République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 30 novembre 2007 à 20h30
56e législature - 3e année - 2e session - 10e séance
PL 10106-A et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Mme Virginie Keller Lopez (S). Les socialistes souhaitent, après avoir entendu tout à l'heure les mensonges proférés notamment par M. Catelain, du groupe UDC, rectifier un certain nombre de points.
Tout d'abord, M. Catelain a prétendu lors de ce débat sur la mendicité que toute personne de passage, y compris les mendiants que nous avons vus cet été à Genève, pouvait bénéficier des prestations de l'Hospice général. Or cela, Mesdames et Messieurs les députés, est totalement mensonger, et il est important que la population le sache. Les prestations de l'Hospice général ne sont délivrées qu'aux individus qui ont un statut légal et sont résidents à Genève. Il peut certes y avoir un certain nombre d'aides ponctuelles accordées à des personnes de passage - cela a notamment été le cas dernièrement pour des mendiants - mais en aucune façon des prestations régulières de l'Hospice général ne peuvent leur être attribuées.
D'autre part, le groupe socialiste regrette que la droite et l'extrême-droite aient fait une utilisation politique de cette question de la pauvreté et de la mendicité à Genève. Vous avez fait durant l'été et ces derniers mois de l'incitation au racisme et à la haine. Vous avez stigmatisé des populations, particulièrement celle qu'on appelle «les Roms», alors que l'on sait que, parmi les mendiants à Genève, il y a certes des Roms, mais il se trouve également des personnes d'autres pays de l'Est. On voit également des Roumains qui ne sont pas Roms et qui mendient.
Vous avez donc stigmatisé ces populations, comme le font aujourd'hui et n'ont jamais cessé de le faire différents groupes d'extrême-droite en Europe et en Suisse, qui reprennent du poil de la bête ces dernières années. Vous avez certainement vu cette émission sur Arte qui parlait des recrudescences en Belgique, en Allemagne et en Autriche des groupes d'extrême-droite et de nazis qui recommencent à sévir, même s'ils n'ont jamais cessé, et deviennent de plus en plus nombreux à s'attaquer aux juifs. Dans la même émission, on pouvait voir un reportage sur les Roumains, qui eux s'en prennent aux Roms dans leur pays. Or stigmatiser ces populations, comme vous l'avez fait durant cette campagne, revient à donner des arguments à l'extrême-droite, et vous le savez très bien.
Les socialistes s'opposent donc à ce projet de loi et pensent que nous devons trouver des solutions empreintes de solidarité et de respect, que ce soit en adoptant les crédits de solidarité internationale que vous ne votez jamais à droite et à l'extrême-droite, ou en recherchant des solutions d'accueil, lorsqu'on doit par exemple accepter un quota de réfugiés en Suisse. On voit d'ailleurs à ce moment-là à quel point le Conseil fédéral et le Conseil national sont frileux en matière d'accueil.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous redirons ce soir notre solidarité avec ces personnes, ainsi que notre refus de stigmatiser, de criminaliser et d'exclure la pauvreté. (Applaudissements.)
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Cette année, Genève a été témoin des conditions de vie d'une communauté, européenne, les Roms. Nous venons de débattre sur le thème général de la mendicité et, par le biais des propositions de motion 1793 et de résolution 548, qui font aussi partie de ce point, nous vous soumettons une réflexion et une action portant sur le moyen et long terme.
Il est clair que nous ne pouvons et ne pourrons pas accueillir à Genève les 8 à 10 millions d'hommes et de femmes qui constituent cette communauté des Roms et qui sont répartis à travers toute l'Europe, particulièrement dans les pays de l'Est et des Balkans. Cependant, en tant que représentants de Genève, ville internationale, nous devons faire en sorte que ces communautés ne soient pas perçues comme un risque pour la cohésion sociale des pays européens, mais bien comme un potentiel, à l'instar de chaque communauté qui constitue notre pays et notre continent.
Avec la proposition de motion 1793, qui s'adresse au Conseil d'Etat, nous demandons que les montants alloués au financement de la solidarité internationale du canton soient augmentés de manière claire en faveur de projets de coopération pour le peuple Rom de Roumanie. Ces projets, qui doivent être élaborés avec des représentants de cette communauté, auront comme axes les compétences scolaires et professionnelles à acquérir, l'accès aux soins et la lutte contre la double discrimination des femmes. Ils devront également être consacrés à la population roumaine en général.
La proposition de résolution 548, quant à elle, vise à obtenir votre accord sur le dépôt d'une initiative cantonale signée par le Conseil d'Etat et le Grand Conseil et invitant les autorités fédérales à renforcer les activités de coopération en Roumanie, afin de soutenir et de développer des programmes et projets concrets destinés aux Roms, comme il en a déjà été réalisé par la Suisse dans le sud-est de l'Europe et les Balkans. Cette résolution demande également d'inclure dans toutes les négociations que la Suisse engagera avec les pays de l'Est une volonté d'égalité des droits pour les Roms, en tant que citoyens de l'un des pays de la Communauté européenne, comme tout un chacun. Je vous remercie beaucoup de votre soutien. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Madame la députée. Je salue à la tribune notre ancien collègue Florian Barro. (Applaudissements.)
Plusieurs personnes sont encore inscrites pour prendre la parole, et le Bureau vous propose de clore cette liste. Je donne maintenant la parole à M. Renaud Gautier.
Une voix. Vas-y, Renaud, on est tous avec toi !
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, c'est avec raison que vous avez rappelé au début de cette session, à savoir hier, que vous ne souhaitiez plus qu'il y ait de dérives dans ce parlement. Je pense effectivement que vous devez être attentive, mais je sais que vous l'êtes tout au long des débats.
A ce propos, il ne me paraît pas correct d'entendre certains dire ce soir que les attitudes des uns ou des autres relèvent du nazisme. C'est soit faire preuve d'une coupable méconnaissance de l'histoire, soit être simplement blessant, ce qui me semble ne rien apporter au débat.
Par rapport à ce projet de loi, j'entends bien qu'on puisse avoir des avis différents sur ce problème de la mendicité, mais ce qui me frappe ce soir, c'est que personne n'a fait allusion au sentiment que certaines personnes, plus particulièrement les plus âgées de notre société, peuvent éprouver en se baladant aujourd'hui en ville. Une fois de plus, je suis désolé de ce genre de commentaires «du haut», parce que je crois vraiment que certains peuvent ressentir un certain malaise à se promener dans les rues à cause de ce harcèlement. Que ce soit juste ou faux ne me semble pas être le coeur du débat, mais je pense que l'on doit au moins avoir la délicatesse d'entendre ce que ces personnes âgées ont à dire. D'ailleurs, lors de sa conférence de presse avec la Ville, M. le chef du département a souligné ce fait, à savoir qu'une partie de la population peut effectivement se sentir harcelée par ces propositions.
Alors voyons, s'il vous plaît, le problème dans son entier et arrêtons ces comparaisons, qui me semblent extraordinairement douteuses, avec une période de l'histoire dont nous n'avons pas à être fiers. Je trouve d'ailleurs qu'il n'est pas correct, Madame la présidente, que vous laissiez ce genre d'accusations planer dans ce parlement. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Très rapidement, j'aimerais préciser que le groupe UDC ne fait aucun amalgame. Il a simplement rappelé qu'il était regrettable que ce soit finalement le peuple roumain dans son ensemble qui soit victime de cette situation.
Concernant ce qui a été déclaré tout à l'heure par le groupe socialiste, j'ai ici la loi sur l'aide sociale que nous avons votée ce printemps. A la section 2, «Bénéficiaires», article 11, «Principes», il est écrit à l'alinéa 1: «Ont droit à des prestations d'aide financière prévues par la présente loi les personnes qui: [...]» et, à l'alinéa 3, f): «les personnes de passage». J'ai terminé. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Claude Jeanneret... qui n'est pas là ! (Commentaires.) Ecoutez, il faut être attentif aux débats ! Si la personne qui demande la parole n'est pas là, elle n'est pas là ! Je passe la parole...
Une voix. Il est là ! Il est là !
La présidente. Monsieur Jeanneret, je vous prie d'être présent lors des débats et de rester attentif. Je vous passe la parole.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Madame la présidente ! Veuillez m'excuser de cette petite absence.
J'ai entendu ce soir un certain nombre de choses, et il me déplaît quelque peu que, tant d'un côté que de l'autre, on se focalise sur des schémas typés. Si l'on est contre les mendiants, on fait du racisme; si l'on est pour... c'est aussi désastreux.
Moi je ne comprends pas que l'on doive, dans un canton qui dépense 400 millions par année pour son service social et qui offre le meilleur encadrement à ceux qui n'ont pas assez pour vivre... (Bruit de larsen.) Ce n'est pas moi ! Cette fois, ce n'est... (Rires.) Il se peut que ce soit moi, mais je n'en suis pas sûr ! (L'orateur s'adresse à l'un de ses voisins.) Je l'enlève et te le confie. (L'orateur s'adresse à l'assemblée.) Il ne peut pas m'appeler puisqu'il est là !
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je ne comprends pas que, dans un canton aussi bien structuré socialement que le nôtre, où l'on peut véritablement se targuer d'avoir l'un des meilleurs systèmes sociaux au monde, on ose dire que des mendiants sont les bienvenus. Je dis non ! Il est inadmissible, mais totalement inadmissible, que l'on puisse considérer que, dans un canton doté d'un système social aussi développé que le nôtre, des mendiants aient droit de cité ! Ils n'ont pas droit de cité parce que ce ne peut être des gens qui ont eu recours, comme il se doit, à tout ce qu'on peut leur offrir. Je crois donc que ce débat ne se situe absolument pas là où il le devrait. Il ne s'agit pas de racisme, d'anti-racisme ou quoi que ce soit ! Simplement, ces gens-là ne sont pas de vrais mendiants, pour la plupart d'entre eux. En revanche, si une personne est vraiment dans le besoin, alors là, d'accord, on l'aide ! Car il y a des pauvres parmi nous, réellement.
D'ailleurs, à l'ex-gériatrie, qui est devenue l'hôpital des Trois-Chêne, on voit arriver des gens vraiment démunis, et, par gentillesse, certaines personnes de ce service, qu'elles soient aides-soignantes, infirmières ou couturières, les aident à se refaire un trousseau pour partir. Alors, qu'on supprime ce bénévolat sous prétexte du plan Victoria, cela, c'est grave ! Parce qu'il ne s'agit pas de secourir des mendiants, mais d'apporter quelque chose à des personnes vraiment démunies et qui n'osent pas le demander, alors qu'elles sont résidentes ici.
Et, à côté de cela, on ose dire que, avec un budget annuel de 400 millions alloué à l'Hospice général, on n'a pas les moyens d'aider ceux qui ont vraiment faim, et que l'on accepte des mendiants ? Je trouve cela tout à fait inadmissible, et c'est la raison pour laquelle le MCG votera pour la loi.
M. François Thion (S). Il existe une certaine cohérence dans les propositions que vous fait le parti socialiste, notamment dans la motion 1793. L'Europe est confrontée à un réel problème de différence de richesses sur son territoire et, au moment où l'on est en train - et c'est une très bonne chose - d'ouvrir les frontières grâce à des accords avec l'Union européenne, je crois qu'il faut donc aussi qu'on agisse sur place. Et justement, cette proposition de motion invite le Conseil d'Etat à développer et soutenir des projets apportant une aide directe aux Roms en Roumanie.
La cohérence du parti socialiste me pousse aussi à rappeler que nous avons à Genève une loi qui a été votée en 2001 et qui demande que 0,7% du budget de fonctionnement soit consacré à la solidarité internationale. Or cette loi votée il y a six ans n'est pas respectée. A l'heure actuelle, on est à peine à 0,2% - ce qui est extrêmement peu - et c'est la raison pour laquelle se trouve au point 67 de notre ordre du jour une proposition de motion socialiste qui vous présente sept bonnes raisons d'atteindre le 0,7% à Genève en sept ans.
Il y a donc une cohérence et, à l'heure de la mondialisation - M. Velasco disait tout à l'heure que cette mondialisation entraînait un déplacement de la pauvreté - je crois qu'il faut aussi aider les gens sur place. Par conséquent, je vous demande de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de première minorité. J'aimerais simplement préciser que les Verts vont voter les propositions de motion et de résolution socialistes. Par ailleurs, je renonce à réagir à toutes les interpellations qui ont été faites. En effet, je considère que tout a été dit, même dix fois répété, et c'est bien assez pour ce projet de loi qui est, je le rappelle, inutile, voire totalement inefficace.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat est d'avis qu'il convient de lutter, non contre les mendiants, mais contre la mendicité, et de prendre toutes mesures utiles pour la supprimer. Il ne s'agit en revanche pas de s'en prendre, par le biais du droit pénal, à la personne des mendiants.
S'agissant des mendiants locaux résidents - parce qu'il en existe - il est exact que c'est depuis 1539 qu'on s'en préoccupe et qu'ils doivent forcément et fondamentalement être adressés aux services sociaux qui sont là pour les prendre en charge. Toutefois, il peut arriver - et c'est probablement une question de liberté individuelle - que d'aucuns refusent ce filet social auquel ils ont droit et préfèrent une vie de SDF. C'est une réalité, et vous la connaissez.
Concernant les mendiants étrangers - et là je me vais fâcher cette fois avec la gauche - on ne peut pas aider des gens qui n'ont pas le droit d'être ici, ou du moins de s'y installer, parce que l'intégration n'a pas de sens dans ce cas-là. Par conséquent, nous devons faire en sorte que ces mendiants-là ne viennent pas.
D'autre part, je vous ai dit tout à l'heure que la pénalisation était indigne. En effet, on ne punit pas quelqu'un parce qu'il tend la main ! Mais, à supposer que vous n'adhériez pas à ce principe, comment faire pour que les mendiants partent ?
Mesdames et Messieurs les députés, en 2005, quand cette loi admirable, que vous me reprochez d'avoir supprimée, existait, nous avons infligé 163 970 F d'amendes, dont nous avons recouvré brillamment 13 900 F. En 2006, le montant de ces amendes s'est élevé à 115 328 F, sur lesquels nous avons récupéré tout aussi brillamment 7518 F ! Il n'est donc pas sérieux de prétendre que ce type de sanctions est efficace, alors que ces dernières sont aussi mal appliquées - et ce n'est pas par faute de volonté de la police ou de l'administration, mais simplement, certains l'ont dit, parce que ces gens n'ont pas de domicile.
Je réponds par la même occasion à ceux qui pensent que j'encourage les mendiants à se rendre chez nous ou que c'est moi qui les ai fait venir. En 2005 et 2006, cette loi que vous me reprochez d'avoir abrogée existait bel et bien, puisqu'on a quand même infligé plusieurs centaines de milliers de francs d'amendes, et pourtant cela ne les a pas empêchés de revenir en 2007 ! A partir de là, le plan d'action que M. Pierre Maudet, conseiller administratif de la Ville de Genève, et moi-même avons mis au point fonctionne. Vous le savez, les mendiants s'en vont, et nous les faisons partir - ce n'est pas facile - avec, je crois, un maximum de dignité. Les services sociaux de la Ville, dans l'intervalle, ne les laissent pas sous les ponts.
J'aimerais maintenant préciser quelques points qui ont été mis en évidence lors de ce débat. Monsieur le rapporteur de majorité, vous dites que le plan entend interdire la mendicité aux enfants, mais que c'est un mensonge, car nous n'en avons pas les moyens. C'est inexact ! En effet, les différentes règles de protection des mineurs nous permettent bel et bien d'intervenir en ce qui concerne les jeunes.
D'autre part, vous avez dit, Monsieur le député Guénat, que plusieurs conférences internationales avaient été annulées; je vous saurais donc gré de m'en communiquer la liste, parce que, à ma connaissance, et selon les chiffres qui m'ont été transmis par le délégué aux relations avec la Genève internationale, le nombre de conférences augmente ! Peut-être augmente-t-il moins mais, enfin, il croît toujours.
Ensuite, ce qui est grave, c'est que, Monsieur Nidegger, vous m'avez taxé de félonie, en laissant entendre que j'aurais dit ne pas vouloir appliquer la loi. Or il est exclu que je ne mette pas en pratique une loi que vous votez, quelle qu'elle soit. En revanche, ce que j'ai affirmé - et dont il faudra peut-être que vous débattiez - c'est qu'il convient de savoir où placer les priorités. En effet, M. le rapporteur de majorité a bien indiqué qu'en matière de sécurité, s'agissant des mendiants, il fallait mettre une priorité ! M. Nidegger, plus subtil sur ce point-là, dit quant à lui qu'il faudra que nous appliquions cette loi en tenant compte également de la lutte contre les stupéfiants et des cambrioleurs. Moi j'ajoute qu'il faut aussi prendre en considération les agressions, parce que cela me paraît le plus grave.
Je prends donc l'engagement - mais je l'ai déjà pris à la cathédrale Saint-Pierre - d'appliquer les lois que vous votez, mais j'établirai une certaine proportionnalité ! En effet, si les mendiants constituent le seul problème de sécurité que nous connaissons à Genève, réjouissons-nous, tout va bien !
Mesdames et Messieurs les députés, vous allez aussi devoir vous prononcer sur les propositions de motion et de résolution socialistes, qui ont à mon avis ceci de juste qu'elles attaquent le mal à la racine. La proposition de motion ne pose rigoureusement aucun problème, et par conséquent le Conseil d'Etat l'accepte.
En revanche, la proposition de résolution, qui me paraît juste, comporte un petit problème technique. En effet, la DDC n'est pas forcément l'organe compétent mais, peu importe, c'est un geste que vous entendez manifester et je souhaite qu'il soit extrêmement clair.
D'autre part, l'un d'entre vous m'a fait part de sa préoccupation du crime organisé et du fait que, si je n'étais pas capable de lutter contre les mendiants, il y avait peu de chance que je puisse le faire contre ce type de pratique. Dont acte. Le seul problème, c'est que le crime organisé est de compétence fédérale; le député UDC qui m'a fait cette remarque est donc prié de bien vouloir s'adresser à qui de droit, afin que ce type d'agissements soit sévèrement pris en main ! (Rires. Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, cette problématique des mendiants a quelque chose de détestable, parce qu'elle nous renvoie une image de l'humanité que l'on n'a pas envie de voir. De ce point de vue-là, il peut être légitime, comme l'a rappelé M. le député Gautier, de ne pas l'infliger à des personnes qui n'ont pas de raison de la voir, mais nous, en tant que responsables politiques, nous ne pouvons pas fermer les yeux. C'est une réalité qui existe, que nous devons gérer dignement, et je pense une fois encore que le plan que nous avons mis en place y répond. Je regrette d'ailleurs que vous vouliez l'assortir d'un volet pénal, mais comme vous allez le faire et que vous m'avez dit que cela résoudrait le problème, il n'y aura donc pas un mendiant le printemps prochain ! C'est une bonne nouvelle, et je m'en réjouis !
Mesdames et Messieurs les députés, nous allons donc pouvoir prendre l'argent dans les gobelets des mendiants, car c'est ce que vous nous demandez de faire. Or le contenu de ces derniers est le fruit de la générosité de la population genevoise. En d'autres termes, vous nous demandez donc de prendre l'effort de compassion et de générosité du peuple genevois pour le mettre dans les caisses de l'Etat... Cela ne me paraît pas aller vers une diminution d'impôts ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 10106 est adopté en premier débat par 53 oui contre 30 non et 3 abstentions.
Deuxième débat
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement technique concernant le titre.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Il s'agit non seulement d'un amendement technique, mais également rectificatif, puisque la commission avait elle-même changé le titre de la loi pour le rendre plus clair. Il s'agit donc de remplacer «incivilités» par «mendicité».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 4 non et 25 abstentions.
Mis aux voix, le titre ainsi amendé est adopté, de même que le préambule et les articles 1A (nouveau) et 11A (nouveau).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
Mme Virginie Keller Lopez (S). J'aimerais juste demander le vote nominal sur ce projet de loi. (Appuyé.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je serai bref, car je voudrais juste faire quelques rectificatifs. Nous avons beaucoup parlé des Roms et, tout à l'heure, j'étais avec quelqu'un qui m'a corrigé en disant qu'on stigmatisait cette population, alors que tous les mendiants ne sont pas des Roms. En réalité, c'est une population de mendiants roumains qui vient chez nous. Voilà la vérité. Et parmi les Roms en Roumanie, il y a des cadres, des gens bien placés, c'est donc une population qui a différentes couches sociales, comme nous, et il s'agit de rectifier cela.
J'aimerais également relever un deuxième point. Monsieur Catelain, ce que vous avez dit tout à l'heure n'est pas correct. En effet, toute personne qui transite à Genève et qui est dans le besoin est certes prise en compte par la république en vingt-quatre heures, mais en quarante-huit heures elle doit quitter notre territoire.
Enfin, il y a ceux qui peuvent se rendre chez nous chercher un travail, parce que les lois les y autorisent, et ceux auxquels les lois ne permettent pas de venir ici trouver un emploi et, par conséquent, la seule possibilité qu'ils ont de gagner un peu d'argent est de mendier. Voilà la triste réalité. Et tant qu'il y aura cette différence entre riches et pauvres dans le monde, il y aura des gens qui viendront chez nous mendier.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je suis convaincu que ce projet de loi n'arrangera rien du tout à la question, parce qu'elle est beaucoup trop complexe, et je vous demande donc de ne pas le voter en troisième débat.
M. Roger Deneys (S). Avec l'adoption de ce projet de loi, je ne peux m'empêcher de me dire que ce parlement me fait penser à un très mauvais médecin. En effet, c'est bien connu, lorsqu'un patient a de la fièvre et qu'on n'est pas médecin, que fait-on ? On casse le thermomètre. Or c'est exactement ce que vous faites ici ! Car vous ne vous attaquez pas aux causes de la mendicité, mais prenez une mesure qui consiste à déplacer les mendiants, à les renvoyer chez eux, à les éloigner ! En réalité, vous ne résolvez aucun problème et agissez simplement comme un mauvais médecin, en cassant le thermomètre. On ne le verra plus ici, mais le problème existera toujours.
Plus fondamentalement, Monsieur Gautier, vous avez évoqué tout à l'heure la vision globale, mais cette vision globale, c'est la misère du monde ! Celle qui vient jusqu'ici, à Genève, dans notre pays de nantis et de privilégiés ! Car même s'il existe des gens pauvres en Suisse, on sait très bien qu'il y a aussi de très grandes fortunes, et cela, je pense qu'il faut le rappeler.
Les causes de la misère du monde sont le libéralisme, les privatisations, les délocalisations et, plus fondamentalement, en Suisse, la politique que vous défendez, Mesdames et Messieurs de la droite ! C'est-à-dire la spéculation sur les matières premières exonérées au niveau fiscal et le soutien à l'évasion fiscale, qui touchent tous les pays de la planète et génèrent la misère du monde. Et cela, il faut le dénoncer ! Alors, s'il y a une chose qu'il faudrait interdire, c'est le libéralisme, pas la mendicité ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Esther Alder (Ve). Au terme de ce débat, j'aimerais quand même souligner que l'acceptation de ce projet de loi est totalement choquante et que, personnellement, elle me fait honte.
Je trouve qu'on stigmatise des gens dont le seul tort est d'être pauvres, et aujourd'hui j'ai honte, honte de ce parlement. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je comprends la compassion qui peut animer notre collègue Verte. C'est vrai que, sur le fond, vous avez raison - je ne peux pas vous donner tort. Mais je crois, et avec tout le respect humaniste qui peut nous caractériser, qu'il faut remettre les choses là où elles doivent être.
Bien sûr qu'il y a énormément de misère dans le monde. J'ai eu la chance de voyager et de voir beaucoup de pays, de cultures, mais de voir aussi de la pauvreté. Et si nous devions accueillir à Genève toute la pauvreté du monde, c'est sûr que notre république n'aurait pas le même visage et que l'économie ne pourrait pas fonctionner !
Maintenant, ce qui nous dérange fondamentalement dans le fait que ces gens viennent mendier à Genève - et c'est ce sur quoi nos opinions divergent - c'est que, malheureusement, ceux qui le font ne sont pas des mendiants comme on pourrait les définir, de manière compatissante et avec une image sur laquelle je suis d'accord avec vous. Non, malheureusement, les mendiants qui viennent de Roumanie font partie de réseaux mafieux qui exploitent les enfants. (Protestations.) Et, à ce titre, nous n'avons pas le droit de cautionner cela, parce que c'est comme l'histoire - excusez-moi ce parallèle - des pédophiles: plus il y a de demandeurs, plus il y a de fournisseurs ! Et si nous, aujourd'hui, acceptons ce système, il va y en avoir toujours davantage, parce que ces réseaux mafieux les exploitent très bien.
Le MCG, je tiens à le dire en conclusion, a été un des premiers mouvements de ce parlement à déposer un texte sur ce sujet, par le biais de M. le député Brunny. Nous nous opposerons donc idéologiquement à vos thèses, même si sur le fond vous avez raison. Je termine en disant que la Genève internationale, et la Confédération suisse plus spécifiquement, apportent beaucoup d'aide à ces pays en voie de développement, où règne malheureusement une corruption absolument énorme et scandaleuse. Je vous rappelle d'ailleurs que la Suisse a versé un milliard de francs pour les accords bilatéraux II, qui ont été votés par le peuple. Donc, ce n'est pas que nous abandonnons ces populations, Madame la députée - et, encore une fois, idéologiquement je vous comprends - mais il faut qu'il y ait certaines règles, et qu'elles soient respectées de part et d'autre.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous informe que le Bureau a décidé de clore la liste des demandes de parole.
M. Yves Nidegger (UDC). Merci, Madame la présidente, de clore cette liste, j'allais justement vous le suggérer !
Ce débat larmoyant commence à être sérieusement indigne, mes chers collègues des bancs d'en face... (Protestations.) ...qui passez votre temps à déclarer qu'il est choquant que la majorité de ce parlement décide en majorité. Mais de qui se moque-t-on ? (Protestations.) Et vous dites ensuite que, parce qu'on restaure l'efficacité d'un règlement que le gouvernement a lui-même édicté en son temps et qu'il refuse aujourd'hui d'appliquer pour des raisons juridiques douteuses, on fustige la pauvreté et qu'on reproche aux gens d'être pauvres ! Mais évidemment le débat ne se situe pas là, on le sait tous, et ce genre d'accusation morale est tout à fait déplacée.
En effet, il ne s'agit pas de la pauvreté, mais peut-être de la manière d'y réagir. Il existe certains peuples pauvres qui envoient leurs enfants à l'école et insistent pour qu'ils obtiennent de bons résultats et acquièrent le maximum de formation, afin que la prochaine génération s'en sorte mieux. Vous savez quels sont ces peuples, ils sont connus pour cela. D'autres en revanche retirent leurs enfants de l'école afin de les envoyer mendier. Nous disons donc simplement que la seconde méthode est mauvaise, alors que la première serait bonne !
Quant à l'attitude de M. Moutinot, elle me fait sérieusement penser aux premières tentatives de chasser les fumeurs des locaux publics. Je me rappelle que nous disions que nous voulions une université sans fumée, mais pas une université sans fumeurs. M. Moutinot veut donc une Ville de Genève sans mendicité, mais pas sans mendiants ! Tout cela est absurde, votons cette loi !
Mme Gabrielle Falquet (S). Je n'avais pas l'intention de prendre la parole, mais je trouve scandaleux les propos de certains. Je voudrais d'abord m'associer aux remarques de Mme Adler, que j'approuve totalement, parce que je pense qu'il est effectivement choquant qu'on ose accuser des gens en disant qu'ils viennent essentiellement pour profiter de ce qui se trouve chez nous, et qu'ils retirent leurs enfants de l'école afin qu'ils mendient et osent nous voler quelques pièces.
Il y a quelques années - je n'ai plus en tête la date exacte - a été lancée toute une action en faveur de villages roumains, parce qu'un certain nombre d'entre eux avaient été noyés suite aux grands travaux qu'avait décidé de réaliser le dictateur qui dirigeait à l'époque la Roumanie, M. Ceausescu. L'ensemble des communes européennes se sont associées à cette action et un grand nombre d'entre elles - notamment la majorité des communes genevoises, et même certains membres de ce parlement qui les présidaient - ont parrainé ces villages et se sont rendus sur place, munis de nombreux colis, de meubles pour les écoles, etc. Dans ma commune également, nous y sommes allés. A cette époque, le maire était M. Chillier, radical, qui est parti avec un nombre considérable de tonnes de marchandises. Lorsqu'il est arrivé dans le village que nous parrainions, le maire lui a textuellement dit: «Les Roms n'auront droit à rien.» Ils n'avaient effectivement droit ni à la nourriture que nous avions apportée, ni aux médicaments. M. Chillier lui a alors répondu que, s'il en était ainsi, il reprenait ses affaires et rentrait à la maison.
Mesdames et Messieurs les députés, les Roms ont toujours été exclus de notre société. Mais je ne veux pas entrer dans les détails de l'Histoire. Si ces personnes viennent ici aujourd'hui, ce n'est pas simplement pour prendre votre pain quotidien. Et même si vous donnez 100 F par jour à une famille, même si vous osez en accueillir une chez vous, parce que vous avez tellement honte que ces gens vivent sous les ponts et qu'ils dorment dehors, parce que vous trouvez cela tellement scandaleux... Mais ouvrez-leur réellement votre maison et vos écoles ! Donnez-leur la possibilité de venir dans ma classe ! Moi je les instruirai, ces enfants, je n'ai aucun problème ! Mais vous ne voulez pas cela, Mesdames et Messieurs ! Vous avez tellement peur qu'on vous prenne un tout petit privilège ! Pourtant, la misère du monde ne fait que s'accroître et nous n'aurons pas uniquement à subir la misère économique: songez, Mesdames et Messieurs, à l'ensemble de l'immigration découlant des conséquences écologiques ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Je ne pense pas que nous allons ce soir réconcilier les deux camps qui s'opposent et dont la sensibilité diffère au sujet de ce projet de loi. Cependant, il y a lieu de garder une certaine dignité dans les propos qui sont tenus, et je suis profondément outré d'entendre M. Stauffer faire des amalgames avec les réseaux mafieux et pédophiles. Car je ne vois pas quel est le rapport avec le projet de loi qui va être voté ce soir ! C'est donc totalement indigne d'un député. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je dois rectifier un point d'importance. Nous avons pris du temps avant d'élaborer ce plan, parce que nous voulions savoir à qui nous avions affaire, qui étaient réellement les personnes qui mendiaient à Genève. En effet, une éventuelle délinquance aurait évidemment nécessité d'autres mesures. Donc, lorsque M. Stauffer dit que ce sont des réseaux mafieux, il se trompe ! Je précise cela, car il ne faut pas inquiéter notre population par de fausses informations ! Il existe des liens familiaux importants, mais les enquêtes de police n'ont pas - n'ont pas ! - mis en évidence le moindre réseau de type mafieux ou d'exploitation. Il faut le dire ! Et si c'est le cas, il ne s'agit pas du problème de la mendicité mais de la traite des êtres humains, et cela ne se règle pas par des contraventions ou des méthodes de ce genre. (Applaudissements.)
La loi 10106 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 10106 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 52 oui contre 30 non et 5 abstentions.
La présidente. Nous nous prononçons à présent sur le renvoi de la proposition de motion 1793 au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, la proposition de motion 1793 est rejetée par 46 non contre 29 oui et 7 abstentions.
La présidente. Nous passons maintenant à la proposition de résolution 548.
M. Jean-Michel Gros (L). Comme je l'ai dit lors du premier débat sur le projet de loi, je vous recommande d'adopter cette proposition de résolution, même si M. le conseiller d'Etat a dit qu'il y avait peut-être une petite erreur d'adresse concernant la DDC. En effet, je pense que, comme le peuple suisse doit prochainement se prononcer sur le nouveau fonds de cohésion en faveur de la Bulgarie et de la Roumanie, il serait bon d'attirer l'attention de la Confédération sur le problème qui existe en matière de discrimination des Roms dans ce pays. Je ne peux pas me prononcer sur la Bulgarie, mais je sais que ce problème existe en Roumanie. Il est donc souhaitable de tenir compte de cela dans l'attribution de ces fonds, raison pour laquelle je vous prie de voter oui à cette résolution. (Applaudissements.)
M. Jean-Claude Ducrot (PDC). Le groupe démocrate-chrétien vous invite à voter cette proposition de résolution. M. le conseiller d'Etat Moutinot a déclaré tout à l'heure qu'il fallait gérer cette affaire dignement, et je pense que c'est effectivement important, quand bien même il y a des sensibilités différentes.
Par ailleurs, M. Deneys nous a parlé plus tôt du fait qu'on renvoyait ces Roms chez eux. J'aimerais relever que la Croix-Rouge, qui a fait un travail de substitution en accord avec le département, a très bien géré cette affaire de regroupement familial en vue d'un retour dans leur pays.
Je trouve que ce texte met clairement le doigt là où il faut. Parce que, bien évidemment, lorsqu'il y a un mal à la racine, un mal de vivre dans un pays, c'est là qu'il faut agir. En ce sens, je vous invite à voter, sans contre-indication, la proposition de résolution qui nous est soumise.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je voudrais simplement souligner la logique et la cohérence des bancs d'en face... C'est facile de réexpédier les mendiants chez eux ou de renvoyer le problème à la Confédération, mais c'est beaucoup plus difficile d'impliquer notre canton et d'accepter une proposition de motion qui lui demande d'assumer ses responsabilités. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la résolution 548 est adoptée et renvoyée aux autorités fédérales et au Conseil d'Etat par 79 oui contre 2 non et 9 abstentions.