République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1652-A
Rapport de la commission des transports chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Antoine Droin, Sami Kanaan, Sylvia Leuenberger, Françoise Schenk-Gottret, Morgane Gauthier, Alain Etienne pour un système incitatif pour encourager l'assainissement du parc des véhicules diesel des entreprises régionales et locales de transport
Rapport de majorité de M. Ivan Slatkine (L)
Rapport de minorité de Mme Françoise Schenk-Gottret (S)

Débat

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de majorité. Une fois de plus, je vais essayer d'être bref, car le vote sur cette proposition de motion a été très clair ! Sur quinze commissaires, quatorze ont approuvé une modification de l'invite au Conseil d'Etat. Une seule commissaire s'est y opposée, ce qui explique la présence d'un rapport de minorité.

Vous comprendrez qu'on puisse s'étonner de ce rapport, bien qu'il soit très intéressant et que l'on soit tous sensibles à la santé publique. Mais il est vrai que la commission des transports ne se penche pas spécifiquement sur les questions de santé, et il nous a donc semblé que, pour améliorer le parc de véhicules - bus, camions, etc. - au niveau des filtres et du problème des particules fines, il était plus intéressant d'avoir une approche incitative afin d'encourager les propriétaires de camions à respecter des normes plus correctes du point de vue de ces particules.

Nous avons estimé que l'invite originale de la proposition de motion n'atteindrait pas son objectif, c'est pourquoi la grande majorité de la commission a approuvé l'amendement proposé et le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat. Je vous recommande donc de suivre cet avis.

Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de minorité. Il me semble que la majorité d'entre vous a la mémoire courte ! En effet, lorsque notre ancien collègue Antoine Droin a déposé cette proposition de motion, la population se trouvait dans un état qui frôlait la panique face aux chiffres du taux de pollution lié aux particules fines. Cela était d'ailleurs abondamment relayé par la presse.

L'audition de l'Association suisse des transports routiers - ASTAG - qui fut intéressante, mais insuffisante, a convaincu les députés d'ajouter une invite à cette proposition de motion. Toutefois, nous ne pouvons nous satisfaire de cette seule invite. En effet, les chiffres fournis par le service des automobiles sont inquiétants: sur les 2253 poids lourds immatriculés dans le canton, seuls 105 présentent une pollution aux particules fines acceptable.

J'ai volontairement joint à ce rapport un certain nombre d'articles scientifiques qui décrivent les conséquences des atteintes à la santé des êtres humains dues aux particules fines: asthme, insuffisance du développement des poumons chez l'enfant, augmentation de la prise de médicaments, hospitalisation accrue des populations particulièrement exposées, infarctus du myocarde, arythmie, cancer des poumons, diminution de l'espérance de vie, etc. La sage OMS estime que 200 000 personnes meurent chaque année en Europe des conséquences de la pollution par les particules fines.

Un filtre coûte 20 000 F et a une efficacité de 95%, selon les chiffres officiels de la Confédération. Une aide du canton à raison de 50%, comme le suggère la proposition de motion, permettrait d'envisager cette dépense de façon plus sereine. L'Office fédéral du développement territorial explique que 3700 personnes meurent prématurément en Suisse à cause de la pollution atmosphérique. Et l'Office fédéral de l'environnement rappelle que, en équipant les véhicules de filtres, on économiserait plusieurs milliards sur les coûts de la santé.

Ce que suggère cette proposition de motion dans sa teneur initiale est une démarche modeste, l'annonce d'une politique des petits pas. Je vous rappelle le contenu de son invite: «à mettre en oeuvre et à participer financièrement à un système incitatif d'équipement en filtres à particules du parc des véhicules diesel de transports régionaux et locaux. Le canton doit prendre à sa charge jusqu'à 50% au plus des frais d'équipement. Cet engagement financier du canton doit être limité à trois années à compter de la transmission de la présente intervention.»

Je vous engage donc à voter la proposition de motion telle qu'issue des travaux de la commission, en y ajoutant l'invite originale que je viens d'énoncer. Ainsi, Genève tracera la voie à la Confédération, dont l'exécutif se montre bien timoré dans sa lutte contre les particules fines.

La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Je salue à la tribune notre ancien collègue Jacques-André Schneider. (Applaudissements.)

M. Eric Leyvraz (UDC). Les membres de la commission des transports ont rapidement compris, suite aux auditions des spécialistes, que l'équipement en filtres à particules de véhicules anciens posait des problèmes techniques et financiers insurmontables. Nous allions au-devant d'un échec et nous apprêtions même à apporter une solution contre-productive à une situation dont la gravité, sur le plan de la santé, est évidente.

Vouloir moderniser à grands frais - on parle de plusieurs milliers de francs par camion - un véhicule ancien, souvent techniquement irrémédiablement dépassé et à la consommation bien plus importante que les nouveaux modèles, c'est prolonger inutilement la vie d'un transporteur promis de toute façon à la casse.

La nouvelle invite de cette proposition de motion, adoptée à l'unanimité de la commission moins une voix, présente un système incitatif raisonnable et nous vous engageons donc à suivre les conclusions de la commission en renvoyant ce texte au Conseil d'Etat.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Que tout le monde reconnaisse les dangers des particules fines, c'est déjà un grand pas en avant, mais je pense que l'on doit être plus incisif ! C'est vrai que la commission a trouvé un consensus et, évidemment, on va voter ce texte, mais je dois dire que le rapport de Mme Françoise Schenk-Gottret est excellent et qu'il fait froid dans le dos. Je me dis que les graves dangers pour la santé que représentent les particules fines... Si, par exemple, vous habitez à moins de cent mètres d'un axe routier ou d'une zone très urbanisée, les risques cardio-vasculaires et de cancer sont doublés. C'est vraiment grave !

Sur le plan national, les coûts de la santé représentent 6,7 milliards. En divisant ce chiffre par les vingt-trois cantons plus les deux demi-cantons, cela donne à peu près 300 millions de frais de la santé pour le canton de Genève. Que signifient donc 20 millions pour mettre des filtres à particules sur des véhicules ? Il y a environ 2000 camions qui n'en ont pas, et ces derniers polluent énormément ! Si l'on équipait ces poids lourds qui peuvent encore rouler un certain temps, on ne dépenserait que 20 millions. Mais ensuite, où iront ces camions, Monsieur Leyvraz ? Ils seront envoyés en Afrique, ou dans les pays de l'Est, et ils continueront à polluer. C'est donc notre devoir de les équiper de filtres à particules !

Nous avons le feu vert au niveau des lois fédérales et cantonales, et il existe un plan de mesures 2003-2010 stipulant qu'il faut équiper les véhicules des transports publics de filtres à particules. Nous devons donc voter les deux invites, à savoir celle qui ressort des travaux de la commission et celle dont a parlé Mme Schenk-Gottret, qui demande au Conseil d'Etat de mettre en place un système incitatif concernant ces filtres à particules. Nous n'avons pas le choix ! Pourquoi les propriétaires de véhicules diesel sans filtres à particules auraient plus le droit que nous de respirer un air sain ? Il n'y a aucune raison ! C'est comme la fumée passive ! Allez frotter votre main sur les bords des fenêtres, c'est noir ! Ce sont de minuscules particules qui font vraiment du mal.

Je crois que nous devons montrer l'exemple; 20 millions, ce n'est rien, comparé aux coûts de la santé. Je vous invite donc à voter cette proposition de motion avec l'amendement de Mme Schenk-Gottret. (Applaudissements.)

Mme Virginie Keller Lopez (S). Le groupe socialiste ira tout à fait dans le sens de notre collègue des Verts qui vient de s'exprimer. Nous avons effectivement eu des doutes en commission, parce que nous n'avions finalement qu'un son de cloche, et je dois d'ailleurs reconnaître que la commission a mal joué son rôle, puisqu'elle a refusé l'audition du responsable de la protection de l'air à Genève proposée par Mme Schenk-Gottret. Par conséquent, au lieu d'aller jusqu'au bout de son action, la commission n'en a fait que la moitié. Et si nous n'avions pas bénéficié de l'excellent travail que Mme Schenk-Gottret a fait d'elle-même, en plus de celui qui fut accompli assez faiblement par la commission, nous n'aurions pas eu connaissance des éléments très intéressants qu'elle a joints à son rapport.

D'ailleurs, je vous conseille vraiment de le lire, parce que, comme l'a dit Mme Sylvia Leuenberger, il est édifiant au niveau des coûts et des dangers, et cela nous montre que ce n'est pas le moment de faire des économies sur ces questions-là, et que, lorsqu'on parle aujourd'hui d'environnement, de santé publique et de pollution de l'air, ce sont des atouts qu'il faut mettre de notre côté, mais pas à moitié!

Cela signifie qu'il faut voter l'amendement discuté en commission et sur lequel il y avait un consensus général, et y rajouter l'invite originale, parce que, finalement, ces deux propositions sont complémentaires et vont dans le bon sens. Je vous rappelle par ailleurs qu'il s'agit d'une proposition de motion, c'est-à-dire que, dans le meilleur des cas, elle sera renvoyée au Conseil d'Etat, lequel la mettra en oeuvre le mieux possible et de la manière la plus intelligente qui soit. Mais, de grâce, donnons-lui tous les outils possibles pour lutter contre la pollution de l'air à Genève et ailleurs ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Le rapport de minorité est effectivement très intéressant au niveau des informations qu'il nous livre, mais je tiens à préciser qu'aucun membre de la commission n'a minimisé les méfaits sur la santé des particules fines et de la pollution de l'air en général. C'est une évidence pour tout le monde et personne ne l'a nié.

En revanche, comme l'a dit M. Leyvraz, inciter à des dépenses importantes sur des véhicules qui, de toute façon, sont dépassés et consomment beaucoup trop par rapport aux véhicules actuels, n'a pas grand sens. Il nous paraît plus utile d'encourager les transporteurs à utiliser des véhicules qui respectent des normes.

Je tiens d'ailleurs à préciser que le groupe démocrate-chrétien est très sensible à ces questions d'incitation à rouler plus propre. Il souhaite également favoriser les moyens de transport respectueux de l'environnement, mais par des mesures incitatives telles que les allégements fiscaux, comme c'est le cas pour les véhicules privés. C'est dans ce sens que la commission a voulu aller et, encore une fois, elle ne minimise pas les méfaits des particules fines que nous reconnaissons tout à fait.

Nous vous invitons donc à voter et à renvoyer au Conseil d'Etat cette proposition de motion telle qu'amendée par la commission des transports.

M. Alain Meylan (L). Mes préopinants accusent la commission d'avoir mal organisé ses travaux. Peut-être bien, mais je vous lis simplement le vote final: la proposition de motion telle qu'amendée est acceptée par deux socialistes, deux Verts, un PDC, deux radicaux, trois libéraux, deux UDC et un MCG, et refusée par une socialiste, auteur du rapport de minorité.

On voit donc bien que le travail a été fait, et correctement, avec des arguments développés par les uns et les autres. Je reconnais que les données apportées par Mme Schenk-Gottret sont tout à fait exactes et intéressantes, mais cette proposition de motion n'est pas le lieu pour en parler.

Il est question de l'efficacité des filtres à particules, mais il est vrai que d'équiper tous les camions de ces filtres entraîne d'autres difficultés. On ne minimise pas le problème des particules, mais il nous faut apporter toute la lumière technique sur la possibilité ou non de munir les véhicules de ces filtres. En effet, équiper ainsi un ancien poids lourd pose d'autres problèmes de toxicité délicats, et il ne s'agit plus simplement de se donner bonne conscience.

On a d'ailleurs auditionné M. Pierre Kunz, adjoint scientifique au service cantonal de protection de l'air... (Remarque.) ...mais ce n'est pas notre collègue, je vous rassure ! Il nous a rappelé que, grâce à l'évolution technologique de ces quinze dernières années, la qualité de l'air s'était passablement améliorée à Genève. il faut quand même le relever avec force.

On peut certes obliger tout le monde à dépenser de l'argent pour équiper ces anciens véhicules, mais je crois que la mesure... Nous sommes d'accord sur l'objectif, qui est d'améliorer la qualité de l'air, nous reconnaissons également tous les méfaits des particules fines, mais nous divergeons sur le chemin pour y parvenir. Nous, au parti libéral, sommes pour inciter, notamment fiscalement, les entreprises à s'équiper de véhicules propres, de façon à avoir là également un avantage par rapport à une démarche volontaire.

L'action est là, les problèmes ne sont pas contestés, mais la proposition de motion ne parle pas de ce genre de difficultés. Il faut par conséquent suivre à cet égard le rapport de M. Slatkine, et le parti socialiste choisira naturellement cette voie. (Commentaires.) Non, le parti libéral, pardon ! (Rires. Applaudissements.)

M. Jean-Marc Odier (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical suivra... (Commentaires.) Oui, le groupe radical ! Il suivra l'invite telle qu'elle est formulée dans le rapport de majorité.

Les normes européennes évoluent sans cesse et on parvient chaque fois à fabriquer des véhicules plus performants et des moteurs de moins en moins polluants. Il s'agit de normes européennes, je pense qu'il nous faut donc simplement les suivre au plus près !

Vouloir être plus exigeant à Genève que dans le canton de Vaud ou chez nos voisins français va à nouveau causer des désavantages aux entreprises. Vous me demanderez peut-être quelle est l'importance de pénaliser le commerce par rapport aux coûts de la santé... Mais il y a quand même une logique qu'il faut admettre. Imaginez que nous soyons plus exigeants à Genève: qu'est-ce qui empêcherait les transporteurs genevois d'immatriculer leurs véhicules dans les cantons de Vaud ou du Valais, comme d'ailleurs de nombreux particuliers le font actuellement pour d'autres raisons ?

D'autre part, vous demandez dans l'invite, Madame Schenk-Gottret, que l'on suive à raison de 50% le financement de l'installation de filtres à particules sur les moteurs diesel... Il existe dans le parc automobile genevois environ 2000 véhicules qu'il faudrait équiper de ces filtres, qui coûtent environ 20 000 F; globalement, cela équivaut donc à 40 millions pour Genève. Mais qui va payer ? Allez au fond de vos idées ! Qui va financer cela ? Est-ce que vous allez l'inscrire dans le budget cantonal ? Il faut le dire ! Est-ce que vous voulez que l'on finance 20 millions ici, dans le budget cantonal ?

Je pense que l'idée part, je ne dirai pas d'un bon sentiment, mais d'une logique: nous devons prendre un maximum de mesures pour avoir un air pur à Genève et le minimum de nuisances. Mais vouloir être plus exigeant que les normes européennes n'aboutit pas forcément à quelque chose de cohérent.

S'agissant de l'invite et de la solution des allégements fiscaux, je prierai le Conseil d'Etat, si cette proposition de motion était adoptée, de bien lire le rapport. En effet, concernant ces diminutions fiscales qu'il faudrait étudier, il a été dit par la majorité de la commission que nous ne voulions pas qu'ils soient compensés par une augmentation de l'impôt sur les autres véhicules. Nous parlons donc bien d'allégement, et c'est dans ce sens que nous demanderons au Conseil d'Etat d'étudier cette proposition de motion.

Mme Virginie Keller Lopez (S). Les messieurs de la droite qui se sont exprimés n'ont pas bien lu l'invite formulée par Mme Schenk-Gottret. En effet, que ce soit MM. Meylan ou Odier, on a l'impression que, tout d'un coup, on va obliger tout le monde à installer des filtres à particules et que ça va coûter des millions à l'Etat. Or, ce qui est écrit dans l'invite, c'est de mettre en place un système incitatif; c'est donc exactement ce que vous souhaitez, et c'est d'ailleurs aussi ce que propose l'autre invite, que vous avez acceptée à l'unanimité. Je ne vois donc pas en quoi cette invite vous fait davantage peur !

Quant aux coûts et au budget, Monsieur Odier, je veux bien que vous préfériez alourdir les frais de la santé plutôt que ceux de la prévention, mais ça, c'est votre option politique, ce n'est pas la nôtre ! Ce soir, nous choisissons de donner des moyens à la prévention. Nous ignorons ce que cela coûtera, mais nous demandons au Conseil d'Etat d'étudier un système incitatif. Lorsque ce dernier aura élaboré un plan et qu'il nous le proposera sous forme de projet de loi, nous pourrons alors évaluer son coût et prendre une décision. Mais, pour l'instant, nous invitons le gouvernement à étudier ces propositions, afin que l'on se donne tous les moyens pour, justement, ne pas alourdir les budgets santé, mais plutôt les budgets prévention. (Applaudissements.)

M. Alain Meylan (L). En tant que «socialiste»... (Rires.) ...je partage l'avis des deux commissaires de ce parti et suivrai le rapport de majorité de M. Slatkine.

M. Jean-Marc Odier (R). Madame Keller Lopez, je dois vous contredire ! En effet, si vous lisez correctement la page 20 du rapport, la rapporteure de minorité, Mme Schenk-Gottret, dit bien: «Le canton doit prendre à sa charge jusqu'à 50% au plus des frais d'équipement.» Or 2000 véhicules multipliés par 20 000 F au minimum, cela donne 40 millions. Il reviendrait donc 20 millions à la charge de l'Etat. C'est exactement ce qui est marqué dans le rapport, je n'ai rien dit de plus !

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je salue à la tribune notre ancien collègue, et néanmoins mari, M. François-Régis Mahrer. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mon intervention sera très brève. Il est dit dans cette proposition de motion que la Suisse entend lutter contre les substances cancérigènes. Mais j'aimerais juste vous rendre attentifs au fait qu'il n'y a actuellement pas de consensus scientifique concernant un lien entre le cancer du poumon et les particules fines. J'en veux pour preuve le dernier rapport sur les causes du cancer, publié en septembre dernier en France, qui examine toutes les études de cohorte. Et le rôle de la pollution et des particules atmosphériques dans la genèse des cancers du poumon y est estimé à 0,83%. Je pense donc que nous devons certes lutter contre la pollution atmosphérique, mais qu'il ne faut surtout pas dramatiser cet enjeu en parlant d'un problème gravissime de santé publique.

M. Gilbert Catelain (UDC). Avant de décider d'un renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat ou de la suite à donner à cet objet, j'aimerais que la rapporteuse nous indique comment elle entend mettre en oeuvre cette proposition de motion pour les TPG, qui sous-traitent une partie des lignes dans le cadre d'un accord avec les départements frontaliers et qui utilisent justement des bus relativement vieux. Je pense notamment à la ligne qui relie Thoiry à Blandonnet, dont les véhicules ne sont pas du tout équipés de filtres à particules.

Du reste, qui paiera ? Est-ce le contribuable genevois qui financera l'équipement de bus qui roulent majoritairement sur le territoire français ? Est-ce l'usager ? Ou est-ce l'Etat français ?

Je remercie Mme la rapporteuse de nous indiquer comment elle prévoit de régler l'imbroglio juridique lié à l'équipement de filtres à particules pour ce type de véhicules immatriculés en France.

M. Ivan Slatkine (L), rapporteur de majorité. Je dois dire que je m'étonne un peu de la longueur de ce débat, puisque, dans le fond, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il y a un problème et qu'il faut le résoudre. Cette proposition de motion telle qu'elle nous a été présentée, selon une grande majorité de la commission, n'aurait pas atteint ses objectifs, mais avec l'amendement proposé par une députée Verte, nous sommes parvenus à un consensus général permettant de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat. Et ce dernier y répondra ! Nous avons donc, d'une manière très pragmatique, trouvé une solution pour que le gouvernement se prononce sur le sujet. Alors, soyons réalistes, on ne va pas discuter de chiffres pendant quinze ans ! Que ce soient 10 ou 20 millions à la charge de l'Etat, l'autre moitié devra être assumée par les transporteurs. Et, en tant qu'entrepreneur, je me mets à la place de ces derniers et je préfère qu'on m'incite à acheter un nouveau camion qui pollue moins plutôt qu'à installer un système qui ne sert finalement pas à grand-chose.

Par conséquent, la solution telle qu'on l'a trouvée en commission est la bonne, et le Conseil d'Etat y répondra certainement de la meilleure des façons. Arrêtons donc ce débat-fleuve qui n'a aucune raison d'être !

M. Christian Brunier (S). J'aimerais répondre très rapidement à deux interventions. M. Saudan, qui est parfaitement compétent, bien sûr, puisqu'il est médecin, nous dit que les particules fines auraient peu d'incidence sur le cancer. Je pense qu'il fait allusion à l'étude française qui vient de paraître sur les causes du cancer et qui établit des corrélations entre les causes et la maladie. Or, dans cette étude - que j'ai lue - il est précisé que, si les particules ont peu d'influences sur le cancer, elles en ont en revanche sur d'autres maladies, telles que celles qui touchent les poumons. On ne va donc pas commencer à choisir les maladies qui nous arrangent lorsqu'il y a un débat ! De toute façon, ces particules sont un poison et il faut donc les éviter.

Deuxièmement, par rapport à la sous-traitance, M. Catelain nous dit qu'il faut faire attention, et que, si l'on oblige la sous-traitance des TPG à s'équiper de filtres à particules, il va y avoir un problème... Cela pose effectivement toute la question de la sous-traitance, Monsieur Catelain ! Votre parti n'arrête pas de dire qu'elle coûte moins cher que les TPG et certains affirment que, lorsqu'une entreprise est privatisée, elle fonctionne beaucoup mieux... Mais c'est tout simplement parce que l'on ne place pas les gens à armes égales ! En effet, on demande aux TPG de répondre à des normes sociales et environnementales, ce qui est bien, mais c'est aussi logique pour une entreprise publique comme celle-ci, dans la mesure où l'on n'arrête pas de parler de développement durable. En revanche, lorsqu'il s'agit de la sous-traitance, on ferme les yeux sur le social, notamment au niveau salarial, et sur les questions environnementales... Eh bien non ! Je pense que la sous-traitance des TPG doit être soumise aux mêmes normes que celles qui s'appliquent pour ces derniers.

Par conséquent, il est bien entendu que les bus de sous-traitance des TPG doivent être équipés de filtres à particules. (Applaudissements.)

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes pratiquement repartis pour un débat de commission, alors, au risque d'être lourdement didactique, je me dois de vous rappeler un certain nombre de données essentielles qui m'ont été communiquées par le service cantonal de protection de l'air.

La première, et il ne doit y avoir absolument aucun doute là-dessus, c'est que les particules fines sont extrêmement nocives pour la santé. Qu'elles le soient parce qu'elles provoquent telle ou telle maladie importe peu au fond, ce sont surtout les chiffres publiés par la Confédération qu'il faut retenir et, pour une cause de mortalité ou une autre, ceux-ci indiquent que les particules fines ont induit des coûts externes de la santé de 4,2 milliards de francs en 2000, ce qui signifie 3700 décès prématurés par an en Suisse.

On ne parle donc pas d'un fait minime, mais d'un phénomène d'importance, et je remercie Mme Schenk-Gottret de nous l'avoir rappelé de façon très précise et développée dans son rapport de minorité. On ne doit avoir aucun doute à ce sujet !

Maintenant, la question qui se pose, c'est de savoir ce que nous pouvons faire de mieux pour lutter contre ces particules fines. Un certain nombre d'études sur l'efficacité des filtres à particules ont été réalisées, et elles indiquent qu'un tel filtre peut retenir plus de 95% de ces particules, lorsqu'il est installé d'origine. En revanche, s'il est placé à posteriori, il permet de réduire au maximum les émissions de 40%. C'est dire qu'il est donc beaucoup moins efficace et que, en outre, il implique une augmentation de quelques pourcents des oxydes d'azote. Ainsi, si on a le choix, il va de soi qu'il ne faut pas inciter à installer des filtres à particules sur des véhicules, mais plutôt à remplacer la flotte automobile.

C'est pour ces motifs-là que les spécialistes de l'administration trouvent que cette voie doit être privilégiée. En effet, elle est plus efficace au niveau de la qualité de l'air - et on se doit de l'être pour toutes les raisons excellemment rappelées par Mme Schenk-Gottret - et, à l'évidence, c'est celle qui sera le mieux acceptée par les professionnels. Après tout, si l'on veut, par la voie de l'incitation - que ce soit une subvention ou autre - encourager à des modifications de comportement, il faut faire en sorte que les destinataires collaborent à cette démarche. Or là, on voit bien que c'est véritablement la possibilité de l'incitation au renouvellement de la flotte qui sera la plus intéressante, d'autant plus que cela rentre dans un dispositif de mesures qui sont celles de la Confédération, à travers la redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations - RPLP. Elle peut également très bien s'inscrire dans le cadre des mesures cantonales que nous connaissons bien et qui sont celles que nous appliquons déjà en matière de fiscalité pour les véhicules automobiles.

Il n'en demeure pas moins que cela ne sera qu'un des éléments de notre dispositif de lutte contre la pollution de l'air, car il y en aura bien d'autres ! Cela passe évidemment par des modifications en matière de politique de la mobilité et également, en cas d'épisode aigu de pollution de l'air, par des dispositifs plus contraignants, comme celui de la circulation alternée. C'est en ce sens que le Conseil d'Etat vous invite à lui renvoyer cette proposition de motion sans l'amender.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes donc saisis d'un amendement qui consiste en l'invite supplémentaire suivante, qui figure à la page 20 du rapport: «à mettre en oeuvre et à participer financièrement à un système incitatif d'équipement en filtres à particules des véhicules diesel de transports locaux. Le canton doit prendre à sa charge jusqu'à 50% au plus des frais d'équipement. Cet engagement financier du canton doit être limité à trois années à compter de la transmission de la présente intervention.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 29 oui et 10 abstentions.

Mise aux voix, la motion 1652 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 78 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 1652