République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1765
Proposition de motion de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger, Damien Sidler, Christian Bavarel, Brigitte Schneider-Bidaux, Hugo Zbinden, Alain Etienne, Eric Leyvraz, Sébastien Brunny, Ariane Wisard-Blum, Elisabeth Chatelain concernant un plan pour un éclairage public nocturne en accord avec l'environnement

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Cette proposition de motion demande d'élaborer un plan lumière cantonal, respectueux de l'environnement, qui englobe également l'éclairage public des communes. Il existe une ONG, appelée Dark-Sky - voir www.darksky.org - qui s'occupe de cette forme de pollution et dont le site contient de nombreuses informations très instructives. Le WWF également a publié tout un magazine sur ce sujet.

Je voudrais le dire d'emblée, il ne s'agit pas de mettre ni la Ville ni le canton dans l'obscurité, mais de mieux analyser les nécessités et usages de chaque endroit afin de l'éclairer en conséquence. Dans certains lieux, la luminosité est très mal adaptée, car trop forte; d'autres sont sous-éclairés et la sécurité n'est donc pas assurée. En outre, les réverbères sont très souvent si hauts qu'ils éclairent dans les chambres à coucher et au-dessus des arbres, mais plus du tout les trottoirs.

Il y a également toute la politique d'éclairage des bâtiments. Certains méritent ce type de dispositifs, alors que, pour d'autres, ce ne sont que des effets de mode ayant des conséquences perverses: cela incommode le voisinage, gaspille les deniers publics et dérange la faune.

La Ville a déjà réfléchi à ce problème, ainsi que certaines communes. Les SIG n'y sont pas non plus insensibles, mais il reste encore des grands principes à mettre sur pied. Les radicaux - plus particulièrement M. Kunz - ont également demandé, lors d'une séance de la commission de l'énergie, que des amendements soient déposés en vue de parvenir à un éclairage public plus rationnel.

Cette proposition de motion demande donc surtout de se pencher sur un éclairage public plus optimal, plus rationnel et plus respectueux de l'environnement. Nous pouvons soit la renvoyer au Conseil d'Etat, soit à la commission de l'environnement et de l'agriculture, afin d'obtenir des informations, voire de l'amender.

M. Sébastien Brunny (MCG). La proposition de motion 1765 met en évidence le fait que les éclairages nocturnes urbains sont parfois mal situés. De ce fait, au lieu d'éclairer de façon judicieuse les trottoirs et la voie publique, lesdits éclairages illuminent par exemple des façades d'immeubles ainsi que l'intérieur d'appartements.

De plus, on constate dans certains quartiers une façon anarchique d'optimiser l'éclairage qui, comme on le sait tous, est dépendant de l'électricité, source précieuse et malheureusement pas intarissable.

La proposition de motion des Verts demande à juste titre d'élaborer un plan lumière cantonal, respectueux de l'environnement, qui englobe également l'éclairage public des communes et, au vu des éléments énumérés ci-dessus, le groupe MCG soutiendra cette proposition, qui peut s'apparenter à notre devise «Post tenebras lux». (Exclamations.)

Des voix. Bravo !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je prie les personnes qui se tiennent devant la porte donnant accès à la buvette de bien vouloir continuer leurs conversations ailleurs ! Merci à Messieurs Muller, Weiss, Ducrot, Meylan... Merci beaucoup !

M. Eric Leyvraz (UDC). On se rend rapidement compte, en se baladant le soir, que l'éclairage public ou privé est souvent peu efficace ou, au contraire, exagéré. Or les effets indésirables d'une lumière mal conçue sont multiples.

L'affirmation selon laquelle la lumière équivaut à la sécurité est à nuancer, nous disent les spécialistes. Lorsqu'un lampadaire éblouit, l'oeil s'adapte et l'environnement immédiat devient tout d'un coup plus sombre, donc moins apparent, d'où une baisse paradoxale de la sécurité. On constate que l'éclairage nocturne, en augmentant la visibilité sur les routes, favorise les excès de vitesse, et si les accidents sont peut-être moins nombreux, ils sont en revanche plus graves. La vitesse accrue augmente le bruit et on a observé aux ronds-points éclairés qu'il n'y avait pas vraiment de baisse des accidents.

L'éclairage peut également provoquer de grandes perturbations pour les animaux nocturnes, notamment les oiseaux migrateurs. Les insectes sont attirés sur plus de 500 mètres, et l'on a constaté que la reproduction de certaines variétés de coléoptères était mise en danger parce qu'elles se font dévorer en grande quantité par les prédateurs.

On observe aussi que le cycle des plantes est perturbé: elles bourgeonnent plus tôt et, sous nos climats, même avec le réchauffement climatique, les risques de gel sont plus élevés. Même chez l'homme, nous disent les médecins, cette perturbation du cycle jour/nuit joue sur les hormones et peut provoquer des déséquilibres.

Il nous faut donc absolument analyser ces sources de lumière dans nos villes, utiliser des minuteries avec détecteur de mouvements, revoir notre façon d'éclairer, adapter les intensités lumineuses en fonction des besoins, repenser l'utilisation des panneaux de réclame - c'est important - et mettre en pratique les technologies utilisées depuis l'arrivée des nouvelles générations de lampes. Et il est possible, avec un confort même supérieur, de diminuer une consommation excessive et inutile.

Dans le fond, ce qu'il nous faudrait, c'est une charte de l'éclairage et une check-list nous permettant de déterminer où les abus sont trop importants. Tout cela doit être discuté en commission, et je pense que c'est à celle de l'environnement que cela doit se faire. L'UDC soutiendra donc le renvoi de cette proposition de motion, que je juge bonne, en commission de l'environnement et de l'agriculture.

Mme Janine Hagmann (L). Je suis satisfaite de voir que tous les groupes semblent vraiment avoir une conception de l'environnement qui change, et que tout le monde s'intéresse à ce domaine. Ce n'est donc plus que l'apanage des Verts, Mesdames et Messieurs ! Vous devez du reste savoir que les libéraux ont indiqué dans leur programme qu'ils s'occuperaient d'environnement, et la preuve est là, nous sommes sensibilisés par cette proposition de motion et remercions les Verts de l'avoir rédigée.

Si nous sommes sensibles au problème soulevé par ce texte, c'est parce que nous savons très bien qu'il existe actuellement des solutions pour limiter les émissions lumineuses et qu'elles sont simples à mettre en oeuvre. Il faudra donc renvoyer ce texte en commission, afin de pouvoir étudier toutes les possibilités.

Les Genevois ne seront d'ailleurs pas les premiers à essayer d'optimiser l'éclairage public, car Zurich et Bâle l'ont déjà fait. Je voudrais aussi dire que plusieurs communes se sont déjà préoccupées de ce problème et ont fait procéder à des audits énergétiques - les SIG sont spécialistes dans ce domaine - afin de savoir comment optimiser leurs éclairages.

Dans le journal «Terre et Nature», qui, certains s'en souviennent, s'appelait dans le temps « Le Sillon romand» - il s'agit d'une revue qu'on ne peut pas accuser d'être inféodée à un parti politique - est parue l'étude d'un jeune ingénieur de l'EPFL, qui tente de sensibiliser les pouvoirs publics aux effets des lumières artificielles. Il préconise de réagir plutôt que de poursuivre de façon effrénée la course aux lumières tous azimuts. Mais, c'est évident, il ne faut pas tomber de Charybde en Sylla, et entre le droit à la sécurité et celui à la nuit il faut trouver, comme toujours, le juste milieu.

Je ne vais pas prolonger mon intervention, puisque nous avons déjà été passablement éclairés ce soir sur de nombreux sujets, et je propose que nous essayions de nous éclairer de façon très éclairée ! Alors renvoyons cette proposition de motion en commission.

M. Didier Bonny (PDC). Je ne vous apprendrai rien en vous disant que la politique énergétique constitue un enjeu majeur. D'ailleurs, dans son communiqué de presse du 10 octobre dernier, le Conseil d'Etat a publié pas moins de trois informations à ce sujet: l'une sur la priorité à la maîtrise de la demande d'électricité et à la fiabilité du réseau électrique, une autre sur la société à 2000 watts et, enfin, il a félicité la Ville de Genève pour sa politique en matière d'énergie.

La proposition de motion 1765 s'inscrit donc dans cette ligne, que le PDC soutient. Eclairer le ciel pendant la nuit n'est effectivement pas la meilleure des idées, or c'est malheureusement ce que font les pays développés; il suffit de regarder des images par satellite pour s'en convaincre. J'ai eu l'occasion d'en voir, c'est assez effarant !

Toutefois, le PDC tient à mettre en avant le fait qu'un meilleur éclairage n'est pas synonyme d'obscurité. En effet, améliorer l'éclairage ne signifie pas sacrifier la sécurité. D'ailleurs, depuis qu'il y a davantage de lumière sur le quai des Eaux-Vives, suite à deux pétitions lancées par des habitants, la sécurité a été renforcée sur le quai. Il faut donc savoir raison garder.

Le PDC souscrit à la partie de l'invite qui demande au Conseil d'Etat d'englober également l'éclairage public des communes, et j'ajouterai même qu'il faut qu'il agisse en collaboration avec elles, car la Ville de Genève, par exemple, est à bout touchant en ce qui concerne son propre plan lumière; il serait donc dommage de ne pas inclure ce qui se fait déjà au niveau des communes.

Pour toutes ces raisons, le PDC entrera en matière sur cette proposition de motion et la renverra à la commission de l'environnement et de l'agriculture.

M. Michel Ducret (R). Certains vont prétendre ce soir que les radicaux cherchent à saboter la Course de l'Escalade de demain en la couvrant de neige fraîche, mais, conformément à la politique décidée par notre assemblée déléguée, nous allons soutenir cette proposition de motion en la renvoyant à la commission de l'environnement, essentiellement pour examiner les termes de l'articulation qui peut se faire entre les responsabilités du canton et des communes, qui sont les premières concernées en matière d'éclairage public. En ce sens-là, il nous paraît important de rediscuter de la teneur de l'invite, afin de voir ce que l'Etat et les communes peuvent mettre en place de manière intelligente et, surtout, en évitant les doublons. En effet, comme M. Bonny vient de le rappeler, la Ville de Genève est presque à bout touchant en ce qui concerne son propre plan lumière, qui va exactement dans le sens décrit ici.

Mesdames et Messieurs, on peut aujourd'hui diminuer très considérablement la consommation d'énergie et le gaspillage à la fois en lux et en kilowatts/heure, tout en maintenant un niveau d'éclairement suffisamment élevé pour garantir, sinon la sécurité réelle, en tout cas la sensation de sécurité pour nos concitoyens. Il est également tout à fait possible de conserver des éclairages de type ornemental - car c'est aussi ce qui fait la beauté et l'agrément d'une ville la nuit, il n'y a pas que le côté sécuritaire - et cela à moindre coût.

Ce sera un travail de très longue haleine, car il faut savoir, par exemple, que certaines installations ne sont pas si vieilles que cela et qu'on ne peut donc pas tout changer d'un coup. Cela prendra du temps à être mis en oeuvre, mais cette proposition de motion constitue indéniablement un bon pas en direction d'une meilleure gestion de notre éclairage public.

M. Alain Etienne (S). L'éclairage public constitue effectivement une problématique importante à laquelle il faut réfléchir, d'une part pour des raisons de sécurité et d'économies d'énergie et, d'autre part, de mise en valeur de notre patrimoine. Il convient également de se pencher sur ce problème en raison de la faune, ainsi que des gens qui veulent encore profiter de zones d'ombre pour observer le ciel.

Il est donc important que cette réflexion soit menée, ce qui est du reste déjà largement le cas au niveau des communes. La Confédération présente des recommandations et il convient que le canton se soucie de mener une réflexion globale à ce sujet. Cela passe aussi par une mise en application de projets, car il ne suffit pas de réfléchir ! Une fois que l'on a identifié les problèmes ou que l'on a élaboré, comme le demande l'invite, un plan lumière, il s'agit ensuite de le concrétiser par des projets, comme celui de la vallée du Flon à Lausanne, cité en exemple dans l'exposé des motifs.

Toute cette régulation de lumière passe donc par des projets, ce qui demande des financements, et je me réjouis que le parti libéral appuie aussi la mise en oeuvre de ces plans lumière !

Mon préopinant a rappelé la devise de notre canton, qui est «Post tenebras lux», j'en fais donc la traduction pour notre camarade Alberto Velasco: «Après les ténèbres, la lumière» !

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gilbert Catelain, à qui il reste cinquante-cinq secondes.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je relève que ce Grand Conseil est unanime à renvoyer cette proposition de motion en commission. Elle traite d'un problème qui va concerner essentiellement les communes, qui ont d'ailleurs déjà été sensibilisées aux questions des coûts.

Je citerai simplement un cas pratique: hier, l'école de l'avenue Dumas à Champel est restée allumée toute la nuit. Des mesures simples ne nécessitent donc pas forcément de proposition de motion, il s'agit simplement d'appuyer sur le bouton pour éteindre la lumière !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Bien sûr que le Conseil d'Etat ne s'opposera pas au renvoi de cette proposition de motion en commission, car ce sera peut-être l'occasion de vous dire, de façon un peu plus complète que je ne saurai le faire maintenant, quelles actions ont déjà été entreprises.

En effet, la problématique de l'éclairage public est typiquement un des domaines où nous ne sommes pas restés inactifs, parce qu'il y a réellement une grosse consommation d'énergie électrique à Genève que nous avons l'ambition de maîtriser. En lien avec ce problème de consommation liée à l'éclairage public, on trouve au premier plan les communes - comme l'a relevé M. Catelain - ainsi que les Services industriels, puisque ce sont eux qui gèrent cette problématique de l'éclairage. Toutefois, on a quand même pu promouvoir à travers les services de l'Etat un certain nombre de mesures d'économie. D'ailleurs, celles qui ont été prises depuis 1998 - j'ai ici quelques chiffres - ont permis de réduire globalement la consommation d'électricité d'environ 2 200 000 kilowatts/heure, et également de diminuer le nombre de points lumineux de 9650 à 8600 durant cette même période.

Mais, au-delà de cette diminution et des nouveaux dispositifs techniques que l'on est en train d'introduire en matière d'éclairage public - à savoir, notamment, des procédés permettant de réguler de façon beaucoup plus précise l'éclairage et donc de maîtriser la consommation d'énergie - se pose un problème éminemment politique dans ce débat: c'est le sentiment de sécurité, versus consommation d'énergie. Et, sur ce point, il est extrêmement utile que le parlement se prononce. Que souhaitez-vous, Mesdames et Messieurs les députés ? Etes-vous prêts à accepter, comme cela se fait en Suisse alémanique, que, à partir d'une certaine heure, la nuit soit noire et qu'il n'y ait plus d'éclairage public ? (Commentaires.) Ou bien considérez-vous qu'une telle perspective est inadmissible, parce que nous voulons assurer un sentiment de sécurité à la population par l'éclairage ? Et, si oui, où doit être assuré ce sentiment de sécurité ?

Il vaut donc la peine qu'on se pose ce genre de questions en commission, parce que, au-delà des dispositifs techniques qui existent et qu'on est en train de développer, il subsiste des questions, notamment le choix politique de savoir jusqu'où l'on va et ce que l'on fait, et de cela je me réjouis de discuter avec vous en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1765 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 72 oui (unanimité des votants).