République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 42e séance
P 1597-A et objet(s) lié(s)
Débat
Mme Virginie Keller Lopez (S), rapporteuse. En octobre 2006, cette pétition a été déposée aussi bien auprès du Conseil municipal de la Ville de Genève qu'auprès du Grand Conseil. Puisqu'on traite déjà du rapport sur cette pétition, on voit que les parlements, aussi bien le Conseil municipal que le Grand Conseil, ont décidé de traiter en urgence et avec beaucoup de sérieux cette question de la sécurité et du trafic de drogue dans le quartier des Eaux-Vives et notamment dans le préau de l'école des Vollandes.
La Ville de Genève a répondu très rapidement et concrètement à cette pétition puisque le préau de l'école a été fermé dès 22h, peu après le dépôt de la pétition au Conseil municipal. Des travaux ont aussi été engagés rapidement par la Ville de Genève pour fermer concrètement cet espace.
Pour votre information, selon la cheffe de service responsable des écoles à la Ville de Genève, il semble que la situation s'est grandement améliorée du côté du préau des Vollandes. Lorsque nous avons finalement traité cette pétition à la commission des pétitions, une réponse concrète avait donc déjà été donnée aux pétitionnaires. Il faut savoir qu'en ville, d'autres préaux ont été fermés, notamment le préau de Montchoisy, à cause du bruit généré par des rassemblements de personnes dans ce préau. Le préau de l'école des Eaux-Vives posait également problème. Plus anciennement encore, la Ville de Genève avait déjà décidé de fermer le préau des écoles Ferdinand-Hodler, Necker et Saint-Gervais. Comme on le voit, des solutions concrètes ont pu être trouvées au cas pas cas pour ce type de problèmes.
En étudiant cette pétition et toute une série d'autres portant sensiblement sur la même thématique, la commission a décidé de recommander le dépôt sur le bureau du Grand Conseil pour la pétition de l'école des Vollandes puisqu'une solution concrète a été trouvée.
Toutefois, il nous semblait insuffisant d'en rester à une réponse concrète pour le préau des Vollandes, alors que toute une série d'autres pétitions sur les mêmes thématiques - 1550, 1565, 1597, 1612 et 1617 - nous avaient interpellés. C'est pourquoi la commission des pétitions a décidé d'un commun accord - à l'unanimité - d'écrire une motion que nous présentons ce soir et qui se trouve inscrite au même point de l'ordre du jour. Elle demande un certain nombre de choses au Conseil d'Etat, pour que nous puissions donner des réponses un peu plus concrètes à la population, lorsqu'elle nous interpelle à propos de ces questions de trafic de drogue, à propos des incivilités ou de l'insécurité dans les différents quartiers.
Cette motion, à propos de laquelle tous les partis vont évidemment s'exprimer ce soir, signifie vraiment la volonté de donner des réponses concrètes à la population, que ce soit en termes de statistiques, de prévention ou de répression. On voit d'ailleurs dans notre ordre du jour de ce soir qu'un certain nombre de motions, de résolutions et de projets de lois se rapportent à cette thématique-là. On voit notamment dans la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation 420-A de M. Gilbert Catelain qu'effectivement, même simplement au niveau statistique, il est relativement nouveau en Suisse de traiter de manière sérieuse cette question de la petite délinquance, de la petite criminalité et de tous ces faits qui nous préoccupent aujourd'hui dans les quartiers.
Nous espérons donc que le Conseil d'Etat va pouvoir nous donner sa position sur cette question. Nous espérons obtenir des données - je crois qu'elles sont en train de sortir, plusieurs points de l'ordre du jour les évoquent - afin de pouvoir rassurer la population, si c'est possible, mais aussi pour avoir des pistes concrètes pour que les citoyennes et les citoyens de Genève sachent que c'est une des préoccupations du Grand Conseil, que c'est une préoccupation du Conseil d'Etat et des autorités municipales. Il s'agit de faire en sorte que la vie soit agréable dans les quartiers et que l'on retrouve dans les différents quartiers de Genève, et notamment aux Eaux-Vives, qui sont particulièrement touchées, un quotidien un peu plus serein.
Mme Emilie Flamand (Ve). Comme l'a dit la rapporteure, la pétition 1597 fait partie d'une série d'objets assez similaires que la commission des pétitions a traités depuis le début de la législature. Suite à l'étude de ces différentes pétitions, les commissaires ont rédigé ensemble la motion 1759. Cette motion a été signée par tous, il est important de le souligner. Elle demande au Conseil d'Etat de faire rapport sur sa politique de lutte contre le trafic de drogue, notamment sur l'action de la «Task Force Drogue» et de proposer des nouvelles mesures pour répondre aux inquiétudes de la population.
Les habitants du quartier des Eaux-Vives, d'où proviennent trois des cinq pétitions qui sont citées dans les considérants de la motion, ressentent particulièrement l'augmentation, si ce n'est du trafic lui-même, du moins de la violence liée à ce trafic. Les auditions des différents pétitionnaires témoignent d'une tension palpable et croissante dans ces quartiers touchés par le problème du trafic de drogue. Les habitants craignent pour la sécurité de leurs enfants dans les préaux des écoles, comme c'est le cas de ceux qui ont signé la pétition de ce soir, mais ils s'inquiètent également de l'incitation à la consommation pour leurs enfants adolescents. Le fait d'avoir une scène ouverte de la drogue et toute la violence que cela peut impliquer est pour tous un facteur d'insécurité.
Pour la plupart des habitants, heureusement, ce sentiment d'insécurité reste un sentiment, mais nous pensons qu'il est bien réel et qu'il doit être pris en compte avant qu'il ne se transforme en insécurité avérée. Le fait que certains endroits, notamment les quais et la jetée du jet d'eau, soient infréquentables et deviennent des zones de non-droit à la tombée de la nuit est inacceptable. Alors que cette situation semble empirer et que les inquiétudes de la population se font donc de plus en plus nombreuses, nous pensons qu'il est de notre devoir de réagir. Bien sûr, les tendances partisanes et les convictions de chacun n'appellent pas les mêmes solutions, mais nous avons réussi à nous mettre d'accord sur cette motion qui demande avant tout un état des lieux et un éventail d'actions potentielles. Quand le Conseil d'Etat nous aura fourni ses réponses, nous aurons toutes les cartes en main pour mener un vrai débat politique et prendre les mesures qui s'imposent. Pour ces raisons, les Verts vous invitent à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat afin d'obtenir au plus vite les éléments de réponse qui permettront ensuite à ce parlement de faire des choix politiques.
Quelques mots sur la pétition 1597, qui demande en substance la fermeture du préau de l'école des Vollandes. Comme l'a dit la rapporteure, cette décision relève d'une compétence municipale. Vu que la fermeture du préau est aujourd'hui effective et semble avoir amélioré la situation, nous vous invitons à déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil pour information.
M. Eric Leyvraz (UDC). Suite à cette pétition, la commission des pétitions a signé la motion 1759 à l'unanimité, demandant au Conseil d'Etat de proposer rapidement des mesures répondant à l'inquiétude de la population concernant les problèmes de drogue.
Des pétitions arrivent de toutes les parties de la ville - Eaux-Vives, Pâquis, Grottes, Servette - des milliers de signatures en tout. Des citoyens excédés par le trafic de drogue qui se fait sous leur nez et reste impuni, alors que quand ils garent cinq minutes leur voiture devant leur magasin ils sont certains de recevoir une amende de 200 F ! Déprédations, menaces, agressions: les quais de la rive gauche sont infréquentables ! Quelle image pour Genève ! Mais mon Dieu, où allons-nous ?
Les limites du tolérable sont franchies, on apprend que les quais situés vers le jet d'eau appartiennent à de nouveaux dealers, marocains et tunisiens, souvent drogués et ultra-violents ! Onze agressions en une semaine ! Genève devient une plaque tournante de la drogue, contrôlée par des Albanais, parce que la répression est moins forte à Genève qu'en France voisine où existe la comparution immédiate des dealers pour des fortes peines de prison.
Quelle étrange société que la nôtre ! Nous aimons nos enfants, leur donnons la meilleure éducation possible, des cours de circulation routière pour les protéger des dangers du trafic, obligeons le port du casque pour les cyclistes, et organisons un contrôle paranoïaque des conducteurs de voitures. Pendant ce temps, nous laissons la maladie et la mort se vendre au coin de la rue: quelle logique ? Est-il normal que ce soit le citoyen qui ait peur et que le malfrat se sente tranquille, comme nous le disait une personne agressée sur les quais et envoyée à l'hôpital ?
La situation est grave, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est plus possible de minimiser les faits. Nous demandons donc la répression la plus forte contre ce trafic. La police nous rétorque qu'elle ne peut pas tout faire. Soit ! Mais alors, nous exigeons un sens des priorités, d'abord la lutte contre le crime et ensuite la lutte contre le mauvais parcage des voitures ! La «Task Force Drogue» de la police fait un superbe travail: elle doit être épaulée et soutenue. La loi n'est pas appliquée comme elle le pourrait.
Un vent mauvais souffle sur notre démocratie, car quand la loi du plus fort qui ne respecte rien s'installe, où est la démocratie ? Qu'en est-il de la valeur de nos institutions ? A quoi servons-nous si les lois que nous promulguons ne sont pas appliquées ? En 1748, dans «l'Esprit des Lois» (Livre XI, chapitre VI), Montesquieu écrit que «La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu'un citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.» C'est vraiment d'actualité !
Par leur pétition, les Genevois nous disent clairement qu'ils n'en peuvent plus de la situation actuelle. Nous disons aussi: ça suffit ! Déclarons la guerre à ces trafiquants de drogue ! La peur doit changer de camp ! Débarrassons nos rues de cette honte ! Que l'Etat remplisse le rôle fondamental qui est l'essence même de son existence: garantir la sécurité de ces citoyens !
Le Maroc et la Tunisie refusent de reprendre leurs délinquants, sous prétexte qu'ils n'ont pas de papiers. Les Suisses aiment ces deux pays magnifiques - deux grandes destinations touristiques - et y laissent beaucoup d'argent. Notre gouvernement central a certainement des arguments pour se faire comprendre. Nous n'avons plus de problèmes avec le Nigeria et la Géorgie, depuis les accords conclus sur le renvoi de leurs ressortissants sous mandat d'expulsion.
Le groupe UDC annonce qu'il rencontrera le conseiller fédéral Blocher dans douze jours; il lui parlera du sujet et il prépare pour la rentrée une résolution adressée au Conseil fédéral, l'invitant à durcir la loi sur les stupéfiants, à condamner plus sévèrement les trafiquants et à les expulser. Nous espérons que vous soutiendrez cette résolution.
En attendant, le groupe UDC accepte donc avec la plus grande détermination le renvoi de la pétition 1597 et de la motion 1759 au Conseil d'Etat.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La pétition ne sera pas renvoyée au Conseil d'Etat, mais la motion oui. La parole est Mme la députée Fabienne Gautier.
Mme Fabienne Gautier (L). Dans ses considérants, la motion 1759 parle de sentiment croissant d'insécurité. Ce n'est pas un sentiment d'insécurité, mais bien l'insécurité qui règne dans différents quartiers de la ville et plus particulièrement aux Eaux-Vives ! Le trafic de drogue a singulièrement augmenté à Genève, ces quatre dernières années. Les actes de violence liés à ce trafic ont passé de 10 en 2003 à 150 en 2006. De nouveaux marchés se sont développés, notamment dans le quartier des Eaux-Vives, comme je viens de le dire. La situation est également devenue préoccupante dans le quartier de la Servette. D'ailleurs, notre assemblée de céans a renvoyé au Conseil d'Etat il y a peu la pétition 1617 qui concerne la sécurité dans le quartier de la Servette.
Cette augmentation du trafic de drogue entraîne dans son sillage de nombreux actes de vandalisme et de violence ainsi que des déprédations en tous genres auxquels des pétitions ont récemment fait écho. L'insécurité est devenue par endroits difficilement supportable pour les habitants. Pour les enfants, comme nous l'avons vu, naturellement aussi pour les commerçants, mais également pour les touristes qui se promènent sur nos quais, dans nos parcs ou dans nos jardins. J'en veux pour preuve un chiffre qui nous a été donné pas plus tard que cette semaine par M. Cartier de la «Task Force Drogue». Récemment, il y a eu onze agressions en une semaine, dont sept sur des touristes se promenant au Jardin anglais et sur le quai marchand des Eaux-Vives !
J'en profite ici pour saluer le travail accompli par la police, mais surtout par la «Task Force drogue», qui déploie une énergie remarquable pour endiguer ces problèmes. Le renvoi de ces personnes dénuées de statut dans leur pays est pratiquement impossible, car Berne n'a pas encore pu passer des accords de réadmission avec certains pays du Maghreb. Fait encore défaut à Genève un règlement cantonal d'application de la loi fédérale sur les mesures de contraintes, alors que tous les autres cantons suisses en ont un.
Pour des questions de cohérence et d'égalité de traitement avec la pétition 1617 que notre Grand Conseil a récemment renvoyée au Conseil d'Etat, le groupe libéral demande le renvoi au Conseil d'Etat de la pétition 1597. Il demande également le renvoi de la motion 1759 au Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous vous engageons à faire de même.
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). La sécurité est une priorité dans la vie; se sentir en sécurité dans son environnement est un droit pour chacun. Je ne vais pas répéter ce que mes préopinants ont très bien dit, sur le fait que la population est de plus en plus inquiète. Il est vrai que, par moments, ce n'est plus seulement un sentiment d'insécurité, mais de l'insécurité réelle. Il faut donc absolument entreprendre quelque chose rapidement et il faut commencer par un état des lieux des mesures actuelles, afin de savoir ce que l'on pourrait faire de plus.
La commission des pétitions s'est mise d'accord à l'unanimité pour faire cette motion et la renvoyer au Conseil d'Etat. Donc, malgré le fait que cela ne va pas tout de suite résoudre le problème, il est important de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat aujourd'hui.
Par contre, concernant la pétition, le groupe démocrate-chrétien demande son dépôt sur le bureau du Grand Conseil non seulement parce que toutes les invites ont été réalisées mais surtout parce que cette pétition relève de la compétence communale et non cantonale. Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil et de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). En complément des propos de Mme Keller Lopez, j'aimerais revenir en particulier sur la motion 1759. Cette motion, nous l'avons voulue, nous commissaires socialistes de la commission des pétitions, comme un arrêt sur image en termes de sécurité dans le domaine des drogues ainsi que pour connaître les perspectives et les propositions d'action du département des institutions et de la police. Nous avons déjà une partie de cette réponse ce soir au point 36 de l'ordre du jour à travers la réponse à la motion 1707.
Nous verrons qu'il y a un réel questionnement sur la sécurité, en particulier dans un quartier de Genève. Le département des institutions en est pleinement conscient et est en train d'y travailler.
Je suis convaincue que, si à un moment un projet de loi est nécessaire pour résoudre ce problème, il ne manquera pas de nous le présenter. Au lieu de dénigrer et de mettre en doute le travail de la police, nous devons vraiment réaffirmer sa place et encourager sa formation et ses actions dans ce domaine. Toutefois, toutes les pétitions que nous avons vues, à part une qui concerne ce quartier où il y a effectivement des problèmes de sécurité, parlent beaucoup d'insécurité. Par rapport à cela, j'aimerais amener trois éléments de réflexion et de positionnement plus politique sur le moyen et le long terme. D'abord, il y a le fameux sentiment d'insécurité, qui est un phénomène récurrent de notre temps. Il ne peut pas être résolu uniquement par le côté policier. Un rapport d'étude sur ce sentiment d'insécurité - primé par la Fondation Roi Baudouin de Belgique l'année dernière - stipule qu'il est important, voire primordial de travailler au niveau local en impliquant les gens eux-mêmes. D'autres organismes et groupes de réflexion, pas seulement associatifs, pensent la même chose et estiment que l'insécurité est avant tout une perception collective qui dépasse très souvent largement les risques réels auxquels les individus sont exposés. L'insécurité, c'est un sentiment diffus de violence lié au stress du monde urbain, au bruit, à d'autres dangers, comme la circulation, à la crainte de ne plus pouvoir assurer une vie décente à sa famille, à la peur du lendemain. Pour le citoyen non consommateur de drogue, l'insécurité liée directement à des situations de deals existe certainement et nous n'avons malheureusement pas de chiffres à ce sujet. Par contre, une insécurité diffuse découle de ces scènes de deal et de consommation qui heurtent et blessent profondément les gens dans leurs valeurs fondamentales telles que le respect de la vie, ou la certitude de vivre dans une société sans risque. Face à cela, il est vrai qu'on a effectivement un problème de sécurité dans un quartier, mais il y a aussi une polarisation par rapport aux dealers... J'aimerais bien connaître la couleur de peau de celui qui ramasse l'argent en fin de ligne de cet énorme trafic !
Une autre piste de réflexion que je vous amène ce soir, c'est de dire que sans consommateurs, il n'y a plus de drogue et sans drogues illégales, il n'y a pas besoin de deal. En termes politiques, que vous le vouliez ou non, nous ne pourrons pas faire l'économie à terme d'un débat large sur la place économique du marché lié à l'illégalité de la drogue. Nous devrons tôt ou tard rouvrir la réflexion sur la dépénalisation de ce marché pour arriver à le contrôler.
Une voix. Bravo !
La présidente. Il va falloir conclure, Madame la députée.
Mme Lydia Schneider Hausser. J'ai encore trois phrases. Troisième point, tant que la consommation de drogue illégale touchait une élite de la population, l'image qui y était associée était quasiment positive. Il est vrai que la démocratisation amène une problématisation de cela. Alors, il faut aussi commencer à travailler sur le diagnostic qui pousse les gens à devenir consommateurs: le sentiment d'inutilité, la précarité, la non-reconnaissance de leur existence. Mesdames et Messieurs, quelles que soient les solutions qui seront apportées dans le futur, j'aimerais - nous aimerions - que ce soient des solutions qui respectent les droits de l'homme. L'insécurité ne sera vaincue que par la sérénité, qu'on le veuille ou non. (Applaudissements.)
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Quel enthousiasme ! Je soutiens bien évidemment ces deux motions. Il est temps de répondre aux attentes des citoyens qui craignent pour leur sécurité. Effectivement, des efforts ont été faits, notamment à Cornavin. Malheureusement, les dealers se sont déplacés un peu plus loin. Je lis dans la motion 1597 la réponse simple: c'est au niveau de la justice que cela ne fonctionne pas. Ce qui n'est franchement pas faux du tout. La police fait son travail, elle arrête les dealers, malheureusement pour elle, quelques heures plus tard, elle les retrouve dans la même rue, au même endroit. La police se plaint souvent de ne pas être soutenue par nous, par le pouvoir judiciaire. A l'époque, un gendarme était félicité pour son esprit d'initiative personnelle: aujourd'hui, il est sanctionné. Il n'a plus le droit à l'initiative, d'où une baisse de motivation. Quand il voit les dealers, il les laisse passer tout droit. La lacune est simple, il suffit simplement de remédier au faible nombre de juges engagés. Nous savons depuis fort longtemps que le nombre de juges est insuffisant. Il faut trouver les mesures adéquates, intelligentes et fermes pour bannir la circulation de la drogue de nos rues.
Quand je vois qu'il y a des abris de la protection civile dans nos écoles et que nos enfants sont entourés de SDF et de drogués, cela ne me rassure absolument pas. (L'oratrice est interpellée.) C'est ce que je lis dans la pétition, Madame ! Quant au groupe qui s'est créé il n'y a pas longtemps, celui des propriétaires de bateaux, c'est un groupe qui risque de devenir un petit peu plus agressif, étant donné les dégâts perpétuels que provoquent les dealers. On les arrête, ils déposent plainte, le jour même les propriétaires les retrouvent à l'intérieur de leurs bateaux et je ne vous explique pas dans quel état on retrouve le bateau. S'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, renvoyez ces pétitions et faites en sorte que cela cesse, il en va de l'avenir de notre jeunesse. Occupons-nous de nos jeunes, arrêtons ce trafic de drogue, s'il vous plaît !
La présidente. Je salue la présence à la tribune du conseiller national John Dupraz. (Applaudissements.) La parole est à M. le député Frédéric Hohl.
M. Frédéric Hohl (R). Nous n'allons pas revenir sur le rapport de Mme Keller Lopez concernant la rue des Vollandes, qui était excellent. Le groupe radical soutient bien évidemment le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Pour la motion, c'est une première dans cette législature, puisque la commission des pétitions a unanimement rédigé et signé cette motion. C'est vous dire que, tous groupes politiques confondus, nous avons tous été sensibles à différents rapports et pétitions qui traitaient du sentiment d'insécurité, lié ou non au trafic de drogue. Unanimement, nous nous rendons compte que l'on ne parle plus tellement d'un sentiment d'insécurité, mais bien d'insécurité réelle. Nous avons même eu une pétition qui traitait d'agressions sévères.
Comme cela a été répété tout à l'heure, la première semaine de juin, il y a eu onze agressions, dont certaines graves, sur le quai marchand des Eaux-Vives. C'est quand même un petit peu beaucoup. J'ai beaucoup de respect pour les experts, mais nous ne souhaitons pas recevoir des experts qui vont analyser les chiffres et nous dire que c'était mieux ou moins bien l'année passée. Ce que nous souhaitons, somme toute, c'est que le Conseil d'Etat mène plus d'actions concrètes sur le terrain pour rendre la vie difficile, voire impossible aux agresseurs et aux vendeurs de drogue. Voilà ce que nous demandons, Mesdames et Messieurs, avec le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Evidemment que tout ce qui va pouvoir améliorer la sécurité de nos concitoyens devra être entrepris par ce Grand Conseil, mais je suis quand même surpris par les propos de certains groupes parlementaires, notamment ceux de nos amis les PDC. Parce que comme girouettes, on fait pas mieux ! Je reprends vos propos: le PDC demande un état des lieux des problèmes de trafic de drogue. J'aimerais vous rappeler que le 5 janvier 2006, le groupe Mouvement Citoyens Genevois a déposé une motion pour la création d'une commission d'enquête parlementaire pour cibler les problèmes de trafic de drogue et de délinquance à Genève. Vous nous avez rabroués en nous disant que nous enfoncions des portes ouvertes et que ça ne servait à rien.
Eh bien, voilà, il faut attendre que la population se réveille et se rebiffe pour qu'enfin vous preniez conscience qu'il n'y a pas à Genève juste un sentiment d'insécurité mais une réelle insécurité ! Aujourd'hui, je ne peux que me réjouir de l'unanimité qu'il y a dans ce parlement pour prendre à corps les problèmes qui concernent la sécurité des résidents genevois et de leurs enfants.
Il faut quand même dire qu'aujourd'hui, chaque fois qu'elle agit, notre police est constamment critiquée. Il faut que cela cesse, Mesdames et Messieurs les députés, parce qu'il faut savoir ce que l'on veut. Est-ce que l'on veut une république où la sécurité règne, où il fait bon vivre, ou est-ce qu'on veut une république où - excusez-moi - on cache la merde au chat... (Protestations.)
La présidente. Monsieur, le député !
M. Eric Stauffer. Ecoutez, ce n'est pas vulgaire, Madame la présidente ! C'est du franc-parler ! J'en veux pour preuve que le département des institutions reçoit systématiquement des rapports de l'excellent travail qui est fait par la «Task Force Drogue». Je vous le dis, j'ai passé une nuit entière avec ces policiers hors pair sur le terrain pour voir comment cela se passait. Il y a une quinzaine de bars à Genève qui sont des repères de dealers de drogue. Eh bien, aujourd'hui, ces bars ne sont pas fermés ! Pourquoi ? Parce qu'il y a eu une scission dans les départements et aujourd'hui, les bars sont du ressort du dicastère de notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger. Ces bars doivent être fermés ! Parce que ce sont des repères de dealers de drogue et ils sont connus des services de police. Il y a des rapports hauts comme ça, parce qu'il y a des arrestations toutes les semaines et c'est comme ça qu'il faut faire pour endiguer les problèmes de trafic de drogue !
J'en terminerai en disant que les inspecteurs dont dispose la «Task force Drogue» sont en nombre insuffisant. Bien des soirs de grande activité de trafic de drogue, les inspecteurs en arrivent à devoir écrire des rapports d'arrestations pour des gens qui sont dehors dans les trois jours et de nouveau en train de dealer de la drogue. Eh bien, il faut augmenter les effectifs de police et il faut augmenter les effectifs du pouvoir judiciaire ! C'est une nécessité, aujourd'hui, à Genève. Il faut agrandir la prison, parce que c'est une prison qui date des années 1970 ! Le système judiciaire et policier n'est plus adapté à la vie actuelle de Genève. Vous en avez pris conscience et le MCG ne peut que s'en féliciter !
La présidente. Monsieur le député Gilbert Catelain, le temps de parole pour votre groupe est écoulé. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille très favorablement la motion que vous vous apprêtez à lui renvoyer parce qu'il la comprend comme un soutien à l'action qu'il mène pour la sécurité à Genève.
Par un hasard du calendrier, la conférence de presse sur les activités de la police en 2006 et les données statistiques concernant cette activité se tenait ce matin-même. Je vous invite à prendre connaissance de ces chiffres, vous constaterez notamment de très importantes saisies de drogues, qui doivent nous inquiéter parce qu'elles donnent une indication de la quantité de drogue qui circule dans nos rues. En même temps, l'importance des quantités saisies doit aussi nous rassurer, car ces saisies démontrent l'efficacité de la police genevoise.
Pour mener une politique de sécurité, il n'y a pas de baguette magique, il faut le dire tout net. Il n'y a pas une et une seule méthode, il faut tout à la fois prévenir, dissuader et réprimer. En ce qui concerne la prévention, il faut bien entendu lutter contre l'exclusion, notamment contre l'absence de formation professionnelle qui entraîne un certain nombre de jeunes vers l'exclusion et vers la délinquance.
Il faut bien entendu aussi lutter pour le renforcement du lien social comme le font d'ailleurs remarquablement bien de nombreuses communes genevoises, car c'est de la dissolution du lien social que viennent l'irrespect et finalement la délinquance et les agressions.
Il faut aussi rapprocher la police genevoise de la population et c'est ce que font les îlotiers. C'est ce que préconise le projet Proxipol: le rapprochement de la police avec la population. Il faut que le respect que la police manifeste à l'égard de la population soit partagé. Certains l'ont dit, il convient que l'action de la police soit davantage respectée par la population.
Il faut aussi prévenir la toxicomanie, Mesdames et Messieurs les députés, parce que c'est un des facteurs aggravant la délinquance. Et puis, s'il n'y avait pas de toxicomanes, il n'y aurait pas de dealers, dès lors que ceux-ci viennent chez nous parce qu'il y a des toxicomanes qui ont les moyens d'acheter leurs produits. Par conséquent, si les dealers viennent souvent de l'extérieur - et j'y reviendrai - il se trouve en revanche que la population de toxicomanes, c'est la nôtre. Et c'est elle que nous devons prévenir de ce fléau et réussir à en sortir, le cas échéant.
En deuxième lieu, il y a les mesures de dissuasion, les mesures de sécurité. Parmi les principales, la présence visible dans la rue de la gendarmerie, de la police de sécurité internationale aussi - en réalité de toute la police en uniforme. C'est ce que nous nous efforçons de faire.
Il y a encore des mesures qui sont très éloignées de cela, néanmoins d'une grande utilité, comme le renforcement de l'éclairage public. On a pu observer dans un certain nombre d'endroits qu'un éclairage public fort le soir était manifestement dissuasif car le trafic n'a lieu que dans des endroits obscurs, pour des raisons de confidentialité évidente.
Une des mesures est aussi l'amélioration de la réponse policière à ce genre de délinquance et nous y travaillons en réorganisant les corps de police en uniforme: la police de sécurité internationale et la gendarmerie. Il y a, de même, le projet de loi sur la vidéosurveillance auquel vous voudrez bien réserver bon accueil et encore le projet Polycom, auquel votre commission des finances a réservé bon accueil hier soir. Il y a de même l'accroissement de certaines compétences - une meilleure organisation entre les ASM et la police genevoise. J'ai d'ailleurs rendez-vous tout prochainement à ce sujet avec M. Pierre Maudet.
Il faut aussi, Mesdames et Messieurs les députés, améliorer la coopération policière en Suisse, parce que je vous rappelle que le crime organisé est actuellement du ressort de la Confédération et, malheureusement, peu de choses se font au niveau fédéral. Monsieur Leyvraz, je me réjouis que vous rencontriez prochainement le conseiller fédéral Blocher. Ayez la bonté de lui souffler deux mots à ce propos ! La législation actuelle donne à la Confédération le pouvoir et l'obligation de lutter contre le crime organisé et je pense qu'il y a là une vraie réponse à donner.
Il faut enfin améliorer la coopération transfrontalière. Vous aurez toutefois pu vous rendre compte, par l'opération de la nuit dernière, qu'elle fonctionne déjà fort bien, puisque nous avons mené une opération conjointe des forces de sécurité suisses et françaises.
En troisième lieu, il y a évidemment la répression, et notamment l'action répressive de la police, qui est exercée, je vous le rappelle - et en particulier dans le quartier des Eaux-Vives puisque c'est le détonateur de votre action - par la «Task Force Drogue» qui fait un travail remarquable sur le terrain, et par la brigade des stupéfiants qui a la charge de remonter les enquêtes un peu plus haut dans cette pyramide du crime. La gendarmerie est également présente sur le terrain, avec en l'occurrence le poste de police de Rive.
Certains l'ont dit: le travail de la police est apprécié à sa juste valeur et vous avez raison de lui rendre hommage. Au-delà de ça, la détermination de la politique criminelle est essentiellement du ressort du Procureur général et je ne m'aventurerai pas sur le terrain glissant de ses priorités personnelles.
Le point noir, c'est effectivement la présence de dealers - assez peu d'individus, ils sont 150, selon les estimations de la «Task Force Drogue» - que nous ne pouvons pas expulser, non pas parce que nous ne le voulons pas, mais parce qu'aucun avion ne peut embarquer à son bord quelqu'un qui n'a pas un titre de voyage qui lui permette de descendre à l'arrivée. Là aussi, il est exact que c'est de la compétence de la Confédération de régler ces questions de réadmissions. Je me retourne vers vous, Monsieur le député Leyvraz: obtenez de la Confédération qu'elle nous aide ! Nous obtenons de temps en temps des succès, parce qu'un consul bien disposé d'un des pays concernés délivre quelques papiers plus facilement qu'un autre, mais, quand il part, le consul suivant ne veut plus rien savoir et cela a pour conséquence que plus personne de cette nationalité ne peut être expulsé. C'est la réalité ! Soyez assurés de la volonté du Conseil d'Etat de ne pas accepter que des personnes délinquantes restent ici, si elles ont été renvoyées et qu'elles n'ont rien à faire chez nous ! Nous n'avons simplement pas les moyens juridiques de les faire passer de l'autre côté de la frontière.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, très brièvement présentés, les axes principaux de ce qu'il convient de faire en matière de sécurité. Pour terminer sur une note plus optimiste, je vous rappelle que les internationaux, les expatriés, les fonctionnaires internationaux ou ceux qui viennent travailler dans des multinationales installées à Genève relèvent souvent que la qualité de la sécurité à Genève est l'une des raisons pour lesquelles notre cité a été choisie par leurs employeurs.
Je dois encore ajouter une chose, parce qu'il est normal et juste que je prenne la défense de mon excellent collègue Pierre-François Unger. Il y a eu quelques difficultés de fonctionnement entre les rapports de police mettant en évidence des commerces qui abritaient du trafic de stupéfiants et les mesures de répression contre lesdits commerces, pouvant aller jusqu'à la fermeture. Je puis vous assurer que nous avons maintenant mis au point les transmissions d'information et l'amélioration est nette. Je n'irai pas jusqu'à prétendre que c'est parfait, mais c'est notablement meilleur.
Mesdames et Messieurs les députés, vous recevrez par écrit une réponse plus détaillée. Merci de soutenir l'action du Conseil d'Etat et celle de la police ! (Applaudissements.)
La présidente. Je vais d'abord vous faire voter le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. S'il ne devait pas être accepté, je reprendrai la proposition du groupe libéral, qui est le renvoi au Conseil d'Etat. Nous votons donc d'abord le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1597 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 63 oui contre 20 non.
Mise aux voix, la motion 1759 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 84 oui (unanimité des votants).