République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 novembre 2007 à 20h30
56e législature - 3e année - 1re session - 2e séance
PL 10037-A
Premier débat
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, vous serez surpris par le fait que ce projet, qui ne fait pas l'objet d'un rapport de minorité, ne soit pas passé aux extraits. En fait, au vu du résultat du vote de la commission, vous aurez constaté que celle-ci a manifesté une certaine mauvaise humeur. La commune d'Aire-la-Ville a demandé le déclassement d'une petite parcelle au centre de son village, pour y construire un petit immeuble, sauf erreur, sur la base d'une initiative communale. Malheureusement, il nous a été annoncé en commission que cet immeuble était en fait déjà construit ! Ce sont des choses qui arrivent, mais on aurait peut-être dû débaptiser ce projet et parler de mise en conformité de la zone en question. La mauvaise humeur a surgi dans la commission de ce fait et c'est pour cela qu'il y a eu autant d'abstentions au moment du vote. Je laisserai mes collègues s'exprimer à ce sujet.
Ce que je voulais dire, c'est que ma mauvaise humeur est provoquée par le fait que cette commission d'aménagement du territoire a tendance à se transformer en chambre d'enregistrement. Cet objet en offre bien sûr l'exemple le plus flagrant: qu'il y ait déjà eu construction et qu'on nous demande ensuite de déclasser le terrain est un peu bizarre. Toutefois, sur l'ensemble des projets qui nous sont soumis, nous sommes nantis de projets demandant principalement des déclassements de zones, pour un passage de telle zone à telle zone, dans tel ou tel village, parfois même en Ville de Genève. Ensuite, étudiant les plans, la commission estime parfois qu'on pourrait déclasser une parcelle un peu plus ou un peu moins grande que celle qui fait l'objet de la demande. Ou encore, dans certains projets de loi, la commission se demande parfois s'il ne vaudrait pas mieux ne pas classer telle parcelle en zone de développement comme cela est demandé et la considérer au lieu de cela comme une zone simple ou si l'attribution du statut de zone 4B ne serait pas suffisante.
La réponse que l'on donne alors à la commission de l'aménagement est la suivante. On nous dit: «Mais vous n'allez pas recommencer toute la procédure à zéro ! Tout a été fait ! L'enquête publique a été menée. Si vous modifiez une virgule de ce projet de loi, toute la procédure repart à zéro et vous serez responsables de la perte d'une année, voire deux, dans la construction de futurs logements !» Voilà à quoi en est réduite la commission de l'aménagement !
Contrairement à toutes les autres commissions de ce Grand Conseil, nous sommes privés de la faculté d'amender les projets ! C'est cela qui suscite cette mauvaise humeur de la commission de l'aménagement. Peut-être y aurait-il une procédure à revoir ?
C'est ce que j'ai tenté de manifester dans mon rapport, tout en acceptant ce projet de loi et en vous priant de faire de même. Le modeste déclassement d'Aire-la-ville en question dans ce projet n'était que prétexte à cette mauvaise humeur. Je prie donc le Conseil d'Etat de prendre bonne note que nous ne sommes pas qu'une chambre d'enregistrement !
La présidente. Je donne la parole à M. Alain Etienne. (Silence.) Je suis désolée, je crois que le micro ne marche pas... Non. Monsieur le député, pouvez-vous vous déplacer à côté ? Peut-être qu'il marchera, là.
M. Alain Etienne (S). M. Gros, rapporteur de la commission, a donné un avis tout à fait personnel. A plusieurs reprises, il exprime sa position et je ne suis pas tout à fait d'accord avec lui. Lorsqu'un projet de loi du Conseil d'Etat arrive à nous en commission, il y a effectivement eu toute une procédure en amont, une enquête publique, avec des négociations et il est vrai qu'il pas évident de modifier, comme cela, en commission d'aménagement un projet de loi, un plan, qui a été longuement discuté. Certes, il y a des changements mineurs et il y a des changements majeurs, mais faire des changements impliquerait alors de renvoyer ce projet de loi, de le refuser, pour que le Conseil d'Etat en propose un autre. Cette idée fait donc débat.
En ce qui concerne le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, il est évident que la commission d'aménagement a fait office de chambre d'enregistrement. Toutefois, ce qui a choqué en tout premier lieu les commissaires socialistes sur ce projet de loi, c'est d'apprendre qu'une autorisation de construire sur ce terrain avait été octroyée en bonne et due forme avant le vote du déclassement. Nous voudrions que cela ne se reproduise plus !
C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra lors du vote de ce projet de loi.
M. Mario Cavaleri (PDC). Je voudrais compléter les propos du rapporteur, M. Jean-Michel Gros. Il n'aura certainement pas échappé à la lectrice et au lecteur attentifs que ce changement de régime a été présenté pratiquement deux ans après la dernière modification du plan, qui date du 18 août 2005 ! C'est dire la célérité avec laquelle le Conseil d'Etat et plus particulièrement le conseiller d'Etat chargé de la gestion du territoire arrivent à traiter ce genre de situations ! C'est d'autant plus regrettable qu'on nous demande finalement d'entériner une situation de fait acquise.
C'est vrai, M. Gros rappelle souvent lors des séances de la commission de l'aménagement que nous faisons en quelque sorte office de chambre d'enregistrement. Mais là, c'est pire, finalement ! On nous demande d'entériner quelque chose qui est pour le moins pas tout à fait régulier, si ce n'est illégal ! Alors, je dois dire que les représentants du groupe PDC, qui ont pris acte de cette situation, s'abstiendront ce soir en signe de protestation par rapport au résultat d'une telle démarche, qui est pour le moins insolite.
M. Christophe Aumeunier (L). A l'heure où on réfléchit avec bonne volonté, à droite comme à gauche - peut-être un peu plus à droite d'ailleurs - à des solutions pour résoudre la pénurie de logements, ce projet de loi pourrait prêter à sourire. Il pourrait prêter à sourire parce qu'en définitive, vous l'aurez compris, c'est un immeuble de logements qui a été construit par un privé sur une parcelle qui était affectée à de l'équipement public !
Avec des regrets quant à l'efficience de la Direction du logement et quant à celle du DAEL de l'époque, le groupe libéral aura un point de vue qui est un point de vue pragmatique. Un point de vue qui tend à dire qu'il y a un intérêt manifeste, un intérêt public manifeste, à ce que des logements soient créés. C'est un intérêt public supérieur qui nous pousse, contrairement aux socialistes, à voter ce projet de loi et à vous recommander de le voter aussi.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Monsieur le député Aumeunier m'enlève les mots de la bouche, parce que je suis vraiment extrêmement surpris par les réticences que suscite ce projet de loi. Elles témoignent d'un légalisme effréné de ce Grand Conseil.
De quoi s'agit-il ici ? Nous sommes à Aire-la-Ville. A Aire-la-Ville, il y a un terrain constructible pour lequel une clause prévoit qu'il soit affecté à la réalisation d'ouvrages d'intérêt public. Il se trouve que les ouvrages d'intérêt public nécessaires au village d'Aire-la-Ville - extrêmement bien géré d'ailleurs - ont déjà été réalisés, Monsieur Cavaleri ! Alors, que fait-on ? On se dit que le terrain est constructible et on demande une autorisation de construire. L'autorisation de construire est délivrée, probablement suite à un petit couac administratif, parce qu'on n'a pas vu que cette parcelle était en principe affectée à la construction d'établissements publics, et on autorise la construction de logements. Ensuite, les logements sont construits et des gens y habitent depuis. C'est merveilleux: on a réussi à construire des logements et on a réussi à les construire rapidement !
Puis, à un moment donné, quelqu'un se rend compte qu'on a fait une erreur administrative. On la rattrape en passant devant le Grand Conseil et en expliquant qu'on a fait une erreur qu'il faut maintenant corriger. Le vrai problème, c'est exactement celui que vous avez mentionné, Monsieur Gros: il est inadmissible que l'on soumette ce genre d'objets au Grand Conseil ! Le Grand Conseil est beaucoup trop tatillon quand il exige qu'on passe obligatoirement par lui pour des déclassements de cette nature !
On devrait toujours procéder ainsi. On devrait toujours procéder ainsi lorsqu'il s'agit de déclasser des parcelles de quelques centaines de mètres carrés, qui permettent des petites opérations de création de logements. Le Grand Conseil devrait renoncer à cette prérogative qu'il s'est attribuée d'être omnipotent et de contrôler chaque déclassement. Parce que les prérogatives que le Grand Conseil s'est octroyées, pour exercer ce contrôle tatillon qu'il veut avoir sur toute chose, font perdre des mois et des années à des projets de logement.
J'ai un exemple récent avec un projet de loi portant précisément sur un déclassement, qui a traîné pendant plus d'une année devant le Grand Conseil avant d'avoir pu être adopté, parce qu'il se trouve que l'ordre du jour du Grand Conseil contient pas loin de 200 points et que le temps que cela prend pour que les objets passent à l'ordre du jour est infini ! Cela fait que ça peut prendre une année. Or, pendant ce temps-là, on ne construit pas. Dès l'instant où le Grand Conseil a bien voulu débloquer ce dossier, en l'espace de trois mois, le Conseil d'Etat a pu adopter le plan localisé de quartier qui nous permettra maintenant d'aller vers la réalisation de logements.
Il y a effectivement un problème ! Le problème est qu'il y a un projet qui a été fait, qui a été bien réfléchi, tout d'abord par un promoteur. Un projet qui a ensuite été examiné avec soin, qui a ensuite été remis dans un circuit pour que tous les services de l'administration le voient, qui ensuite a été examiné par la commune, qui ensuite a fait l'objet d'une enquête publique, qui ensuite a fait l'objet d'une décision du conseil municipal et qui, finalement, a fait l'objet d'un nouvel examen par l'administration et le Conseil d'Etat. Que l'on doive encore passer devant le Grand Conseil pour demander le déclassement n'a pas beaucoup de sens, après tout ce processus.
Ce qui aurait du sens, c'est peut-être que l'un ou l'autre d'entre vous, attaché à une accélération des procédures, dépose un projet de loi pour proposer que le Grand Conseil renonce à sa compétence en matière de déclassement lorsque les déclassements portent sur des très petites parcelles. C'est peut-être là la solution et vous serez ainsi moins frustré, Monsieur le député, parce que les objets qui arriveront devant votre commission seront des objets qui relèveront de votre niveau de compétence, c'est-à-dire des vrais déclassements, des déclassements qui portent sur des grandes parcelles ou bien des objets qui on trait à l'aménagement du canton. Après tout, quand une commission s'appelle la commission d'aménagement, on peut imaginer qu'il s'agit bien là des objets dont elle doit s'occuper !
La présidente. Monsieur Alain Etienne, vous souhaitez vous exprimer ?
M. Alain Etienne (S). Evidemment, ce n'est pas la coutume d'intervenir après le conseiller d'Etat. Simplement, il s'agit d'un réel débat ! C'est vrai qu'il s'agit ici d'une petite parcelle et qu'il s'agit d'un petit projet, mais on ne peut pas ne pas appliquer la loi, simplement comme ça ! Il y a actuellement une loi d'application de la loi sur l'aménagement du territoire. Il y a des procédures qu'il faut respecter. Effectivement, cela fait débat et on en parle en commission de l'aménagement. Sinon, proposons alors un projet de loi pour changer les procédures et changer la manière de faire ! Actuellement, il y a une manière de faire qu'il faut respecter !
S'il y a des procédures en cours, des enquêtes publiques, il faut que l'on puisse dire ce que l'on pense des projets, notamment par rapport aux plans localisés de quartier. On ne peut pas passer outre de cette façon !
Effectivement, une autorisation de construire a été accordée, mais ce projet de loi aurait dû suivre normalement les procédures. Le parti socialiste conteste donc ce qui a été dit par le Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le projet de loi 10037 est adopté en premier débat par 65 oui contre 2 non et 9 abstentions.
La présidente. Il semble qu'il y a eu un problème sur le vote. Certains députés n'ont pas pu voter. (Brouhaha.) Nous passons au deuxième débat.
Deuxième débat
La loi 10037 est adoptée article par article en deuxième débat.
Troisième débat
La loi 10037 est adoptée article par article en troisième débat.
La présidente. J'espère que le vote fonctionnera pour tout le monde.
Mise aux voix, la loi 10037 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 4 non et 17 abstentions.
La présidente. Je suis désolée, je crois que certains n'ont toujours pas pu voter, mais la majorité apparaît tout de même de manière très claire.