République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 août 2007 à 10h15
56e législature - 2e année - 10e session - 53e séance
PL 9806-A
Premier débat
La présidente. La rapporteure de majorité est Mme Françoise Schenk-Gottret, absente pour l'instant, et le rapporteur de minorité est M. Christophe Aumeunier. La rapporteure de majorité est-elle remplacée ? Le parti socialiste a-t-il un ou une remplaçante ? (Commentaires. Brouhaha.) S'il n'y a pas de rapporteur de majorité, ce qui est regrettable, je donne la parole à M. Aumeunier, rapporteur de minorité.
M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des principes de l'aménagement du territoire, il est prévu que les plans d'affectation soient réexaminés si les circonstances se sont sensiblement modifiées. Dans ce dossier, l'on voit mal quelles circonstances se seraient sensiblement modifiées dans le quartier qui justifieraient une modification des plans de zones.
Malheureusement, la pénurie de logements sévissait déjà lorsque ce Grand Conseil a déclassé les grands périmètres environnants qui ont permis la création du nouveau quartier de Cressy, ce grand quartier qui comporte 600 nouveaux logements avec, majoritairement, vous le savez, des logements subventionnés.
Le déclassement qui vous est proposé aujourd'hui touche une parcelle en zone villas, parcelle qui fait seulement 6800 mètres carrés, c'est-à-dire qui est, à mon sens, à peine assez grande pour faire l'objet d'un plan localisé de quartier. On n'est vraiment plus ici dans des tailles raisonnables au niveau de l'aménagement du territoire.
Alors il s'agit véritablement d'une pièce rapportée, par rapport au grand déclassement que le Grand Conseil a voté récemment. Pièce rapportée, parce qu'il y avait une logique à avoir une grande zone constituée de bâtiments de taille relativement importante et avoir une bande de terrain en zone villas. Aujourd'hui on y ajoute une pièce rapportée, et l'on péjore la clarté, la cohérence et l'harmonie du quartier.
Il y a une opposition totale de la commune au projet de déclassement. Cette opposition est forte et ne se fonde pas sur une volonté de ne pas avoir de construction. Au contraire, la commune a même proposé un projet de construction, dans lequel elle va au maximum de la densité permise en zone villas par dérogation. La commune va jusqu'à une densité de 0,4 - indice d'utilisation du sol - et elle est prête à proposer la construction de 27 logements.
Le groupe libéral prône en définitive le respect de la logique des zones. Nous devons densifier notre zone de développement. Nous avons décidé il y a trente ans que notre couronne suburbaine devait être densifiée, cela doit être fait !
Nous devons prévoir des déclassements cohérents et d'importance qui s'inscrivent dans une logique de l'aménagement du territoire. Ce respect de la logique des zones est cohérent pour limiter les oppositions. En l'espèce, le projet qui vous est proposé générera très certainement nombre d'oppositions. La commune y est farouchement opposée alors que le projet communal, qui respecte les zones, a, lui, toutes les chances d'avancer rapidement.
En conclusion, le groupe libéral demande, je le disais, le respect de la logique des zones. Il demande l'étude de projets de déclassement en conformité avec les principes de l'aménagement du territoire. Il demande un redoublement d'effort de la part des fondations immobilières pour densifier leurs terrains et pour favoriser le développement de projets d'importance conformes au zonage.
En conséquence de ce qui précède, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral vous recommande de refuser ce projet de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est à Mme Schenk-Gottret.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S), rapporteuse de majorité. Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir excuser mon retard. Une petite remarque liminaire: en relisant le rapport, à l'avant-dernier paragraphe de la page 2, je me suis aperçue que j'avais parlé du projet de loi 9608 au lieu du projet de loi 9806. Je pense qu'il est utile que cette rectification soit faite.
Ce projet de loi concerne un terrain situé le long de la route de Loëx et se trouve essentiellement sur la commune de Confignon, et pour une partie moindre sur la commune d'Onex. Il s'agit d'un terrain nu, actuellement occupé par les déblais du chantier de Cressy. Le Conseil municipal de la commune de Confignon avait donné un préavis défavorable à ce déclassement, même si le Conseil administratif s'était montré favorable au projet de loi lors de la demande de renseignement.
Le Conseil d'Etat a reçu les autorités de la commune, mais il leur a dit qu'il était d'accord d'entrer en matière sur l'étude que la commune proposait, à la condition que le nombre de logements et la densité soient identiques à ce qu'il prévoyait dans son projet. On a auditionné les autorités de la commune et, en fait, par les questions et réponses des commissaires entendus, il est apparu que le Conseil municipal ne s'était prononcé que sur le projet du Conseil d'Etat et non pas sur le contre-projet dit «de la commune».
Elément encore plus intéressant: nous avons auditionné M. Barro, président de la FPLC - je rappelle que M. Barro est un ancien collègue libéral - et il nous a rappelé que le but de sa fondation était de fournir des terrains pour construire des immeubles et créer du logement bon marché; il nous a rappelé qu'il y avait dans le cas d'espèce incompatibilité entre le statut de zone villas et le terrain en question. Celui-ci ne peut donc rester en zone villas et c'est pour cela que M. Barro espérait que ce déclassement se ferait rapidement - ce qui est loin d'être le cas - afin qu'il puisse remettre ensuite cette parcelle à une coopérative une fois le PLQ adopté. C'est pour cela qu'il souhaitait nous faire remarquer que le plan financier proposé par le projet communal était absolument impraticable pour sa fondation. M. Barro nous a aussi expliqué qu'il valait mieux avoir des immeubles tels que prévus, plutôt que des villas, ce qui permettrait aux villas existantes d'avoir un meilleur ensoleillement étant donné l'espacement entre les immeubles. Il y aurait aussi moins de nuisances telles que les tondeuses à gazon, piscines, etc.
Nous avons auditionné les opposants, ce qui s'est révélé intéressant et n'a pas été sans suite, parce que ceux-ci nous ont expliqué que, lorsqu'ils se sont installés dans leur quartier, le complexe Cressy Santé était destiné à devenir un centre d'accueil pour personnes handicapées et non pas un centre ouvert au public. Selon les opposants, il résulte de cette transformation de la vocation du centre des nuisances dues au parcage sauvage et des difficultés d'acheminement des enfants à l'école. Argument auquel nous avons été sensibles, puisqu'une motion a été signée par la majorité de la commission et renvoyée au Conseil d'Etat il y a quelques mois déjà. On ose espérer que le Conseil d'Etat a planché sur cette motion, parce que, si l'on donne raison à ses opposants quant à leurs récriminations, il n'y aura plus lieu de faire obstacle au déclassement de terrain. C'est pourquoi la majorité de la commission a accepté ce déclassement et je vous invite à faire de même.
M. Pascal Pétroz (PDC). Brièvement, pour vous dire qu'en application de l'article 24 je ne prendrai pas part au vote de ce projet de loi et que je quitte donc la salle. A tout à l'heure !
Mme Michèle Künzler (Ve). Si nous avons demandé l'urgence pour ce projet de loi, c'est pour dire que, depuis quinze ans ou plus, l'Etat est propriétaire de ce terrain. Maintenant, par le biais de la FPLC, il y a un projet de logement qui est en voie d'autorisation; c'est le moment de déclasser et de réaliser ces 40 logements. Quant à l'argument selon lequel les zones d'aménagement ne sont pas respectées, il ne tient pas, c'est justement pour cela qu'on déclasse ! Ce projet s'inscrit simplement dans la continuité et il faut bien mettre une frontière à un moment donné. On pourrait aussi bien argumenter en disant qu'on n'est pas en conformité avec la zone et déclasser en zone de verdure, puisqu'on est à proximité de la zone de verdure... on, soyons sérieux ! Nous avons besoin de logements !
Ces immeubles seront de deux étages sur rez et ils seront bien plus favorables aux villas situées à proximité qu'une éventuelle bande de villas en continu. Et là, nous aurons 40 logements coopératifs ! Franchement, je ne vois pas de raisons de s'y opposer. Je pense qu'il est nécessaire de voter immédiatement ce déclassement pour que l'on puisse construire, car tout est prêt !
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en présence d'un cas typique où se collisionnent des intérêts divergents. Il y a la crise du logement, il y a l'autonomie communale, il y a le droit de propriété, il y a la crédibilité de la planification, de l'aménagement du territoire. Mais nous avons un élément à défendre et à mettre en avant, c'est l'intérêt général ! Je crois que cela a été rappelé tout à fait clairement, il ne s'agit pas de passer le rouleau compresseur sur l'autonomie communale ou sur je ne sais quoi ! Il s'agit de permettre de construire 40 logements de qualité, dans des bâtiments qui sont en cohérence avec leur environnement. Ces travaux sont prêts à démarrer. Il s'agit d'une fondation de droit public, présidée, on l'a dit, par Florian Barro. Il pourrait être de n'importe quelle couleur politique, il a quand même défendu ce principe d'intérêt général ! Nous avons également demandé au Conseil d'Etat de régler le problème de la circulation et de la mobilité dans ce secteur. A côté, à Cressy, il y a également un secteur situé en zone de développement 4B.
Donc, toutes les conditions sont réunies et je crois que le rôle du Grand Conseil et d'un député d'un parti politique qui défend l'intérêt général est de voter ce projet de loi, ce que le groupe radical va faire unanimement !
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral partage les conclusions du rapport de minorité de M. Aumeunier. Premièrement, parce qu'il se pose la question de savoir pourquoi cette parcelle a été, et je mets des guillemets, «oubliée» lors du vaste déclassement de Cressy qui a permis la construction de 600 logements et d'un centre de santé, et ceci tout récemment. Etait-ce volontaire de la part du Conseil d'Etat, pour mieux faire passer la pilule auprès des habitants de cette région ? Avait-on alors pris en compte une liaison plus harmonieuse entre la zone densifiée de Cressy et la zone villas qui entoure complètement ce secteur ? Aucun élément, Mesdames et Messieurs, n'a fondamentalement changé jusqu'à aujourd'hui ! Cressy vient d'être achevé et la zone villas continue à longer ce quartier. Il n'y a donc aucune raison de revenir maintenant avec un tel projet de loi ! C'est faire fi d'une politique cohérente d'aménagement du territoire. A preuve même que le déclassement proposé est ce qu'on appelle un timbre poste, tant décrié par les autorités fédérales dans d'autres secteurs.
Deuxièmement, le groupe libéral est respectueux des préavis émis par les communes. Or celui de Confignon est clair, c'est non ! Et tant du côté de l'exécutif que du côté du Conseil municipal, Madame le rapporteur de majorité ! Et il ne s'agit pas pour cette commune de refuser toute construction de logements, non, elle a même fait des propositions pour accepter la construction de 26 logements au lieu des 40 induits par le projet de loi, permettant ainsi une liaison harmonieuse entre le quartier de Cressy et la zone villas. Cette solution aura en outre l'avantage de permettre d'éviter des futurs recours et autres oppositions et, ainsi, accélérer la mise à disposition de logements supplémentaires.
Troisième élément enfin, le groupe libéral partage les soupçons émis par le rapporteur de minorité, que ce projet de loi pourrait poursuivre d'autres intérêts que le simple aménagement du territoire et qui seraient une forme sournoise de mainmise de l'Etat sur des terrains par l'intermédiaire de fondations de droit public. C'est pour toutes ces raisons que le groupe libéral refusera ce projet ! (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que l'UDC a toujours été très sensible aux problèmes de logements, comme beaucoup de partis ici, et elle avait un choix cornélien à faire concernant ce projet de loi. En effet, nous savions que, d'un côté, les autorités communales - que nous respectons énormément - s'opposaient à ce projet de construction d'immeubles et que, de l'autre, le besoin de logements, que tout le monde connaît ici, était un paramètre à prendre en considération.
Cela étant, aujourd'hui je me rallie à ce qu'a dit tout à l'heure mon collègue Barrillier: il est clair que nous sommes devant un enjeu d'intérêt public majeur. En effet, on pourrait construire des villas, zone à laquelle l'UDC est également favorable, par contre ces dernières n'apportent pas la moitié des logements qui pourraient être construits.
Pour tous ces motifs, l'UDC, après avoir hésité longtemps, s'est déclarée également d'accord avec ce projet de loi, dans la mesure où l'on pourra édifier beaucoup plus de logements, ce qui est une véritable nécessité dans ce canton.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pendant cet été, surtout vers la fin, on a beaucoup parlé de squats illégaux... Je pense que, dans cette situation, on est dans le squat légal. Est-ce profitable pour les gens ? Est-ce que cela ne l'est pas ? Je vous laisse répondre à la question.
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous allons être d'accord avec nos voisins d'en face pour soutenir ce texte. Je dirai simplement que je suis assez étonné par le parti libéral qui est d'habitude favorable à une construction à outrance. Normalement, c'est la gauche qui s'y oppose, et là on est dans le cas inverse.
Nous estimons que 40 logements, c'est bien ! Ce n'est de loin pas suffisant, on connaît les problèmes actuels de Genève, mais si l'on met dans la balance 27 logements contre 40, on choisira 40 !
Nous allons donc soutenir Mme Künzler.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je crois que le parti libéral se démasque vraiment ! Qui protège-t-il ? Le droit public ?! Non, vous protégez les propriétaires de villas, vous protégez en fait des prés carrés ! Vous appelez «timbre poste» 7000 mètres carrés et vous empêchez la réalisation de logements sociaux ! Le projet de la commune ne peut pas être exécuté par une fondation de droit public puisqu'il s'agit d'un projet de villas ! En l'occurrence, j'invite tout le monde à voter ce projet de déclassement. Il s'agit d'un terrain nu. La zone en question n'est pas entourée de villas, puisqu'elle est contiguë aux Evaux.
Je crois qu'il faut être sérieux, il faut avancer dans un projet d'intérêt public, en cessant de toujours favoriser les propriétaires de villas et accorder des privilèges. Donc à cet endroit-là, il faut construire !
M. Alberto Velasco (S). Vu l'importance de ce projet de loi et eu égard à la situation du logement dans le canton, je demanderai qu'on procède à un vote nominal sur ce projet.
La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? (Remarques.) Oui, vous l'êtes. La parole est à M. le conseiller d'Etat.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vois avec satisfaction ce projet de loi figurer dans votre ordre du jour, puisque sa genèse remonte à une époque où je m'occupais de l'aménagement. Si le Conseil d'Etat, législature après législature, tente sans discontinuer de répondre à la pénurie de logements, les projets à Genève se trouvent toujours en butte à un nombre considérable de difficultés qui, comme l'a rappelé M. Stauffer, ne viennent pas toujours du même côté.
En l'occurrence, lors des premiers débats, les problèmes de circulation avaient été évoqués et la commission de l'aménagement avait adressé une motion au Conseil d'Etat. La réponse à cette motion vous a été apportée ainsi que les moyens de résoudre les problèmes liés à la circulation. Alors aujourd'hui, pour les excellentes raisons rappelées notamment par M. Barrillier et par Mme la rapporteure de majorité, le Conseil d'Etat vous invite à voter ce projet de loi.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9806 est adopté en premier débat par 60 oui contre 12 non.
La loi 9806 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9806 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 60 oui contre 9 non et 3 abstentions.