République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 42e séance
PL 9869-A
Premier débat
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC), rapporteuse de majorité. Le but de ce projet de loi est de simplifier la procédure de traitement d'une initiative et de gagner du temps. Le débat de préconsultation n'a pas vraiment d'utilité: on ne débat vraiment ni du fond, ni de la forme. En effet, tant l'un que l'autre sont largement débattus par la suite. Une fois que la commission législative a statué sur la validité, si l'initiative est déclarée valide, un débat a lieu. Ce débat n'est souvent que déclarations des différents groupes, qui marquent une position politique avant même d'avoir réellement étudié le sujet.
La crainte des opposants à ce projet de loi est de supprimer tout débat de fond sur une initiative déclarée non valide. Toutefois, on sait bien, parce qu'on l'a déjà vu à maintes reprises, que, dans la pratique, les prises de position sur le fond ont lieu lors du débat sur la validité. Ce projet de loi permettra donc réellement un gain d'efficience, sans aucune perte démocratique vu les débats ultérieurs.
Par conséquent, la majorité de la commission des droits politiques vous recommande d'adopter ce projet de loi.
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. La recherche d'une plus grande efficacité dans les travaux parlementaires part bien sûr d'une intention louable, mais nous devons rester attentifs à ne pas confondre efficacité et précipitation. Pour la minorité que je représente, le projet de loi qui nous est soumis ce soir fait clairement partie de la deuxième catégorie.
En effet, le projet de loi 9869 vise à supprimer le débat de préconsultation sur les initiatives populaires avant leur renvoi en commission législative. Actuellement, vous le savez, après avoir été étudiée par le Conseil d'Etat, qui rend un rapport sur la forme et sur le fond, une initiative est discutée par le parlement avant d'être renvoyée en commission. A cette occasion, les groupes peuvent prendre position de façon globale par rapport au sujet de l'initiative. Il s'agit du premier contact public avec le monde politique institutionnel d'une initiative issue du peuple.
Nous pensons qu'il est important que les initiants puissent prendre la température du parlement par rapport à leur proposition. Il ne s'agit alors pas encore d'un débat juridico-technique de commission, mais bien d'un débat politique qui permet à chaque groupe d'exprimer sa position. Cela nous paraît d'autant plus important que certaines initiatives déclarées invalides par la commission législative puis par le Grand Conseil ne pourraient pas être discutées sur le fond sans ces prises de positions préliminaires.
Il nous semble qu'un acte démocratique de l'envergure d'une initiative, même mal formulée, même ne répondant pas aux exigences formelles posées par la loi, soulève par définition des problèmes importants pour nos concitoyens. Nous ne pouvons tout simplement pas esquiver le débat sur ces sujets de société, même lorsqu'une initiative doit être invalidée.
Lors de la dernière législature, dont chacun se souvient qu'elle s'est terminée dans une ambiance extrêmement tendue qui donnait lieu à des débats-fleuves, la majorité avait déjà supprimé le débat de consultation sur les projets de lois et cela n'avait pas contribué à l'apaisement, ni à l'accélération des débats.
Aujourd'hui, après un renouvellement du parlement et suite à l'entrée en vigueur d'un nouveau règlement, nos discussions se déroulent dans un climat sinon serein, du moins plus calme. L'efficacité de nos travaux s'en est trouvée grandement améliorée. Il ne semble donc pas judicieux d'ajouter une entrave supplémentaire au débat, surtout lorsqu'il s'agit d'actes symboliques de la démocratie tels que les initiatives populaires. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la minorité, à refuser ce projet de loi.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). J'aimerais tout d'abord remercier Mme Flamand pour son excellent rapport de minorité auquel le groupe socialiste adhère tout à fait. J'aimerais revenir aussi sur deux remarques de Mme Hirsch-Aellen, qu'elle reprenait d'autres personnes de la commission mais qui me paraissent extrêmement révélatrices.
La première remarque a trait à la pratique actuelle: on observe que, même lorsqu'un débat n'est censé porter que sur la validité d'une initiative, les questions de fond sont abordées et abondamment débattues. En d'autres termes, parce que certains d'entre nous ne seraient pas capables de respecter les règlements, il faudrait faire fi des règlements et on pourrait passer outre.
Deuxième remarque, un autre commissaire dit également que le nombre des initiatives à traiter est important et le gain de temps serait significatif si on adoptait ce projet de loi. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais que vous gardiez le sens de la mesure ! Si nous avons effectivement eu plusieurs initiatives à traiter en début de législature, nous avons eu depuis le début de l'année 2007 en tout et pour tout deux initiatives qui nous ont occupé en commission législative très exactement trente minutes le 19 janvier, trente-sept minutes le 2 février et guère plus de temps dans ce parlement, en séance plénière ! Je crois donc que ce projet de loi est une fausse bonne idée.
Il est vrai que je suis de celles et ceux qui pensent qu'il faudrait parfois pouvoir accélérer les débats, mais je crois que, là, à vouloir gagner du temps, on va plutôt en perdre ! Pourquoi ? Parce que l'on va accentuer une fois de plus la méfiance que certaines et certains de nos concitoyens manifestent à l'égard de ce parlement et envers le monde politique en général. En voulant museler le débat, en voulant empêcher le débat, on va donc au contraire plutôt encourager ces personnes à lancer des référendums, voire des initiatives, donc à retarder parfois en quelque sorte l'aboutissement de certains projets.
Je vous dirai donc en conclusion qu'il faut refuser ce projet de loi et je suis particulièrement inquiète de l'attitude de la majorité qui cherche de plus en plus à limiter les possibilités d'expression. C'est selon moi la même dérive que l'on observe par rapport au traitement des initiatives qui finissent régulièrement au Tribunal fédéral, lorsqu'elles ne plaisent pas à une certaine majorité ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de lois parce que nous n'en aurions pas besoin. Dans un monde idéal, il n'y aurait pas de juges parce qu'il n'y aurait pas de litiges ! (L'orateur est interpellé.) Exactement ! J'allais y venir, Monsieur Barrillier ! Dans un monde idéal, je ferais un autre métier ! Comme il n'y aurait plus de litiges, il n'y aurait plus besoin d'avocats ! Malheureusement - ou heureusement, cela dépend du point de vue - nous ne vivons pas dans un monde idéal; nous avons besoin de lois pour régler la vie en société et notre honorable Conseil n'échappe pas à cette règle. Nous avons donc besoin d'un règlement du Grand Conseil pour régler les rapports que nous avons entre nous et pour régler la façon selon laquelle nous effectuons notre travail.
Malheureusement, en ce qui concerne le traitement des initiatives, force est de constater que le règlement du Grand Conseil consacre un dévoiement de la démocratie. Pourquoi ? Parce que le règlement actuel permet aux députés de dire trois fois la même chose: une première fois à l'occasion du débat de préconsultation; une deuxième fois à l'occasion du débat sur la validité, qui devrait être consacré uniquement à la validité, mais qui la plupart du temps concerne plus le fond que la forme de l'initiative; enfin, a lieu le véritable débat de fond.
Et nous, groupe démocrate-chrétien, nous considérons qu'il est important de pouvoir débattre sur la forme et sur le fond. Mais trois stades de la procédure pendant lesquels nous pouvons débattre sur le fond de l'initiative, c'est trop ! Une fois suffit, pour autant que le débat soit bien fait. Point n'est besoin de trop en faire et le projet de loi qui vous est proposé ici ce soir vise uniquement à supprimer un débat de préconsultation inutile qui consiste dans 99 voire 100% des cas, pour chacun des groupes, à dire qu'il se réjouit d'étudier en commission un projet qui mérite d'être étudié.
Alors franchement, si c'est pour perdre du temps au sein de notre enceinte pour dire qu'on se réjouit d'étudier un projet, autant l'envoyer directement en commission pour que le travail de fond puisse s'effectuer en commission et qu'une fois ce travail effectué notre Conseil puisse en parler en toute connaissance de cause ! C'est la raison pour laquelle le groupe démocrate-chrétien votera ce projet de loi.
M. Philippe Guénat (UDC). Que dire après l'éloquence du député Pétroz sur ce projet de loi ? Je souhaite aussi remercier Mme Hirsch-Aellen pour son excellent travail pour le rapport de majorité. Il fallait quand même préciser cela.
Le groupe UDC soutiendra ce bon projet de loi car il a pour but d'augmenter la fluidité de nos séances au Grand Conseil en réduisant fortement l'envie que pourraient avoir certains députés de faire de l'électoralisme en monopolisant les heures d'émission de Léman Bleu. Laissons la commission traiter avec tout le sérieux qu'on lui connaît les initiatives en question !
C'est pour cela, Madame la présidente et chers collègues députées et députés, que le groupe UDC soutiendra avec enthousiasme ce projet de loi.
M. Francis Walpen (L). J'ai entendu beaucoup de choses ce soir, notamment qu'il fallait impérativement tenir un débat de préconsultation, pouvant porter sur la forme mais pas forcément sur le fond, que la population devait connaître d'emblée les orientations des différents partis. J'entends aussi régulièrement nombre d'entre nous se plaindre: «Quoi ! Il ne me reste que trente secondes !» Je n'irai pas plus loin, je m'arrêterai à la conclusion du rapport de minorité qui nous dit: «Quand bien même la suppression de la préconsultation ... serait susceptible de favoriser un déroulement plus rapide des débats, la minorité s'y opposera sur le principe, car elle considère que l'avantage obtenu ne ferait pas le poids face au déficit démocratique ainsi engendré.»
Je prends note de tout ça, mais je me pose une seule question: et les initiants dans tout ça ? Qu'est-ce qu'ils attendent ? Qu'est ce qu'ils veulent ? Eh bien, la réponse, je l'ai obtenue lors des auditions de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève concernant l'initiative 126-2-D, sur laquelle j'ai eu le plaisir de faire le rapport. (IN 126-2-D) A une question d'un commissaire, il est répondu que «s'ils avaient considéré que cette question était essentielle, ils auraient fait un recours, mais il y a volonté d'aller rapidement devant le peuple». Un peu plus loin, toujours dans le même rapport, en conclusion, l'initiant «encourage la commission à traiter rapidement cette initiative...». Ce sont des propos de Pierre Vanek ! (Rires.)
M. Damien Sidler (Ve). Le peuple dispose de deux moyens de nous adresser une proposition ou une demande: par le biais d'une initiative ou d'une pétition. Pour l'initiative, un certain nombre de règles s'appliquent effectivement. Ces règles ne sont d'ailleurs pas toujours appliquées par le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, lorsque l'on traite un projet de loi constitutionnelle, notamment en ce qui concerne l'unité de la matière. Il semble qu'on soit un peu plus souple sur ce principe que ce qui est exigé des comités d'initiative.
C'est bien là qu'est le problème: c'est que lorsque des groupes de citoyens prennent le temps d'essayer de réunir 10 0000 signatures pour proposer un débat de société, cela prend beaucoup d'énergie. Il ne s'agit pas forcément de juristes aguerris, il peut donc arriver que des petites erreurs viennent invalider une initiative.
Le problème de votre projet de loi, c'est qu'en supprimant ce premier débat qui peut effectivement parfois paraître redondant, on supprime la possibilité de prendre acte de propositions faites et soutenues par ces 10 000 personnes. L'initiative sur l'or de la Banque nationale suisse a été invalidée à la dernière minute par le Grand Conseil. Avec la nouvelle loi que vous proposez, il n'y aurait pas eu de débat sur le fond: cette initiative aurait été, comme certains partis se sont permis de le dire, bonne à jeter à la poubelle, juste à cause d'une erreur formelle ! Et, pourtant, le Tribunal fédéral nous a dit que nous nous étions trompés. Je pense que c'est là que le bât blesse. Que vous vouliez aller vite dans le traitement des initiatives, nous sommes pratiquement tous d'accord. Le problème, c'est qu'il faut prévoir un moment pour discuter du fond. Ce moment est prévu, lorsque les initiatives sont validées formellement. En supprimant la possibilité de discussion à ce moment, votre projet de loi comporte une grave lacune démocratique !
J'aimerais encore vous dire que ce projet de loi pose un problème également dans la façon de traiter les initiatives par rapport aux pétitions. Une pétition n'est rien d'autre qu'une proposition non formulée, un souhait, une demande adressée à notre Grand Conseil. Une pétition peut n'être munie que d'une seule signature - pas 10 000 - pour qu'elle passe devant notre Grand Conseil et elle partira directement en commission, sans qu'il y ait eu débat sur l'entrée en matière. Le Grand Conseil fera un rapport pour une pétition munie d'une seule signature. Lorsque la pétition revient devant notre Grand Conseil, s'il n'y a qu'un seul rapport et qu'il demande le classement, il n'y a en principe pas de débat. La loi portant règlement du Grand Conseil prévoit qu'il suffit que dix personnes le demandent pour qu'il y ait un débat. Je pense donc qu'on ne peut pas d'un côté traiter ainsi une initiative signée par 10 000 personnes en l'envoyant à la poubelle, comme le PDC l'avait proposé et s'en était réjoui à propos de l'initiative sur l'or de la BNS, et accepter de l'autre côté de faire un rapport et ouvrir un débat sur une pétition munie d'une seule signature !
Je crois que votre projet de loi comporte vraiment une grave erreur et si, par malheur, il était voté ce soir, nous reviendrions à l'automne avec un nouveau projet de loi qui s'attaquerait cette fois-ci à l'article 120 de la LRGC, qui concerne le retour de l'initiative de la commission législative, pour prévoir un débat à ce moment-là, s'il est demandé par au moins dix personnes de cette assistance.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être très bref: le groupe MCG va soutenir ce texte parlementaire. J'aimerais néanmoins mettre un bémol à ce qu'a dit M. le député Pétroz qui faisait l'éloge des avocats. On sait très bien que dans l'avocat, la seule chose qui est très dure, c'est son noyau. Et, bien des fois, c'est le noyau dur qui pèche, dans ce gouvernement ! (Rires.)
M. Jean-Marc Odier (R). Le projet de loi radical n'a pas pour but d'étouffer le débat ou de le museler, comme on peut pourtant le lire dans le rapport de minorité. (Exclamations.) J'aimerais aussi dire à Mme Flamand, rapporteure de minorité, que la préconsultation sur les projets de lois n'a pas été supprimée; il y a un renvoi automatique dans les diverses commissions à moins qu'un groupe ne demande le débat et, dans ce cas-là, le débat a lieu.
Je vous signale quand même que notre ordre du jour contient une centaine de points, ce qui n'était pas le cas il y a quelques années, quand il y avait beaucoup moins d'objets débattus par le Grand Conseil. Je dis «débattus» ! Pourquoi ? Parce que la procédure relative à l'initiative inclut la préconsultation, le débat sur la validité et, ensuite, le débat sur la prise en considération. Eh bien, le même débat a lieu trois fois dans ce Grand Conseil !
Lors de la préconsultation, il ne s'agit que de faire des déclarations alors que nous, ici, nous pourrions accorder beaucoup plus de temps à un réel débat qui doit avoir lieu sur les objets importants.
Madame la présidente, vous m'excuserez, mais bien souvent on nous dit dans ce parlement: «Madame, Monsieur, vous devez arrêter de parler, trois minutes se sont écoulées !». Je pense que là, il y a un choix à faire, mais de débattre trois fois sur le même objet, cela n'a pas lieu d'être ! Que l'on discute de la validité, c'est normal. Que l'on discute sur la prise en considération, c'est normal. Ces deux discussions suffisent pour débattre de l'initiative !
Je cite encore le rapport de Mme Flamand: «Le changement de législature, bien qu'il n'ait pas été accompagné d'une modification du règlement, a donné lieu à des débats moins polarisés et au rythme plus soutenu. Cela est bien la preuve que l'efficacité de notre Parlement est plus liée au contexte politique général et au respect des uns et des autres [...]»
Je voudrais vous dire qu'ainsi vous ouvrez la porte aux minorités qui veulent bloquer le parlement en abusant du temps de parole. Alors, s'il vous plaît, parlons et débattons des objets importants mais arrêtons de répéter à chaque fois le même débat ! C'est pourquoi le groupe radical qui fait ces propositions vous invite à approuver ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne pensais pas intervenir, mais il ne s'agit pas d'un même débat répété trois fois ! Soyons clairs ! D'abord, lors de la préconsultation, on accueille quelque chose qui vient de l'extérieur. Ensuite, on fait le débat sur la forme et finalement sur le fond. Si vous répétez trois fois la même chose et que vous n'êtes pas capables d'évoluer dans votre pensée, c'est votre problème ! (Huées et applaudissements.)
Il me semble qu'on a vraiment un problème institutionnel en plus de ce qui vient d'être dit sur le débat de préconsultation des projets de lois. Pourquoi traiterait-on mieux les projets de lois provenant des députés ou du Conseil d'Etat que ceux qui proviennent du peuple ? Il y a là un réel problème, parce que vous ne proposez même pas la possibilité d'un débat de préconsultation ! A un moment donné, ça ne va plus ! C'est vraiment un grave problème institutionnel de ne pas pouvoir entrer en matière d'abord, pour dire au peuple comment son initiative est reçue. Juste pour gagner deux minutes, ce n'est pas la peine de créer un problème institutionnel ! (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand (Ve), rapporteuse de minorité. Brièvement, en réponse à l'intervention de M. Odier, je voudrais revenir sur deux points. Premièrement, le débat de préconsultation a bel et bien été supprimé. Aujourd'hui, il est vrai qu'on peut demander le débat immédiat sur un projet de loi, mais ça signifie qu'ensuite il doit être voté sur le siège et qu'il ne peut pas être renvoyé en commission. Ce n'est donc pas équivalent à un débat de préconsultation ! (Commentaires.) Si ! Si !
Deuxièmement, gagner du temps est certes une bonne chose, je le dis dans mon rapport. Nous sommes d'accord de gagner du temps avec les motions. D'ailleurs, nous avons voté comme vous le nouveau règlement du Grand Conseil qui nous a permis d'accélérer fortement nos débats. En ce qui concerne certains projets de lois, je pense que l'on peut limiter le temps de parole. Mais une initiative n'est pas un objet comme une motion ou comme une résolution, ce n'est pas un objet comme un autre. Une initiative est un acte du peuple signé par 10 000 personnes ! Et la moindre des choses, c'est d'accueillir cet acte dans notre parlement par une prise de position, une reconnaissance de tous les groupes et pas simplement de l'envoyer directement en commission où les initiants n'ont absolument aucun contrôle démocratique: ils ne peuvent pas savoir ce qui s'y dit et ce qui se passe.
Pour revenir à ce qu'a dit M. Walpen, si les initiants ont envie que leur demande soit traitée rapidement, je ne crois pas que ce soient les trente minutes de débat au Grand Conseil qui retardent le traitement de l'initiative. Par contre, les initiants seront contents de savoir que leur initiative est bien arrivée jusqu'à nous. De même, ils seront contents de savoir ce que chacun des groupes en pense, avant que cela ne soit discuté confidentiellement en commission. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Odier (R). Effectivement, la préconsultation sur les projets de lois n'a pas été supprimée. Quand un groupe demande à s'exprimer sur un projet de loi, cela n'équivaut pas automatiquement à une demande de discussion immédiate. Ce n'est pas juste ! (Commentaires.)
J'aimerais dire, Madame Künzler, qu'il n'y a effectivement pas trois fois le même débat, pour autant qu'on respecte le deuxième débat sur la validité ! Or, vous savez très bien qu'il est impossible de ne parler que de la validité dans cette enceinte. Il faut admettre que souvent cela ne se passe pas comme ça car on parle sans arrêt aussi du fond - et pas seulement de la validité ! C'est le débat démocratique et on l'accepte. En conséquence, les deux arguments qui viennent d'être exprimés sont faux !
Mme Carole-Anne Kast (S). Il n'était pas non plus prévu que j'intervienne, mais j'aimerais quand même rappeler quelque chose. Si on n'avait pas dans ce parlement une fâcheuse tendance à invalider par des motifs fallacieux des initiatives pour des raisons qui relèvent en fait du fond, il y aurait peut-être moins de mélanges entre les deux débats ! Et il me semble, Monsieur Odier, que ce sont plutôt vos bancs que les nôtres qui ont cette fâcheuse tendance.
Je crois que les arrêts du Tribunal fédéral, que ce soit à propos de l'initiative 120 (IN 120) ou de l'initiative sur l'or de la BNS, le prouvent assez bien. Si on était capable d'avoir l'objectivité nécessaire lors de la recevabilité, je pense que la problématique ne serait pas aussi aiguë aujourd'hui.
Vous dites que les deux débats sont mélangés: c'est que vous n'êtes pas capable de faire la différence ! C'est vrai, vous n'êtes pas capable de faire la différence, puisque vous invalidez systématiquement les initiatives qui vous déplaisent quant au fond. Je pense que nous avons là un vrai problème démocratique et si on pouvait garantir qu'il y ait une prise de décision politique sur une initiative, par un biais ou par un autre, quelle que soit la décision sur la validité, on pourrait peut-être trouver une majorité autour d'un projet.
Supprimer la préconsultation, c'est supprimer le débat sur le fond, sachant que le deuxième débat porte sur la validité et qu'une fois sur deux, une initiative qui déplaît politiquement est invalidée ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je souhaite réagir aux propos de la rapporteure de minorité. Vous dites que les travaux sont faits en commission sans contrôle démocratique. Je ne peux pas laisser dire quelque chose comme ça ! Pour ceux qui nous écoutent, je rappelle que ce sont des députés élus par le peuple qui siègent dans les commissions. La représentation démocratique est donc parfaitement et pleinement assurée.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. S'agissant des règles du fonctionnement interne de votre Grand Conseil, le Conseil d'Etat s'impose une grande retenue. Je ne ferai que deux ou trois réserves - ou plutôt des remarques.
La première, c'est que le débat de préconsultation pour les projets de lois - article 126, alinéa 2 de votre règlement (LRGC) - a bel et bien été supprimé. En revanche, il est exact que vous pouvez convenir d'une discussion immédiate. Toutefois, il est aussi exact que même si la discussion immédiate est demandée, le renvoi en commission peut en tout temps être demandé. Voilà les règles exactes.
Maintenant, sur le fond de ce projet de loi, un parlement est quand même fait pour parler et pour débattre; la crainte qu'exprime le Conseil d'Etat, c'est que le débat n'ait lieu ailleurs si vous y renoncez. S'il a lieu ailleurs, il n'aura pas lieu dans les conditions requises d'équité et de proportionnalité, selon les procédures respectables qui sont la marque de votre parlement. Je crains par conséquent que ce parlement, à certains égards, ne vienne à se priver lui-même de l'une de ses belles prérogatives.
A cela s'ajoute que la comparaison du traitement d'une initiative populaire signée par plus de 10 000 personnes au traitement d'une pétition, qui par hypothèse n'en porte généralement que quelques-unes, est problématique.
Cela dit, on pourrait aussi peut-être une fois se poser des questions sur le droit de la procédure d'initiative en général, parce que j'admets et comprends la motivation de fond des auteurs du projet. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) C'est vrai que le système actuel a quelque chose de pas toujours satisfaisant, malgré tout le soin qui avait été apporté à l'époque pour le mettre en place. Comme l'a dit Mme Künzler, il convient quand même qu'à un moment donné votre Grand Conseil dise ce qu'il pense d'une initiative qu'il accueille.
Le Conseil d'Etat ne fera pas de recommandation de vote, mais je tiens à vous rendre attentifs au fait qu'en acceptant ce projet de loi, vous perdriez en partie une de vos très belles prérogatives. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mis aux voix, le projet de loi 9869 est adopté en premier débat par 48 oui contre 26 non.
La loi 9869 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Une voix. Je demande l'appel nominal ! (Appuyé.)
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9869 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 48 oui contre 25 non.