République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1736
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Henry Rappaz, Claude Jeanneret, Sébastien Brunny : Création d'une commission d'enquête parlementaire sur les responsabilités du Conseil d'Etat dans la débâcle de la BCGe

Débat

La présidente. Cette proposition de motion est également traitée en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes par groupe.

M. Eric Stauffer (MCG). La présente proposition de motion n'a pas pour but de faire enfler la polémique sur la débâcle de la Banque cantonale de Genève... (Brouhaha.) ...mais bien au contraire d'établir une fois pour toutes les vrais coupables de cette catastrophe, qui coûtera près de 2,5 milliards de francs aux contribuables de ce canton. Ce texte dévoilera à la population genevoise le courage de ses élus, afin de faire toute la lumière sur ce qui s'est réellement passé durant les années 90 à 95, et qui a conduit ces mêmes élus à voter en 2000 une superprovision de 5 milliards de francs.

Le Mouvement Citoyens Genevois ne se fait guère d'illusions quant à l'issue de cet objet... (Commentaires.) ...au motif que les conseillers d'Etat de l'époque...

Des voix. C'est l'exposé des motifs !

M. Eric Stauffer. ...agissant comme autorité de contrôle, étaient pour certains les mêmes qui administraient ces institutions, et qu'ils ne manquent pas d'appuis auprès du Grand Conseil.

Lorsque l'on sait également que les juges d'instruction et autres autorités du pouvoir judiciaire ont été mis en place par les mêmes partis politiques qui ont fourni les dirigeants de la Banque et ses administrateurs, et qui agissaient par le biais de leurs conseillers d'Etat comme autorité de contrôle, en lieu et place de la Commission fédérale des banques, on peut nourrir quelques doutes quant à la réelle volonté de ce parlement de connaître toute la vérité, rien que la vérité.

Mesdames et Messieurs les députés, de quoi s'agit-il ? Je vais essayer de vous le synthétiser. Pour toutes les banques, l'autorité de contrôle est la Commission fédérale des banques, à l'exception des banques cantonales qui, par dérogation, peuvent déléguer le Conseil d'Etat comme autorité de contrôle. C'est ce qui s'est passé à Genève entre 1990 et 1995.

De 1990 à 1993, l'autorité de contrôle de la Banque cantonale et de la Caisse d'Epargne de Genève était le Conseil d'Etat et, de 1993 à 1995, la BCGe, fusion des deux entités, était elle aussi contrôlée par le gouvernement. Par déclaration volontaire, le Conseil d'Etat de l'époque a demandé le 1er janvier 1995 à la Commission fédérale des banques qu'elle reprenne son autorité de contrôle sur la Banque cantonale.

Nous savons - et vous aussi savez mieux que n'importe quel citoyen genevois - que toutes les affaires que nous traitons actuellement à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation sont - comme on nous le rabâche sans cesse - de vieux dossiers de la Banque cantonale datant des années 90. Et c'est précisément la période ciblée par la présente proposition de motion, qui vous demande de faire toute la lumière sur cette affaire, pour une question de respect envers nos concitoyens. En effet, c'est à ce moment-là que de grands, je dirai, caquelons magiques ont fait sortir ces milliards de pertes, pour arriver, en 2000, à la faillite de la Banque cantonale de Genève, ce qui vous a contraints à voter un crédit de 5 milliards de francs pour sauver cette banque. Depuis lors, la Fondation de valorisation a épongé quelque peu cette dette en vendant les biens, c'est-à-dire les casseroles de la BCG, et, finalement, nous aurons une perte qui avoisinera quand même les 2,1 ou 2,2 milliards.

Je reconnais qu'il va vous falloir du courage pour voter le présent objet... (Rires.) Si certains d'entre vous trouvent ce sujet drôle, Messieurs du PDC...

La présidente. Adressez-vous à la présidente !

M. Eric Stauffer. Je pense qu'un peu de respect vis-à-vis des concitoyens qui devront amortir cette dette sur un siècle ne vous ferait pas de mal ! Mais c'est vrai que lorsqu'on parle du bien-être des citoyens et du niveau des impôts à Genève, ça ne concerne plus personne de ce parlement, ou du moins pas certains groupes...

Je disais qu'il allait vous falloir un certain courage pour adopter cet objet, mais je pense que, sept ans après avoir voté dans ce même Grand Conseil 5 milliards de francs de superprovision, la population genevoise a le droit de connaître toute la vérité, parce qu'in fine c'est bien elle qui va devoir payer la dette résultant de toutes ces opérations.

Aujourd'hui, et c'est aussi à saluer, la Banque cantonale a repris du poil de la bête et elle recommence à renouer avec les bénéfices, puisqu'il y a eu cette superprovision du parlement genevois. La Banque cantonale est donc sauvée, et tant mieux, puisque, malgré ce qui s'est produit, c'est quand même l'un des fleurons de Genève. Cependant, j'estime qu'il est de notre devoir vis-à-vis de la population de faire toute la lumière sur ce qui s'est passé. Et la création de cette commission d'enquête va chercher spécifiquement à établir la responsabilité du Conseil d'Etat. Mais loin de nous, au MCG, l'idée de jouer les inquisiteurs; cette commission n'a que pour but d'exister pendant six mois - peut-être ne faudra-t-il pas plus longtemps - afin de rendre un rapport à ce Grand Conseil et à la population genevoise sur les responsabilités du gouvernement de l'époque.

En outre, ne prêtons pas le flanc aux rumeurs selon lesquelles tout est vérolé, car les juges, les administrateurs et les conseillers d'Etat d'alors étaient mis en place par les partis politiques. N'entrons pas dans cette logique, démontrons à toute la population que nous avons le courage de rétablir la vérité et de tirer des enseignements du passé, afin que ce qui est arrivé à la Banque cantonale serve de leçon pour toutes les générations futures et ne se reproduise jamais.

Je vous invite donc au nom de toute la population genevoise à soutenir la création... (Protestations.) ...de cette commission d'enquête...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. Madame la présidente, je conclus, mais je trouve vraiment que de mettre en catégorie II des sujets d'une telle importance...

La présidente. Mais je vous ai laissé tout le temps dont disposait le groupe MCG, c'est-à-dire six minutes !

M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr... Mais c'est vrai qu'il faudra juste un siècle au contribuable genevois pour amortir cette dette, alors qu'on ne me laisse que trois minutes pour essayer de défendre... (Protestations.)

La présidente. Six minutes !

M. Eric Stauffer. Vous allez voir, Mesdames et Messieurs les députés, vous qui rigolez et qui vous moquez de la population...

La présidente. Ça suffit ! Je vais couper votre micro ! (Le micro est coupé.) Voilà, vous avez même eu trente secondes de plus ! (L'orateur continue à s'exprimer hors micro.) Non, Monsieur le député, ça suffit ! (Huées.) Ça suffit ! On se calme !

M. Eric Stauffer, hors micro. Je ne peux pas accepter de me faire insulter et qu'on me retire la parole !

La présidente. Ça suffit, nous ne sommes pas dans une cour de récréation ! (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, j'aimerais vous dire, Monsieur Stauffer, qu'il y a une erreur dans votre document: il est écrit 250 millions, mais je me demande s'il ne manque pas un zéro. Je vous laisse donc contrôler ce chiffre.

En outre, en lisant attentivement votre proposition de motion, j'ai émis de sérieux doutes, et je vais vous dire pourquoi. Premièrement, j'ai ressenti de la peur à la lecture de votre texte, sincèrement. En effet, vous mettez en cause les institutions de cette république, vous attaquez le Conseil d'Etat, la justice et, à la fin, vous vous en prenez même à la présidente de la Confédération.

Je me demande quel est réellement l'objet de cette proposition de motion et qui la commandite. En effet, Monsieur Stauffer, que dites-vous dans ce texte, oui, que dites-vous ? Vous demandez, cher collègue - et c'est incroyable - de disculper la direction et l'administration de la Banque cantonale et de charger le ou les conseillers d'Etat précédents. C'est quand même incroyable ! Vous êtes en train de dire à ce parlement que les directeurs et l'administration de la Banque cantonale n'ont rien à voir avec la débâcle, et que ce sont les conseillers d'Etat précédents et, le cas échéant, la présidente de la Confédération qui seraient responsables de tout. Soit ! Mais alors il y a une contradiction dans votre document ! En effet, vous dites au point 6 que la BCG a, de 1992 à 1995, manqué de diligence vis-à-vis du Conseil d'Etat parce qu'elle ne l'a pas informé de sa situation, alors que c'était sa mission de le faire.

Ensuite, vous affirmez que le Conseil d'Etat est responsable parce que, ayant eu des informations de la Banque cantonale, il n'a pas pris en charge la question. Alors, Monsieur Stauffer, de deux choses l'une ! Soit la Banque cantonale n'a pas informé le gouvernement, et par conséquent ce dernier ne savait pas ce qu'il en était. Et si c'est le cas, il ne pouvait donc pas prendre de mesures, ce dont vous l'accusez pourtant ! Soit... La BCGe aurait informé le Conseil d'Etat, mais vous n'avez aucune preuve, et il faudrait nous tenir au courant des raisons pour lesquelles il n'aurait pas agi.

Par ailleurs, vous le dites très bien, la Commission fédérale des banques avait la responsabilité du contrôle à partir de 1995. C'est vrai, or cela vous ne l'avez pas lu, Monsieur ! Il y a eu une commission d'enquête dans ce parlement, qui a travaillé pendant environ deux ans, et dont faisaient partie des députés de tous les groupes. Le problème, c'est que le Conseil d'Etat était convaincu que la surveillance de la Banque cantonale était, à partir de 1995, du ressort de la Commission fédérale des banques, c'est vrai qu'il y a eu cette difficulté, seulement...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député !

M. Alberto Velasco. Mais cette proposition de motion est suffisamment grave pour qu'on lui donne la réponse nécessaire !

La présidente. Oui, mais il vous faut conclure !

M. Alberto Velasco. Et ce qui s'est passé, Monsieur, c'est qu'à un moment donné la Commission fédérale des banques a annoncé qu'il fallait prendre des mesures. Et le Conseil d'Etat et ce parlement ont agi comme ils le devaient. Alors, Monsieur Stauffer, vous dites que la Banque est sauvée. Mais croyez-vous qu'elle l'a été comme ça ? En effet, si on l'avait mise en faillite, il aurait fallu payer plus de 3 ou 4 milliards à cause des garanties qu'elle avait. Et elle a été secourue parce que le Conseil d'Etat de l'époque et notre Grand Conseil...

La présidente. Votre conclusion, s'il vous plaît !

M. Alberto Velasco. ...ont pris leurs responsabilités. Alors prétendre aujourd'hui dans cette proposition de motion que tous les conseillers d'Etat et les autres organes concernés n'ont rien fait, je trouve que ce n'est pas très correct ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne votera pas cette proposition de motion. (Applaudissements.)

M. Frédéric Hohl (R). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion date du 22 janvier 2006, elle parle d'un trou de 4 milliards, alors qu'on en est aujourd'hui à environ 2,2 milliards.

Vous demandez la création d'une commission d'enquête parlementaire, mais c'est complètement inutile ! Ce n'est pas notre travail, et la justice encaisse... (Rires.) ...heu, la justice enquête depuis des années. Elle encaissera peut-être plus tard !

Une voix. Ce n'est pas si faux !

M. Frédéric Hohl. Des procédures sont en cours, il faut donc laisser la justice faire son travail, c'est pourquoi le groupe radical va bien évidemment refuser cette proposition de motion.

M. Olivier Jornot (L). Je m'apprêtais à vous confesser une certaine lassitude par rapport à cette proposition de motion, parce que nous avons déjà eu une commission d'enquête parlementaire sur le sujet de la Banque cantonale, que le MCG nous a déjà proposé plusieurs fois d'en créer de nouvelles, que chaque fois nous avons refusé, et que nous avons également rejeté régulièrement diverses propositions dans le même domaine, que ce soit lié à la Banque cantonale ou à la Fondation de valorisation. Or, finalement, en lisant l'exposé des motifs - ou plus exactement en entendant tout à l'heure l'auteur de la proposition de motion nous l'énoncer - je me suis dit qu'il y avait du bon dans ce texte. Et même de l'excellent ! Je lis: «[...] les conseillers d'Etat de l'époque agissant comme autorité de contrôle étaient pour certains les mêmes qui étaient administrateurs de ces institutions et ne manquent pas d'appuis auprès du Grand Conseil.» Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose ?

Des voix. Oui ! (Rires.)

M. Olivier Jornot. Je poursuis: «[...] les mêmes partis politiques qui ont fourni les dirigeants de la banque et ses administrateurs, et qui agissaient par le biais de leurs conseillers d'Etat comme autorité de contrôle en lieu et place [...].» J'ai rarement lu un plaidoyer aussi efficace en faveur de la dépolitisation des conseils d'administration ! (Applaudissements.) Même hier soir, Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas entendu plaidoyer plus vibrant en faveur des trois projets de lois sur la gouvernance !

Alors j'aimerais simplement dire à ce Grand Conseil qu'il est en effet nécessaire de séparer toutes ces casquettes. Et qu'il est important, comme nous l'avons fait pour la Banque cantonale, de mettre de l'ordre dans les conseils d'administration de nos établissements publics autonomes. Par conséquent, il faut rejeter cette proposition de motion et voter les trois projets de lois à la prochaine occasion. (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien ne votera pas cette proposition de motion. Ce n'est bien évidemment pas pour contester le fait que la débâcle de la Banque cantonale est un scandale, mais parce qu'on nous ressasse sans arrêt les mêmes choses depuis des temps immémoriaux.

Qu'il me soit d'ailleurs permis ici de rappeler qu'une commission d'enquête parlementaire a déjà été créée. Elle a enquêté sous la majorité de l'Alternative - il y a donc déjà de nombreuses années - sur la débâcle de la Banque cantonale de Genève et a abouti à un certain nombre de conclusions ayant notamment débouché sur la création de la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale. Parallèlement à cela, des procédures pénales ont été diligentées à l'encontre des anciens organes de la Banque cantonale de Genève et une action civile a été menée contre le réviseur.

Il y a quelques mois déjà, nous avons eu l'occasion de nous prononcer sur une proposition de motion du Mouvement Citoyens Genevois, qui demandait également la création d'une enquête parlementaire sur la BCG. Nous avions alors essayé dans cette enceinte d'expliquer aux auteurs de ce texte que ce qui devait être fait l'avait été, que des procédures étaient en cours et que, par conséquent, soumettre des propositions inutiles n'était pas forcément adéquat.

Cette proposition de motion a donc été balayée. Elle a obtenu le score extraordinaire de 7 ou 8 voix, mais c'est vrai qu'il est toujours un peu difficile de savoir combien de députés font partie de ce mouvement... Il y a donc eu le score extraordinaire de 8 voix et, maintenant que le Mouvement Citoyens Genevois a vu sa proposition de motion précédente retoquée, plutôt que de tenir compte des échecs de ce type de projet, eh bien, on l'a mis à la porte, il revient par la fenêtre !

Or maintenant, ce nouveau projet ne consiste plus en une commission d'enquête parlementaire chargée d'investiguer sur la débâcle de la Banque cantonale de Genève, mais sur la responsabilité des conseillers d'Etat de l'époque dans le cadre de cette débâcle. Très franchement, la différence est totalement incongrue et, pour les motifs qui ont conduit ce Grand Conseil il y a quelques mois à rejeter avec vigueur le texte précédent, il appartient à ce parlement d'en faire de même ce soir, et j'espère que ce sera le résultat du vote final.

M. Gilbert Catelain (UDC). Le MCG n'a pas été mêlé au scandale de la BCG, et l'UDC non plus, puisqu'elle ne figurait pas dans le conseil d'administration de cet établissement. Le MCG a sans doute tout intérêt à exploiter ce filon, bien que je ne sois pas sûr que ce parti soit l'auteur exclusif de cette proposition de motion. En effet, cette dernière est probablement le fruit non pas uniquement du seul MCG, mais également d'un membre de l'UDC qui a incité le MCG à rédiger ce texte.

M. Stauffer a récemment fait des déclarations à Madrid sur la manière dont le MCG s'est constitué, mais nous savons, au sein de l'UDC, qui tire les ficelles à ce niveau-là. Les projets que l'on ne peut pas faire passer au sein de l'UDC, on les soutient via le MCG. (Protestations.)

Mais ce n'est pas l'intérêt de cette proposition de motion - parce qu'elle présente bien un avantage - qui nous place face à un choix: celui de faire confiance au pouvoir judiciaire - bien que les lenteurs de ce dernier montrent qu'on a effectivement du souci à se faire quant à un jugement possible des auteurs de cette déconfiture - ou faire confiance à une commission issue de ce parlement. Or la question est de savoir si cette commission sera objective, et qui la composera, puisque la majorité des partis qui la formeront devront à la fois essayer de trouver la vérité et défendre les membres du conseil d'administration de la BCG.

Entre les deux choix, je crois qu'il n'y a pas à hésiter. Le seul pouvoir indépendant capable d'enquêter sur la BCG, qu'on le veuille ou non, ce n'est pas une commission issue de ce parlement, qui ne sera pas indépendante, mais bien le pouvoir judiciaire. En réalité, le seul intérêt de cette proposition de motion réside dans le fait que nous devons effectivement dépolitiser les conseils d'administration, et je suis heureux que M. Stauffer l'ait enfin compris ! J'espère d'ailleurs que le MCG tiendra le même langage en novembre, lorsque nous devrons voter les projets de lois sur les TPG et les SIG.

Le deuxième intérêt de ce texte, c'est de montrer que, finalement, un établissement bancaire n'a rien à faire avec l'Etat, qu'il doit être privé et que nous devons donc couper les ponts entre l'Etat et la gestion des affaires bancaires.

Pour tous ces motifs, je vous propose de ne pas voter cette proposition de motion. Merci. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Marcet, je ne peux pas vous donner la parole, parce que le temps dévolu à votre parti est épuisé.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Le premier élément que je dois relever, c'est que l'exposé de cette proposition de motion est factuellement faux. En effet, s'il est exact qu'il y a eu un certain nombre de modifications quant à la surveillance des banques dans la période précédant et suivant 1995, ce qui est absolument certain c'est que jamais le Conseil d'Etat n'a eu la compétence d'exercer un contrôle sur la situation des provisions suite à la diminution des valeurs de gages et de la solvabilité des débiteurs.

Avant et après la fusion, c'est exclusivement la Commission fédérale des banques qui a eu cette compétence, et elle l'a exercée par l'intermédiaire des réviseurs des établissements qu'ont été la Caisse d'Epargne et la Banque hypothécaire, et qu'est la Banque cantonale. Et c'est précisément contre ces réviseurs et la Commission fédérale des banques, parce que le Conseil d'Etat estime que ces organes ont failli à leur devoir, que la République et canton de Genève est actuellement en train de plaider. C'est donc dire que la prémisse sur laquelle s'appuient les invites de cette proposition de motion est erronée, et que ce texte doit par conséquent être rejeté. On pourrait même s'arrêter là.

Mais vous me permettrez tout de même d'ajouter deux considérations. D'abord, on a jugé tout à l'heure utile de relire les premiers alinéas de l'exposé des motifs, ce que je regrette vivement, car ces lignes mettent très clairement en question la séparation des pouvoirs, jettent l'opprobre sur les juges d'instruction et autres autorités du pouvoir judiciaire, et je trouve que cela est indigne de notre parlement.

Ma deuxième remarque - que j'avais déjà faite à l'occasion d'une précédente proposition de motion portant à peu près sur le même thème - c'est que l'on peut réellement se demander à qui bénéficient ces rideaux de brouillard que l'on essaie d'envoyer. Aujourd'hui, la Chambre d'accusation est en train d'examiner les actes finaux de la procédure d'instruction, avec la perspective que d'ici la fin de l'année ou le début de la suivante, le Procureur général puisse prendre ses réquisitions, c'est-à-dire rédiger l'acte d'accusation de façon à renvoyer en jugement ceux qui sont aujourd'hui concernés pénalement.

Or pensez-vous vraiment qu'il est particulièrement malin, dans cette situation-là, d'offrir des échappatoires à des gens qui ont fait l'objet d'une longue instruction pénale, pour qu'ils puissent ensuite se prévaloir devant une autorité de jugement du fait que, par hypothèse, cette instruction n'aurait pas été suffisamment bien menée, et qu'elle doit être complétée par une seconde instruction qui serait éventuellement, à la suite de cette proposition de motion, menée par notre parlement ? Je pense véritablement que c'est là rendre un très mauvais service et à notre république et à nos institutions, et je vous invite donc bien sûr à refuser cette proposition de motion. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1736 est rejetée par 76 non contre 7 oui.