ce que propose le centre-droit - je vais le définir ainsi, malgré le fait que nous siégeons à l'extrême droite de cet hémicycle - c'est précisément de réaliser un projet qui va améliorer la qualité de vie des résidents genevois. Mais vous, en fait, vous persistez dans les schémas habituels, en mettant des trams partout pour bloquer davantage encore la circulation, en désynchronisant les feux de signalisation pour que les gens perdent encore plus de temps dans le centre-ville et dans la périphérie et pour les contraindre, par dogmatisme idéologique, à utiliser les transports publics. C'est cela, la réalité ! C'est ce que vous faites, et il faut l'expliquer aux citoyens ! Je tiens tout de même à vous signaler que le Mouvement Citoyens Genevois - sans avoir déposé de texte parlementaire - s'est rendu à l'OCM - l'Office cantonal de la mobilité. En effet, nous avions constaté, comme beaucoup de nos concitoyens avant nous, que les feux ne «se causent pas»: ils sont désynchronisés. On a beau rouler à 30 ou à 40 km/h, il faut s'arrêter tous les 30 ou 40 mètres, ce qui crée des bouchons ! Comme je le disais, nous nous sommes donc rendus à l'OCM pour voir ce qu'il en était; nous leur avons demandé de faire une étude pour mettre en place ce que l'on appelle des «tourne-à-droite» - vous m'excuserez, ce n'est pas un jeu de mot... Quand vous arrivez à un feu qui est au rouge et que le feu orange clignote, vous avez le droit de tourner à droite même si le feu est rouge: c'est cela un tourne-à-droite. (Exclamations.) Eh bien, figurez-vous que, grâce à l'intervention du MCG, vingt-trois carrefours ont, preuve à l'appui, pu être modifiés pour améliorer la fluidité du trafic. Car c'est bien de mobilité que nous parlons: il s'agit de pouvoir se rendre d'un point A à un point B le plus rapidement possible, tout en respectant les normes de sécurité. C'est ce que nous voulons.
Mais vous, vous voulez laisser les choses en l'état, malgré l'explosion de la fameuse région franco-valdo-genevoise - que vous soutenez, pour le reste... C'est toujours la même chose, c'est: «ailleurs, mais pas chez nous» ! Mais non, cela ne marche pas comme cela ! Quand le Mouvement Citoyens Genevois vous demande de voter une ceinture verte pour obliger, justement, les pendulaires à se parquer chez eux et à utiliser nos transports publics, eh bien là, il n'y a plus personne chez les écologistes-idéologistes dogmatiques ou chez les socialistes qui sont en train de prôner les énergies douces, l'Usine, la place des Volontaires et tutti quanti ! Il n'y a plus personne ! (Brouhaha.) Mais quelles sont les mesures factuelles, concrètes, pour améliorer la qualité de vie des citoyens que vous proposez ?! Il n'y en a pas !
Et la réalisation d'une traversée lacustre va désengorger non seulement le centre-ville, mais aussi nos communes rurales ! Pourquoi ne vous rendez-vous pas le matin, à partir de 5h45 jusqu'à 8h, dans certains villages de notre canton ? Vous constateriez que 6000, 7000, 10 000 véhicules empruntent les petites routes de campagne ! Mais cela ne vous dérange pas, n'est-ce pas ? (Brouhaha.) Ce serait pourtant une bonne chose de les décharger ! Mais que des personnes qui habitent en Haute-Savoie et qui vont travailler du côté de l'aéroport empruntent l'autoroute de contournement, ça, ça ne vous convient pas ! (Brouhaha.) Mais quelle vision d'avenir allez-vous proposer à nos descendants ? De bloquer tout le centre-ville ? D'avoir - comment avez-vous dit ? - le télébureau dans un monde parfait ?! Mais, Monsieur Deneys, le groupe socialiste et les Verts, achetez une île déserte, créez votre propre tribu, sans voitures, sans électricité, et vivez en autarcie ! En fait, c'est ce que votre idéologie vous amène à proposer, et, évidemment, vos idées ne peuvent pas s'adapter à la vie réelle. Tout cela, c'est de la théorie !
Nous, aujourd'hui, nous vous proposons de soutenir un projet concret. Cette étude doit être faite pour anticiper l'avenir, pour désengorger Genève, pour que celle-ci continue à être le leader de la région. Il ne faut pas que Genève devienne une agglomération étouffée alors que la région se développe autour d'elle, elle doit au contraire tout faire pour garder le leadership de la région. Et pour cela, il faut qu'elle se dote des structures nécessaires, visionnaires, pour l'avenir.
Je vous pose une question, mais je vous demande d'y répondre avec sincérité: admettons qu'il n'y ait pas d'autoroute de contournement et que l'on vous propose aujourd'hui d'en construire une, que répondriez-vous ? Non ? Eh bien, je pense que vous êtes déphasés par rapport aux citoyens de ce canton ! Il me semble que ces derniers diraient oui, parce que cela a passablement désengorgé la périphérie et le centre-ville.
Vous le voyez, vous êtes face à vos contradictions ! Vous prônez sans cesse des solutions non polluantes, qui ménagent le climat... Commencez déjà par régler le problème des Cheneviers, avec ses usines d'incinération ! Et je m'arrêterai-là pour que l'on ne puisse pas m'accuser de faire du populisme ! Vous êtes face à vos contradictions ! Commencez par régler le problème de votre conseiller d'Etat, qui passe 50% de son temps à Berne et qui ne s'occupe pas des affaires genevoises ! (Exclamations.) Et ce jour-là, peut-être - peut-être ? - nous vous écouterons d'une autre oreille !
En attendant, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de soutenir ce projet de loi, sans conditions, pour nos générations futures.
La présidente. Merci, Monsieur Stauffer. Il me semble, Mesdames et Messieurs les députés, que vous êtes bien dissipés ce soir. Tout à l'heure, tout allait très bien... Je ne sais pas de quoi ça vient. Monsieur Nidegger, Monsieur Kunz, Monsieur Marcet, Monsieur Walpen, Monsieur Follonier - par exemple - veuillez cesser vos conversations ! Merci beaucoup. Je passe la parole à M. Jacques Jeannerat. Pour le laisser s'exprimer, je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés, de faire silence.
M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Madame la présidente. Je regrette que Mme Emery-Torracinta ait quitté la salle, parce que je voulais lui dire que je suis d'accord avec elle... Je suis d'accord avec elle: une partie de l'argumentation pour défendre le projet de la traversée du lac repose sur le fait que les gens qui viennent travailler à Genève habitent de plus en plus loin. Mais cela, c'est le résultat de la politique de blocage du développement du logement à Genève ! Et quand Mme Emery-Torracinta s'aventure à dire que James Fazy a fait «péter» les murailles pour que les Genevois puissent habiter dans la périphérie de la ville, elle ferait mieux de relire ses livres d'histoire ! En effet, si nous pouvions construire à Genève, soit en hauteur, soit à proximité de la ville, nous n'aurions besoin ni de la traversée du lac ni du CEVA !
M. Deneys, quant à lui, parle des lobbies de la construction et du béton... Je vous rappelle, Monsieur Deneys, que, pour construire des voies de tram, des dépôts, de même que pour creuser un tunnel sous Champel, pour réaliser le CEVA, il faut aussi du béton ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Il faut donc rester objectif ! Vous parlez des lobbies de la construction et du béton lorsque cela vous arrange, mais c'est de la malhonnêteté intellectuelle, Monsieur Deneys ! C'est inacceptable ! (Brouhaha.)
J'en viens à M. Brunier, qui indique que la traversée du lac va attirer les voitures en ville... Mais il n'a pas écouté ce que M. Amsler ou d'autres ont expliqué à ce sujet: nous estimons au contraire que ce projet de traversée du lac doit se concevoir dans le cadre d'un projet global. Oui, Mesdames et Messieurs les députés de la gauche: un projet global ! Un projet qui doit être accompagné de P+R, de façon que les pendulaires ne viennent plus encombrer les rues du centre-ville ! (L'orateur est interpellé.) Mais écoutez ce que nous disons ! Je vous annonce, Madame la présidente, le dépôt d'un projet de loi pour augmenter le volume du son, afin que tout le monde puisse comprendre ce que nous disons ! Nous avons été au moins cinq ou six députés à parler d'un projet global avec des créations de P+R... Ils ne comprennent rien ! Donc, je cherche des signataires pour mon projet de loi ! Avis aux amateurs ! (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). Je prends la parole en tant que président de la commission des travaux... Je tiens tout d'abord à dire merci pour les propos qui ont été tenus à mon sujet tout à l'heure... J'étais momentanément absent, non pas parce que je ne voulais pas assister au débat... Ce sont les circonstances.
Je tiens également à remercier les membres de la commission des travaux et des transports, qui ont toujours été tenus informés. Je signale que le travail a été très intéressant et que tous les acteurs qui ont voulu être auditionnés l'ont été. Quelle que soit la position des uns et des autres, le débat a été tout à fait passionnant, et il continuera à l'être dans les années à venir. Et il subsistera, parce que la région est aujourd'hui une réalité. (Applaudissements.)
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Pour clore ce débat d'une bonne tenue, je voudrais relever trois points qui ont retenu mon attention, car il n'est pas évident de revenir sur tout ce qui a été dit.
Tout d'abord, la remarque de Mme Mahrer au sujet de la vache Milka. Effectivement, Madame Mahrer, vous habitez Puplinge... J'ai retranscrit de manière précise la rédaction du procès-verbaliste, qui avait laissé «Milka» au lieu de «MICA»: «Mon Idée-Communaux d'Ambilly». Je pense que si une vache pouvait rester dans le périmètre de MICA, ce serait une bonne chose !
Mais cela me permet surtout d'engager une discussion par rapport à un futur dossier qu'il faudra traiter, je veux parler des Communaux d'Ambilly... En effet, en préparant ce rapport de majorité, j'ai rencontré le Conseil administratif de la commune de Thônex pour voir dans quelle mesure un raccordement de cette traversée du lac dans le périmètre concerné par les Communaux d'Ambilly était envisageable. Et puis, je voulais faire passer le message suivant au Conseil d'Etat: avec un redimensionnement des Communaux d'Ambilly et l'implantation d'un raccordement de la traversée du lac au niveau de la route de Jussy, il y a un terrain d'entente possible pour développer harmonieusement tout le périmètre concerné de la rive gauche. C'est le premier point que je voulais évoquer.
Le deuxième concerne le soutien du centre-droit aux transports collectifs. M. Slatkine l'a exprimé avec ses mots, mais je voudrais encore le répéter... (Brouhaha.) Le centre-droit a toujours soutenu les transports collectifs, et, aujourd'hui, je tiens à souligner la qualité des aménagements qui ont été réalisés, aussi bien à la route des Acacias qu'à la rue de la Servette. C'est vrai qu'aujourd'hui on ne souvient plus comment c'était avant, et quand on n'entend plus de critiques à Genève c'est plutôt bon signe. Le centre-droit continuera à soutenir les transports collectifs.
Et puis, le dernier point a trait à l'ambiance qui a prévalu dans la commission des travaux. Comme vous l'avez certainement lu dans le rapport, plusieurs amendements ont été présentés et acceptés... En tout cas, ils n'ont pas suscité d'oppositions. Je pense donc que plusieurs personnes, du parti des Verts et du parti socialiste, sont assez convaincues du bien-fondé de ce projet. Alors, ce soir - c'est peut-être un souhait un peu utopique - il me semble que, plutôt que de s'opposer à cette étude - qui, finalement, n'est qu'une étude en vue d'analyser en détail le bon tracé avec les bons raccordements - les personnes qui pensent que ce projet n'est pas dénué de tout fondement devraient s'abstenir, afin qu'un débat constructif puisse avoir lieu pour la suite de nos travaux. (Applaudissements.)
Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. En préambule, deux éléments. Le premier figure dans le rapport du Conseil d'Etat concernant la circulation au centre-ville avec la variante lacustre qui est choisie. Le rapport, je le cite tel quel, relève qu'elle «ne permet pas de décharger sensiblement le trafic urbain inter-rives, notamment sur les quais et le pont du Mont-Blanc (pas de gain environnemental significatif au centre-ville)». Ce rapport - on peut en refaire d'autres, si vous voulez - est donc très clair à ce sujet !
Le deuxième élément porte sur l'urbanisation, plus précisément sur la problématique du mitage du territoire, sur l'utilisation des sols et sur le fait que l'on ne rationalise pas notre manière de construire ni notre manière d'utiliser les sols, qui sont une denrée rare. Et, à l'endroit où on veut faire passer le tunnel, ces sols ont environ dix mille ans ! De fait, cette traversée présente le risque de susciter une urbanisation plus diffuse, principalement dans les communes du secteur Arve et Lac ainsi que dans l'arrière-pays chablaisien. Ce deuxième élément fait partie d'une étude dont nous allons voter les conclusions, puisqu'elles figurent dans le rapport qui est traité en même temps que ce projet de loi. Ces deux éléments nous permettent d'estimer que cette traversée est mal ficelée.
Ensuite, vous ne nous donnez aucune explication quant au coût de ce projet de 3,5 millions... Pourquoi n'est-il pas de 1, de 4 ou de 10 millions ? Aucune explication à ce sujet ! Dans les crédits d'étude que nous votons à la commission des travaux, nous demandons systématiquement - à l'unanimité de la commission - un estimatif du coût de réalisation de l'ouvrage concerné ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Mesdames et Messieurs de l'Entente, comme de l'Alternative, nous étions d'accord sur ce principe consistant à avoir une idée de quelle serait l'enveloppe globale d'un projet avant de voter le crédit d'étude de ce dernier. Il est important que le montant final figure dans le crédit d'étude pour pouvoir faire des comparaisons, car, parfois, les projets évoluent, ce qui justifie des dépassements. Quoi qu'il en soit, nous avons toujours demandé, de façon unanime, à connaître l'estimation du coût d'un projet. En l'occurrence, c'est vous qui déposez le projet de loi, mais vous dérogez à la règle, ce qui n'est pas convenable ! (Brouhaha.)
De plus, les problématiques environnementales ne sont pas résolues - je ne vais pas les traiter ici - l'augmentation du CO2, l'augmentation du prix du pétrole, le mitage du territoire, la consommation de béton, le problème des ancrages, j'en passe et des meilleures ! Il y en a des dizaines ! (Brouhaha.) Mais je constate que cela n'intéresse pas grand monde...
La présidente. Vous avez raison, Madame la députée ! Je suis désolée, Mesdames et Messieurs les députés, mais je vous l'ai déjà dit tout à l'heure: le brouhaha est insupportable, on n'entend pas ce que disent les députés ! Monsieur Jeannerat, merci beaucoup ! A gauche aussi, de temps en temps... (Exclamations.) Eh oui ! Merci ! Vous pouvez continuer, Madame la rapporteure !
Mme Morgane Gauthier. Oui, Madame la présidente. Je terminerai cette intervention en posant une problématique formelle. Cela intéressera certainement M. Halpérin, qui est toujours très attentif aux problématiques formelles - mais qui n'écoute pas non plus. Nous avons demandé si les députés avaient l'autorisation de déposer un projet de loi ouvrant un crédit d'étude. Il est écrit à la page 45 du rapport, à la dernière ligne - qui fait état de toutes nos discussions - que M. Muller demanderait une confirmation... Une réponse sur la légalité ou non de ce projet de loi peut-elle nous être donnée aujourd'hui ? (Brouhaha.) C'est la première question que nous avions posée lors de la séance initiale... (Exclamations. La présidente agite la cloche.) Donc, c'est la première question que nous avions posée lors de la séance initiale, et cette question n'a, à mon sens, toujours pas reçu de réponse tranchée !
La deuxième question concerne l'article 2, «Budget d'investissement». Il me semble, vu la majorité et les voix qui se sont exprimées, que nous allons avoir une discussion au cours du deuxième débat... Je trouverais pour le moins judicieux, lorsqu'un projet de loi est traité en plénière et qu'il obtient une large majorité, que la rubrique correspondante figure dans ce projet de loi ! Or, à l'article 2, la rubrique n'est pas indiquée, ce qui fait que ce projet de loi n'est pas correct. (Exclamations.)
Ce projet de loi pose donc des problèmes de forme, des problèmes de fond, des problèmes pour l'avenir, et il y a des problèmes aujourd'hui, car on ne sait pas si ce projet rencontre l'adhésion d'un plus grand nombre de gens. Il me semble que non... De plus, beaucoup d'intervenants ont critiqué le manque de mesures d'accompagnement, le manque de vision d'avenir et le manque de concertation de ce projet de loi. Tout cela me fait dire encore une fois qu'il faut absolument et impérativement refuser ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Plusieurs interventions mériteraient réponse, mais - nous avons pu le constater - les intentions de vote sont déjà arrêtées, chacun a donné sa position. (Brouhaha.) Effectivement, la décision de ce soir montrera quelle est la projection, dans l'avenir, de chaque groupe face à un territoire géographique déterminé... La droite, c'est ce que j'ai constaté, décide de donner la priorité au transport routier, lié à la suprématie de la voiture, donc au confort individuel en quelque sorte. Nous devons donc, par notre refus - pas un refus total ! - montrer que nous voulons mener une réflexion sur les transports en commun et sur d'autres types de transport que certains sont peut-être déjà en train d'inventer aujourd'hui. Cela, afin de nous permettre de sauvegarder au mieux notre territoire, notre lac... (L'oratrice est interpellée.) Oui, oui ! Moi je l'aime bien, ce lac ! ...tout en permettant à chacun d'entre nous de bénéficier d'une certaine mobilité.
Comme beaucoup ont repris leur credo, voici le mien, disons le nôtre: nous avons tous une obligation par rapport aux générations futures, par rapport à nos enfants... Lorsque nous parlons de transports, nous devons être constructifs et innovants pour résoudre les problèmes relatifs à nos besoins en matière de mobilité, et en préservant au maximum l'espace naturel encore disponible ! Je ne dis pas qu'il ne faut rien modifier, je dis qu'il faut sauvegarder cet espace le plus possible, qu'il s'agisse de l'air, de l'eau, et aussi de l'utilisation du sol, comme l'a rappelé Morgane Gauthier.
Voilà, Mesdames et Messieurs, pourquoi je vous demande de réfléchir et, qui sait, de voter non. (Applaudissements.)
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Après ce débat nourri et fort riche en arguments divers et variés, je souhaite présenter la position du Conseil d'Etat, qui n'est pas à l'origine du projet de loi ouvrant un crédit d'étude, mais qui, par contre, vous a remis un rapport extrêmement complet, fruit de nombreuses séances et fruit d'un travail très approfondi de l'administration.
En préambule, j'aimerais commencer par adresser mes remerciements et félicitations à la commission des travaux et, en particulier, au rapporteur de majorité de la commission, aux rapporteuses de la minorité également, car il faut reconnaître que cette commission a travaillé sérieusement. Des séances de travail conjointes avec la commission des transports ont permis d'aborder non seulement l'aspect purement constructif de ce projet, mais, également, des aspects liés à la politique des transports.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est favorable au projet de loi ouvrant un crédit d'étude de 3,5 millions, et je vais vous exposer pourquoi. Pour deux raisons essentielles - pour deux «paquets de raisons», si vous me permettez l'expression.
Tout d'abord, le projet de loi qui revient de commission ce soir, en plénière, identifie assez clairement le tracé que le Conseil d'Etat lui-même, à l'unanimité, a décidé de favoriser dans le cadre de sa réflexion sur la traversée du lac. Et, dès le moment où il y a convergence de vues entre la commission des travaux et le Conseil d'Etat, il nous paraît tout à fait naturel de soutenir le crédit d'étude que vous devez examiner ce soir.
Nous sommes parvenus à la même conclusion que celle de la commission des travaux pour trois motifs principaux. Le premier, c'est que, comme vous le savez, le Conseil d'Etat s'est fortement engagé en 2007 dans la préparation du projet d'agglomération que nous devions déposer devant le Conseil fédéral avant le 31 décembre, et il était bien évident que, dans le cadre de l'élaboration de ce projet d'agglomération, nous ne pouvions pas nous épargner une réflexion sur la traversée du lac. C'était tout simplement inenvisageable ! Si nous avions déposé devant le Conseil fédéral un projet d'agglomération de la région genevoise sans préciser ce que le Conseil d'Etat prévoyait pour la traversée du lac, nous n'aurions pas été crédibles. Alors, dans le cadre de ces travaux, dans le cadre de cette réflexion, nous avons considéré qu'il fallait privilégier ce qu'on appelle maintenant «la traversée du lac» au détriment de ce qu'on a appelé «la petite traversée», «la moyenne traversée» ou, encore, la «grande traversée».
Le deuxième motif qui nous a amenés à privilégier ce tracé est tout simplement le fait que notre région se développe très fortement - la région genevoise, sur le plan européen, est la cinquième région à se développer rapidement - et, dans ces circonstances, il est de la responsabilité des autorités - non seulement du Conseil d'Etat, mais également de votre Grand Conseil - de réfléchir aux moyens d'accompagner ce développement. Et cet accompagnement passe, tout naturellement, par un développement des infrastructures - infrastructures de transport en particulier.
Vous le savez, le Conseil d'Etat est favorable au développement des transports publics: il le montre en développant le réseau des trams, en réalisant le CEVA, mais il est bien évident que cela ne suffit pas et que, dans le respect du principe constitutionnel de la complémentarité des modes de transport, il se doit également de penser au trafic individuel motorisé.
A ce propos, je reprendrai très brièvement une évidence rappelée tout à l'heure par M. Ducret: pour faire passer des bus, pour faire passer des trams, Mesdames et Messieurs, il faut des routes !
Dans le cadre de la réflexion menée sur le développement de notre agglomération, nous nous sommes demandé dans quelle partie du canton Genève pourrait le mieux se développer, où pourraient être construits les immeubles, les infrastructures, les logements dont nous aurons besoin à l'horizon 2030 ou 2040. Et nous sommes parvenus à la conclusion que la région qui se prêtait le mieux à un tel développement est celle où passera non pas la traversée du lac, mais le prolongement de la traversée du lac, en direction de la France. C'est dans la région de Collonge-Bellerive, de Thônex, de Presinge, avec les Communaux d'Ambilly, avec la région frontière du côté d'Ambilly ou de Ville-la-Grand, que l'on construit beaucoup. Il est donc évident que c'est toute cette région qui est appelée à se développer dans le futur.
C'est un projet à long terme... C'est vrai, Mesdames et Messieurs. Est-il visionnaire ? Je ne le sais pas ! Le Conseil d'Etat ne prétend pas l'être. C'est dans trente que l'on pourra juger - et je l'espère - que nous avons été visionnaires et que nous avons vu juste en 2008. Mais peut-être pourra-t-on estimer, en 2030 ou en 2040 - comme l'a fait Mme Torracinta à propos de James Fazy - que nous ne l'avons pas été et que nous nous sommes trompés. Quoi qu'il en soit, ce n'est ni le moment ni le lieu de se poser cette question aujourd'hui: c'est le moment d'aller de l'avant avec un projet extrêmement important. Et c'est notre responsabilité d'élus de ce canton que d'envisager un avenir à long terme du canton.
Maintenant, j'aimerais dire deux mots sur la date évoquée de 2040, puisque le Conseil d'Etat indique dans son rapport que le besoin de disposer de l'infrastructure dont nous parlons aujourd'hui se fera sentir à cette date... Oui, en 2040, il faudra que la traversée du lac soit réalisée, ainsi que la liaison entre la rive gauche du lac et le réseau autoroutier français. Mais cela ne nous empêche pas d'aller plus vite et, pourquoi pas, d'inaugurer - je le souhaite ardemment - cette infrastructure au cours de la prochaine décennie ! D'ailleurs, dans le budget d'investissement 2008 que vous avez voté figurait déjà la somme de 3,5 millions, montant correspondant au crédit d'étude que vous allez accepter ce soir. Et, du reste, le Conseil d'Etat a l'intention d'engager les études dès cette année.
Troisième motif pour lequel le Conseil d'Etat est favorable au principe d'une traversée du lac, au-delà du tracé qui a été retenu, c'est le désengorgement du centre-ville. Tout à l'heure, il a été reproché à la droite de ne pas se préoccuper de ce problème. A mon avis, c'est un mauvais procès qui lui est fait. Toujours est-il que le Conseil d'Etat considère qu'il est très important de s'attaquer à cette problématique: nous ne pouvons pas assister à l'explosion de notre région sans nous préoccuper du trafic au centre-ville ! Nous ne pouvons pas admettre que tout un chacun, c'est-à-dire 3000 à 5000 personnes de plus chaque année passent par le centre-ville en voiture pour se rendre à leur travail: ce n'est tout simplement pas possible ! Par conséquent, nous travaillons sur le développement des transports publics, nous travaillons sur le développement du CEVA et nous travaillons également sur un réseau routier performant.
La deuxième raison, Mesdames et Messieurs, pour laquelle le Conseil d'Etat est favorable à ce projet de loi, c'est tout simplement qu'il s'agit d'un crédit d'étude, comme cela a été répété à plusieurs reprises. Nous ne sommes pas en train de prendre une décision finale sur la réalisation de cet ouvrage... Nous avons besoin de moyens financiers, au niveau de l'administration, pour engager de nombreuses études sur les inconnues qui ont été relevées, à juste titre, par un grand nombre d'intervenants - des deux bords, d'ailleurs.
Ces inconnues sont les suivantes: d'abord, les impacts environnementaux. Il faudra que le bilan environnemental de cet ouvrage soit globalement positif: c'est une condition sine qua non.
Ensuite, les mesures d'accompagnement. En effet, pour désengorger le centre-ville, nous devrons prendre des mesures d'accompagnement à cette infrastructure, et il faudra les étudier, ce qui prend du temps et coûte de l'argent.
Enfin, la question de la diminution de trafic. Nous ne souhaitons pas que cet ouvrage soit un «aspirateur à bagnoles», pour reprendre les termes de M. Deneys. Nous souhaitons que cet ouvrage soit utile pour la collectivité: qu'il n'induise pas forcément un trafic supplémentaire, mais qu'il améliore la fluidité du trafic dans la région et qu'il améliore globalement la mobilité.
Je terminerai, Mesdames et Messieurs les députés, Madame la présidente, par deux considérations un peu plus générales sur ce débat. Tout d'abord, j'ai cru déceler dans tous les rangs - notamment chez M. Leyvraz, tout à l'heure, ou dans des discussions privées - un certain désenchantement à propos de ce projet de traversée du lac... On n'y croit plus trop. Cela fait cinquante ans qu'on en parle, alors on pense qu'il ne sera jamais réalisé... Que ce n'est qu'un énième débat, qu'un énième projet...
Alors, certes, ce projet n'est pas une priorité absolue du Conseil d'Etat - il y en a d'autres, comme le logement, l'éducation, etc. - mais ce n'est pas une raison pour ne pas nous donner les moyens de le réaliser ! Nous devons aller de l'avant, nous devons même y aller «à fond», si vous me permettez l'expression, et c'est uniquement à cette condition que nous y arriverons. Si l'on part du principe que ce n'est pas une priorité, que cela ne sert à rien de s'engager, on pourra effectivement en reparler dans dix ans, vingt ou trente ans, car on aura toujours rien fait ! Ce n'est pas le but et ce n'est pas l'état d'esprit du Conseil d'Etat, qui croit à ce projet de traversée du lac. Et à titre personnel, j'y crois, et je m'engage à le réaliser !
Deuxième considération. Certains députés ont appelé au consensus et fait référence à la paix du logement, trouvée récemment et qui, je l'espère. va se maintenir. Je crois sentir que la paix des transports n'est pas si lointaine non plus. En commission des travaux et en commission des transports, l'intérêt que suscite cet ouvrage était palpable: chacun réalise bien que nous sommes à un tournant du développement de notre région et qu'il n'est plus possible de nous passer de ce type d'infrastructure, au-delà de toutes les idéologies, au-delà de tous les dogmes.
Je lance un appel à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent, un peu comme c'est le cas depuis deux ans sur le thème du logement, que l'on arrête de s'écharper sur le thème de la mobilité. C'est un thème trop important pour en faire un sujet de polémique et de politique politicienne. Cet enjeu est primordial pour notre canton, et je vous invite toutes et tous non pas à traverser le lac, mais, au moins, à essayer de traverser le fossé qui vous sépare, pour tenter de trouver un accord sur cette problématique ! (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'entrée en matière de ce projet de loi... (La présidente est interpellée.) Oui, Madame Gauthier, je vous donne la parole.
Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. Merci, Madame la présidente. Je voudrais à nouveau poser la question de la légalité de ce projet de loi...
La présidente. Je ne sais pas si M. le conseiller d'Etat souhaite...
Mme Morgane Gauthier. Ou le Bureau ! Ce dernier pourrait nous dire si le projet de loi est légal ou pas ! (Exclamations. Commentaires.) Non, il n'a pas répondu !
La présidente. Madame la rapporteure, le Bureau ne peut pas vous répondre à l'instant, c'est pourquoi je me demandais si M. le conseiller d'Etat souhaitait le faire...
Mme Morgane Gauthier. Je demande l'ajournement du vote... (Protestations.) ...tant que cette question n'a pas été tranchée. Sans forcément refaire les débats, ce n'est pas ce que je vous demande ! (Commentaires.) Je demande simplement d'ajourner le vote ! Cela peut se faire au troisième débat, Madame ! Je peux tout à fait renouveler ma demande à ce moment-là ! Nous pouvons voter l'entrée en matière, procéder au vote article par article en deuxième débat et renouveler ma demande en troisième débat. Ce n'est pas seulement pour faire traîner les débats, comme on pourrait le croire... (Rires. Exclamations.) Oui, c'est la vérité !
La présidente. Continuez, Madame la rapporteure !
Mme Morgane Gauthier. La seule question est de savoir si ce projet de loi est légal ou pas. Je la pose maintenant, et je la reformulerai lors du troisième débat, Madame la présidente.
La présidente. Très bien ! Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande d'ajournement que je vous soumettrai au troisième débat. Deux personnes sont inscrites. Monsieur Slatkine, je pense que vous voulez intervenir après la question... J'imagine que c'est la même chose pour M. Weiss... Non, vous voulez prendre la parole tout de suite.
M. Pierre Weiss (L). Madame la présidente, la demande de notre collègue Mme Gauthier n'a tout simplement pas de sens, dans la mesure où le Conseil d'Etat a déjà répondu que la ligne budgétaire était inscrite au budget 2008 et que nous avons nous-mêmes, y compris le groupe des Verts, ce budget... (Rires. Applaudissements.)
La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député, mais la demande d'ajournement peut en tout temps être proposée. Mesdames et Messieurs, vous ferez ce que vous voulez: au troisième débat, vous déciderez du sort que vous voulez donner à ce projet de loi ! Je vous soumets tout d'abord sa prise en considération.
Mis aux voix, le projet de loi 10015 est adopté en premier débat par 55 oui contre 28 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement, que vous avez tous reçu, proposé par M. Christian Brunier et M. Alain Charbonnier à l'article 1. Je passe la parole à M. Brunier pour la présentation de son amendement.
M. Christian Brunier (S). Merci, Madame la présidente. Je voudrais signaler que Mme Anne Emery-Torracinta est aussi signataire de cet amendement.
Pour ce qui est de l'argumentation, nous avons été plusieurs à dire que la réalisation d'une traversée lacustre ne ferait qu'augmenter l'offre à la circulation. On peut le constater dans toutes les villes du monde, quand une route de plus est créée, cela ne diminue pas le nombre des voitures au centre-ville. L'attrait étant plus grand, les voitures seront toujours aussi nombreuses au centre-ville, et, en plus, il y aura les automobilistes qui feront la traversée. Certains députés de la droite nous exposent que cette traversée est conçue dans le cadre d'un projet global... M. Jeannerat a notamment expliqué qu'il fallait prendre certaines mesures - nous sommes prêts à aller dans ce sens - par exemple, la création de P+R, mais il n'a pas été plus loin. Les P+R, cela ne suffira pas, Monsieur Jeannerat ! Je vous signale qu'à Thônex il y avait un P+R... Eh bien personne n'y allait ! Il a fallu prendre d'autres mesures. Pour qu'un P+R fonctionne, il faut des lignes de bus qui soient rapides et fréquents. Par ailleurs, il faut que la circulation soit très embouteillée, car l'être humain est ainsi fait que, s'il peut continuer à se déplacer en voiture, il le fait !
Il semble que certains députés de droite soient prêts à prendre des mesures de restriction du trafic, comme cela se fait d'ailleurs dans toutes les villes d'Europe, à part Genève. Donc, des promesses ont été faites oralement. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Comme nous voulons croire à ces promesses, clarifions ! Et nous proposons cet amendement pour clarifier la situation. Si vous voulez être crédibles, votez cet amendement, dont la teneur est la suivante: «Cette étude doit aussi porter sur les mesures d'accompagnement de ce projet, dont celles qui permettent de restreindre la circulation au centre-ville.» (Brouhaha.)
Je poursuis. Des députés du parti radical nous ont demandé si nous voterions ce projet de loi au cas où ils accepteraient cet amendement... Nous continuerons à dire non. (Exclamations.) Tout simplement parce qu'il ne s'agit pas d'un deal ! Nous pensons non seulement que ce projet n'est pas utile, mais, en plus, que nous n'avons pas les moyens de nous le payer. Je vous le rappelle, il s'agit d'un coût estimé entre 3 et 3,5 milliards. Je ne sais pas où nous pourrions trouver une telle somme et, je le répète, ce n'est pas une priorité ! Il ne nous semble donc pas utile de voter ce projet et dépenser 3,5 millions pour faire l'étude d'un projet que nous ne pourrons jamais nous payer ! Je pense qu'il y a d'autres priorités à Genève, et nous ne voulons pas nous engager sur ce terrain !
Par contre, dans la mesure où vous avez fait des promesses orales, nous vous demandons de les confirmer concrètement en votant cet amendement.
M. Ivan Slatkine (L). Nous avons lu avec attention cet amendement qui n'a aucun sens en tant que tel, parce qu'un crédit d'étude, comme l'a dit le magistrat Mark Muller, doit servir à tout étudier. Il n'est donc pas pertinent d'ajouter un article proposant des restrictions... Je l'ai évoqué lors de ma première intervention, «restrictions» et «interdictions» sont les maîtres-mots du parti socialiste. A notre avis, un crédit d'étude doit permettre de tout étudier. Il va de soi que des mesures d'accompagnement seront examinées dans le même temps, il ne sert donc strictement à rien de rajouter cet alinéa 2 ! Dans ce sens, le groupe libéral s'opposera à cette proposition d'amendement.
Si M. Brunier nous avait assuré qu'il voterait ce projet de loi si nous acceptions cet amendement, nous aurions pu entrer en matière. Mais nous savons pertinemment que cet amendement est déposé dans le seul but de nous mettre en défaut et que, de toute façon, vous refuserez ce projet. Nous ne sommes tout de même pas assez stupides pour entrer dans ce jeu: nous rejetterons cet amendement.
M. Gabriel Barrillier (R). C'est effectivement un jeu de dupes... Vous proposez un amendement sur l'article 1, portant sur les objectifs, et vous nous dites en même temps que vous ne voterez pas le projet... (L'orateur est interpellé.) C'est clair, nous avons déclaré dans nos prises de position que l'un de nos objectifs était de restreindre la circulation au centre-ville ! Vous proposez un amendement, mais vous ne nous donnez pas de contrepartie: vous annoncez d'ores et déjà que vous refusez ce projet de loi ! Mon cher Brunier, vous nous dites en quelque sorte: «Ce qui est à moi est à moi, ce qui est à vous est négociable.» Nous ne pouvons pas accepter cela, et c'est vous qui êtes responsable de ce blocage !
M. François Gillet (PDC). Cet amendement paraît complètement superflu au groupe démocrate-chrétien... Il est vrai - nous l'avons dit - que nous sommes préoccupés par les questions liées aux mesures d'accompagnement... Il est évident qu'une étude sérieuse de 3,5 millions devra les prendre en compte.
Maintenant, si nous commençons à entrer, à ce stade, dans un choix de programme d'étude pour savoir quels sont les aspects qui doivent être étudiés et jusqu'à quel point, nous ne nous en sortirons pas ! Le Conseil d'Etat, une fois que nous aurons voté ce crédit, devra déterminer un programme d'étude: c'est logique. Un Conseil d'Etat à majorité rose-verte tiendra compte des souhaits de sa base... Nous n'en doutons pas, et c'est pourquoi nous trouvons cet amendement inutile à ce stade.
M. Yves Nidegger (UDC). Non seulement cet amendement est inutile, mais la prolongation des débats aussi. Je vous propose donc, Madame la présidente, de bien vouloir mettre au vote une motion d'ordre... (Exclamations.) ...selon l'article 79 qui propose la conclusion des débats et un vote immédiat, afin que nous cessions de perdre notre temps.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, à l'article 79 mentionné par M. Nidegger, l'alinéa 2 stipule ceci: «La motion d'ordre est mise aux voix sans débat et ne peut être acceptée qu'à la majorité des deux tiers des députés présents.»
Mise aux voix, cette motion d'ordre est rejetée par 61 non contre 16 oui et 5 abstentions.
La présidente. Nous continuons donc notre débat. Je passe la parole à M. Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Je serai bref, car je ne veux pas prolonger le débat. Je comprends mal la situation. Premièrement, il est fréquent de proposer un amendement sans forcément voter le projet de loi: nous ne sommes pas au souk ! Ce n'est pas parce que deux virgules sont modifiées qu'il faut voter le projet de loi en échange: ce n'est pas sérieux !
En ce qui me concerne, j'ai entendu une proposition qui m'intéresse, notamment dans la bouche de M. Jeannerat. Je me suis dit qu'il avait une vision un peu plus large et j'ai simplement mis par écrit les propos qu'il a tenus oralement. Ou M. Jeannerat dit n'importe quoi, et il ne peut pas voter l'amendement...
Une voix. C'est sûrement ça !
M. Christian Brunier. ...ou alors, c'est une vraie promesse et, à ce moment-là, on l'écrit. On propose un amendement, ne serait-ce que pour clarifier le projet de loi. Je vous demande simplement de formaliser ce que plusieurs d'entre vous avez promis au peuple genevois. Je pense que c'est la moindre des choses pour être crédibles politiquement.
M. Eric Stauffer (MCG). Je voudrais juste rassurer le député socialiste qui ne sait pas où on va trouver l'argent pour réaliser ce projet, car les caisses sont vides... Ne vous en faites pas, Monsieur le député, ceux qui vont réaliser cette étude ne sont pas astreints au régime des bonus. Par conséquent, il ne devrait pas y avoir de problème ! Soyons sérieux ! (Exclamations. Commentaires.) Oui, bien sûr ! Vous voulez le rapport des comptes, je l'ai ici avec moi ? Vous le voulez ?! (Exclamations. La présidente agite la cloche.) Il faut arrêter de véhiculer cette espèce d'idéologie malsaine ! Nous sommes souvent d'accord avec vous, mais là, franchement, vous dépassez les bornes ! Il s'agit d'un crédit d'étude qui doit être effectué dans le cadre du développement de la région, que vous prônez...
La présidente. Monsieur Stauffer, gardez votre calme !
M. Eric Stauffer. ...urbi et orbi ! Je suis désolé de le répéter, mais vous dépassez les bornes ! (Brouhaha.) Vous savez, à force de vouloir justifier l'injustifiable, vous finirez par obtenir l'effet contraire ! (Brouhaha.) Monsieur Charbonnier, vos petites grimaces n'amuseront certainement que vous et vos électeurs !
Madame la présidente, pour en revenir à l'amendement, le groupe MCG le refusera. Le projet de loi tel qu'il a été déposé et décrit par M. le conseiller d'Etat satisfait pleinement nos exigences, et nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de rejeter cet amendement de dernière minute.
M. David Amsler (L), rapporteur de majorité. Je ne voudrais pas rallonger les débats, mais c'est à croire que M. Brunier ne sait pas ce qu'est une mesure d'accompagnement ! Pour moi, cet amendement est un pléonasme, parce que si l'on parle des mesures d'accompagnement, des modérations en centre-ville, pourquoi ne parle-t-on pas aussi des modérations de trafic à Bellevue, à Pregny, à Vésenaz, à Cologny, etc. ? Je pense donc que M. Brunier ne sait pas ce qu'est une mesure d'accompagnement. C'est le premier point.
Le deuxième, c'est que M. Brunier n'a peut-être pas tout à fait bien lu ce projet de loi... En effet, à l'article 5, alinéa 2, il est mentionné que de nombreux aspects doivent être analysés, dont: «...les éléments techniques, administratifs et financiers, le mode de réalisation, le financement de l'ouvrage et les mesures d'accompagnement.» Alors, je ne vois pas pourquoi M. Brunier a besoin de rajouter un alinéa à l'article 1, puisque l'article 5 tient déjà compte de l'ensemble de cette problématique.
Mme Lydia Schneider Hausser (S), rapporteuse de deuxième minorité. Même si ces mesures d'accompagnement apparaissent à la dernière ligne de l'article 5, on se rend compte en lisant le rapport de la commission - je peux le dire pour avoir assisté aux travaux - que l'on ne s'est pas attardé sur ces mesures d'accompagnement, surtout par rapport au temps que beaucoup d'entre vous ont consacré ce soir dans leur argumentation en faveur de ce projet de loi. Cet amendement peut sembler superfétatoire, mais je ne vois pas ce qui peut vous déranger dans le fait que cet élément apparaisse à l'article 1 comme étant une priorité. Il s'agit de forme !
La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Nous allons procéder au vote de cet amendement, soit l'ajout d'un alinéa 2 (nouveau) à l'article 1: «Cette étude doit aussi porter sur les mesures d'accompagnement de ce projet, dont celles qui permettent de restreindre la circulation au centre-ville.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
La présidente. Nous passons à l'article 2, pour lequel nous avons reçu un amendement technique. Il s'agit simplement, après «dès 2008 sous la rubrique...», d'ajouter le mot: «adéquate».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 52 oui contre 4 non et 18 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que les articles 4 à 8.
La présidente. Le troisième débat est-il demandé? (Chahut.) Bien, il l'est !
Troisième débat
La présidente. Nous allons nous prononcer sur la proposition de Mme Gauthier, soit l'ajournement de ce projet de loi. (Commentaires.) Il y a des demandes de parole... (Protestations.) Une personne par groupe peut s'exprimer.
M. Jacques Jeannerat (R). Je voulais juste demander l'appel nominal pour le vote final.
La présidente. Nous avons pris note. Je pense que vous êtes soutenu, Monsieur le député... (Appuyé.) Largement ! Oui, Monsieur Deneys... (Quelques instants s'écoulent. Remarque.) Pour la suite... Quelle suite ?
M. Roger Deneys (hors micro). L'ajournement sera refusé, donc...
La présidente. Nous sommes justement de parler de l'ajournement. Vous ne voulez pas prendre la parole ? Très bien. Monsieur Brunier ? (Remarque de M. Christian Brunier. Commentaires.) Je rappelle qu'un seul député par groupe peut s'exprimer. Ensuite, je ne donnerai plus la parole sur l'ajournement. Pour l'instant, je la donne à M. Pascal Pétroz, pour le groupe PDC.
M. Pascal Pétroz (PDC). Bien évidemment, le groupe démocrate-chrétien s'opposera à cette demande dilatoire ! Madame la rapporteure de minorité, vous pour qui j'ai tellement de sympathie et de respect... (Exclamations.) ...vous avez indiqué vous-même quelle était la véritable nature de votre demande: gagner du temps. Cette demande ne mérite pas d'être soutenue !
Mme Morgane Gauthier (Ve), rapporteuse de première minorité. Vous vous en souvenez peut-être, lors de la précédente législature, un des premiers projets de lois déposés par le groupe UDC concernait un crédit d'investissement ainsi qu'un crédit d'étude demandant la réalisation de la dernière partie du nouvel hôtel de police... Je ne sais pas si vous vous en souvenez ? Il a été refusé au motif que des députés ne pouvaient pas déposer des projets de lois ouvrant un crédit d'étude ou un crédit d'investissement. C'est la discussion que nous avons eue en commission des travaux, et suite à cela le groupe UDC a retiré son projet de loi.
Ma question portait sur ce point: un député - ou un groupe de députés - peut-il déposer un projet de loi ouvrant un crédit d'étude sans qu'il soit repris par le Conseil d'Etat, comme on est en train de le faire ce soir ? Voilà ma demande, Madame la présidente. Quel que soit le résultat du vote sur la demande d'ajournement de ce projet, est-il possible que le Bureau se penche sur cette problématique ? C'est la question précise que je vous pose, Madame la présidente.
La présidente. Madame la députée, je ne sais pas si nous pourrons vous fournir une réponse ce soir, mais nous vous en donnerons une ultérieurement.
M. Christian Brunier (S). Je voulais aller un peu dans le même sens. Notre but n'est pas de bloquer le vote de ce soir, nous n'allons pas refaire les débats dix fois, il s'agit d'être dans la légalité totale ! Je pense qu'il n'est pas de la compétence des députés de pouvoir définir un crédit d'étude. Certains ont indiqué que le montant correspondant à cette étude figurait dans le vote du budget... En fait, je vous rappelle que nous avons voté une autorisation de dépense pour le gouvernement. En l'occurrence, vous êtes en train de vous approprier cette autorisation de dépense ! Et ce projet de loi n'est pas un projet de loi du gouvernement. A partir de là, je pense qu'il y a une lacune juridique.
Alors, procédons au vote ! Mais ensuite, il faudra que le Bureau contrôle la légalité de ce vote. A mon avis, ce vote a beaucoup de risques d'être refait une prochaine fois, parce que nous ne sommes certainement pas dans la légalité. Et ce sera au gouvernement d'effectuer le travail, s'il en a envie.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous examinerons ce problème et nous répondrons à cette question. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la demande d'ajournement telle qu'elle a été formulée par Mme Gauthier.
Mise aux voix, cette demande d'ajournement est rejetée par 55 non contre 27 oui.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons nous prononcer sur ce projet de loi... Mais je vois qu'il y a des demandes de parole.
M. Ivan Slatkine (L). Je crois que mon collègue, M. Jeannerat, a déjà demandé que le vote sur le troisième débat se fasse à l'appel nominal...
La présidente. Oui, cette demande a déjà été soutenue tout à l'heure.
M. Roger Deneys (S). Merci, Madame la présidente. A l'issue de ces débats, ce projet de loi sera «t»accepté... (Rires. Exclamations.)
Une voix. Sera «t»accepté ?
M. Roger Deneys. Avec un «t» ! (Rires.) ...sera accepté, mais je tiens à dire que les socialistes sont quand même très choqués par ce qui se passe. Pour nous - et M. Stauffer ne l'a pas compris, mais cela n'étonnera personne, parce que son champ de vision se situe entre le centre de Genève et la région frontalière... Donc, pour nous, il s'agit de «penser global pour agir local». Et ça, c'est une conseillère administrative socialiste, mère d'un jeune enfant, qui suit nos débats qui me le souffle ! Et c'est exactement notre préoccupation: la qualité de vie et la santé de nos concitoyens ! Que se passera-t-il si nous augmentons encore les nuisances du trafic automobile ?! Eh bien, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi ne donne, à ce jour, aucune réponse satisfaisante à nos concitoyens !
En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il faut prendre nos responsabilités - comme les autres pays de l'Union européenne le font - et envisager sérieusement la réduction de nos émissions de CO2. Même si nous sommes des privilégiés parmi les privilégiés, nous devons contribuer à cet effort ! Dans ce sens-là, les milliards que vous prévoyez pour construire un pont ou un tunnel pour favoriser la circulation automobile, c'est très simple: consacrez-les pour la diminuer ! C'est ce que font toutes les villes modernes. Et consacrez-les toujours et encore aux transports publics, parce que les infrastructures destinées à ces derniers sont aujourd'hui insuffisantes ! Il manque des RER, des trams, des trains - efficaces - en direction de Saint-Julien, en direction de Thonon... (L'orateur est interpellé.) ...en direction de Bellegarde aussi, et même en direction du canton de Vaud. Et pour ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous estimons que ce projet de loi n'est toujours pas acceptable !
Pour conclure, Monsieur le conseiller d'Etat, j'ai bien entendu votre appel à une paix des transports et je partage votre préoccupation, parce que je pense qu'il est possible de construire ensemble - peut-être pas un pont ou un tunnel pour traverser le lac - et d'avoir une vision de la mobilité à Genève pour les prochaines années. Or je ne suis pas certain que ce projet de loi en soit le meilleur moyen.
Alors nous, au parti socialiste, nous serons extrêmement attentifs aux mesures de compensation qui seront présentées dans le cadre de ce crédit d'étude. En effet, s'il s'agit seulement de belles paroles, de refuser les amendements proposés et les mesures d'accompagnement nécessaires à l'issue de ce crédit d'étude, eh bien, ce sera simplement un marché de dupes de plus, et nous le refuserons ! (Applaudissements.)
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Lorsque des questions aussi sensibles sont examinées, on a souvent tendance, en fin de débat, à avancer des arguments techniques et juridiques. Par exemple, le fameux argument de la couverture financière - qui ne se pose pas en l'occurrence, puisque le budget 2008 prévoit cette dépense. La rapporteure de première minorité évoque la légalité de ce projet de loi, mettant en doute le fait que des députés puissent proposer un crédit d'investissement ou un crédit d'étude... J'ai le souvenir que cette question a été soulevée maintes fois et qu'elle a été tranchée de façon positive.
Cela étant, si, par impossible, un quelconque problème devait se poser à ce sujet, le Conseil d'Etat reprendra bien volontiers ce crédit d'étude à son compte. (Vifs applaudissements.)
La présidente. Vous avez un début de réponse, Madame la rapporteure ! (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets, à l'appel nominal, le projet de loi 10015.
La loi 10015 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10015 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 27 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la pétition 1540 et sur les résolutions 498, 513 et 529.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au point 107 de notre ordre du jour.
Débat
La présidente. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il s'agit du dernier point que vous avez décidé de traiter en urgence. Il est en catégorie II, ce qui veut dire que trois minutes par groupe sont imparties, plus trois minutes pour l'auteur de la motion. Personne ne souhaite s'exprimer... Si ! Monsieur Aumeunier, je vous donne la parole.
M. Christophe Aumeunier (L). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion demande la révision du plan directeur cantonal. Il faut rappeler que le canton a l'obligation d'avoir un plan directeur cantonal qui traite essentiellement de toutes les activités, qu'elles soient fédérales ou cantonales, à incidence spatiale importantes pour l'organisation de l'ensemble du territoire cantonal et de ses relations avec les régions voisines. (Brouhaha.)
Le plan directeur cantonal est donc l'instrument le plus important de notre aménagement du territoire. (Brouhaha.) Il engage les autorités... Et je vous engage, Madame la présidente, à faire en sorte d'obtenir un peu de silence ! (La présidente agite la cloche.) Merci beaucoup ! Il engage les autorités, disais-je, quant à l'organisation de notre territoire. Le premier plan directeur cantonal genevois a été adopté en 1989 tandis que quatre ans plus tard déjà, en 1993, les études sur l'actuel plan directeur cantonal ont été menées, pour durer pas moins de sept ans. Sept ans de travaux pour un plan directeur cantonal actuel qui est très consensuel, sans réelle ligne force... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
La présidente. Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le député, mais il y a vraiment trop de bruit ! En ce qui me concerne, je n'arrive pas à comprendre ce que vous dites. Je demande donc à vos collègues de bien vouloir faire silence... Maintenant, vous pouvez poursuivre.
M. Christophe Aumeunier. Je vous remercie, Madame la présidente. Je reprends: le plan directeur cantonal actuel a été adopté en 2000, il est très consensuel, sans réelle ligne force et sans innovation. Il a pourtant l'avantage de régler un certain nombre de problèmes, notamment le zoning de la zone urbaine et puis, singulièrement, l'intégration de très nombreuses mesures de prise en compte de la protection du patrimoine et de la nature.
Un réexamen de notre plan directeur cantonal est urgent. La loi prévoit un réexamen obligatoire tous les dix ans. Le plan directeur actuel, comme je l'ai dit tout à l'heure, a déjà sept ans tandis que les études de celui-ci ont duré sept ans. C'est dire que, si nous commençons aujourd'hui, il y a fort à parier que nous serons dans le délai des dix ans, obligatoires selon le droit fédéral. En outre, le réexamen est également nécessaire, et obligatoire, aux termes de la loi avant l'échéance des dix ans, lorsque les circonstances se sont modifiées, lorsque de nouvelles tâches se présentent et lorsqu'une meilleure solution d'ensemble aux problèmes de l'aménagement est possible.
Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, les circonstances se sont modifiées, puisque les prévisions démographiques, sur lesquelles notre plan directeur cantonal a été établi, ont largement été dépassées. Vous vous en souviendrez, le plus optimiste des trois scénarios envisagés prévoyait un maximum de 2300 nouveaux habitants dans le canton, alors qu'en 1999 il y en avait plus du double, à savoir 5300.
Un retour de la croissance économique s'est également fait jour - fort heureusement - à Genève, qui nécessite de la place dans les zones industrielles. De nouvelles tâches se sont présentées, tâches qui nous incombent au regard de l'avènement du projet d'agglomération franco-valdo-genevois. Effectivement, ce projet a été partiellement déposé, ce mois de décembre, auprès des instances bernoises, puisque le plan directeur cantonal actuel ne prévoit pas de relations avec nos voisins, ce que la loi exige pourtant. Un projet de territoire suisse est aussi en cours et il faut que nous soyons en conformité avec lui.
De nouvelles solutions sur l'ensemble de l'aménagement de notre territoire sont donc absolument nécessaires et il faut impérativement lutter contre la pénurie de logements. Je rappelle que cette pénurie s'établit à 0,19% de logements vacants, qu'elle entrave le bien-être des Genevois, qu'elle péjore la paix du logement et qu'elle augmente la dette publique. Ce sont en effet 300 à 400 millions de finances publiques qui nous échappent, puisque des actifs genevois sont obligés de se loger à l'extérieur du canton. Cela atteint l'économie locale dans la mesure où le produit intérieur brut est généré par la consommation des ménages qui s'établit, pour ces actifs genevois, à l'extérieur du canton, malheureusement.
Cette meilleure solution passe par la mise à disposition de terrains à la construction, c'est absolument nécessaire, prioritairement pour des logements et pour des zones industrielles. Elle passe par la densification de la zone urbaine, la mise en concordance des plans de réseaux routiers et du zoning - j'entends par là l'affectation des zones - la mise en concordance des plans de transports collectifs et du zoning, l'identification des aménagements à réaliser dans le cadre du projet d'agglomération et du projet de territoire suisse.
Mais surtout, il est absolument nécessaire de regagner la confiance des communes: nous devons en effet agir différemment aujourd'hui. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Pendant des dizaines d'années, nous avons agi dans un sens allant du haut vers le bas, en imposant aux communes l'aménagement du territoire cantonal, eh bien, la redéfinition du plan directeur cantonal est l'occasion rêvée de donner aux communes l'opportunité de nous indiquer où elles souhaitent créer du logement, où elles souhaitent développer l'aménagement du territoire cantonal. Et rétablir cette confiance avec les communes est une mission qui nous incombe véritablement, pour pouvoir développer notre canton par voie participative.
Le but de cette motion est de favoriser la lutte contre la pénurie de logements, pour pouvoir mettre à la disposition des Genevois des logements en propriété et des logements à loyer raisonnable pour tous. Elle vise également à veiller à la prospérité du canton, en créant suffisamment de zones industrielles, le tout de manière harmonieuse.
En définitive, cette motion appelle à l'ouverture d'un large consensus, et c'est la raison pour laquelle le groupe libéral vous invite à la renvoyer à la commission d'aménagement du canton, afin qu'elle y soit étudiée. Les amendements qui vous sont proposés pourront donc être traités dans ce cadre. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pascal Pétroz, je vous donne la parole. Vous avez trois minutes.
M. Pascal Pétroz (PDC). Merci, Madame la présidente. M. Aumeunier, comme souvent, a parlé d'or: il a bien expliqué dans quelle situation se trouve notre canton en matière de logements. La pénurie de logements est telle que les personnes qui veulent travailler à Genève doivent trouver à se loger à l'extérieur de notre canton. C'est une situation inacceptable. Nous avons - le groupe démocrate-chrétien - cosigné cette motion, car il nous paraît absolument indispensable de nous réveiller: de construire, de construire encore, de manière à pouvoir offrir des logements aux Genevoises et aux Genevois.
Nous vous recommandons également de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement du canton, de manière qu'elle puisse être traitée rapidement et, ensuite, être votée.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je me fais ici le relais des propos de notre collègue Alain Etienne, qui ne peut pas être avec nous ce soir. Le groupe socialiste est surpris par le ton plutôt polémiste de la motion. En effet, l'actuel plan directeur contient des lignes force, qui ne sont pas des moindres: l'ouverture sur la région et l'introduction du principe du développement durable.
Demander aujourd'hui la révision du plan directeur est un leurre. Les auteurs veulent faire croire que le problème vient du plan directeur lui-même, alors qu'il est dans son application. Il ne suffit pas d'avoir un plan directeur: il faut une volonté politique de l'appliquer. En effet, il ne suffit pas de déclasser des terrains, il faut aussi construire en utilisant au maximum les potentiels à bâtir. Et là, nous nous trouvons confrontés aux recours déposés, comme à la Chapelle-les Sciers, les Vergers, les Communaux d'Ambilly. Le protocole d'accord sur le logement a été conclu après que l'on a réuni les partenaires concernés autour d'une table. Faisons de même pour l'application du plan directeur actuel !
Déposer une motion faussement alarmiste est inutile. Est-ce l'invalidation de l'initiative: «15 000 logements pour sortir de la crise», qui vous a fâchés ?
Passons aux zones industrielles. Nous avons eu en commission de l'aménagement des exposés très intéressants qui montrent que l'administration sait parfaitement où elle va, et nous pouvons être rassurés. Quant à la traversée du lac, elle est annoncée par le Conseil d'Etat dans son projet d'agglomération.
Le Conseil d'Etat a présenté toute une série de nouvelles fiches, ajoutées au plan directeur, et a annoncé le masterplan Praille-Acacias-Vernets. L'actuel plan directeur date de 2001, et le Conseil d'Etat sait pertinemment quand il devra entamer les études de base pour sa révision.
Le groupe socialiste est soucieux de trouver des solutions à la crise du logement. Aussi, il invite le Conseil d'Etat à poursuivre ses efforts dans l'application du plan directeur actuel, et refusera cette motion qu'il considère comme inutile. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Cette motion est-elle bien nécessaire ? Et, surtout, ses prémisses se vérifient-elles ? Non, absolument pas !
En réalité, le plan directeur vient d'être adopté; il vient d'être révisé; les surfaces d'assolement viennent d'être revues; un projet d'agglomération vient d'être proposé, et je crois que l'immense majorité de cette assemblée ne l'a même pas lu. Je peux le comprendre, car il représente plusieurs milliers de pages, mais essayons au moins de lire le résumé qui compte 150 pages ! Tout est en route: on est en chantier perpétuel ! Les prochains projets pour le nouveau plan directeur sont prévus pour 2015-2030... Apparemment, ce soir, on fait - nous serons peut-être mort d'ici-là - des projets futuristes, puisqu'on parle de 2040... Pourquoi pas 2100 ou 2150 ? Nous ne serons probablement plus là pour le voir, mais, je le répète, tout est en route.
Je vous propose donc, par gain de paix, de faire d'abord un bilan. En effet, on nous dit qu'il n'y a plus de terrains, alors que l'on n'a même pas encore commencé à déclasser ceux qui étaient prévus de l'être dans le plan directeur actuel ! Et on n'a même pas commencé à construire sur les terrains que nous avons déclassés ! Alors, avant de faire cette course-poursuite, commençons par faire un bilan et vérifions les prémisses ! Parce que tout, dans l'ancien plan directeur, n'est pas à jeter !
Nous devons construire ensemble. Nous avons le résumé de ce plan directeur: la région y figure, le plan de circulation, etc., aussi ! En fait, il faudrait juste faire un bilan. C'est ce que demande notre amendement: de présenter un bilan et, le cas échéant, de tenir compte des problématiques mal résolues, parce que, quand on fait de la prospective, toutes les pistes possibles ne peuvent pas être évaluées de façon précise. On nous dit que le plan directeur n'avait pas prévu l'afflux de population... En effet, il ne l'a prévu que partiellement, mais en réalité le pic maximal prévoit 560 000 à 570 000 habitants en 2015... Nous n'y sommes pas encore, et de loin ! Donc, je pense que nous sommes dans la cible. Je le répète, il faut tout d'abord établir un bilan, ensuite nous verrons bien ce que devrons envisager.
Et, pour conclure, je ne vois vraiment pas ce que nous ferions en commission d'une motion qui invite le Conseil d'Etat à faire une étude ! Nous n'allons tout de même pas lui dire ce qu'il doit écrire dans cette étude ! C'est à lui de le faire et de nous dire, ensuite, ce qu'il en retire ! Renvoyons cette motion directement au Conseil d'Etat, avec les amendements que nous proposons ! Au moins, nous aurons un rapport correct ! (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Je crois qu'il n'est guère utile de disserter longuement sur l'opportunité de repenser notre plan directeur cantonal !
C'est pour cela que j'en viendrai directement à l'amendement qui est proposé par nos collègues, pour dire qu'il n'est pas nécessaire non plus de faire un bilan... Le bilan, il est établi dans les chiffres ! Le plan directeur cantonal actuel est un échec total ! (Exclamations.) Un échec total, qui se concrétise par la construction de 1200 logements par année, alors que nous en avons besoin de 3 à 5000 ! (Commentaires.) Donc, manifestement, l'échec du plan actuel est patent !
Mesdames et Messieurs, le plan actuel est un échec: pourquoi ? Peut-être pour des raisons techniques, sur lesquelles il n'est pas non plus besoin de s'attarder longuement... Ce n'est pas la peine: on sait que c'est un échec ! Ce qui est sûr, c'est qu'il s'agit d'un plan qui n'est pas conforme aux besoins actuels en matière de logements à Genève.
Le renvoi en commission a été demandé, Mesdames et Messieurs, mais peut-être vaudrait-il mieux, tout simplement, renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat ! (Brouhaha.) C'est en tout ce que proposent les radicaux ! A quoi sert-il de renvoyer ce projet de motion en commission ? Voilà ! Nous proposons donc de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, qui en fera certainement un bon usage, surtout étant donné que le Tribunal fédéral a déclaré invalide une initiative, qui a eu au moins le mérite de montrer, elle aussi, que notre plan directeur cantonal était totalement inadapté aux besoins du canton.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Aumeunier, je vous donne la parole: il vous reste trente secondes.
M. Christophe Aumeunier (L). Merci, Madame la présidente. Je trouve effectivement le discours de la gauche absolument affligeant. Celle-ci se complaît, depuis cinq ans, dans une situation désastreuse en matière de logements, puisque le taux de vacance est inférieur à 0,20%. La gauche se complaît dans la pénurie de logements et elle ne propose aucune solution ! Les périmètres de grande taille pour les déclassements importants sont épuisés. Que l'on me cite ici, dans le plan directeur actuel, les grands périmètres à déclasser qui ne le sont pas !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Ducret, il vous reste une minute.
M. Michel Ducret (R). Je serai très bref, Madame la présidente. Je voudrais juste rappeler que le plan directeur cantonal actuel a deux défauts rédhibitoires: le premier, c'est qu'il est réputé représenter le plus mauvais choix en matière de desserte par les infrastructures de transports publics; le deuxième, c'est qu'il se caractérise surtout par l'addition des égoïsmes des uns et des autres, plutôt que par une réelle volonté de dessiner un projet d'avenir pour Genève.
Je crois qu'aujourd'hui il vaut la peine d'accélérer la révision de ce plan directeur, qui ne répond pas aux besoins réels de notre canton.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Mme Fehlmann Rielle, vous avez une minute.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Merci, Madame la présidente. Vous trouvez que la position de la gauche est affligeante... A mon tour de vous dire que votre motion n'est qu'une simple et pitoyable gesticulation ! Vous relevez dans votre motion l'inadéquation du plan avec le développement du canton, alors qu'en fait - en tout cas, en ce qui concerne la démographie - cela fait déjà quinze ans qu'il y a eu un saut démographique important, et il en a été tenu compte en partie dans le plan directeur de 2001.
Mais ce n'est pas cela l'important... Ceux qui maintenant se font les chantres de la construction de logements, de la densification, sont les mêmes - notamment vous, sur les bancs de la droite - qui ont tout fait pour freiner ces déclassements, à l'époque où nous voulions justement déclasser pour pouvoir densifier et où certains déclassements ont été réalisés ! Et je vous rappelle à ce propos ce qui s'est passé pour La Tulette... (Rires.) Vous n'avez jamais rien fait pour que les communes réticentes à construire du logement social ou à introduire une certaine mixité sociale changent de position ! Vous ne les avez jamais incitées à déclasser davantage, vous n'avez pas soutenu le Conseil d'Etat dans ses démarches !
Alors, je trouve plutôt déplacé que vous vous permettiez de nous faire la morale avec cette motion, qui n'est que du bouillon pour les morts ! Laissons travailler le Conseil d'Etat et, surtout, continuons à aller dans le sens des projets qui sont déjà en route !
Quoi qu'il en soit, je vous recommande de refuser cette motion. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Madame Künzler, il vous reste vingt secondes.
Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Madame la présidente. Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à voter la motion, mais seulement avec les amendements, car cela ne sert à rien de la renvoyer en commission. Je rappelle simplement que bien des projets ont été bloqués par des communes de droite. Et, de plus, sur le dernier déclassement qui a été effectué, la commune de Chêne-Bourg a exigé des immeubles de 13,50 mètres de hauteur ! C'est exactement cela qu'il faut revoir...
La présidente. Madame la députée, s'il vous plaît, vous devez conclure !
Mme Michèle Künzler. ...dans le plan directeur et en faisant un bilan: c'est le seul moyen de ne plus «nous engueuler» ici, car nous pourrons nous baser sur des chiffres. Parce que, Monsieur Kunz, pour l'instant, je n'ai vu aucun chiffre ! (Brouhaha.) Et ce n'est pas le plan directeur qui réalise les constructions: pour construire, il faut déclasser, il faut faire des projets !
La présidente. Madame la députée, vous devez conclure, je suis désolée.
Mme Michèle Künzler. Je le répète, cette motion pour la révision du plan directeur ne sert à rien sans bilan ! (Exclamations.) Merci, Madame la présidente !
La présidente. Je vous en prie. La parole est à M. le conseiller d'Etat, Robert Cramer.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Commençons par un propos polémique... Il y a une forme d'injustice dans la loi portant règlement du Grand Conseil: chacun des groupes a droit à trois minutes pour s'exprimer, ce qui fait vingt et une minutes, mais le Conseil d'Etat n'a droit qu'à trois minutes pour lui, ce qui est extrêmement peu, étant donné la qualité de vos interventions... (Rires. Exclamations.) ...qui portent chacune sur des points extrêmement divers et qui méritent chacune une réponse quelque peu approfondie... J'implore dès lors d'avance, Madame la présidente, votre clémence, que je sais grande.
Et, au fond, ma tâche est relativement facile: je suis d'accord avec toutes et tous. Vous avez tous raison: oui, il est indispensable de réviser notre plan directeur; oui, le projet d'agglomération a fourni les prémices de cette révision et il comporte un élément extrêmement factuel, mais, malheureusement, je crains que bon nombre d'entre vous qui s'expriment ici fassent preuve d'un peu de paresse lorsqu'il s'agit de lire les cartes.
Que nous disent-elles ? Le projet d'agglomération franco-valdo-genevois indique que, dans une quinzaine d'années, 200 000 personnes de plus vivront dans notre agglomération. Aujourd'hui, le bassin de la population représente environ 800 000 personnes; nous serons bientôt un million ! Et sur cette augmentation de 200 000 personnes, la moitié, soit 100 000 personnes, vivront sur le territoire du canton de Genève.
Ce projet nous précise aussi qu'il y aura 100 000 emplois de plus dans notre agglomération et que 70% de ces emplois seront sur le territoire du canton de Genève. Et, si vous lisez les cartes, vous constatez que, déjà aujourd'hui, la région où ces 100 000 personnes vont vivre est déterminée. Donc, si vous vous donniez simplement la peine de lire les documents qui vous ont été présentés, vous sauriez d'ores et déjà à peu près quelle est la région qui va être urbanisée sur le territoire du canton de Genève et qui pourra accueillir ces 100 000 personnes. Voilà, pour aller dans le sens de ce que disait M. Aumeunier.
Dans le même temps - et pour aller dans le sens d'un certain nombre d'autres interventions - je peux vous dire très clairement, Monsieur Kunz, que l'on sait parfaitement, dans le cadre du plan directeur, quels sont les prochains périmètres qu'il est indispensable de déclasser: c'est dans la plaine de l'Aire et à Vessy. Cela figure dans le plan directeur. Mais, avant de déclasser des terrains dans ces secteurs, et comme le relevait Mme Künzler, il faut déjà déclasser et construire dans les autres endroits qui sont prévus dans le plan directeur et où les projets sont prêts. Or, nous le savons bien, les blocages se produisent dans les communes dont les exécutifs sont à 100% tenus par l'Entente, et les recours viennent toujours de propriétaires immobiliers, c'est-à-dire de propriétaires de villas. C'est donc dire que la droite est à peu près à 100% responsable des blocages dans ce canton actuellement ! (Applaudissements.)
Mais c'est précisément un sujet dont je comptais m'entretenir avec vous en commission, lors d'une séance qui est d'ores et déjà agendée, je crois, pour le 4 avril. Mme Künzler a aussi parfaitement raison: il est totalement inutile de renvoyer ce projet de motion en commission. Ayons de l'audace, comme le dit régulièrement mon collègue M. François Longchamp ! Soyons audacieux: renvoyons cet objet au Conseil d'Etat ! (Exclamations.) Renvoyons cet objet au Conseil d'Etat, puisqu'il souhaite précisément initier - comme il le fait déjà depuis douze mois - les études préalables du plan directeur.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, quelles que soient vos décisions sur les amendements proposés par Mme Künzler, le Conseil d'Etat, bien sûr, présentera un bilan sur la mise en oeuvre du plan directeur; le Conseil d'Etat, bien sûr, s'inspirera de ce bilan, et quels que soient vos votes, pour proposer un nouveau plan directeur; et le Conseil d'Etat, bien sûr, pense que c'est sa tâche que de vous proposer un nouveau plan directeur et non pas une réflexion d'une commission quelconque.
Refusez donc le renvoi de cette motion en commission, contrairement à ce qui vous a été proposé par ceux qui l'ont déposée, et renvoyez-la immédiatement - je l'espère, à une large majorité - au Conseil d'Etat, qui vous annonce d'ores et déjà qu'il entend mettre en oeuvre les études nécessaires pour un nouveau plan directeur défini, évidemment, sur la base d'un bilan, comme l'a dit Mme Künzler.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vais maintenant vous soumettre... (La présidente est interpellée.) Il y a une demande de parole ? Monsieur Pétroz, je ne sais pas s'il va vous rester beaucoup de temps.
M. Pascal Pétroz (PDC). Je serai extrêmement bref... J'ai cru comprendre que M. Aumeunier, sans le dire clairement, retirait sa demande de renvoi en commission. En ce qui nous concerne, nous ne la formulons pas. Alors, votons directement sur le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Une voix. Non, sur l'amendement ! (Commentaires.)
La présidente. Monsieur Aumeunier, retirez-vous votre proposition ?
M. Christophe Aumeunier (L). Etant donné l'enthousiasme inattendu du Conseiller d'Etat, je retire ma proposition de renvoi en commission.
La présidente. Dans ce cas, je vais soumettre l'amendement proposé par Mme Künzler... (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous désirez reprendre la parole ?
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Madame la présidente, juste un mot. On connaît les rapports de force dans ce Grand Conseil, mais le bon sens appelle le vote de cet amendement. De toute façon, revoir le plan directeur implique un bilan. Ce dernier va certainement faire extrêmement plaisir à un certain nombre d'entre vous, puisqu'il ne pourra qu'aboutir au constat que, ma foi, il aurait peut-être fallu faire certaines choses différemment. Au-delà de cela, essayons de dire tous ensemble que nous voulons une révision de ce plan directeur, quelles qu'en soient les modalités. Cet amendement, quel que soit le vote, sera reçu par le Conseil d'Etat, alors autant le voter.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets tout d'abord l'amendement que vous avez sous les yeux... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Je ne pense pas que vous ayez tous compris ce que je suis en train de dire, puisque tout le monde parle ! Je répète: je vous soumets tout d'abord l'amendement tel que vous l'avez sous les yeux.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 48 non contre 27 oui et 6 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1799 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 55 oui contre 28 non.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, restez à vos places ! Vu l'heure tardive, je ne vous propose pas de traiter le point 26... (Exclamations. Applaudissements.) Attendez une seconde ! J'ai deux informations importantes à vous donner - vous verrez... Je rappelle aux députés qui ne seraient pas venus chercher leurs bouteilles de vin à la fin de l'année qu'ils sont attendus par les huissiers à la salle Petitot. La deuxième nouvelle est, je vous l'assure, encore plus importante: je vous donne rendez-vous le 5 février dans ma commune, au Grand-Saconnex. Bonne nuit ! (Exclamations. Applaudissements.)
La séance est levée à 22h25.