République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 juin 2007 à 17h
56e législature - 2e année - 10e session - 51e séance
M 1747
Débat
La présidente. Cette proposition de motion est aussi en catégorie de débat II, soit trois minutes de parole par groupe.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion avait en fait été déposée quelques jours avant le 8 mars, journée internationale des femmes, et a failli être discutée le 14 juin. Aujourd'hui, nous sommes le 29, donc deux semaines après cette date importante qui commémore le jour où le peuple suisse a accepté en 1981 l'article constitutionnel sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Beaucoup de symboles pour une proposition de motion qui finalement demande deux ou trois choses assez basiques.
Nous avons rédigé ce texte suite à une étude récente qui a démontré que les femmes se désintéressent de la politique et que, notamment, elles ne votent pas autant qu'il y a dix ans et moins que les hommes. Par conséquent, l'écart entre la participation politique des femmes et des hommes est en train de s'accentuer.
Il y a plusieurs raisons à cela, que nous exposons dans la proposition de motion, mais je voulais quand même en rappeler deux: l'une d'elles est que les jeunes filles souffrent malheureusement d'une insuffisance de modèles féminins qui s'engagent en politique et l'autre, aspect important, c'est le rôle des médias qui ne valorisent pas autant les femmes que les hommes, et qui souvent même les ignorent complètement. On le voit par exemple dans certaines émissions de radio régulières où nous n'entendons souvent que des messieurs et où l'on note une grande disproportion entre le nombre d'hommes et de femmes.
Mais nous pensons également que les femmes doivent elles aussi apprendre à s'affirmer en politique. Je salue à cette occasion l'initiative que le Service pour la promotion de l'égalité a prise en organisant, il y a peu de temps, une formation pour les nouvelles élues au niveau municipal.
Le corollaire de tout cela, c'est que non seulement les femmes ne s'expriment pas assez en politique, mais qu'en plus leur représentation est insuffisante. Je rappelle qu'au Conseil national il y a 25% de femmes; au Conseil des Etat, 24%; et au Grand Conseil, nous sommes 31%. Nous venons d'ailleurs d'accueillir deux hommes qui remplacent deux femmes. Nous faisons donc encore partie des pays dont la démocratie est inachevée, et cela, c'est l'Union interparlementaire qui le dit.
C'est dans ce contexte que nous avons rédigé les invites, tout à fait simples, de ce texte, dont la première est de lancer une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique. En réalité, nous l'avions fait au début de l'année en perspective des élections fédérales; c'est un peu tard, maintenant, en juin, quoiqu'il ne soit jamais trop tard pour bien faire ! La deuxième invite vise à inciter le Conseil d'Etat à s'engager un peu plus dans ce domaine en promouvant l'éducation citoyenne sur les questions de genre.
Les signataires espèrent fermement que ce Grand Conseil accueillera favorablement ce texte.
Mme Mathilde Captyn (Ve). A la lecture de cette proposition de motion qui demande une plus grande participation des femmes à la vie politique, j'ai eu, en ce qui me concerne, l'impression de parcourir un texte datant des années cinquante. Puis, je me suis souvenue que les femmes n'ont le droit de vote et d'éligibilité à Genève que depuis quarante-six ans, ce n'est donc pas le texte qui a du retard mais plutôt la gauche qui a de l'avance !
Effectivement, la participation des femmes à la vie politique est toujours problématique, en ce sens qu'elle reste largement inférieure à celle des hommes, comme l'indiquent les chiffres de cette proposition de motion.
Concernant le lancement d'une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique, bien des actions sont d'ores et déjà en marche. Le Service pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes de l'Etat de Genève a agi de manière ciblée et propose annuellement des formations et du réseautage aux élues de ce canton, comme l'a dit Mme Fehlmann Rielle, et c'est un grand succès, au vu de leur participation, justement.
Par ailleurs, le Centre de liaison des associations féminines organise aussi de nombreuses manifestations qui visent à une plus grande intégration des femmes dans la vie politique. Une campagne de communication en vue des élections fédérales d'octobre aurait du sens et nous ne pouvons que soutenir cette proposition.
S'agissant maintenant de la promotion d'une éducation citoyenne sur les questions de genre, c'est un plus vaste problème encore. La participation politique dans son ensemble n'est que trop faible en Suisse, et spécialement à Genève; il s'agit donc là de s'insurger contre le manque d'éducation citoyenne à l'école, surtout dans une ville riche de 40% d'étrangers, et je ne sais pas trop ce que le Conseil d'Etat attend pour aller de l'avant concernant la place indispensable que doit avoir la politique dans notre société.
Nous soutenons donc pleinement ce texte, avec une impatience certaine quant à la réalisation de ses propositions, et vous engageons à voter pour son renvoi direct au Conseil d'Etat pour qu'il puisse agir rapidement.
Mme Fabienne Gautier (L). La lecture de cette proposition de motion me rappelle étrangement le projet de loi 9801 traité durant cette législature et dont notre assemblée avait refusé l'entrée en matière. Ce projet de loi demandait une représentation équitable des sexes sur les listes électorales, souvenez-vous, Mesdames et Messieurs les députés.
Cette proposition de motion vise une plus grande participation des femmes en politique. Est-il bon de rappeler ici que celles-ci n'ont besoin ni de loi ni de motion pour les inciter à s'intéresser à la vie politique ? Elles l'ont fait savoir à votre assemblée, précisant de surcroît que tous les partis enrichissaient leurs listes électorales de présences féminines toujours plus nombreuses. J'en veux pour preuve le résultat de nos dernières élections municipales en Ville de Genève, qui, à lui seul, est bien le reflet des propos que je tiens: 45 femmes élues, soit bien plus de 56%. Chez les libéraux, je vous le rappelle, ce sont bien 6 femmes sur 11 sièges obtenus qui vont représenter notre parti durant cette prochaine législature. A en croire ces résultats, ce sont bientôt les hommes qui déposeront à leur tour des projets de lois ou des propositions de motions, car les femmes seront toujours plus nombreuses dans la vie politique et qu'ils trouveront que le résultat n'est plus équitable.
Par ailleurs, les invites de ce texte me poussent à dire - pardonnez-moi de m'exprimer ainsi - que les signataires ignorent totalement l'excellent travail effectué en la matière par le Service pour la promotion de l'égalité dirigé par Mme Fabienne Bugnon, comme cela a été dit tant par Mme Fehlmann-Rielle que par Mme Captyn. J'en veux pour preuve les séminaires d'initiation à la politique essentiellement réservés aux femmes que ce service vient de mettre sur pied et qui ont eu un tel succès de participation qu'il envisage d'en organiser d'autres. Et ces séminaires répondent tout à fait aux invites de cette proposition de motion.
Mesdames et Messieurs les motionnaires, ce Service ne dépend-il pas de l'Etat pour que vous ressentiez le besoin d'en rajouter des couches telles des mille-feuilles ?
Quant à dire que certaines spécificités politiques comme l'éducation sont plus souvent attribuées aux femmes et l'agriculture aux hommes, c'est bien méconnaître la gent féminine qui a depuis longtemps fait ses preuves dans moult domaines professionnels. Et ce n'est pas Mme Patricia Läser, notre éminente collègue, qui me contredira !
Pour ce qui est des médias, l'auditeur ou le téléspectateur fera son choix. Celui qui est intéressé par les sujets politiques saura, à n'en point douter, faire la différence quant à la qualité de l'émission. D'autre part, les femmes politiques ne sont pas sous-représentées dans les médias, elles sont tout autant sollicitées que la gent masculine.
Le groupe libéral refusera donc d'entrer en matière et vous encourage à le suivre dans sa position. Il estime à juste titre que le Service pour la promotion de l'égalité répond déjà aux invites de ce texte.
M. Eric Stauffer (MCG). Pas vous, les socialistes ! C'est une proposition de motion électoraliste, vous enfoncez des portes ouvertes ! (Chahut.) Ne savez-vous pas qu'il existe au sein de l'Etat le Service pour la promotion de l'égalité hommes-femmes ? C'est déjà institutionnalisé ! Et figurez-vous que dans cette commission extraparlementaire seuls deux hommes siègent, sur à peu près vingt-cinq membres - M. le conseiller d'Etat me corrigera lorsque ce sera son tour de parler - puisque nous sommes les deux seuls représentants de la gent masculine au sein de la commission d'égalité hommes-femmes !
Donc, ce que vous demandez dans vos invites, lancer une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes afin de promouvoir leur participation à la vie politique... Mais c'est déjà fait ! Toutes les citoyennes de ce canton ont reçu avant les élections une petite brochure faite par ce Service pour la promotion de l'égalité, qui expliquait comment voter, s'intéresser à la politique et tout ce qui va avec. Alors, je ne comprends pas ! Etait-ce dû au fait, vu la date, que votre collègue, Mme Salerno, était candidate au Conseil administratif de la Ville de Genève ? C'est possible ! Mais alors, vous devenez aussi populistes que certains partis de cet hémicycle ! (Brouhaha.) Puisque vous enfoncez des portes ouvertes !
De plus, Mesdames les députées, comme l'a dit Fabienne Gautier, nous avons traité pendant cette législature le projet de loi 9801. Et là, vous y étiez allées très fort: vous vouliez imposer par la loi un quota minimum de femmes. (Remarques.) Mais je crie au scandale ! Où est la démocratie, Mesdames et Messieurs ?! Le libre choix ? Et pensez-vous que les cours d'instruction civique, notamment à l'école primaire, ne seraient pas utiles et équitables entre les garçons et les filles ? Vous avez supprimé ces cours et ceux sur l'histoire de la Suisse ! Les élèves d'aujourd'hui ne savent plus comment s'est fait notre canton, notre pays, etc. ! En tout cas, moi je me souviens que, lorsque j'étais à l'école, ces cours d'éducation civique étaient très importants...
La présidente. Sur la proposition de motion, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Ecoutez, Madame la présidente, si c'est s'écarter du sujet de la motion que de parler de l'éducation civique, je ne m'appelle plus Eric Stauffer ! (Exlamations. Rires.)
Bref ! Mesdames et Messieurs, je vous invite à refuser purement et simplement cette proposition de motion, sans la renvoyer dans aucune commission. Vous avez enfoncé une porte ouverte: ce que vous demandez existe déjà. Je pense que M. le conseiller d'Etat le confirmera dans quelques minutes.
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'aimerais quand même vous rappeler que la présidente de notre Confédération n'est autre que Mme Micheline Calmy-Rey. Jusqu'à preuve du contraire, c'est une femme ! Et il y en a d'autres qui sont à la tête de leur pays... La reine d'Angleterre, par exemple ! (Rires. Brouhaha.) C'est une femme ! (Chahut.) J'aimerais poursuivre, Madame la présidente !
La présidente. Oui, Madame la députée. La journée a été longue et vos propos, apparemment, font rire.
Mme Sandra Borgeaud. C'est nerveux, c'est pardonnable !
Tout ça pour dire que les femmes sont tout aussi intelligentes que les hommes. (Brouhaha.) Nous avons déjà dû traiter le projet de loi 9801- auquel je m'étais fermement opposée - qui voulait nous imposer un quota... mais il faut qu'il y ait le libre choix ! Et je ne vois pas pourquoi nous devrions légiférer sur cette motion. Il me semble avant tout, comme je l'ai déjà dit, que c'est à vous, Messieurs des partis politiques, d'aller à la recherche de candidates féminines. Ce n'est pas une loi qui doit le faire ! C'est à vous d'être convaincants, d'avoir les bonnes idées et de les attirer.
Je rappelle, comme on l'a signalé tout à l'heure, qu'en Ville de Genève il y a quand même 45 femmes, c'est donc la preuve que vous êtes écoutés ! De plus, diverses associations genevoises oeuvrent déjà en faveur de ce que vous prônez et beaucoup de femmes se rendent aux différentes séances organisées.
En outre, il me semble qu'il faut arrêter de juger en fonction du sexe des personnes, mais plutôt de leurs compétences: on fait de la politique ! (Rires. Brouhaha.) Vous avez vraiment les idées... très bien arrêtées ! (Rires.) Non, je ne couperai pas, je finirai !
Une voix. Encore ! Encore !
Mme Sandra Borgeaud. J'aurais envie de vous dire, vu que ça vous intéresse à ce point-là, que pour faire de la politique, il serait peut-être de bon ton d'utiliser sa tête, ses compétences et son intelligence, plutôt que son apparence physique, et de ne pas tenir compte du fait que nous soyons des hommes ou des femmes. Je veux bien qu'on en rigole, ça reste de l'humour... mais quand même en toute intelligence !
En résumé, cette proposition de motion n'est absolument pas la bienvenue et je souhaiterais vraiment qu'on continue à faire de la politique en démocratie - pour laquelle on se bat depuis des siècles - et qu'on la maintienne. Sinon, Messieurs, comme l'a dit Mme Gautier, c'est vous que nous verrons un de ces jours déposer une proposition de motion pour réclamer un quota dans ce parlement !
Mme Véronique Schmied (PDC). Eh bien, il va être difficile d'attirer l'attention d'une aussi brillante manière que Mme Borgeaud vient de le faire ! (Rires.)
Ceux qui me connaissent savent que je n'ai jamais été une féministe convaincue ni active; je crois que les femmes feront leur place naturellement et petit à petit. Je vois par exemple mes filles qui ont entre vingt-cinq et trente ans n'avoir aucun doute sur le fait qu'elles puissent faire leur place dans la société, elles la font d'ailleurs, que ce soit dans le monde économique ou dans d'autres domaines.
Je prône donc plutôt cette méthode douce, que certains trouveront peut-être passive, et ne suis finalement pas pour les quotas, vous l'aurez compris, ni pour une politique proactive, si ce n'est sans doute pour déculpabiliser les femmes lorsqu'elles arrachent quelques heures à leur famille pour s'engager dans le monde politique.
Il y a cependant quelques questionnements qui m'interpellent. Hier, notre collègue Marie-Françoise de Tassigny a quitté notre assemblée, et je me suis posé la question de savoir pourquoi seules les femmes s'étaient exprimées au sujet de son départ. (Protestations.) Est-ce que la place d'une femme dans ce parlement n'est qu'une affaire, précisément, de femmes ? (Remarque.) Je pense par exemple qu'il revenait à M. Barrillier, puisqu'il est chef de son groupe, de prendre la parole. Une députée n'apporte-t-elle pas plus à la réflexion des députés hommes, pour qu'aucun d'entre eux n'ait relevé le manque qu'allait provoquer le départ d'une collègue ?
Il est inquiétant de constater que, même lorsqu'une femme participe activement et depuis longtemps aux travaux d'un parlement, sa place ne reste que celle d'une femme, bien que je pense qu'il en est finalement de même pour les hommes; en effet, quand un homme part, c'est rarement une femme qui lui adresse l'hommage destiné à ceux qui quittent notre parlement.
La distinction s'opère sans doute aussi de façon naturelle, et j'ai déjà utilisé ce terme au début de mon intervention. Mais alors, Mesdames et Messieurs, si la distinction s'opère ici entre personnes averties, qui font des campagnes électorales, qui sont engagées, qui ont le verbe facile et des personnalités affirmées, imaginez ce qu'il en est dans des familles sans culture politique ou dans des groupes dont les intérêts ne les portent pas à une réflexion sur la société !
Il y a plus inquiétant que la non-participation des femmes en politique et qui justifie davantage la nécessité d'une éducation citoyenne sur la question de genre, puisque c'est le nouveau terme que l'on utilise à la place de sexe...
La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée !
Mme Véronique Schmied. ...c'est le constat que, parmi les jeunes, il y a actuellement toute une frange qui remet en cause l'égalité hommes-femmes, sans mauvaises intentions peut-être mais simplement par manque de culture familiale ou d'éducation citoyenne. On a entendu Jean-Marc Richard donner la parole dans les «P'tits zèbres» à des adolescents qui disent que les femmes sont moins intelligentes, que c'est prouvé, qu'ils ont des exemples... (Brouhaha. Rires.)
La présidente. Il vous faut conclure !
Mme Véronique Schmied. ...et qui prétendent que les femmes sont inférieures, etc. Ils fournissent de nombreux exemples, et finalement...
La présidente. Madame la députée, s'il vous plaît !
Mme Véronique Schmied. ...tout cela pour dire que l'animateur prétend que c'est bien et que cela a le mérite d'ouvrir le débat. Mais quel débat ? On se le demande !
Ces comportements nouveaux m'inquiètent, sans doute comme vous, Mesdames et Messieurs. Je crois qu'il y a urgence d'agir selon les deux invites, car on a besoin de femmes sur la scène publique, ne serait-ce que pour montrer l'exemple et pour redonner confiance à celles qui n'ont pas la parole, qui se taisent et qui subissent. Donc je soutiendrai cette proposition de motion ! (Applaudissements.)
Mme Patricia Läser (R). Mesdames et Messieurs les députés, si je rejoins ma préopinante sur beaucoup de points, il en est un du moins où ce n'est pas le cas. J'ai moi aussi été frappée de voir, dans tous les groupes représentés, que seules des femmes, ou presque, se sont exprimées hier au sujet du départ de Marie-Françoise de Tassigny. Mais je pense qu'il s'agit justement de solidarité entre nous, femmes, quelle que soit notre appartenance politique.
Mais aujourd'hui, je ne crois pas du tout à une campagne de sensibilisation à l'égard des femmes; elles s'intéressent déjà à la politique, preuve en est le résultat des municipales, principalement en Ville de Genève. Arrêtons donc de toujours vouloir nous poser en victimes - c'est ce qui fait le bonheur des médias - et essayons d'être conquérantes !
Nous devrions plutôt dépenser notre énergie à étudier une réorganisation de nos institutions et des horaires de nos séances, ainsi que des systèmes de garde d'enfants pendant les activités politiques, afin d'arriver à concilier au mieux vies familiale, professionnelle et politique.
L'engagement doit être expliqué, c'est vrai, mais à toute la population, pas seulement aux femmes, car je crois que l'intérêt est en baisse.
Je terminerai en citant Fabienne Bugnon qui disait: «Maintenant, à nous, Mesdames, de prendre notre place, sans forcément attendre qu'on veuille bien nous la donner.» Le groupe radical demande donc le renvoi de cette proposition de motion à la commission des droits politiques, pour éventuellement changer quelques invites.
M. Yves Nidegger (UDC). La première chose qui m'a frappé et surpris dans cette proposition de motion, c'est sa date ! J'ai d'abord cru à un de ces textes déposés il y a quinze ans, qui traînent quelques lustres en commission avant de réapparaître dans un contexte où ils n'ont plus rien à faire. Mais non ! Cette proposition de motion a été déposée assez récemment, en 2007, année où le législatif de la Ville de Genève comporte une forte majorité de femmes, et ce texte apparaît donc comme un monstre du Loch Ness qui surgit dans un contexte plus ou moins absurde.
J'ai ensuite pensé qu'il s'agissait peut-être d'un texte déposé le 1er avril, mais ce n'est pas le cas non plus, de sorte que je n'ai plus su comment l'empoigner ! S'il en avait été ainsi, on aurait pu en rire en le prenant au second degré. Mais prendre au premier degré l'idée que les femmes seraient d'éternelles victimes de leur féminité, qu'elles seraient génétiquement incapables de comprendre quoi que ce soit à la politique, à moins qu'on ne leur donne des explications avec des mots adaptés à leur niveau, est proprement sexiste et je trouve cela parfaitement déplacé !
Les questions politiques du jour sont connues: ce sont la sécurité, le logement et les finances publiques. Alors, imaginer que les femmes seraient moins conscientes que les hommes de l'importance de la question de la sécurité ou que, en matière de logement, elles mesureraient moins la nécessité qu'il y a d'avoir un toit pour y élever une famille est tout à fait absurde. De plus, ayant réglé quelques cas de divorces dans ma carrière d'avocat, j'ai pu constater que les femmes, en matière d'argent, n'avaient pas grand-chose à apprendre des hommes lorsqu'il s'agit de calculer des budgets ou des prestations auxquelles prétendre.
Je crois que cette proposition de motion doit subir le même sort que l'émission intitulée «Desperate électrices» qui vient de prendre une volée de bois vert et de critiques, accompagnée d'une pétition pour qu'on la stoppe, parce qu'elle présente effectivement les femmes comme des nunuches à peine sorties de leur cuisine à qui il faudrait expliquer toutes choses.
Ce texte devrait donc s'appeler «Desperate féministes» ou «Desperate gauchistes», ce qui est à peu près, dans ce cas-là, la même chose, et je vous invite à ne pas entrer en matière.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Non, je ne pense pas que les femmes feront simplement et naturellement leur place ou qu'on la leur donnera par bonté ! Je crois que vous avez un peu oublié l'Histoire ! Les femmes ont dû s'engager, elles ont dû se battre, ne serait-ce que pour avoir le droit de vote, le droit à la contraception, etc.
En outre, je rappellerai à M. Nidegger qui fait des plaisanteries de mauvais goût que nous n'avons pas les mêmes salaires que les hommes, que les femmes sont encore très souvent payées entre 20 et 30% de moins, alors je crois qu'il ne s'agit pas de se poser en victimes mais simplement de constater des faits que nous avons voulu exposer. Les femmes sont effectivement moins représentées en politique et ont tendance à s'en désintéresser, mais non pas parce qu'elles sont moins intelligentes ou quoi que ce soit. Si l'on parle de campagne de sensibilisation, c'est bien pour pouvoir attirer aussi l'attention des jeunes filles. Il me semble que Mme Schmied l'a dit, on assiste à un retour en arrière et je crois que peut-être les nouvelles générations ont oublié que leurs aînées ont dû se battre pour arriver à avoir quelque peu les mêmes droits que les hommes. Et on est encore loin du compte !
En tous les cas, je vois que notre proposition de motion a égayé le parlement, c'est peut-être déjà un résultat ! Mais j'aimerais rappeler aux commissaires des droits politiques que, lorsqu'ils avaient sèchement refusé notre projet de loi sur la parité, ils nous avaient expliqué que ce n'était pas ce qu'il fallait faire et que nous devions proposer autre chose, parce que notre projet était trop contraignant. Et maintenant qu'on leur soumet une proposition moins contraignante, comme une campagne de sensibilisation - qui d'ailleurs a aussi été demandée sur le plan fédéral - eh bien, ils la refusent aussi ! Alors je ne sais pas quel type de complexe ils ont, mais je souhaiterais que nous renvoyons quand même ce texte à la commission des droits politiques, puisque, apparemment, il existe de nombreuses bonnes idées pour améliorer les choses.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, comme dans le débat précédent, il y a des faits, du droit, et l'un et l'autre sont extrêmement clairs. L'article 2A de la constitution genevoise pose le principe selon lequel «l'homme et la femme sont égaux en droits.» Mais la réalité, Madame la députée Gautier, est que ce n'est pas le cas, ni en matière salariale, ni sur un certain nombre d'autres sujets.
En application de ce principe constitutionnel - que l'on retrouve aussi en droit fédéral et international - votre Grand Conseil, en son temps, a voulu que soit créé le Service pour la promotion de l'égalité entre hommes et femmes - SPPE - dont la tâche est d'oeuvrer à ce que ce principe constitutionnel, que l'on peut du reste faire valoir devant les tribunaux, devienne une réalité, y compris dans des domaines où l'on n'a justement pas la possibilité d'exercer un droit subjectif. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage au SPPE qui fait un travail remarquable et qui doit le poursuivre.
Maintenant, en ce qui concerne les invites de ce texte, j'ai plus de doutes et je remercie beaucoup Mme Patricia Läser d'avoir suggéré que l'on en change. En effet, il est demandé de lancer une campagne de sensibilisation, mais c'est ce que fait toute la journée le SPPE ! L'encourager à poursuivre dans cette voie ou lui dire de le faire encore davantage, volontiers ! Mais encore faut-il par ailleurs qu'il en ait budgétairement les moyens.
Quant au fait de promouvoir une éducation citoyenne sur les questions de genre, là aussi je connais le souci du département de l'instruction publique d'éviter que, dans l'enseignement, ou de toute autre manière, il y ait du sexisme. Cela se fait donc déjà et, s'il faut améliorer ou amplifier cette éducation, nous le ferons certainement !
Je vous rappelle que lorsque j'étais à l'école primaire, nous, garçons, allions jouer au football pendant que les filles prenaient des leçons de couture... Fort heureusement, cette époque est révolue ! Il y a probablement d'autres choses à améliorer, mais ne donnez pas l'impression, par ces invites, que personne n'a jamais rien fait. Concernant les nombreux collaborateurs qui sont engagés dans ces questions, je pense qu'il faut plutôt les soutenir et les inviter à continuer qu'autre chose.
Mesdames et Messieurs les députés, l'égalité entre hommes et femmes est un principe que le gouvernement a la charge d'appliquer, et, dans la mesure où il constate qu'il n'est pas pratiqué partout, il vaut la peine de poursuivre nos efforts.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1747 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 46 non contre 11 oui et 6 abstentions.
Mise aux voix, la proposition de motion 1747 est rejetée par 29 non contre 28 oui et 8 abstentions. (Exclamations. Applaudissements à l'annonce du résultat.)