République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mai 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 8e session - 40e séance
P 1577-A et objet(s) lié(s)
Débat
M. Michel Forni (PDC), rapporteur. Je voudrais rappeler deux éléments. Le premier texte, rapport de la commission de la santé, découle d'une pétition qui émane de quatre syndicats. Plus de 1000 membres des commissions de la santé qui travaillent sur le terrain tous les jours ont signé cette pétition.
Cette pétition comporte deux requêtes. La première est une revalorisation du statut des aides-soignants et la deuxième est un plaidoyer en faveur d'une formation professionnelle. Cette pétition veut introduire des mécanismes pour soutenir ces deux éléments, elle traite donc de la formation, de l'emploi et, surtout, de la validation des titres.
Il faut savoir que parmi les 3000 aides-soignants qui travaillent dans les établissements publics et privés de Genève, 1500 sont malheureusement des aides-soignants non qualifiés. C'est là un des problèmes essentiels qui est traité par cette pétition. Il faut faire en sorte que les problèmes générés par ce manque de qualification soient rapidement résolus.
D'autre part, il faut signaler l'apparition et le développement d'un titre intermédiaire, d'«assistant en soins et en santé communautaire», qui intervient entre le titre d'infirmière et le titre d'aide-soignant. On attend une ordonnance fédérale qui devrait légaliser ce statut.
Il faut aussi signaler une intrication avec des mécanismes de transformation des CAS - les centres d'action sociale - qui sont actuellement en restructuration. Et il y a peut-être aussi un oubli de certains pétitionnaires concernant des moyens de recours en termes de politique salariale.
C'est la raison pour laquelle la commission de la santé recommande de donner la priorité à l'aspect de la formation professionnelle et insiste pour que les centres de formation qui existent à Genève soient reconduits et poursuivent leur mission. Elle insiste aussi sur la nécessité de former un nombre suffisant d'aides-soignants pour couvrir les besoins privés et publics et sur la nécessité d'encourager les dispositifs de formation supplémentaire et complémentaire qui doivent, par des systèmes de passerelles, aboutir à des CFC. Cela contribuera à la formation continue et permettra d'optimiser la relève de ces aides-soignants.
C'est la raison pour laquelle la commission de la santé vous propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et de voter le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.
M. Alain Charbonnier (S). Le rapporteur vient de dire que la commission de la santé recommande de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil, mais ce n'est pas tout à fait exact. Ce n'est que la majorité de la commission de la santé qui fait cette recommandation: sans le parti socialiste, sans les Verts et le MCG qui se sont opposés en commission au classement de cette pétition.
Il s'agit donc d'une pétition à deux volets, comme l'a expliqué le rapporteur, un volet sur la revalorisation des salaires et un autre sur la formation.
Les aides-soignants sont des personnes qui travaillent en bas de l'échelle des soins, que ce soit aux HUG, en EMS ou à la Fondation des soins et aide à domicile. Ils sont en classe 5 de l'échelle des traitements de l'Etat de Genève et leurs salaires sont vraiment bas. Ils font un travail essentiel. D'ailleurs il n'y a pas si longtemps, M. le conseiller d'Etat Unger, en charge du département de la santé, nous disait à quel point, en tant qu'ancien professeur des urgences, il plaçait toute sa confiance en ces personnes lorsqu'il avait une question à poser sur la marche du service. Il disait s'adresser aux aides-soignants avant la hiérarchie - donc au-dessus - parce qu'il pensait que ces personnes étaient les plus proches des patients et le mieux au courant de ce qui se passait dans les services.
Les aides-soignants sont donc d'une importance primordiale, mais leurs difficultés de travail ont augmenté. Par exemple, le souci d'économies aux HUG fait que les gens y sont soignés beaucoup moins longtemps - on les renvoie rapidement à la maison - et c'est pourquoi la majorité des patients, qui sont des personnes venant d'arriver, demandent beaucoup de soins et que, du coup, le travail des aides-soignants augmente... Au sein des EMS, on sait aussi ce qu'il se passe... D'ailleurs, la population vient de voter en faveur d'une initiative pour accorder davantage de moyens au personnel soignant parce qu'on a bien constaté que les économies ont entraîné une situation limite des soins aux personnes âgées.
Tous ces éléments font donc que la profession d'aide-soignant a vraiment besoin d'être valorisée. Or il se trouve que, précisément, les aides-soignants non qualifiés - puisque c'est d'eux qu'il s'agit dans cette pétition - sont les premiers à se retrouver au chômage: les importantes mesures d'économie demandées aux EMS ont fait que les premiers licenciés étaient des aides-soignants non qualifiés, lesquels ont été petit à petit remplacés par des aides-soignants qualifiés, mais introuvables sur le marché genevois puisque leur formation a été suspendue pendant quelque temps et qu'elle peine à reprendre. Et aujourd'hui, les aides-soignants qualifiés doivent être cherchés loin à la ronde par les nouveaux EMS ou par les HUG ! Il nous paraît donc clair qu'il faut valoriser davantage cette profession, entre autres par la hausse du revenu.
Normalement, aux alentours de 2011, une attestation fédérale attribuera une qualification aux aides-soignants non qualifiés. Dans l'intervalle, l'Etat de Genève assurait la prise en charge de cette formation, qui a malheureusement été suspendue. La FEGEMS - pour les autres employeurs - sous l'égide d'un groupe de travail, a pu trouver un financement grâce au Fonds pour la formation et le perfectionnement professionnel - dont M. Barrillier est très proche - et grâce auquel, entre autres, la formation d'aide-soignant a pu subsister.
Au moins de juin de cette année, soit dans quelques jours, une nouvelle formation devrait démarrer, mais il manque encore une somme - que le DES a promise et dont on n'a malheureusement pas encore vu la couleur ou, en tout cas, pour laquelle on n'a pas reçu les garanties par écrit.
Quant à la suite, c'est-à-dire 2008-2009, 2009-2010, 2010-2011, on n'a toujours pas la certitude que le financement sera assuré par l'Etat de Genève, ce qui est réellement préjudiciable pour les aides-soignants non qualifiés et pour le marché du travail genevois en général.
Par cette motion, nous demandons donc que cette formation soit garantie. Je tiens à préciser encore qu'il n'y a qu'un seul lieu de formation à Genève pour les aides-soignants non qualifiés, soit le CEFOPS, avec un financement assuré par les employeurs réunis que sont les HUG, l'INSOS - prochainement - et la FEGEMS.
Nous sommes donc pour le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat et pour le vote de la motion.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Le métier d'aide-soignant n'est pas forcément aussi simple qu'on le pense et il est indispensable au bon fonctionnement des EMS et des hôpitaux. Parce qu'il est si indispensable, les hôpitaux en particulier n'engagent actuellement que des aides-hospitaliers formés. (Brouhaha.) Se pose donc la question de la formation des aides-soignants qui travaillent depuis années dans les EMS et qui n'ont pas pu, pour des raisons X ou Y, bénéficier d'une formation.
Cette formation est actuellement mise entre parenthèses, comme il vous l'a été expliqué. (Brouhaha.) Cette pétition a donc tout son sens et, plutôt que de la déposer sur le bureau du Grand Conseil, nous proposons, comme les socialistes, de la renvoyer au Conseil d'Etat, et avec la motion 1735 qui demande une formation pour les aides-soignants, tout de suite et sans délai.
M. Claude Aubert (L). Je remercie mes préopinants d'avoir laissé au problème toute sa complexité. Il m'est difficile d'ajouter des notions, étant donné que, pour faire son rapport, notre rapporteur a laissé toute sa science. Par conséquent, je laisserai là le débat.
Les libéraux soutiennent le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil et l'adoption de la motion. Vous l'avez compris, c'est un sujet tellement vaste et compliqué que l'on ne peut pas le résumer en quelques mots.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC soutiendra le renvoi en commission de cette motion.
On a parlé de la classe 5 pour les aides-soignants... En classe 5, ce ne sont pas des working-poors, comme voudrait nous le faire croire le parti socialiste. Bon nombre de collaboratrices et de collaborateurs de l'économie privée aimeraient avoir un salaire en classe 5, puisque d'après la loi B 5 15 sur le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers, la classe 5 en position 15 représente quand même 65 800 F annuels... (Commentaires.) Soit 5 000 F par mois. Et vous savez très bien, Monsieur Brunier, que vous n'allez pas rester une éternité en classe 1... Vous savez aussi très bien quels sont les mécanismes de la fonction publique. C'est donc un maximum de 65 000 F pour une fonction peu qualifiée; et à cela s'ajoutent l'indemnité de vie chère et les indemnités d'heures de nuit et du dimanche, ce qui fait un salaire tout à fait convenable.
M. Forni décrit très bien dans son rapport le risque d'embaucher des frontaliers et je suis persuadé que, à ces tarifs, «il n'y pas photo», comme on dit. Une infirmière frontalière a meilleur temps de venir travailler comme aide-soignante à l'Hôpital cantonal que d'être infirmière à l'Hôpital de Saint-Julien. Et nous, nous avons tout intérêt, dans ce canton, à favoriser la remise sur le marché de chômeurs ou de chômeuses en leur offrant une formation - même si elle est lourde - puisqu'on en a besoin.
Je vous invite donc à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Je m'étonne d'ailleurs que le MCG ne soit pas encore venu s'exprimer sur cet objet.
La présidente. Je passe la parole à M. Christian Brunier. Il lui reste une minute.
M. Christian Brunier (S). Je trouve assez lamentable que, sur un tel objet, nous n'ayons que quatre minutes pour aborder deux sujets d'importance. On parle rarement du personnel qui s'occupe de l'humanisation des soins aux HUG et je pense que cela mérite mieux que cela ! C'est une remarque sur le règlement du parlement. Cela pose vraiment un problème, autant les gens discutaient auparavant, pour ne rien dire, autant aujourd'hui on n'a plus le temps de débattre.
Bref, je vais utiliser cette minute pour dire que, chaque fois que l'on aborde la problématique des petits salaires ou des gens qui ont des gros problèmes sociaux, il y a toujours des personnes ayant une bonne situation qui nous expliquent que l'on vit très bien à Genève avec un petit salaire ! Alors, je souhaiterais seulement un peu de décence dans ce parlement. Quand on gagne bien sa vie,... (Commentaires.) ...c'est très facile d'aller expliquer à des gens qui ont des petits salaires et qui font des métiers excessivement difficiles qu'il est très facile de vivre avec leurs salaires !
Deuxième chose... (L'orateur est interpellé. Brouhaha.) Monsieur Catelain, s'il vous plaît, je n'ai qu'une minute, si vous pouviez m'écouter... Deuxième chose: il y a un problème d'équité au sein même des petites fonctions de l'hôpital. En effet, les aides-soignants sans formation gagnent moins que les gens sans formation qui font du nettoyage. Il y a des iniquités à l'intérieur des HUG et nous avons déjà demandé que cette pétition soit adressée au Conseil d'Etat pour régler ces problèmes entre fonctions dans le même établissement. C'est la moindre des choses.
Et c'est pour cela que nous recommandons le renvoi de cette pétition - signée par plus de 1000 personnes ! - au Conseil d'Etat.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous le savez, le Mouvement Citoyens Genevois que j'ai l'honneur de représenter s'est battu et continuera à se battre pour améliorer la formation dans cette catégorie de professions.
Lorsque nous avons traité ce sujet en commission, nous avons constaté qu'il y avait 280 aides-soignants au bénéfice des allocations chômage. Alors, Mesdames et Messieurs, puisqu'on sait que l'on a un déficit d'aides-soignants et d'infirmières, il faut mettre ces personnes à niveau ! C'est aussi notre responsabilité - de même que la responsabilité de ceux qui nous ont précédés - de ne pas avoir anticipé la formation, avec pour corollaire le fait que les professions de la santé sont allées chercher ces aides-soignants diplômés sur le marché français. Evidemment, je préfère revaloriser les aides-soignants - et résidents - genevois, et les payer davantage ! Pour le simple motif, qui découle du bon sens, que l'argent qu'ils gagneront, ils le dépenseront ici ! Et là, il en va de notre responsabilité à tous, Mesdames et Messieurs les députés.
Nous ne voulons pas fustiger les frontaliers, puisqu'on sait que Genève en a besoin d'un certain nombre... (Exclamations.) Mais l'exagération qui en est faite... II faut que vous sachiez que plus d'un milliard de francs qui est payé, par mois, pour les travailleurs frontaliers est dépensé dans les régions de France voisine ! Alors, je vous pose la question encore une fois: ne vaut-il pas mieux augmenter ces petits salaires genevois ? Ne vaut-il pas mieux former ces personnes et qu'elles obtiennent les diplômes nécessaires pour gagner dignement leur salaire, plutôt que de les fustiger et dire : «Oui, mais on a la facilité d'aller les chercher ailleurs» ?!
Nous sommes députés de la République et canton de Genève, et nous, groupe MCG, entendons défendre tous les résidents genevois, d'où qu'ils viennent, qu'ils soient suisses, étrangers, européens, asiatiques ou américains: la résidence est notre critère de protection.
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Très rapidement, je tiens à vous dire que le sujet est effectivement d'importance, dans la mesure où il touche à la fois à la qualité des soins, à la qualité des conditions de travail et, bien entendu, à la qualité de la formation des personnes directement concernées.
Considérant cette importance pour Genève, et à partir du moment où nous avons un centre hospitalier qui recourt très largement aux services de ces personnes, il est important de noter que la formation d'aide-soignant s'arrêtera, du point de vue de sa reconnaissance, en 2011. Nous sommes en train de prévoir jusqu'à 2011 le financement de ces formations faisant l'objet d'une attestation cantonale et qui vont permettre, dans le sillage, d'épouser la nouvelle formation directement mise sur pied et reconnue par la nouvelle loi sur la formation professionnelle. (Brouhaha.)
Mesdames et Messieurs les députés, sachez que jusqu'à maintenant ce sont essentiellement les HUG qui prennent en charge la formation, notamment à travers le FFPP - Fonds pour l'amélioration de la formation et du perfectionnement professionnel. C'est un élément important du dispositif et le DIP continuera à former des personnes, bien entendu dans l'optique où la qualité de la formation renforce leur parcours et améliore leur statut. (Brouhaha. La présidente sonne la cloche.)
Le Conseil d'Etat s'empressera de faire bon accueil à cette motion qui touche un point essentiel. Les départements concernés - le département de l'économie et de la santé, le département de la solidarité et de l'emploi et le département de l'instruction publique - se sont d'ores et déjà mis au travail, notamment pour dégager et à mettre sur pied une obligation de former pour les employeurs qui consomment en grand nombre ces formations indispensables au bon équilibre et à la qualité des soins.
Donc, merci de voter ce renvoi ! Nous avons déjà mis la main à l'ouvrage et nous nous réjouissons de présenter un premier projet de loi.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1577 sur le bureau du Grand Conseil) sont adoptées par 53 oui contre 30 non.
Mise aux voix, la motion 1735 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui (unanimité des votants).
La présidente. Nous avons terminé le chapitre du département de l'instruction publique et pouvons passer, avec le point 30 de l'ordre du jour, au département des institutions.